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[La brochure Révolution et contre-révolution au XXème siècle a été rédigée par Georges Politzer en décembre 1940, en réponse au discours sur 1789 tenu, à Paris, par l’idéologue nazi Alfred Rosenberg. Elle sera publiée clandestinement en février 1941 par le Parti communiste français.]
À la fin du mois de novembre dernier, Monsieur le Reichsleiter Rosenberg, « mandataire du Führer pour la haute surveillance de l’ensemble du travail de formation et d’éducation idéologique dans le Parti national-socialiste d’Allemagne », est venu en France tout exprès pour prononcer un discours.
On avait choisi, comme cadre, la salle des séances de la Chambre des députés, et l’auditoire était composé du général commandant en chef les troupes d’occupation en France, d’officiers de tous grades et de représentants diversement titrés du régime hitlérien.
On ne dit pas si les laquais Déat, Doriot, ainsi que M. de Brinon ont été admis à la solennité en se tenant debout, à la manière des laquais, derrière les fauteuils du général von Stülpnagel et de son Excellence Otto Abetz.
Le discours de M. Rosenberg a été publié par la « Deutsche Zeitung in Frankreich », sous le titre : « Règlement de comptes avec les idées de 1789 ». Un résumé officiel et atténué sur plusieurs points a été publié par la presse traduite, sous le titre : « Sang et Or, ou l’Or vaincu par le Sang » .
La Révolution française est l’honneur historique du peuple de France. Le culte du passé glorieux qu’elle représente acquiert un contenu et un sens nouveau à l’heure où le capitalisme français livre la nation à l’oppression d’un impérialisme étranger.
Le discours de M. Rosenberg appelait donc une réponse.
Les marxistes français, c’est-à-dire les communistes la lui apportent.
Ce fait est à la fois naturel et significatif.
La lutte active contre toute cette colonisation spirituelle, dont le voyage de M. Rosenberg est le symbole, est inséparable de la lutte pour la liberté et l’indépendance de la France. Le Parti communiste français a la fierté d’être à l’avant-garde de cette lutte.
Le fait que ce sont les communistes français, et eux seuls, qui répondent à M. Rosenberg, montre, en même temps, combien il est vrai que la défaite a marqué aussi l’effondrement idéologique de tous les autres partis.
M. Rosenberg est venu à Paris pour un « règlement de comptes » avec les idées de 1789.
« Règlement de comptes » veut dire également « dernière explication ».
La « dernière » explication de M. Rosenberg avec 1789 doit se transformer en une première explication avec le nazisme.
M. Rosenberg annonce, au début de son discours, que les « nationaux-socialistes » étudient en France « les idées qui ont provoqué la chute de l’ancien régime du XVIIIe siècle ».
Les études de ce genre sont des études historiques.
Il est donc utile de savoir comment M. Rosenberg conçoit les études de ce genre.
Dans une conférence prononcée en 1934, il a donné à ce sujet des précisions qu’il a omis de reproduire dans son discours de Paris.
Dans cette conférence, intitulée : « la liberté de la science », M. Rosenberg a fait la déclaration suivante :
« Il y a une conception catholique et une conception protestante de l’histoire… à côté des conceptions religieuses de l’histoire apparaissent les conceptions nationalement teintées… Nous croyons qu’il est temps d’annoncer une façon allemande de considérer l’histoire (M. Rosenberg, « Blut und Ehre », tome 2 ; page 210).
M. Rosenberg constate donc qu’il y a une déformation ecclésiastique et une déformation chauvine de l’histoire. Il en tire la conclusion qu’il est temps d’ajouter aux déformations déjà existantes une déformation nouvelle, la déformation « allemande », c’est-à-dire, selon lui, national-socialiste. Déformer ainsi les faits, c’est ce que M. Rosenberg appelle « la liberté national-socialiste de la science ».
Déformer l’histoire, c’est refaire l’histoire du passé selon les besoins du présent ; c’est subordonner l’histoire aux exigences d’une propagande. C’est ce que veut faire M. Rosenberg. Mais il est utile de savoir comment cette propagande est conçue.
Dans « Mein Kampf », M. Hitler établit la comparaison entre la propagande politique et la réclame.
« Que dirait-on, écrit-il, d’une affiche destinée à vanter un nouveau savon et qui dirait qu’il y a aussi d’autres bons savons ? On secouerait la tête. Il en est exactement de même en ce qui concerne la réclame politique » (Mein Kampf, édition allemande de 1935, page 200).
M. Hitler montre lui-même qu’il conçoit la propagande politique comme une réclame politique, conduite selon les principes de la publicité commerciale. Il soutient que la propagande vraie est, comme la publicité vraie, celle qui réussit, et que la propagande « n’a pas à chercher la vérité objective dans la mesure où elle est favorable à d’autres…pour l’exposer ensuite avec sincérité doctrinale aux masses » (Mein Kampf, même page) Nous savons donc que pour M. Rosenberg l’histoire est subordonnée à la propagande ; qu’il s’agit d’une propagande qui se conçoit elle-même comme une réclame, imitant la publicité commerciale ; qu’elle n’a pas pour but de rechercher la vérité objective devant les masses.
Quel est donc son but ?
Obtenir un effet politique.
Les faits, leur interprétation, tout est subordonné à ce but.
Autrement dit : on affirme sans scrupules n’importe quoi. L’histoire devient ainsi une fable ou, selon l’expression de M. Rosenberg, un mythe. M. Rosenberg est, comme on le sait, l’auteur d’un ouvrage intitulé : « le Mythe du vingtième siècle ».
Ainsi, par exemple M. Rosenberg propose aux Allemands du XXe siècle comme modèle les anciens Germains. Il trace ensuite de ces derniers des « portraits historiques ». Il se trouve alors que les anciens Germains possédaient précisément les traits de caractère que le régime hitlérien veut inculquer à la jeunesse. La chose n’est pas difficile : pour que le national-socialiste puisse être modelé sur l’ancien Germain, M. Rosenberg commence par modeler l’ancien Germain sur le national-socialiste. C’est encore le même procédé qui lui permet de présenter M. Hitler dont l’existence, en tant que personnalité politique, suppose le développement ultime du capitalisme, comme la réincarnation du « Herzog » germanique. Il suffit pour cela de placer chez les anciens Germains du début de la féodalité les rapports sociaux qui caractérisent la fin du capitalisme.
Dès lors, quand M. Rosenberg nous annonce qu’il va étudier « les idées qui ont provoqué en France la chute de l’ancien régime du dix-huitième siècle », nous sommes fixés. Il s’agit de substituer à l’histoire réelle de la Révolution une fable destinée à la propagande, à celle-là même qui vise à asservir la France intellectuellement pour pouvoir mieux l’asservir économiquement et politiquement. Et comme M. Rosenberg a consacré une partie de son discours à l’histoire de la guerre, nous savons également qu’il s’agit de substituer à l’histoire réelle de la guerre une fable destinée à la propagande, à celle-là même qui doit transformer la France vaincue en une France soumise.
On peut citer ici quelques exemples de l’application que M. Rosenberg fait dans son discours de la liberté national-socialiste de l’histoire.
