Les échecs en Europe centrale impliquèrent une accentuation des initiatives de l’Internationale Communiste vers des pays comme l’Angleterre, la France, l’Italie, ainsi que les États-Unis. On a ainsi la dénonciation, comme le 13 mai 1919, du traité de Versailles, avec un appel aux prolétaires de France, d’Angleterre, d’Amérique et d’Italie, puisque la situation des ouvriers allemands et autrichiens dépendaient désormais de l’application des accords impitoyables du traité par les pays victorieux.
Cependant, au-delà de cette orientation générale, il y avait deux axes très concrets. Le Comité Exécutif de l’Internationale Communiste avait comme objectif de récupérer les meilleurs activistes d’un côté, même s’ils étaient trop gauchistes, et d’accueillir les structures révolutionnaires de masse, même si elles étaient trop droitières.
En janvier 1920, le Comité Exécutif de l’Internationale Communiste écrivit en ce sens aux IWW (Industrial Workers of the World), une structure syndicaliste révolutionnaire alors importante aux États-Unis. C’était la tentative d’expliquer les principes communistes et l’importance de l’intervention politique que refusaient justement les syndicalistes.
Cet espoir dans les courants syndicalistes-révolutionnaire, voire anarchistes, était alors très fort ; dans la même idée, le KAPD, une importante scission anti-syndicats du KPD, reçut également une lettre ouverte le 2 juin 1920, où il fut proposé d’envoyer des délégués pour le prochain congrès de l’Internationale Communiste, mais à condition d’en accepter les règles.
Il y eut également une circulaire sur la question parlementaire et celle des soviets qui fut diffusée, afin de souligner qu’affirmer le pouvoir des soviets n’excluait pas d’utiliser tactiquement le parlement.
Ce document du 1er septembre 1919 note de manière par ailleurs positive l’existence d’un groupe dénommé « Parti Communiste » en France. C’est notable, car cette petite structure rassemblant syndicalistes-révolutionnaires et anarchistes et fondé par Raymond Péricat était en décalage total par rapport aux bolcheviks.
Son organe de presse, Le communiste, se définissait d’ailleurs étant l’Organe Officiel du Parti Communiste et des soviets adhérant à la Section Française de la IIIe Internationale de Moscou, des Conseils Ouvriers, de Paysans et de Soldats, sombrant dès décembre 1919 en une « Fédération communiste des soviets » disparaissant rapidement.
Pareillement, le Comité Exécutif de l’Internationale Communiste publia un communiqué pour les cinq ans de l’assassinat de Jean Jaurès, le 31 juillet 1919. Normalement, quand il est parlé de ce dernier, sa dimension social-patriote est toujours dénoncée comme l’autre aspect de son pacifisme. Ce n’est pas le cas ici, seulement l’activité anti-guerre de Jean Jaurès étant soulignée, avec son positionnement contre l’alliance entre les réactionnaires français et russes. C’est que le communiqué a une forme bien particulière, celle d’une lettre destinée à Fernand Loriot.
Ce dernier, qui s’avérera lui aussi un syndicaliste plus que toute autre chose, était le chef de file des partisans de la IIIe Internationale chez les socialistes français, qui étaient quant à eux encore totalement à l’écart d’une avancée vers la révolution russe et Lénine.
Mais cela n’excluait donc nullement la tentative par le Comité Exécutif de l’Internationale Communiste de se tourner également vers les larges masses oscillant plutôt à droite, mais passant à gauche.
Le 22 septembre 1919, le Comité Exécutif de l’Internationale Communiste écrivit une lettre au congrès de Bologne du Parti Socialiste italien, qui fut effectivement un grand succès pour elle. Le Comité Central du PSI avait, le 19 mars 1919, choisit de rejoindre l’Internationale Communiste, ce qui fut confirmé par le congrès de Bologne. Le PSI obtint même 156 députés sur 508 en novembre, mais le souci était qu’il n’avait pas expulsé la minorité hostile à l’Internationale Communiste, qui avait Filippo Turati à sa tête.
Le 17 janvier 1920, une lettre dans le même esprit fut envoyée au congrès de Strasbourg du Parti Socialiste SFIO. Ce congrès fut également un succès, puisque 4300 délégués contre 300 décidèrent d’abandonner la seconde Internationale, bien que 3000 contre 1600 refusèrent, pour l’instant, l’adhésion à l’Internationale Communiste.
Il y eut également un travail de fond en direction des socialistes de gauche organisées dans l’USPD, ce que le KPD bien plus petit n’appréciait guère, considérant que ce parti était trop ancré dans le réformisme. Cependant, en décembre 1919, à son congrès de Lepizig, 227 délégués de l’USPD sur 54 votèrent pour quitter la seconde Internationale et 169 contre 114 pour rejoindre l’Internationale Communiste.
Aussi, une lettre fut envoyée à la fois à l’USPD et au KPD, le 5 février 1920, insistant sur la nécessité pour l’USPD d’aller au bout de son raisonnement. Le 27 mai 1920, une seconde lettre dénonça que la première n’ait pas été rendue publique à la base de l’USPD ; une troisième fut envoyée le 21 juin 1920, rappelant que le prochain congrès de l’Internationale Communiste allait se tenir et qu’il n’était pas possible de ne pas être présent.
Un autre fait marquant fut qu’en décembre 1919, les socialistes espagnols votèrent à 14 000 voix pour la seconde Internationale, mais à 12 500 voix pour l’Internationale Communiste. La tendance à l’affirmation de l’Internationale Communiste l’emportait, mais c’était une tendance de fond encore seulement.
L’espoir d’une affirmation extrêmement rapide, telle qu’elle s’était exprimée au premier congrès de l’Internationale Communiste, ne se concrétisait pas tel quel. Le second congrès devra en fait faire face au défi de l’intégration et de la formation d’une nouvelle génération.