Karl Marx, pour commencer, constate la chose suivante dans la seconde partie du chapitre XV. Les capitalistes peuvent soit mettre de côté des ouvriers, soit renforcer leur exploitation. Dans le premier cas, le taux de profit baisse, dans le second il augmente.

Or, même en augmentant le taux d’exploitation des ouvriers restants, on ne rattrapera pas le niveau d’exploitation acquis lorsqu’il y avait plus d’ouvriers. La baisse tendancielle du taux de profit semble inéluctable.

Seulement voilà, et ici Karl Marx montre qu’il avait tout à fait prévu l’avenir, contrairement à ce qui est dit : selon lui, plus les forces productives augmentent, plus il y a des marchandises qu’on peut acheter.

Préfigurant la « société de consommation », Karl Marx explique la chose suivante :

« Le développement de la force productive du travail contribue indirectement à augmenter la valeur-capital existante en multipliant la masse et la diversité des valeurs d’usage qui représentent la même valeur d’échange et constituent le substrat matériel du capital, ses éléments concrets, les objets matériels qui composent directement le capital constant et, au moins indirectement, le capital variable.

Avec le même capital et le même travail, on crée davantage d’objets susceptibles d’être convertis en capital, abstraction faite de leur valeur d’échange ; objets qui peuvent servir à absorber du travail additionnel, donc du surtravail additionnel aussi, et donc peuvent servir à créer du capital additionnel. »

Cela correspond à ce qui a été formulé : un accroissement du nombre de marchandises est un saut quantitatif, mais ne modifie pas le problème sur le plan qualitatif.

Ce n’est pas tout. Avec le développement des forces productives, le même capital devient plus productif qu’auparavant. Il a gagné en puissance qualitative. Et le capital est plus nombreux à chaque cycle, il y a donc plus de capital, ce qui fait que le même capital a perdu de la puissance quantitative.

À chaque cycle, le capital est plus grand, le même capital plus puissant par rapport à ce qu’il était, mais sa part dans l’ensemble du capital s’est vu réduite, puisqu’il y a davantage de capital. On a là un faisceau de contradictions et Karl Marx embraie alors là-dessus, en avertissant de la complexité dialectique à laquelle on va faire face.

Il prévient ainsi :

« Mais il ne faut pas se contenter, à la manière de Ricardo, d’étudier ces deux phases [baisse qualitative du taux de profit, augmentation du profit par le renforcement quantitatif de la production], incluses dans le procès d’accumulation, dans leur coexistence paisible : elles renferment une contradiction qui se manifeste en tendances et en phénomènes contradictoires. Les facteurs antagoniques agissent simultanément les uns contre les autres (…).

Périodiquement, le conflit des facteurs antagoniques se fait jour dans des crises. Les crises ne sont jamais que des solutions violentes et momentanées des contradictions existantes, de violentes éruptions qui rétablissent pour un instant l’équilibre rompu. »

Nous voilà donc au cœur de la question de crises, que Karl Marx définit ici comme interne au processus d’accumulation, d’une part, et ensuite comme également momentanées. Cependant, on voit également que ces éruptions ne font que momentanément rétablir l’équilibre : il faut bien voir que pour Karl Marx la crise n’est pas un déséquilibre, mais un équilibre !

Le capitalisme ne se développe qu’à travers un déséquilibre. Sa croissance n’est pas une symétrie entre ses composantes, mais une dissymétrie.

C’est pourquoi la planification en URSS, développée sous Staline, lui oppose le plan comme développement harmonieux des forces productives.

Cependant, en quoi consiste alors la notion de crise chez Karl Marx ? Quel est son sens, puisque la crise est ici équilibre, et non pas déséquilibre ? C’est qu’en fait, le capitalisme est lui-même une crise dans son existence elle-même.


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