Les représentants du Parti Communiste de Yougoslavie, du Parti Ouvrier Bulgare (communiste), du Parti Communiste de Roumanie, du Parti Communiste Hongrois, du Parti Ouvrier Polonais, du Parti Communiste (bolchévik) de l’U.R.S.S., du Parti Communiste Français, du Parti Communiste de Tchécoslovaquie et du Parti Communiste d’Italie, après avoir échangé leurs vues sur les problèmes de la situation internationale, se sont mis d’accord sur la déclaration suivante :
Dans la situation internationale résultant de la Deuxième Guerre mondiale et de la période d’après-guerre, des changements essentiels sont intervenus.
Ces changements sont caractérisés par une nouvelle disposition des forces politiques fondamentales agissant sur l’arène internationale, par la modification des rapports entre les Etats vainqueurs dans la Seconde Guerre mondiale, par un nouveau regroupement de ces Etats.
Pendant la guerre contre l’Allemagne et le Japon, les Etats alliés marchaient ensemble et constituaient un seul camp. Cependant, il existait déjà dans le camp des alliés une différence dans la détermination des buts de la guerre, ainsi que dans la détermination des tâches relatives à l’organisation du monde après la guerre.
Pour l’Union Soviétique et pour les autres pays démocratiques, les buts fondamentaux de la guerre comportaient le rétablissement, l’affermissement des régimes démocratiques en Europe, la liquidation du fascisme, les mesures propres à prévenir la possibilité d’une nouvelle guerre d’agression de la part de l’Allemagne, l’établissement d’une coopération dans tous les domaines et pour une longue période entre les peuples d’Europe.
Les Etats-Unis d’Amérique et en accord avec eux l’Angleterre se fixaient d’autres buts de guerre, notamment l’éviction de leur concurrents sur les marchés (l’Allemagne, le Japon) et l’instauration de leur propre hégémonie. Ce désaccord dans la détermination des buts de la guerre et des tâches relatives à l’organisation du monde après la guerre n’a cessé de s’approfondir depuis la fin des hostilités.
Deux lignes politiques opposées se sont manifestées : à l’un des pôles, la politique de l’U.R.S.S. et des autres pays démocratiques, qui vise à saper l’impérialisme et à renforcer la démocratie ; au pôle opposé, la politique des États-Unis et de l’Angleterre, qui vise à renforcer l’impérialisme et à étrangler la démocratie.
Et parce que l’U.R.S.S. et les démocraties nouvelles sont devenues un obstacle à la réalisation des plans impérialistes de lutte pour la domination mondiale et pour l’écrasement des mouvements démocratiques, une croisade est organisée contre elles. Cette croisade s’accompagne de menaces d’une nouvelle guerre de la part des hommes politiques impérialistes les plus acharnés des Etats-Unis et de l’Angleterre.
Ainsi deux camps se sont formés dans le monde : d’une part, le camp impérialiste et antidémocratique, qui a pour but essentiel l’établissement de la domination mondiale de l’impérialisme américain et l’écrasement de la démocratie et, d’autre part, le camp anti-impérialiste et démocratique, dont le but essentiel consiste à saper l’impérialisme, à renforcer la démocratie, à liquider les restes du fascisme.
La lutte entre ces deux camps, entre le camp impérialiste et le camp anti-impérialiste, se déroule dans les conditions de l’accentuation continue de la crise générale du capitalisme, de l’affaiblissement des forces du capitalisme et de l’affermissement des forces du socialisme et de la démocratie.
C’est pour cela que le camp impérialiste et sa force dirigeante, les Etats-Unis, déploient une activité particulièrement agressive. Cette activité se développe à la fois sur tous les plans : sur le plan militaire et stratégique, sur le plan de l’expansion économique et sur le plan de la lutte idéologique. Le plan Truman-Marshall constitue seulement la partie européenne de la politique d’expansion que les Etats-Unis réalisent dans toutes les parties du monde.
Au plan d’asservissement économique et politique de l’Europe par l’impérialisme américain s’ajoutent des plans d’asservissement économique et politique de la Chine, de l’Indonésie, des pays de l’Amérique du Sud. Les Etats-Unis préparent les agresseurs d’hier — les magnats capitalistes de l’Allemagne et du Japon — à jouer un nouveau rôle, le rôle d’instrument de la politique impérialiste des Etats-Unis en Europe et en Asie.