M. Rosenberg décrit avec minutie l’installation et la décoration des Loges maçonniques. Mais venu exprès à Paris pour régler des comptes avec les idées de 1789, il a passé sous silence l’existence même de tout le mouvement intellectuel qui, après avoir produit l’Encyclopédie, a abouti à la déclaration des Droits de l’Homme ; Rousseau, d’Alembert, Diderot, Condillac, Helvétius, d’Holbach, tout cela n’existe pas pour lui, pas plus que l’Encyclopédie. Tout cela est supprimé au nom de la « liberté national-socialiste de la science ».
À propos du 19e siècle, M. Rosenberg « mentionne » l’exploitation capitaliste. Et il ajoute que quelques penseurs isolés seulement ont élevé la voix pour protester, ce sont Carlyle et Dickens.
Mais Saint-Simon, Fourier et Owen ? Le socialisme utopique ? Et Karl Marx et Friedrich Engels ? Le socialisme scientifique ? Supprimés, au nom de la « liberté national-socialiste de la science ».
Seuls les auteurs cités par M. Rosenberg ont existé.
C’est ainsi que M. le Reichsleiter, mandaté pour la haute surveillance de l’ensemble du travail d’éducation et de formation idéologique dans le Parti national-socialiste, écrit l’histoire.
Le discours de M. Rosenberg doit être mis à la base de l’enseignement de l’histoire en France : le gouvernement de Vichy y travaille.
Quand M. Rosenberg « omet » l’Encyclopédie, cela veut dire qu’il sera interdit d’en parler aux enfants de France.
Quand M. Rosenberg « oublie » les noms de Rousseau et de Diderot, cela signifie que les enfants ne devront pas les connaître.
Quand M. Rosenberg escamote, non seulement le socialisme scientifique, mais encore le socialisme utopique, cela veut dire qu’il s’agit de prendre des mesures pratiques de toutes sortes, afin de ramener les travailleurs, par la force et par la ruse, deux cents ans en arrière.
Étant donné cette conception raciste de l’histoire, il faudrait un volume pour montrer dans tous ses détails ce que comporte le discours de M. Rosenberg dont chaque allusion historique est une déformation des faits.
Nous serons obligés de concentrer notre attention sur quelques points particulièrement remarquables.
Chacun sait que, dans toutes les guerres de rapine, il y a de l’or et du sang et que l’or est du côté des capitalistes qui l’encaissent et le sang du côté des peuples qui le versent.
M. Rosenberg parle, lui aussi, de sang et d’or, à propos de la guerre de 1914-1918 et de la guerre de 1939-1940. Mais ce n’est pas ainsi qu’il entend les choses.
« La grande lutte mondiale entre l’or et le sang, dit-il, avait déjà commencé d’une façon dramatique le 2 août 1914. Le conflit de 1939-1940 en est la continuation gigantesque, mais sur le plan d’une conscience plus élevée. »
Il en résulte que, pour M. Rosenberg, le conflit mondial entre le sang et l’or n’est pas celui qui opposerait les capitalistes qui encaissent l’or et les peuples qui versent le sang ; c’est celui qui oppose les pays capitalistes eux-mêmes. Selon lui, le sang, c’est l’Allemagne, en 1914 comme en 1939, et l’or, ce sont les adversaires de l’Allemagne, en 1914 comme en 1939.
Du reste l’Allemagne n’est pas appelée seulement « sang ». Elle est appelée également « force vitale créatrice profonde » ; « force raciale créatrice de l’Europe centrale ». Et M. Rosenberg nous apprend que la guerre de 1914-1918 et celle de 1939-1940, qui la continue, sont en fin de compte « une lutte pour la hiérarchie des valeurs ». C’est pour elle, pour la « hiérarchie des valeurs » que sont morts et que meurent les millions de victimes de la guerre.
M. Rosenberg explique qu’en 1918, c’était la victoire de l’or, mais en 1939, les « véritables forces vitales » se sont « révoltées contre cet odieux abaissement des vraies valeurs de la vie » et maintenant, enfin, le sang a remporté la victoire. La victoire de l’or sur le sang était provisoire ; la victoire du sang sur l’or sera, bien entendu, définitive.
Que signifie tout cela ?
Le premier avantage de cette façon très noblement symbolique de s’exprimer, c’est que tous les faits concrets qui représentent la cause des guerres, tous les actes effectifs qui en marquent la préparation secrète, toutes les tractations louches qui les précèdent et qui les entourent, disparaissent ; tout cela devient imperceptible, vu des hauteurs métaphysiques de la « hiérarchie des valeurs ».
Cependant, c’est un fait qu’à la veille de la guerre de 1914 l’Allemagne était un pays capitaliste, comme l’Angleterre, la France, les États-Unis, le Japon, la Russie tsariste, et, d’une manière générale, tous les pays. C’est également un fait qu’à cette époque les colonies étaient déjà partagées entre les principales puissances.
L’Allemagne, qui était arrivée plus tard que les autres rapaces mais se développait plus vite, ne pouvait satisfaire son appétit colonial qu’au détriment des possessions de la France et de l’Angleterre. Et effectivement, elle voulait les colonies françaises et anglaises.
Jamais personne n’a affirmé, pas même M. Rosenberg, que l’Allemagne capitaliste voulait des colonies pour leur rendre la liberté économique et politique. Chacun sait qu’elle les voulait pour que les capitalistes d’Allemagne puissent les exploiter à la place des capitalistes français et anglais. L’Allemagne était donc impérialiste et avait à la veille de la guerre des appétits impérialistes.
Ces appétits ne la portaient pas seulement vers les colonies ; elle voulait également annexer l’Ukraine, la Pologne et les provinces baltiques de la Russie tsariste. On se rappelle également qu’en construisant le chemin de fer de Bagdad, elle menaçait la domination de l’Angleterre dans le Proche-Orient.
Mais l’Allemagne n’était pas seule avec ses appétits d’annexion impérialiste.
L’Angleterre voulait la Mésopotamie, la Palestine, l’Égypte. Elle voulait non seulement conserver ses colonies, mais battre l’Allemagne qui était en train de l’évincer du marché mondial.
La France voulait la Sarre et l’Alsace-Lorraine annexée par l’Allemagne en 1871.
Les intérêts des puissances capitalistes se heurtent au sujet du partage des colonies et du marché mondial, au sujet des sources de matières premières, des marchés d’exportation des marchandises et des capitaux. Les intérêts se heurtent et les puissances capitalistes préparent la guerre : en 1907, c’est « l’Entente », l’alliance entre l’Angleterre, la France et la Russie qui se dresse en face du groupe impérialiste formé par l’Allemagne avec l’Autriche-Hongrie. Et en 1914 s’engage la guerre.
Guerre entre le sang et l’or ?
Non, mais une guerre entre puissances impérialistes.
L’enjeu de cette guerre, c’étaient les colonies, les marchés et, d’une manière générale le partage du monde, l’hégémonie dans le monde. C’est pourquoi c’était une guerre impérialiste ou comme dit Lénine, « une guerre de conquête, de pillage, de brigandage » (L’Impérialisme, stade suprême du capitalisme, préface aux éditions française et allemande).
La responsabilité de cette guerre incombe à toutes les puissances impérialistes qui y ont participé.
