Le Mouvement Populaire Pérou (MPP) est un organisme généré par le Parti Communiste du Pérou (PCP) pour le travail à l’étranger, en fait surtout dans les pays impérialistes. Il a joué un rôle essentiel dans la diffusion du marxisme-léninisme-maoïsme.

Le MPP : des activistes concrets avec des objectifs concrets

En fait, c’est même par les gens du MPP qu’ont été connus tant le PCP que le marxisme-léninisme-maoïsme. Il faut insister dessus : il y a une dimension concrète, parce qu’il y a des gens en chair et en os qui transportaient une vision du monde, un état d’esprit, une culture.

Il y avait un MPP central et plusieurs MPP organisés en comités de base, notamment aux États-Unis, en France, en Suisse, en Suède ; on peut relativement ajouter la Grande-Bretagne et l’Espagne. C’est la présence d’une communauté émigrée péruvienne qui était décisive dans l’existence de ces MPP locaux.

C’est très important, parce qu’il y a des gens qui n’ont connu le PCP et le marxisme-léninisme-maoïsme qu’intellectuellement, sans passer par le MPP. Cela change tout, car la chaîne de la transmission concrète est rompue.

Il y a, par exemple, depuis le milieu des années 2010, une véritable mouvance dans les pays impérialistes de gens se définissant comme LGBT ou plus exactement comme transsexuels, se prétendant comme marxistes-léninistes-maoïstes pensée Gonzalo et publiant inlassablement des remarques sur les réseaux sociaux, principalement Twitter.

Il va de soi que c’est absolument n’importe quoi, en général (et d’autant plus quand on sait que pour le PCP, l’homosexualité était acceptée sur le plan personnel mais considérée comme devant disparaître dans le socialisme en raison de sa nature décadente, anti-dialectique).

Les MPP étaient extrêmement bien organisés, fonctionnant comme des structures obéissant à des normes très précises. Leur but était de faire en sorte que la guerre populaire au Pérou soit le plus soutenu possible. Le premier objectif était ainsi de faire connaître le PCP auprès des Péruviens à l’étranger, le second de discuter avec les révolutionnaires d’autres pays pour les amener à réaliser un soutien.

La France a été un exemple de grande réussite, car le MPP a exercé une influence notable sur la communauté péruvienne parisienne, étant en mesure de réaliser plusieurs grandes initiatives, tels des concerts. L’impact de la guerre populaire au Pérou était tel qu’il y avait un réel engouement chez les Péruviens à l’étranger. Le pic se situe en 1992-1993.

Le tournant pour le MPP et les scissions

L’arrestation de Gonzalo en 1992 et le reflux de la guerre populaire qui s’en est suivi a largement modifié la donne pour les MPP. Auparavant, la dimension de masse primait. Désormais, ce sont les questions idéologiques qui passaient au premier plan.

Or, le MPP devait servir de caisse de résonance seulement. Avec l’arrestation de Gonzalo et les questions politiques qui en découlaient, le MPP s’est retrouvé impliqué malgré lui dans des débats très âpres.

Il n’était nullement prêt pour cela et cela le poussa à se replier en partie sur un style très formel. Par exemple, le MPP n’imprimait ses documents qu’avec de l’encre rouge. Cela pouvait passer pour un simple communiqué, mais certainement pas pour la reproduction de 150 pages de documents de la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne en Chine. C’est un exemple de formalisme.

Dans le même ordre d’idée, lors d’une grande conférence à Paris au Forum des images pour le centenaire de Mao Zedong, avec de nombreux intervenants dont un ancien représentant de la Gauche Prolétarienne, le MPP réalisa une intervention. A la fin de la conférence, plusieurs personnes se levèrent et entonnèrent des slogans pro-maoïstes. Cela pouvait avoir du sens, mais pas du tout en France où l’approche rationnelle prime pour toute forme. La présence de l’ancien militant maoïste marocain Abraham Serfaty dans le groupe, malgré le prestige accordé par cela, n’y changea rien.

La conséquence fut la scission au sein du MPP, des groupes locaux prenant leur autonomie et se prétendant comme le canal historique du MPP, à l’opposé du canal habituel consistant en la direction centrale.

Ce n’était pas le seul problème. Lorsque en 1993, Alberto Fujimori prétendit que Gonzalo appelait à la paix, à la cessation de la guerre populaire, cela provoqua une scission du MPP dans le sens de la mise en place d’un soutien à la capitulation, aux renégats au Pérou.

Il y avait ainsi trois camps : le MPP central, les MPP ayant pris leur autonomie, les structures post-MPP tenantes de la cessation de la guerre populaire et prônant des accords de paix (et gardant initialement parfois le nom de MPP).

