Moscou, 25 juin 1924 (soir)
13ème séance
Stewart ouvre la séance et donne la parole à :
Piccini (Italie) : En ce moment, se déroulent en Italie des événements dont la portée ne peut pas encore être apprécié. Un changement complet de la situation en Italie n’est pas impossible. Si notre parti réussit à se mettre à la tête du mouvement, il est possible que s’engage une lutte décisive contre le fascisme. La bourgeoisie sait que des ferments révolutionnaires germent dans les masses : elle sait que si cette situation se prolonge, la vague révolutionnaire pourra renverser non seulement la dictature fasciste, mais aussi tout le régime bourgeois. C’est pourquoi une grande partie de la bourgeoisie cherche à pousser le fascisme dans la voie de la démocratie. Il n’est pas impossible non plus que le fascisme, pour consolider sa position, recoure à une troisième voie : une nouvelle marche sur Rome.
Le prolétariat italien a de nouveau conscience d’être un facteur décisif dans la vie politique du pays. La lutte de classes s’étend de nouveau. C’est un fait certain que le prolétariat, à la première occasion, reprendra la lutte et la continuera jusqu’au combat décisif, jusqu’à la victoire.
Piccini lit l’appel suivant :
Appel aux travailleurs italiens contre les crimes fascistes
Ouvriers et paysans d’Italie.
Le fascisme a ajouté un nouveau crime à la longue liste d’assassinats, de pillages et de crimes qui forment le bilan de sa lutte acharnée contre le prolétariat italien. Après avoir massacré des centaines d’ouvriers et de paysans révolutionnaires, après avoir emprisonné et martyrisé des milliers de travailleurs communistes et socialistes, il vient d’assassiner le député Matteotti, secrétaire du parti réformiste. La soi-disant bourgeoise libérale, qui a favorisé l’action anti-prolétarienne du fascisme, exprime maintenant une indignation hypocrite. C’est en vain qu’elle espère éviter la responsabilité de sa complicité avec le fascisme. Les chers réformistes, qui prêchaient la résignation lorsque le fascisme s’acharnait après les travailleurs d’autres partis, même maintenant que le secrétaire de leur parti a été assassiné, tentent, de désarmer l’indignation des masses ouvrières, de maintenir les illusions pacifistes et l’utopique espérance d’une restauration démocratique et parlementaire. Ils cherchent, par cette politique, à soutenir les bases de la dictature fasciste.
Le cinquième Congrès de l’Internationale Communiste s’incline devant cette nouvelle victime et particulièrement devant les modestes héros qui se sont sacrifiés dans la lutte contre la dictature fasciste. Il estime que son devoir est de montrer aux travailleurs et aux militants d’Italie et des autres pays les leçons politiques qui se dégagent de ces événements.
Tandis que les masses prolétariennes, sans distinction de parti, manifestent leur ferme volonté d’entreprendre la lutte pour le renversement du fascisme, le parti et les syndicats réformistes, soutenus par l’attitude louche des chefs maximalistes, n’osent pas unir les protestations des masses prolétariennes en une seule grande action, rassembler les masses ouvrières pour les mettre en mouvement et les lancer contre le fascisme. Ces chefs contre-révolutionnaires, par leur tactique défaitiste, montrent leur manque de confiance en la volonté de combattre des prolétaires italiens, ils prouvent ainsi leur complicité politique avec les gardes-blancs criminels.
Camarades !
Le fascisme ne peut être combattu que par l’union des ouvriers et des paysans décidés à organiser leur défense et à répondre par l’action révolutionnaire à la violence fasciste. Mais les chefs réformistes, aveuglés par leurs préjugés pacifistes et démocratiques, ont toujours évité le combat et recherché des compromis avec le fascisme. Collaborant avec les chefs maximalistes toujours hésitants, les chefs réformistes ont conclu avec les fascistes un pacte leur permettant de porter tous leurs coups contre les ouvriers et les paysans révolutionnaires. Mais le prolétariat a rompu ce pacte en un instant, car il était nécessaire de s’unir pour lutter contre la terreur qu’il subissait.
Ouvriers et paysans d’Italie le crime des assassins de Matteotti sera présenté aux yeux des masses par les partis constitutionnels et par les socialistes comme une simple question de justice criminelle. Vous devez vous y opposer et poser la question du régime même. L’unité d’action, le renforcement de vos organisations de masse et de vos syndicats, le rétablissement des conseils d’usines et du front unique de toutes les forces révolutionnaires : telle est l’unique voie qui peut vous faire triompher de vos oppresseurs.
Ouvriers et paysans Italiens ! les mots d’ordre que la situation actuelle impose sont ceux mêmes que le parti communiste a défendus depuis longtemps et qui doivent, guider vos efforts pour la lutte décisive contre la dictature fasciste :
1) désarmement des bandes fascistes et dissolution de la milice nationale.
2) renversement du Gouvernement d’assassins.
3) lutte des ouvriers et des paysans contre la terreur.
4) formation de centuries prolétariennes armées.
5) création de conseils d’usines.
6) libération des travailleurs emprisonnés.
7) liberté d’organisation, de réunion et de presse pour la classe ouvrière.
Unissez votre volonté et vos efforts pour ces mots d’ordre qui expriment les besoins immédiats de votre défense.
Travailleurs de tous les partis !
Travailleurs unitaires et maximalistes, le meurtre d’un chef qui croyait aux méthodes de lutte démocratiques contre le fascisme doit vous tirer de l’erreur et vous montrer le danger de la tactique réformiste qui annihilait vos efforts sans vous épargner les coups. Cette tactique, vous la rejetterez définitivement pour vous unir aux travailleurs communistes, pour unir vos forces et les leurs en un seul front, pour combattre implacablement vos oppresseurs sous la bannière de l’Internationale Communiste, sous la bannière de l’internationale prolétarienne révolutionnaire, héritière de la tactique éprouvée de Lénine qui, dans la Russie tsariste, a conduit les ouvriers et les paysans à la victoire et fera triompher le prolétariat du monde entier.
Vive le front unique des travailleurs et des paysans d’Italie !
Vive la lutte de classes révolutionnaire contre le fascisme !
Vive l’Internationale Communiste !