Il était question, dans cette guerre impérialiste, également d’Or.
Seulement, M. Rosenberg dit que c’est uniquement parce que l’Or a voulu soumettre le Sang, c’est-à-dire l’Allemagne.
Il dit également que 1914 était une conspiration des Bourses des démocraties mondiales contre le peuple allemand.
La vérité est qu’il était question d’Or en 1914 parce que la lutte était engagée entre les capitalistes allemands, français et anglais aussi pour la possession des mines d’Or.
La vérité est que 1914 était non une conspiration de la haute finance des démocraties mondiales contre le peuple allemand, mais une conspiration de la haute finance des démocraties anglaise et française, de l’Allemagne impériale, de la Russie tsariste etc., contre les peuples de tous ces pays, une conspiration de tous les impérialismes contre tous les peuples.
La vérité est que la guerre fut menée, comme dit Lénine, « afin de savoir lequel des groupes, allemand ou anglais, de brigands financiers doit recevoir la plus grande part du butin » (L’Impérialisme, stade suprême du capitalisme).
M. Rosenberg a oublié de parler, en mentionnant la haute finance des démocraties mondiales, de la haute finance de l’Allemagne. Mais son existence, du reste notoire, est suffisamment prouvée par le fait même de la participation de l’Allemagne à la guerre.
Quelle que soit la forme du gouvernement, c’est toujours la haute finance qui est derrière les appétits impérialistes. La guerre de 1914-1918 était la première guerre mondiale pour un nouveau partage du globe entre les puissances impérialistes, après l’achèvement d’un premier partage à la fin du dix-neuvième siècle.
On comprend la commodité extrême de la fable de l’Or et du Sang.
M. Rosenberg baptise les bénéficiaires de l’ancien partage, qui sont aussi les possesseurs des principales mines d’or, « les pays de l’or ». Et l’impérialisme qui lutte pour un nouveau partage à son profit, et qui n’a pas les mines d’or, devient le pays du « sang ». La lutte impérialiste et injuste pour le nouveau partage devient la lutte idéaliste et juste du sang contre l’or.
Les puissances impérialistes sont baptisées « valeurs ».
La façon dont le partage du monde est réalisé entre elles devient « la hiérarchie des valeurs ». La lutte pour le nouveau partage du monde devient la lutte pour « la hiérarchie des valeurs ». La concurrence sordide des oligarchies financières assassinant les peuples est transportée dans l’espace suprasensible des pures idées éternelles !
Effectivement, le passage de son discours que M. Rosenberg a consacré à la guerre était d’une élévation remarquable. Sa pureté n’était souillée par aucune parole concernant les biens matériels. M. Hitler a pu dire à Berlin très clairement, le 10 décembre dernier, qu’il voulait un nouveau partage des colonies. Mais M. Rosenberg est un idéologue.
Il est chargé de faire valoir jusqu’à quels sommets peut s’élever la philosophie nazie. Il n’a donc pas dit un seul mot des sources de matières premières, des marchés d’exportation, du contrôle des voies maritimes. Il a appelé l’Allemagne « force vitale créatrice profonde », parce qu’il s’agit d’un impérialisme qui s’est développé plus rapidement que l’impérialisme anglais et français ; il l’a appelé « force raciale créatrice de l’Europe centrale », parce qu’elle organise son hégémonie en Europe. Pour chaque aspect de la guerre impérialiste M. Rosenberg a trouvé une traduction vertueuse, avec une telle conscience qu’on pourrait joindre à ce discours un dictionnaire. Mais comme ce dictionnaire n’est pas joint, M. Rosenberg pense qu’il se trouvera quand même un nombre suffisant de gens pour accepter une fois de plus de prendre une guerre injuste pour une guerre juste.
C’est, au fond, de cela qu’il s’agit.
Pour tous les impérialismes s’est posé, après la première guerre mondiale, le problème de trouver le moyen d’embarquer encore une fois les peuples dans une nouvelle guerre impérialiste, lorsque sonnera l’heure de la lutte pour un nouveau partage du monde. Le problème s’est posé avec une acuité particulière en Allemagne où le peuple a tant souffert pendant et après la guerre.
Le mythe du « Sang » représente la trouvaille.
En appelant à la guerre du Sang contre l’Or, M. Rosenberg fait croire que l’Allemagne capitaliste mène une guerre anticapitaliste. M. Hitler parle même de la guerre de « deux mondes ».
Mais est-ce que l’Allemagne a supprimé la division de la société en exploités et en exploiteurs ?
Oui, dit M. Rosenberg.
Est-ce en supprimant la propriété privée des moyens de production et l’exploitation de l’homme par l’homme ?
Non, dit M. Rosenberg, car ce serait du bolchevisme.
Le « national-socialisme » ne supprime pas les classes à la manière « mesquine » de ceux qui ne peuvent pas se détacher des réalités vulgaires. Il a supprimé les classes par l’esprit, c’est-à-dire comme l’explique l’auteur du « Mythe du vingtième siècle », en faisant prendre conscience aux hommes de « l’unité raciale », de sa « force supérieure à toutes les autres ». C’est ce qu’il appelle « le mystère du sang ».
En Union soviétique, où la société sans classes est réalisée, l’unification de la société est un fait. En Allemagne hitlérienne, elle est un « mystère », parce que comme tous les mystères, elle n’existe que dans l’imagination de ceux qu’on trompe.
Ce n’est pas par amour de la poésie que le nazisme fabrique des mythes. Ces mythes sont des instruments politiques, et « la lutte mondiale du Sang contre l’Or » est, comme nous l’avons vu, le slogan de l’impérialisme allemand, pour sa deuxième guerre en vue d’un nouveau partage du monde.
« En 1914, a dit M. Rosenberg dans son discours, l’Allemagne n’avait trouvé que le mot d’ordre d’une simple défense du peuple et de la patrie. Elle n’avait pas une grande idée unificatrice, et elle n’était pas portée par la volonté d’atteindre un grand but ».
En 1939-1940-1941, l’impérialisme allemand n’a pas un mot d’ordre de « simple défense ». Il a commencé la guerre en déclarant lutter « pour la réparation de l’injustice de Versailles » et il la poursuit avec le mot d’ordre de la « lutte du Sang contre l’Or ».
L’esprit dans lequel ces mots d’ordre sont élaborés nous est révélé par le chapitre 6 de Mein Kampf, intitulé « Kriegspropaganda », « propagande de guerre ». M. Hitler y critique la propagande de l’impérialisme allemand durant la première guerre mondiale, exprime son admiration pour celle des Alliés et expose ses idées sur ce qu’il appelle les principes véritables de « l’art de la propagande ».
La propagande de guerre doit être, selon M. Hitler, unilatérale. Selon lui, « la toute première prémisse de toute activité de propagande en général », c’est « l’attitude foncièrement subjective et unilatérale à l’égard de toutes les questions traitées ».
« Il était radicalement faux de traiter de la responsabilité de la guerre en se plaçant au point de vue que l’Allemagne ne pouvait être tenue seule responsable de l’éclatement de cette catastrophe ; mais il eût été juste de rejeter sans réserve la faute sur l’adversaire, même si cela n’avait pas correspondu à la véritable situation, comme c’était cependant le cas » (Adolf Hitler, « Mein Kampf », page 201).