Il va de soi que dans la première partie des années 1990, tout cela implique une très grande confusion chez ceux ayant soutenu le MPP. C’est d’autant plus vrai qu’il y eut des élections libres. En Belgique, Luis Arce Borja publiait « El Diario Internacional » en se prétendant la voix du PCP, tout comme Adolfo Olaechea en Angleterre.

MPP et MPP autonomes

Très rapidement voire immédiatement, les structures pro-accords de paix s’éloignent totalement des MPP pro-guerre populaire. Ce sont deux mondes séparés, avec parfois des heurts.

Ainsi, en France, les pro-accords de paix ont été finalement plus nombreux et une contre-propagande a été mise en place par le MPP contre eux afin de contrer leurs initiatives. Cela n’allait pas sans difficulté en raison du soutien des révisionnistes liés au PCF et très forts dans les communautés latino-américaines ; il y eut ainsi par exemple un petit affrontement entre révisionnistes d’un côté, MPP et ce qui donnera le PCF(MLM) de l’autre.

Cependant, la réelle question était celle de l’orientation générale et c’est cela qui était au cœur des débats internes aux MPP pro-guerre-populaire.

Au-delà de toute considération, la scission au sein du MPP entre un canal historique et un canal habituel reposait surtout sur une approche différente. Pour la direction du MPP, en tant qu’organisme généré, il fallait attendre les consignes du Parti. Mais celles-ci ne venaient pas, et ne vinrent d’ailleurs jamais ; il fallait donc tout continuer comme avant. Cela se voit dans les publications de son organe, Red Sun / Sol Rojo. C’est inlassablement le même discours et rien de nouveau n’est jamais apporté. C’est vrai de 1993 à 2021 ; cela a le mérite de la continuité idéologique, mais c’est également un réel asséchement.

C’est tellement vrai que même pour le Népal cela a joué. Au milieu des années 2000, le PCF(MLM) est le premier mouvement marxiste-léniniste-maoïste à critiquer le Parti Communiste du Népal (maoïste). Mais c’était en accord avec le MPP (central), qui avait exactement la même critique et l’avait même faite avant. Cependant, le MPP ne voulait pas la rendre public, refusant d’abandonner la position décidée à l’initial dans sa mise en place. Il rata ainsi totalement la bataille contre le révisionnisme népalais.

Il est vrai que dans les années 2000, le MPP (central) avait le mérite d’exister encore, en tant que canal habituel, alors que tous les groupes du MPP ayant pris leur autonomie avaient disparu.

Pour eux, dans les années 1990, il était hors de question d’attendre et il fallait prendre l’initiative politique. Commença alors une vaste série d’agitation et de publication, en faveur du marxisme-léninisme-maoïsme, de la guerre populaire au Pérou, mais également contre le Comité du Mouvement Révolutionnaire Internationaliste (MRI).

Le PCP avait adhéré au MRI comme fraction de gauche et avait réussi à ce que le marxisme-léninisme-maoïsme soit assumé par les organisations qui en étaient membres. C’était cependant sans profondeur et l’arrestation de Gonzalo provoqua des troubles internes. Les scissions de gauche du MPP lancèrent alors l’offensive en disant que le MRI était bloqué, que son Comité basé à Londres (tenu par les sections américaine et iranienne) était pourri, qu’on était passé à un nouveau stade et qu’il fallait passer à autre chose.

Le MPP (central) refusait la bataille ouverte, les scissions de gauche du MPP la menèrent de manière d’autant plus ouverte, notamment aux États-Unis (avec la revue « New flag ») et en Suisse, le MPP France restant en partie légitimiste même s’il était largement en accord. En l’absence toutefois d’avancée du PCP au Pérou pour la résorption de ses problèmes liés à l’arrestation de Gonzalo, tous ces MPP autonomes disparurent au bout de quelques années.

Le MPP des années 2000-2010

Le MPP faisait face à un dilemme. La guerre populaire au Pérou n’ayant plus son poids, l’impact dans les communautés péruviennes était marginal. Il restait le rapport aux organisations marxistes-léninistes-maoïstes (ou pas) à l’étranger. Seulement, fallait-il les amener à un meilleur marxisme-léninisme-maoïsme ou les façonner à l’image du MPP, voire les intégrer ?

