Voici comment Eugen Varga expose sa thèse sur le chômage organique, en 1928.

« Le chômage en masse chronique au cours de la période d’après-guerre est un fait bien connu.

Nous étions disposés à ne le considérer que comme la conséquence des troubles profonds apportés dans l’équilibre de l’économie mondiale (industrialisation des pays d’outre-mer, appauvrissement de l’Europe, crise agraire).

Certes, tous ces facteurs constituent des causes partielles du chômage.

Mais une étude approfondie du développement du capitalisme au cours de ces dernières années montre que la cause principale du chômage en masse chronique ne réside pas dans les facteurs ci-dessus, mais est due à l’aggravation des antagonismes intérieurs du capitalisme. »

On passe ici du capitalisme en crise en raison des déséquilibres de la guerre, à un capitalisme qui prend en quelque sorte une forme nouvelle. Quels sont ces antagonismes intérieurs du capitalisme dont parle Eugen Varga ?

Celui-ci rappelle que seule la classe ouvrière produit de la plus-value. Or, il y a la chute tendancielle du taux de profit, comme il le souligne fort justement. Pour grignoter sur les dépenses, le capitaliste licencie, sans s’apercevoir qu’il scie la branche de l’arbre sur laquelle il est assis. Voici comment il résume cela, en en déduisant trois tendances.

« Pour le capitaliste isolé, qui ne comprend pas le mécanisme véritable de l’économie capitaliste, mais voit tout à travers les lunettes de la concurrence, les dépenses imposées par le paiement des salaires sont un élément du coût de production qui ne se différencie en rien des autres éléments du coût de production : combustible, matières premières, machines, etc.

C’est pourquoi, dès qu’il a la possibilité de réduire le coût de production, les ouvriers sont remplacés par des machines et jetés sur le pavé, et la plus-value est réduite.

Ainsi l’intérêt des entreprises capitalistes consistant à s’assurer, par la réduction de leur coût de production individuel au moyen de la réduction de la somme des salaires, une plus grande participation au profit total, est en contradiction avec l’intérêt de la classe capitaliste dans une mise en valeur la plus haute possible de l’ensemble du capital).

Sur cette base, se développent trois principales tendances du capitalisme:

1. La tendance à l’élévation de la composition organique du capital;

2. La tendance à la baisse du taux du profit ;

3. La tendance à la diminution du nombre des ouvriers. »

Seulement, ce faisant, Eugen Varga résume le capitalisme aux capitalistes déjà existant, disposant déjà d’un capital développé, déjà suffisamment avancés dans le processus capitaliste pour en arriver à cette étape de la chute tendancielle du taux de profit.

Or, tous les capitalistes n’en sont pas là. En effet, le capital appelle le capital et ce n’est pas seulement des capitaux déterminés qui grandissent, d’autres émergent inéluctablement aussi. D’où la thèse de Lénine comme quoi les monopoles ne suppriment pas la concurrence mais émergent à côté d’elle. Certaines branches de l’économie deviennent monopolistique, mais d’autres ne le sont pas ; c’est inévitable de par le développement inégal.

Cela, Eugen Varga l’oublie complètement. La conséquence en est que la paupérisation relative, issue de la part (en proportion) toujours plus grande d’appropriation des capitalistes des richesses, devient absolue parce qu’il y a de moins en moins d’ouvriers qui sont payés, et de plus en plus de chômeurs.

Inversement, la paupérisation absolue, c’est-à-dire l’effondrement du niveau de vie, devient relative, car elle dépend désormais des soubresauts du capitalisme en déclin.


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