La propagande de guerre n’a pas pour but « d’instruire ceux qui ont déjà l’expérience de la science ou qui aspirent à la culture ou à la compréhension » (Adolf Hitler, Mein Kampf, page 197).
Elle a pour but d’entraîner les masses en employant surtout deux procédés.
D’une part, au lieu d’argumenter, il faut répéter. Car :
« la masse, étant donné sa lourdeur, a toujours besoin d’un certain temps avant d’être seulement disposée à prendre connaissance d’une chose, et ce n’est que la répétition mille fois renouvelée qui fixera cette chose dans sa mémoire » . (Adolf Hitler, Mein Kampf, page 203)
D’autre part il faut s’adresser non à la raison, mais aux passions.
« Le peuple a, dans son immense majorité, des dispositions et une attitude si féminines que ce n’est pas la réflexion posée, mais le sentiment passionné qui détermine sa pensée et son action ». (Adolf Hitler, Mein Kampf, page 201).
M. Hitler exprime (dans « Mein Kampf », page 201) son admiration plus particulière pour la propagande anglaise qui, en 1914-1918, « a compris tout cela de la façon la plus véritablement géniale ».
L’Allemagne fut accusée d’être seule responsable de l’éclatement de la guerre.
« Un mensonge, poursuit M. Hitler, qui tint compte de l’attitude passionnée, toujours extrême du peuple, par l’obstination unilatérale, absolue et effrontée avec laquelle il fut présenté, et il trouva audience pour cette raison ». (Adolf Hitler, Mein Kampf, page 201).
L’actuel chancelier du Reich recommandait de suivre cet exemple.
« À quels résultats formidables peut conduire une propagande bien appliquée, c’est ce que l’on a pu constater seulement pendant la guerre. Mais malheureusement, il fallait, ici encore, tout étudier de l’autre côté, car chez nous l’activité à cet égard était plus que modeste ». (Adolf Hitler, « Mein Kampf », page 193).
« La lutte du Sang contre l’Or » doit représenter le bon slogan conforme à tous les « vrais principes » de l’art de la propagande telle que le conçoit le « national-socialisme ».
Ce slogan est unilatéral à souhait : l’or, c’est-à-dire le capitalisme, n’existe que chez les concurrents impérialistes ; on met en avant la ploutocratie britannique et l’on passe sous silence la ploutocratie allemande.
Un slogan comme « la lutte du Sang contre l’Or » n’a évidemment pas pour but de renseigner « ceux qui aspirent à la culture ou à la compréhension ». Loin de permettre aux grandes masses de comprendre ce qui se passe, il est précisément destiné à les en empêcher, par une invention aussi fausse qu’absurde.
Mais précisément, parce que l’invention est absurde, l’argument principal est la répétition mille fois renouvelée, dans une atmosphère de terreur.
Certes, ce slogan ne s’adresse pas à la raison. La moindre réflexion rationnelle permet de comprendre que la lutte pour les colonies entre une puissance impérialiste, comme l’Allemagne hitlérienne, et une puissance impérialiste, comme la Grande-Bretagne, ne saurait être une lutte « anti-impérialiste » ; que baptiser la lutte des capitalistes allemands pour l’or une lutte contre l’or est aussi absurde que si l’on baptisait leur lutte pour le pétrole et les sources de matières premières une lutte contre le pétrole et contre les sources de matières premières.
Quant au « sentiment », le genre de sentiment auquel la propagande de guerre hitlérienne fait appel est suffisamment caractérisé par son maniement constant de l’antisémitisme, arme de toujours de la réaction, arme en particulier du tsarisme.
L’ambition de cette propagande est de tromper les masses comme les impérialistes alliés avaient réussi à les tromper en 1914-1918, et de trouver une duperie aussi colossale que « la guerre du Droit contre la Force », un slogan aussi effrontément faux que « Civilisation contre Barbarie », et on a trouvé « Sang contre Or ».
Au début du chapitre 6 de « Mein Kampf », M. Hitler affirme qu’il est très instructif d’étudier la propagande marxiste. Mais les chefs « nationaux-socialistes » ne l’ont « étudiée » que pour pouvoir faire exactement le contraire.
Les marxistes savent que le capitalisme maintient, dans les pays les plus civilisés, une grande partie de la population dans l’ignorance, très spécialement sur les questions économiques et politiques. Mais c’est pour cette raison qu’ils portent, dans les masses les plus larges et jusque dans les masses les plus arriérées, le marxisme. Le marxisme est une science, et la propagande marxiste a pour but de diffuser cette science dans les masses. Les partis communistes sont, dans le monde entier, les éducateurs du peuple. Ils lui donnent cette éducation économique et politique que le capitalisme leur refuse, et dont il veut les priver même par la terreur. Le marxisme qui, sur le plan scientifique, a une valeur propre, autonome, comme la physique et la chimie, devient ainsi la science du prolétariat, la science du peuple. « Le Manifeste du parti communiste » de Marx et d’Engels, voilà le premier grand écrit de propagande du marxisme.
La propagande marxiste n’a jamais reculé devant l’immensité de la tâche qui consiste à porter, non seulement l’économie politique marxiste, mais encore le matérialisme dialectique devant les ouvriers des villes, comme devant les paysans, devant le métallurgiste parisien, comme devant le coolie chinois. Car le but de la propagande marxiste est d’éclairer et d’élever les masses en vue de leur libération.
Par contre, M. Hitler dit dans « Mein Kampf » « propagande n’est pas science » (page 196).
« La grande masse d’un peuple n’est pas composée de diplomates, ou de professeurs de droit public, ni même de gens capables de juger d’une manière rationnelle … » (Adolf Hitler, « Mein Kampf » page 200).
Le racisme n’en tire pas la conclusion qu’il faut instruire les masses. Selon lui, il ne faut pas élever la masse par une propagande qui l’éclaire. Il s’agit de l’influencer en se servant des faiblesses engendrées et savamment entretenues en elle par le capitalisme.
« Toute propagande, dit M. Hitler, doit être populaire, et elle doit régler son niveau intellectuel d’après la capacité d’absorption du plus borné parmi ceux auxquels elle a l’intention de s’adresser. C’est pourquoi son niveau intellectuel doit être d’autant plus bas que la masse qui doit la recevoir est plus grande. Et quand il s’agit de la propagande destinée à faire supporter la guerre on ne saurait trop éviter les prémisses intellectuelles trop élevées.
Plus le lest scientifique de la propagande est modeste, plus elle fait appel exclusivement au sentiment de la masse, d’autant plus décisif est le succès. C’est celui-ci qui est la meilleure preuve de sa justesse ou de sa non justesse, et non le fait d’avoir contenté quelques savants ou jeunes esthètes ». (Adolf Hitler, « Mein Kampf », page 198).
« Car la propagande, dit encore M. Hitler, n’est qu’un moyen, et en temps de guerre, un moyen de faire supporter la guerre par tous les moyens. »
Naturellement, quand M. Rosenberg a proclamé, avec solennité, du haut de la tribune de la Chambre, que l’Allemagne impérialiste menait « la lutte du Sang contre l’Or », il a complètement « oublié » de parler du chapitre 6 de « Mein Kampf ».