Le MPP n’a jamais réussi à faire un choix, qui l’a amené à une position intenable. L’exemple français est très parlant. Idéologiquement, le MPP a toujours eu d’excellents rapports avec ce qui a donné le PCF(MLM). Mais, en même temps, le MPP entendait jouer la carte de l’ouverture, cherchait à réaliser des meetings publics rassemblant très peu de personnes et sans impact, mais jouant un rôle symbolique. Cela produisait une certaine schizophrénie. Le MPP pouvait même lire des messages du PCF(MLM) au meeting, sans pour autant jamais trancher publiquement, comme pour le Népal.

Le résultat en a été un aveuglement jusqu’au désastre. Dans les années 2000, le MPP a signé de très nombreux documents avec ce qui est devenu le Parti Communiste Maoïste d’Italie et le TKP(ML), Parti Communiste de Turquie (Marxiste-Léniniste). Les documents allaient dans le sens du marxisme-léninisme-maoïsme et se rapprochaient clairement du niveau du PCP, mais la base était insuffisante dès le départ, ce que le MPP n’a pas voulu voir. Au bout de quelques années, le PC maoïste d’Italie est parti en arrière de manière massive, alors que le TKP(ML) est parti dans autre chose, devenant un PC maoïste considérant la Turquie comme capitaliste et proposant une société communiste libertaire.

C’était un échec complet pour le MPP qui, à partir des années 2010, est totalement isolé à part par quelques groupes façonnés à son image, comme au Chili ou en Espagne.

La scission du MPP dans les années 2010 et une nouvelle idéologie

Au début des années 2010, il ne reste plus que deux centres mettant en avant Gonzalo. Le premier, c’est le MPP canal habituel, avec le média Red Sun/Sol Rojo. Le second, c’est le Centre MLM de Belgique et le PCF(MLM), à l’origine notamment en 2013 d’une publication sur la pensée-guide, aux côtés de maoïstes d’Afghanistan et du Bangladesh.

Ces deux camps sont alors présentés par leurs détracteurs comme les « gonzalistes ».

Un troisième camp va toutefois apparaître. Il est en effet un pays, marginal à l’initial dans son histoire par rapport au PCP, où le MPP est parvenu au cours des années 2000 à influencer des structures locales : l’Allemagne, en fait surtout Hambourg. C’était évidemment hors sol et cela déclencha l’émergence d’un nouveau style, d’une nouvelle idéologie.

Il apparut ainsi un MPP (Comité de Réorganisation) en Allemagne. Le média « Dem Volke dienen » (Servir le peuple) devint son vecteur, ouvrant les vannes de manière systématique pour recruter autour d’une nouvelle idéologie : le marxisme-léninisme-maoïsme pensée Gonzalo.

Le principe était simple : il fallait ajouter Gonzalo à Marx, Engels, Lénine, Staline et Mao Zedong. Le principe de pensée guide passait à la trappe, il fallait adopter l’idéologie du PCP en bloc.

Tout cela ne se fit évidemment pas sans heurts ni troubles ; un mouvement allemand dénommé « Jugendwiderstand » (Résistance de la jeunesse) apparut ainsi quelques années comme scission, rassemblant même une centaine de membres en manifestation, mais s’effaçant très rapidement en raison de son style patriarcal-populiste l’empêchant toute formalisation idéologique.

Néanmoins, il y eut un véritable effet de mode, comme le montrent la multiplication des comptes twitter transexuels à l’identité « marxiste-léniniste-maoïste pensée Gonzalo ». C’est évidemment aux Etats-Unis qu’on retrouve surtout de telles folies, mais également en France et au Canada.

Le MPP central, canal habituel, fut dénoncé comme tombé aux mains des agents secrets et le nouveau MPP (Comité de réorganisation) profita de toujours plus de soutiens : Comité Drapeau Rouge – Allemagne, Collectif Drapeau Rouge –Finlande, Parti Communiste maoïste (de France), Servir le peuple – Ligue des Communistes –Norvège, Comité pour la Fondation du Parti Communiste (maoïste) d’Autriche, Parti Communiste du Brésil (Fraction Rouge), Parti Communiste d’Équateur – Soleil Rouge.

Il va de soi que seuls les mouvements d’Amérique latine représentent ici vraiment quelque chose. Néanmoins, c’est l’expression d’une tendance historique puisant sa source dans l’échec du MPP à contribuer à générer des pensées-guides, alors qu’en même temps ce principe était diffusé. C’est là une contradiction – dont la résolution ne peut avoir de signification que dans un sens ou un autre. Soit il n’y a pas de pensée guide et c’est la « pensée Gonzalo » qui est universelle – ce qui revient à pratiquer le révisionnisme par rapport à ce qu’a expliqué Gonzalo du maoïsme. Soit il y a une pensée-guide dans chaque cadre national et la conception d’une « pensée Gonzalo » universelle est cosmopolite et anti-dirigeants.

 


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