Une question est importante pour la compréhension du maoïsme : dans quelle mesure Gonzalo a-t-il des positions conformes aux enseignements de Mao Zedong comme quoi « rien n’est indivisible » ? Doit-on considérer Gonzalo comme celui qui a porté le drapeau du maoïsme, après la contre-révolution en Chine populaire en 1976 ?
Regardons ici les différents points. Déjà, il faut voir que Gonzalo, dans le fameux entretien, considère son voyage en Chine comme le point de départ de sa compréhension de l’idéologie.
« Oui, je suis allé en Chine ; et là, j’ai eu la possibilité – que je souhaite à beaucoup – d’être dans une École où on enseignait d’abord la politique, des questions internationales jusqu’à la philosophie marxiste ; c’étaient des cours magistraux, donnés par des révolutionnaires confirmés et hautement compétents, de grands éducateurs.
Parmi eux, je veux citer l’éducateur qui nous enseigna le travail ouvert et clandestin, un homme qui avait voué toute sa vie au Parti, totalement. Pendant plusieurs années, il fut un exemple vivant, un éducateur extraordinaire.
Il nous apprit beaucoup de choses ; il voulut nous en enseigner davantage, mais certains s’y opposèrent car, dans la vie, il y a de tout.
Ensuite, on nous enseigne des questions militaires, mais on commençait toujours par la politique, par la guerre populaire ; puis, on traitait de la construction des forces armées, de la stratégie et de la tactique ; et ils nous enseignaient aussi la partie pratique, sur les embuscades, les assauts, les déplacements, la façon de préparer des explosifs de démolition.
Quand nous manipulions des éléments chimiques très dangereux, ils nous recommandaient d’avoir toujours à l’esprit l’idéologie, qu’elle nous rendrait capables de tout faire et de le faire bien ; nous avons appris à faire nos premières charges de démolition.
Pour moi, le fait d’avoir été éduqué dans la plus grande École du marxisme qu’ait porté la Terre est un exemple, un souvenir ineffaçable, une grande leçon et un grand pas dans ma formation.
Bon, si vous voulez une anecdote, en voici une : quand nous avons terminé le cours sur les explosifs, ils nous ont dit qu’on pouvait tout faire exploser ; alors, dans la partie finale, nous prenions un style et il explosait ; nous nous asseyions et cela explosait aussi ; c’était une espèce de feu d’artifice ; c’étaient des choses parfaitement calculées pour nous montrer qu’on pouvait tout faire sauter, à condition de s’ingénier à le faire.
Nous nous demandions constamment : comment allons-nous faire ceci ? cela ?
Ils nous disaient : ne vous inquiétez pas, vous avez déjà appris suffisamment, pensez que les masses sont capables de tout et qu’elles ont un savoir-faire inépuisable ; ce que nous vous avons enseigné, les masses vont le faire et elles vont, à nouveau, vous l’enseigner ; c’est ainsi qu’ils nous parlaient. Cette École a été très utile pour ma formation et pour commencer à apprécier la valeur du Président Mao Zedong.
Puis, j’ai étudié un peu plus, j’ai cherché à appliquer et je crois que j’ai encore beaucoup à apprendre du Président Mao Zedong, du maoïsme, de sa propre action. Non pas qu’on cherche à se comparer, simplement on fixe les grands sommets pour nous orienter vers nos objectifs.
Mon séjour en Chine a été une expérience inoubliable.
J’y suis allé aussi lors d’une autre occasion, quand la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne commençait, nous demandâmes qu’on nous explique la Pensée Mao Zedong, comme on l’appelait alors ; ils nous l’enseignèrent à nouveau ; cela m’aida à comprendre davantage ou, plutôt, un peu plus. »
Il y a ici trois éléments qui pourraient passer inaperçu, mais qui sont d’une importance capitale :
– « ils nous ont dit qu’on pouvait tout faire exploser » : allusion au fait que tout est divisible ;
– Gonzalo parle de « la plus grande École du marxisme qu’ait porté la Terre » ;
– il est souligné que la GRCP permet un approfondissement de la connaissance des enseignements de Mao Zedong : « quand la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne commençait… ils nous l’enseignèrent à nouveau ; cela m’aida à comprendre davantage ou, plutôt, un peu plus. »
Le « un peu plus » est d’une grande signification, car ce un peu plus est justement permis par la GRCP !
On retrouve plus loin cette question de la non-indivisibilité : « Je crois que c’est une contradiction, avoir peur et ne pas avoir peur.» C’est là très clairement une allusion comme quoi tout se divise.
Il y a une autre allusion, extrêmement subtile ; où Gonzalo commence avec l’histoire humaine et finit par le mouvement universel de la matière, en passant par une métaphore qui n’en est pas une :
« La pire crainte, en fin de compte, c’est de n’avoir pas confiance dans les masses, de se croire indispensable, le nombril du monde, je crois que c’est cela ; et si on est formé par le Parti, avec l’idéologie du prolétariat, le maoïsme principalement, alors on comprend que ce sont les masses qui font l’histoire, que c’est le Parti qui fait la révolution, que la marche de l’histoire est définie, que la révolution est la tendance principale.
Alors, la peur s’estompe et il ne reste que la satisfaction d’être une pierre parmi les autres pierres, qui servira à instaurer les bases pour qu’un jour le communisme brille et illumine toute la Terre. »
Quand Gonzalo dit : « il ne reste que la satisfaction d’être une pierre parmi les autres pierres » – en espagnol « de ser argamasa y, junto a otras argamasas, servir a poner cimiento », soit « d’être du mortier et, avec d’autres mortiers, à servir à poser la fondation », ce n’est pas du volontarisme, mais une allusion à la transformation général et inévitable de la matière.
Pareillement, Gonzalo explique subtilement que « le communisme brille et illumine toute la Terre. »
Or, qu’est-ce qui « brille et illumine » ? Le soleil, bien sûr ! Gonzalo fait ici allusion au soleil, qui apporte l’énergie et permet à la Terre de resplendir !
C’est le fameux soleil illuminant la planète terre frappée du marteau et de la faucille que l’on retrouve dans tous les blasons soviétiques, c’est le « soleil rouge » mis en avant par les communiste de Chine !
Continuons même encore plus loin dans l’interprétation de ce que dit Gonzalo. Il dit, de manière apparemment anodine, que « Souvent je n’ai pas le temps de lire ce dont j’ai envie.»
En apparence, c’est une simple remarque – or, le matérialisme dialectique suinte de cette phrase par tous les pores. Gonzalo parle de lire, quelque chose qui se déroule dans l’espace, et il lui oppose le temps !
Gonzalo, avec cette simple phrase, fait référence à la contradiction entre l’espace et le temps ; rappelons qu’il a fait son mémoire de doctorat sur la notion d’espace chez Kant, d’ailleurs Gonzalo y fait allusion un peu plus loin lorsqu’il dit: « ce goût pour les sciences, on peut le trouver dans la thèse que j’ai faite pour ma maîtrise en philosophie ; c’est une analyse du temps et de l’espace selon Kant du point de vue du marxisme, et je me suis servi des mathématiques et de la physique. »
Tout cela montre clairement que Gonzalo s’explique et explique toujours en parlant du principe, notre principe, selon lequel rien n’est indivisible.