La propagande du sang et de l’or doit faire supporter au peuple allemand la guerre qui se prolonge elle doit servir, en même temps, à justifier le nouveau « diktat », le deuxième Versailles.
Le nouveau partage du monde auquel les impérialismes victorieux ont procédé à Versailles fut placé sous le signe du Droit et de la Justice.
Les vainqueurs se sont partagé les dépouilles des vaincus. Le mobile de ce partage, c’était les appétits capitalistes les plus sordides, et son instrument avait été la force. Mais les annexions et tous les actes de brigandage furent justifiés par des considérations de haute moralité.
En cas de victoire, l’impérialisme allemand et les autres puissances de l’Axe se partageraient les dépouilles des vaincus, en justifiant les annexions et tous les actes de brigandage, invariablement par la nécessité de libérer le monde des « ploutocraties de l’or ».
À Versailles, l’impérialisme franco-anglais avait organisé son hégémonie en proclamant la « primauté du Droit ». Le second Versailles organiserait l’hégémonie de l’impérialisme allemand au nom de la « suprématie du Sang ». À Versailles, l’Allemagne vaincue a été dépouillée et enchaînée au nom de la nécessité de dompter la « Force » et d’en empêcher le retour agressif. Le nouveau « diktat » dépouillerait la France et l’enchaînerait, sous prétexte qu’il est nécessaire de dompter « l’Or » et d’empêcher le retour de sa domination.
Il ne peut y avoir aucun doute sur le fait que c’est bien d’un nouveau Versailles qu’il s’agit.
C’est ce que prouve, tout d’abord, l’analyse objective du caractère de cette guerre. Mais c’est ce que prouvent également des actes déjà accomplis qui révèlent très clairement les intentions impérialistes de l’Allemagne hitlérienne.
Chacun se souvient encore des campagnes dans lesquelles M. Hitler proclamait l’injustice du « tribut », c’est-à-dire des charges financières imposées à l’Allemagne par le traité de Versailles. Cependant aujourd’hui, la France doit payer à l’Allemagne hitlérienne le « tribut » écrasant d’un demi-milliard par jour.
Avant cette guerre dans laquelle elle fut entraînée par les hommes du grand capital, la France était un pays riche.
Aujourd’hui, la France est dépouillée de tout.
Que sont devenues les ressources immenses de la France ? Que sont devenus nos stocks de matières premières ?
Le docteur Reuter, Führer de la Wehrwirtschaft, de l’économie de guerre, a déclaré fin décembre, d’après la « Deutsche Zeitung in Frankreich » du 1er janvier 1941, que l’approvisionnement de l’Allemagne en matières premières était meilleur qu’au début de la guerre, grâce à l’augmentation de la production et grâce aux « masses considérables de butin en matières premières réalisées en France par les troupes allemandes ».
En ce qui concerne le volume de ce butin, écrit la « Deutsche Zeitung in Frankreich », le docteur Reuter a donné quelques exemples particuliers.
« Dans la seule ville de Bourges, 30 000 tonnes de cuivre rouge sont tombées aux mains des Allemands ; dans une seule localité de la France du sud-ouest une quantité aussi grande. D’autres disponibilités importantes furent trouvées dans les autres régions de la France. On peut citer des chiffres semblables pour le plomb et le zinc. Sont également très importantes les quantités de produits destinés au durcissement du fer et de l’acier qui sont devenues propriété allemande. Ainsi dans l’arrondissement de Dijon, 20 000 tonnes de minerai de manganèse et, dans une seule localité du Luxembourg, 125 000 tonnes de minerai de manganèse et 20 000 tonnes de ferro-manganèse sont tombées aux mains des Allemands ».
« Particulièrement important est le butin allemand en France pour le caoutchouc. De même le butin était tout à fait important pour le textile, de même pour la laine, le coton et la soie ».
Le docteur Reuter mentionne également que l’Allemagne s’est emparée des mines de fer « de réputation mondiale » de la Lorraine, du Luxembourg et de la haute Silésie, « ainsi que des entreprises sidérurgiques de ces pays ». S’emparer des stocks de cuivre, de caoutchouc, de laine et de coton, des mines et des usines, la voilà la « guerre du Sang contre l’Or » !
Les stocks qui restent encore sont entre les mains des accapareurs ; l’encaisse-or de la Banque de France a été semée aux quatre vents ; les tractations les plus ténébreuses se poursuivent entre la ploutocratie allemande et la ploutocratie française, pour livrer ce qui reste encore économiquement de la France. Le pays est dans un tel état de décomposition et de délabrement économiques et financiers que ni le gouvernement de Vichy, ni les autorités d’occupation n’osent publier de statistiques. On veut rassurer la population par des communiqués mensongers concernant l’avenir. Mais la vérité qu’aucun démenti officiel n’arrive à atténuer, c’est que le peuple français est voué à la faim, parce qu’on lui a tout volé. La façon dont les richesses de la France furent dilapidées, pendant la guerre, par les gouvernants félons, par les généraux et intendants incapables et vendus : l’avidité de gangsters avec laquelle les hommes de Vichy se sont abattus sur la France pour tout livrer, pour tout vendre, demeureront dans l’histoire comme un exemple rare de brigandage capitaliste.
C’est sur un peuple affamé qu’on prélève le « tribut » destiné à l’entretien des troupes d’occupation.
Vichy paye en faisant marcher la planche à billets.
L’inflation avouée se monte depuis juin à 50 milliards. De combien est l’inflation inavouée !
L’inflation est la méthode qui fait payer aux petites gens et aux pauvres les frais d’entretien des troupes d’occupation. Elle ne touche pas les riches qui se sont débarrassés de leurs billets français, en achetant de l’or, des propriétés, des immeubles, des valeurs américaines.
Mais, pour l’immense masse des pauvres et des petites gens, l’inflation est un impôt énorme, parce qu’elle fait baisser le franc, ce qui entraîne la hausse des prix. Ainsi, d’heure en heure, fond l’épargne, le pouvoir d’achat des salaires, des traitements, des pensions, de l’allocation de chômage, cependant que les revenus des riches augmentent proportionnellement à la baisse du franc. Et la planche à billets marche toujours, parce que c’est le moyen de faire payer les pauvres. La ploutocratie allemande a fait payer ainsi son peuple, au lendemain de la guerre, par une inflation gigantesque qui a fait porter le prix du pain à 10 marks, puis à 100, à 1000, à un million, puis à un milliard et aux multiples du milliard.
Faire payer un tribut insupportable par les couches les plus pauvres d’un peuple opprimé ; projeter l’augmentation du tribut, imposer un fardeau financier écrasant, à titre d’indemnité, voilà pour la France, le contenu du « mythe » du « Sang et de l’Or ».
Est-ce également lutter contre l’or que de dépecer la France ?
La France est coupée en deux ; la zone occupée comporte une zone interdite : le Nord, le Pas-de-Calais, les Ardennes, la Meurthe-et-Moselle, etc.
Comme au Moyen Âge, des barrières qui s’élèvent de toute part paralysent la vie économique, empêchent la circulation des gens et des marchandises, désorganisent le ravitaillement et aggravent chaque jour davantage la misère.