Le camp impérialiste a recours aux moyens tactiques les plus variés où se conjuguent la menace de l’emploi direct de la force, le chantage et les violences, toutes sortes de mesures de pression politique et économique, la corruption, l’utilisation des contradictions intérieures et des querelles pour renforcer les positions impérialistes. Tout cela est dissimulé sous le masque du libéralisme et du pacifisme en vue de tromper et de prendre au piège les gens sans expérience politique.
Parmi les moyens tactiques des impérialistes, une place particulière revient à l’utilisation de la politique de trahison des socialistes de droite du type Blum en France, Attlee et Bevin en Angleterre, Schumacher en Allemagne, Renner et Sherf en Autriche, Saragat en Italie, etc. Ils s’efforcent de dissimuler le caractère de brigandage de la politique impérialiste sous le masque de la démocratie et d’une phraséologie socialiste alors qu’ils ne sont en fait que les auxiliaires fidèles des impérialistes en suscitant la désagrégation dans les rangs de la classe ouvrière et en empoisonnant la conscience de cette dernière. Ce n’est pas par hasard que la politique extérieure de l’impérialisme anglais a trouvé en la personne de Bevin, son serviteur le plus conséquent et le plus zélé.
Dans ces conditions, le camp anti-impérialiste et démocratique se trouve devant la nécessité de s’unir, de se mettre librement d’accord sur un plan d’action commune, d’élaborer sa tactique contre les forces principales du camp impérialiste, contre l’impérialisme américain, contre ses alliés anglais et français, contre les socialistes de droite, avant tout en Angleterre et en France.
Les efforts de l’ensemble des forces démocratiques anti-impérialistes de l’Europe sont nécessaires pour mettre en échec le plan d’agression impérialiste. Les socialistes de droite se comportent en traîtres.
A l’exception de ceux des pays de démocratie nouvelle, où le bloc des communistes et des socialistes avec les autres partis progressifs et démocratiques constitue la base de la résistance de ces pays aux plans impérialistes, les socialistes dans la plupart des autres pays et, avant tout, les socialistes français, et les labouristes anglais — Ramadier, Blum, Attlee et Bevin — facilitent par leur complaisance la tâche du capital américain, l’incitent aux actes de violence et conduisent leurs propres pays à l’état de vassaux dépendant des Etats-Unis. Dans ces conditions, les partis communistes ont pour devoir essentiel de prendre en main le drapeau de la défense de l’indépendance nationale et de la souveraineté de leur propre pays.
Si les partis communistes restent fermes sur leurs positions, s’ils ne se laissent pas influencer par l’intimidation et le chantage, s’ils se comportent résolument en sentinelles de la démocratie, de la souveraineté, de la liberté et de l’indépendance de leurs pays, s’ils savent dans leur lutte contre les tentatives d’asservissement économique et politique se mettre à la tête de toutes les forces disposées à défendre la cause de l’honneur national et de l’indépendance nationale, aucun des plans d’asservissement de l’Europe et de l’Asie ne pourra être réalisé.
Telle est, à l’heure actuelle, une des tâches principales des partis communistes.
Il importe de considérer qu’il y a très loin entre le désir des impérialistes de déclencher une nouvelle guerre et la possibilité d’organiser une telle guerre. Les peuples du monde entier ne veulent pas la guerre. Les forces attachées à la paix sont si grandes et si puissantes qu’il suffirait qu’elles fassent preuve de ténacité et de fermeté dans la lutte pour la défense de la paix pour que les plans des agresseurs subissent un fiasco total. Il ne faut pas oublier que le bruit fait par les agents impérialistes autour des dangers de guerre tend à intimider les gens sans fermeté ou ceux à nerfs faibles, afin de pouvoir, au moyen du chantage, obtenir des concessions en faveur de l’agresseur.
Le danger principal pour la classe ouvrière consiste actuellement dans la sous-estimation de ses propres forces et dans la surestimation des forces du camp impérialiste. De même que, dans le passé, la politique munichoise a encouragé l’agression hitlérienne, de même aujourd’hui, les concessions à la nouvelle politique des Etats-Unis, au camp impérialiste, peuvent inciter ses inspirateurs à devenir plus insolents et plus agressifs.
C’est pourquoi les partis communistes doivent se mettre à la tête de la résistance dans tous les domaines — gouvernemental, politique, économique et idéologique — aux plans impérialistes d’expansion et d’agression. Ils doivent serrer leurs rangs, unir leurs efforts sur la base d’une plate-forme anti-impérialiste et démocratique commune et rallier autour d’eux, toutes les forces démocratiques et patriotiques du peuple.