Quelles sont les intentions que l’on nourrit à l’égard des territoires occupés ?
L’Alsace et la Lorraine ont déjà été annexées officiellement en violation flagrante de la convention d’armistice. Et le Parti communiste français, qui a toujours affirmé le droit pour le peuple d’Alsace-Lorraine de disposer librement de lui-même, a élevé une protestation et rappelé que l’annexion a été faite sans la moindre consultation du peuple intéressé.
La zone interdite est déjà traitée, à son tour, comme territoire annexé. Des populations qui y étaient établies depuis toujours se voient chassées de leurs foyers.
À l’exploitation économique et à l’asservissement politique s’ajoute l’oppression nationale.
Dans la zone occupée, les Français n’ont pas le droit d’avoir leur presse, ni des organisations à eux. Ils n’ont même plus la liberté de l’enseignement national. Dans la zone non occupée, c’est le gouvernement fantoche de Vichy qui exécute les consignes de l’occupant. L’école française est placée, avec la collaboration de Vichy, sous le contrôle du Reich hitlérien. Dans certains lycées, des officiers allemands assistent déjà aux cours d’histoire pour surveiller les professeurs.
En vérité, on n’aperçoit partout que volonté d’exploitation et d’oppression, actes impérialistes annonciateurs d’un second Versailles.
En montant à la tribune de la Chambre, M. Rosenberg a dit :
« Dans cette maison furent prononcés, au cours des dernières dizaines d’années, les discours les plus passionnés contre le Reich allemand, et conçues les résolutions les plus graves en vue du partage et de la destruction de ce Reich et de la Nation allemande ».
Mais M. Rosenberg a omis de dire, par solidarité impérialiste, que ceux qui prononçaient les discours les plus chauvins et préconisaient les résolutions les plus féroces sont maintenant ses amis. Il a oublié de dire que, pendant que ses amis actuels prononçaient ces discours et arrêtaient ces résolutions, un parti a tenu tête dans cette Chambre, au cours des dernières dizaines d’années, à la meute impérialiste ; qu’un seul parti luttait contre l’occupation de la Ruhr et contre Laval, qui, président du Conseil, voulait continuer à faire payer le « tribut » des réparations au peuple allemand que la crise de 1929-1933 avait plongé dans une effroyable misère ; un seul parti, traqué alors comme maintenant par les amis actuels de M. Rosenberg : le Parti communiste français.
Pour les communistes de France et d’Allemagne, la lutte contre le « diktat » de Versailles n’était pas un « mythe », ni un moyen d’attirer les masses pour les préparer ensuite à la guerre pour un nouveau « diktat » ; ce n’était pas le début d’une nouvelle « Kriegspropaganda ».
Le Parti communiste français a lutté inlassablement, uni au Parti communiste d’Allemagne d’Ernst Thaelmann, pour la défense du peuple allemand victime des impérialismes. Il a le droit de s’élever aujourd’hui contre le nouveau « diktat », le nouveau Versailles, et de revendiquer pour la France la liberté et l’indépendance.
M. Rosenberg s’est vanté d’être, avec ses mythes, le fruit ultime de « quatre siècles de développement intellectuel allemand ».
En vérité, nous savons que le racisme n’a rien à voir avec les grandes traditions intellectuelles de l’Allemagne de Goethe, de Beethoven, de Hegel, de Karl Marx et de Friedrich Engels.
Il est clair que, par ses insultes au souvenir de la Révolution française, M. Rosenberg prouve qu’il est en lutte aussi contre l’esprit allemand, dont les plus grands représentants ont toujours professé l’admiration et l’enthousiasme pour le dix-huitième siècle français et le grand acte qui a renversé la féodalité.
M. Rosenberg et ses commanditaires prétendent être l’émanation du peuple allemand. Mais nous ne confondons pas le peuple allemand avec ceux qui, aujourd’hui, oppriment la France.
Au lendemain de la première guerre impérialiste, des travailleurs français se sont dressés contre leurs gouvernants impérialistes pour aider les travailleurs allemands dans la lutte contre l’oppression de Versailles. Repoussant avec mépris et dégoût les campagnes d’excitation chauvines et impérialistes, ils ont agi selon l’internationalisme prolétarien, sachant bien que, selon la parole de Karl Liebknecht, « l’ennemi est à l’intérieur ».
Les luttes communes que mènent les travailleurs laissent dans leur coeur des traces ineffaçables. Les luttes communes de travailleurs de France et d’Allemagne contre l’oppression ont scellé à tout jamais leur alliance prolétarienne indestructible.
Le peuple allemand est soumis lui-même à une oppression sans précédent dans l’histoire. Il sait que l’oppression des autres peuples de l’Europe ne pourrait qu’aggraver la sienne, car « un peuple qui en opprime un autre ne saurait être libre ». C’est pourquoi la volonté de l’impérialisme allemand de réduire l’Europe en esclavage se heurtera à la résistance de son propre peuple.
Les combattants héroïques de la révolte de Spartacus et de la commune de Munich, les ouvriers du Front rouge, le grand Thaelmann, ainsi que les héros innombrables de la lutte antifasciste dont ni la torture, ni la hache, ni les camps de concentration, ni le battage de la propagande officielle n’ont pu briser la résistance et la combativité, ont montré que les travailleurs d’Allemagne mènent, sous la direction du Parti de Thaelmann, avec une vigueur indomptable et une abnégation totale, la lutte pour leur libération. Chaque jour s’aggravent les souffrances de la guerre. Il est certain que notre lutte contre le second Versailles sera la lutte des travailleurs allemands, comme leur lutte contre le premier Versailles, comme toutes leurs lutte pour la défense de leurs libertés furent aussi les nôtres.
On sait que M. Hitler et ses partisans ont l’habitude de présenter l’accession de M. Hitler au pouvoir comme une révolution. Dans son discours de Paris, après avoir représenté le mythe du Sang et de l’Or, M. Rosenberg a déclaré que l’avènement de M. Hitler au pouvoir est « l’une des plus profondes révolutions politiques et philosophiques de l’histoire non seulement allemande, mais encore européenne ».
Il avait déjà dit une fois :
« Le mouvement national-socialiste n’est pas une chose que les uns et les autres peuvent écarter, mais il est un phénomène de la nature. Il est une éruption gigantesque comme il en existe rarement d’une façon isolée dans l’histoire des peuples.
Le mieux pour le comparer, est de considérer l’apparition volcanique de nouveaux massifs de montagne dans l’histoire de la terre » (Rosenberg, Blut und Ehre, tome 2, page 214).
Habituellement, M. Rosenberg appelle le mouvement national-socialiste « la révolution du vingtième siècle » et l’idéologie raciste « la pensée du vingtième siècle ».
Connaissant les principes de la propagande, telle qu’elle est conçue ici, « l’éruption volcanique de nouveaux massifs de montagne » elle-même ne saurait nous émouvoir. Les superlatifs sont dans les habitudes de la réclame. Quant à la révolution, sa nature est bien connue.
La révolution suppose des classes dominantes et des classes opprimées ; des classes dominantes qui ont le pouvoir et des classes opprimées qui luttent pour le pouvoir.
La révolution suppose un ordre nouveau qui mûrit, ou dont les prémisses se créent, au sein de l’ordre ancien.
La révolution suppose un régime social ancien qui est gros d’un régime social nouveau.
La révolution suppose une classe ou des classes révolutionnaires qui luttent pour le régime social nouveau, contre la classe ou les classes réactionnaires qui se cramponnent au régime social ancien.
Par la révolution, les classes révolutionnaires conquièrent le pouvoir afin de renverser l’ordre ancien et de créer l’ordre nouveau.
La révolution est un acte de violence : il se produit en dehors de la légalité ancienne et crée sa propre légalité. C’est pourquoi Marx a dit que la violence est l’accoucheuse des sociétés.
En 1789, la bourgeoisie, soutenue par tout le peuple, a conquis le pouvoir contre l’aristocratie, en dehors de la légalité féodale. Elle s’est servie de ce pouvoir pour briser l’ancien régime social, la féodalité, et pour libérer le régime social nouveau, le capitalisme. Et c’est pourquoi c’était une révolution.
La société bourgeoise est, à son tour, grosse d’une révolution ; c’est celle par laquelle le prolétariat conquiert, à la tête des exploités, le pouvoir contre la bourgeoisie, se sert de ce pouvoir pour supprimer le capitalisme et pour construire le régime social nouveau : le socialisme.
C’est ce que le prolétariat de l’ancienne Russie tsariste a fait, sous la direction du Parti de Lénine et de Staline. C’est pourquoi ce fut une révolution. Et, parce qu’elle libérait la société de l’exploitation de l’homme, elle est la révolution la plus profonde de l’histoire.
En Allemagne, M. Hitler est arrivé au pouvoir. Comment ? Contre la volonté de la classe au pouvoir ? Pas du tout, puisque chacun sait que M. Hitler a été appelé au pouvoir par le maréchal-président von Hindenburg que Blum avait représenté comme le rempart contre l’hitlérisme. Et l’appel que le maréchal-président fit à M. Hitler correspondait aux vœux de la fraction dirigeante de la bourgeoisie allemande. M. Hitler obtint le pouvoir en tant que rempart de la société existante, c’est-à-dire de l’ancien ordre, contre le bolchévisme, c’est-à-dire l’ordre nouveau.
Il a dirigé tous ses feux d’abord contre la classe la plus révolutionnaire et son parti, contre le prolétariat et son parti révolutionnaire, l’héroïque Parti communiste allemand, dont il a emprisonné le chef Thaelmann, pour qui avaient voté 6 millions d’Allemands. Il a pu réussir grâce au soutien de la grande bourgeoisie et parce que les agents de celle-ci, les chefs sociaux-démocrates et réformistes, avaient divisé la classe ouvrière.
Arrivé au pouvoir, M. Hitler a pris des mesures destinées à ligoter complètement la classe ouvrière, en la privant de ses organisations indépendantes ; en détruisant ses syndicats ; en exerçant la terreur, etc. Mais les trusts n’ont pas été expropriés ; la propriété privée des moyens de production n’a, évidemment, pas été supprimée.
La révolution dont la société capitaliste est grosse au vingtième siècle, c’est la révolution prolétarienne. Ce qui rattache le mouvement hitlérien au vingtième siècle, c’est qu’il est la contre-révolution du vingtième siècle.
Cette contre-révolution détruit la démocratie bourgeoise pour instaurer la dictature terroriste. Elle signifie que le capitalisme ne peut plus se maintenir par les anciennes méthodes de domination. Son instauration est un signe de faiblesse de la bourgeoisie. Cette dictature est exercée par la fraction la plus réactionnaire et la plus impérialiste de la grosse bourgeoisie. Son avènement ne marque pas le commencement d’un monde nouveau, mais l’agonie du monde ancien, du capitalisme. Elle n’est pas l’élan d’une classe nouvelle vers l’avenir, mais la résistance acharnée d’une classe ancienne.
Quant à la « révolution philosophique » que représente l’idéologie raciste, sa nature et son caractère sont suffisamment illustrés par le discours de M. Rosenberg. C’est une « révolution idéologique » comme l’accession de M. Hitler au pouvoir est une « révolution politique ».
M. Rosenberg nous dit, dans une de ses conférences, que :
« La découverte de la « Rassenseele » à notre époque est une révolution comme la découverte copernicienne, il y a 400 ans » (Rosenberg, Blut und Ehre tome 2, page 209).
C’est là encore une application des préceptes concernant l’assimilation de la propagande à la réclame.
On dit d’une découverte scientifique qu’elle représente une révolution quand elle bouleverse les anciennes connaissances. Une révolution idéologique ou philosophique est un « bouleversement » de nos idées, mais dans la direction de la vérité. Après ce bouleversement, nos connaissances reflètent la réalité plus fidèlement qu’avant, et elles nous donnent le moyen d’agir sur elle plus efficacement. La découverte de Copernic a été appelée une révolution parce qu’elle substitue à la conception du Soleil tournant autour de la Terre celle de la Terre tournant autour du Soleil.
La « découverte » de M. Rosenberg substitue à la conscience tournée vers la vérité la Rassenseele, l’âme raciale, c’est-à-dire la conscience tournée vers l’illusion ; à la conscience tournée vers la lumière, la conscience tournée vers les ténèbres.
L’idéologie raciste représente, effectivement, un « bouleversement de la connaissance », mais en ce sens que M. Rosenberg et ses collègues veulent bouleverser, c’est-à-dire détruire la connaissance, pour développer l’illusion.
Ce que signifie pratiquement la révolution philosophique de M. Rosenberg, on a pu l’observer par le traitement réservé à la science et à l’activité intellectuelle, ainsi qu’aux intellectuels eux-mêmes, en Allemagne.
L’arrestation de Paul Langevin, les sévices contre les étudiants, la fermeture des facultés nous en donnent déjà un avant-goût chez nous.
On pourrait citer encore la révolution que représente en histoire le remplacement des classes par les races, l’explication par la lutte des races au lieu de l’explication par la lutte des classes ; en physique, la distinction entre les atomes aryens et les atomes juifs ; en mathématique, la distinction entre les théorèmes juifs et les théorèmes aryens, etc. On peut y ajouter encore la pseudo-science prétentieuse qui s’appelle « théorie des races ».
Le thème constant de M. Rosenberg est qu’il faut à l’humanité un nouveau mythe. Cela veut dire qu’il faut une nouvelle « mystique » qui mette définitivement à l’abri le capitalisme des dangers qui le menacent, tant qu’il reste dans le cerveau de l’homme la possibilité de découvrir la vérité. Cette « mystique nouvelle », c’est le racisme. M. Rosenberg l’appelle « la pensée du vingtième siècle ». Il est, en réalité, l’obscurantisme du vingtième siècle.
Le « national-socialisme » et son « idéologie » appartiennent bien au vingtième siècle, mais en ce sens qu’ils sont étroitement liés au capitalisme, tel qu’il est à notre époque, et que Lénine a appelé le capitalisme agonisant. Ils sont liés, plus particulièrement, au capitalisme tel qu’il est à l’époque où la révolution sociale a déjà triomphé sur la sixième partie du globe, et se trouve à l’ordre du jour dans le reste du monde capitaliste ; où l’exemple du socialisme, réalisé en Union soviétique, exerce une attraction chaque jour croissante sur les masses des pays capitalistes et sur les peuples opprimés ; où le marxisme révolutionnaire a gagné la conscience de millions et de millions de travailleurs manuels et intellectuels, et où les agents sociaux-démocrates du capital sont de plus en plus discrédités, alors que monte l’élan de confiance des masses vers le parti révolutionnaire de la classe ouvrière, le Parti communiste.
C’est cette situation qui explique pourquoi la contradiction, habituelle chez les ennemis du peuple, entre les paroles et les actes, atteint son paroxysme chez les chefs nazis qui tirent le monde en arrière, avec fureur, tout en proclamant, plus tapageusement que tous les démagogues du passé, qu’ils vont de l’avant. C’est cette situation qui explique pourquoi la contre-révolution la plus réactionnaire de l’histoire est contrainte de s’appeler devant les masses « une révolution sans précédent », et pourquoi l’ultime effort du grand capital pour empêcher la venue du socialisme a pris l’étiquette « socialiste ». C’est enfin elle qui explique pourquoi tout en dirigeant ses feux principalement contre le prolétariat révolutionnaire et son Parti communiste, la terreur devant un nouveau 1 917 oblige M. Rosenberg à se battre avec 1789.
Lorsque M. Rosenberg vient en France pour un « règlement de comptes avec les idées de 1789 », il veut tout simplement apporter son aide aux laquais français qui travaillent à l’asservissement de la France, sous l’étiquette de la « Révolution nationale ».
Selon la recette raciste, on baptise « révolution » la politique qui tend à transformer la France en pays vassal.
On peut examiner cette « Révolution nationale » : elle n’a rien de révolutionnaire, ni de national.
La « Révolution nationale » est l’entreprise de trahison d’une bande de grands capitalistes, de généraux félons et de politiciens tarés, dont la dictature est imposée au pays.
Les capitalistes et leurs agents, qui ont conduit la France à la guerre et à la défaite, veulent maintenir leur domination en s’appuyant sur l’impérialisme étranger. En échange de quoi ils livrent la France corps et âme, sont prêts à accepter tous les « diktats » et à étouffer toute velléité de résistance. Tournés vers les occupants, ils leur disent « Tout ce qui est national est vôtre ». Telle est la devise de cette « Révolution nationale ».
La « Révolution nationale », c’est le règne des trusts. On annonce officiellement la dissolution du Comité des Forges, mais aussitôt se reconstituent, dans le Nord occupé, trois trusts : le « sydénor » pour la sidérurgie, le « mécanor » pour l’industrie métallurgique de transformation et « l’office central de la métallurgie du Nord ». Les trusts changent de nom, se réorganisent pour s’adapter aux conditions de l’occupation, ils se partagent la France, de connivence avec les trusts allemands, et on proclame devant le pays que les trusts sont dissous à titre de mesure « socialiste ».
La « Révolution nationale », c’est la libération des trusts de toute entrave. Il n’y a plus le moindre contrôle des trusts par l’État. Par contre, le contrôle de l’État par les trusts français liés aux trusts allemands est devenu total, absolu, sans aucun frein. Ce sont ces trusts qui mènent les campagnes contre l’« économie libérale », le « capitalisme libéral » pour justifier les mesures destinées à établir sur tous les marchés leur monopole incontesté, sur les ruines des petites et moyennes entreprises. C’est leur domination que l’on appelle « économie dirigée ».
Par contre, la dissolution de la CGT, l’interdiction des syndicats sont réelles. La « Révolution nationale », c’est la suppression de toutes les libertés, de tous les droits des travailleurs et de tous les citoyens, afin que l’entreprise de trahison puisse être poursuivie en toute tranquillité.
La « Révolution nationale », c’est la ruine économique de la France ; c’est le chômage, l’inflation, la vie chère et la famine. Ils peuvent parler de la « défense de la race », les aventuriers de Vichy, alors que, par la faim et le froid, les enfants français meurent comme des mouches, et que dans les quartiers ouvriers de Paris, on voit défiler, chaque jour, des dizaines de cercueils d’enfants. Voilà ce que M. Rosenberg appelle « le triomphe de la jeunesse dans le monde ».
La « Révolution nationale », c’est le règne des accapareurs et des affameurs. C’est le règne du pot-de-vin. Sous ce régime, ce sont, dans tous les domaines de l’économie et de la vie publique, les éléments les plus corrompus et les plus immoraux qui tiennent le haut du pavé. Démarcheurs véreux, trafiquants louches, gangsters de l’alimentation, hyènes du marché noir, tout un monde avide de profits et sans scrupules met le pays en coupe réglée, sous la haute protection du maréchal Pétain qui, gardé par sa « police spéciale » de repris de justice, préside un syndicat de pilleurs d’épaves.
La « Révolution nationale », c’est le règne des politiciens les plus réactionnaires et les plus tarés.
Cette « Révolution nationale » a trouvé son incarnation en Laval, l’homme qui représente le type le plus achevé du politicien affairiste et immoral que notre histoire connaisse. Avocat socialiste besogneux au lendemain de la guerre de 1914-1918, Laval est aujourd’hui multimillionnaire. « Cartelliste » en 1924, il devient ensuite l’ami de Tardieu et de Reynaud, l’homme à tout faire des trusts et de la Haute Finance. Grand défenseur du système de Versailles, il s’acharna, au gouvernement, à augmenter la misère du peuple allemand pour faciliter l’étranglement de la République de Weimar et l’avènement du régime hitlérien. Il conclut avec Mussolini les accords de Rome qui ont livré à ce dernier l’Abyssinie, avec la promesse de recevoir la Tunisie, la Corse, Dakar et, sans doute, d’autres possessions coloniales françaises. Après avoir travaillé ainsi au renforcement de « l’Axe » contre la France, Laval devient belliciste pendant la guerre de 1939-1940, afin d’empêcher la conclusion de la paix avant la catastrophe, comme le voulaient les communistes.
Mais dès que l’offensive allemande de mai est déclenchée, Laval complote sans cesse avec les généraux politiciens et félons comme Weygand, administrateur de Suez, aspirant au titre de « vainqueur de l’URSS » et devenu généralissime de la défaite de la France. Il complote sans cesse en mai et en juin, pour élargir les proportions de la défaite, pour faire occuper la France depuis les Ardennes jusqu’aux Basses-Pyrénées. Il réalise, avec Pétain, un véritable complot, et c’est ce complot, tramé et réussi dans les cafés de Bordeaux et de Vichy, mais conçu en d’autres lieux, que l’on baptise pompeusement « Révolution nationale ».
L’accaparement du pouvoir par une coterie étrangère au pays qui a profité des conditions de la défaite qu’elle a voulue et préparée, afin de livrer la France, c’est cela qui fut baptisé « Révolution nationale ».
« Le plus sûr garant de la politique de collaboration », a dit son Excellence Abetz de Laval. Le plus sûr garant de la collaboration, c’est-à-dire l’agent le plus cynique de l’asservissement de la France à l’impérialisme allemand – telle est en effet la définition de Laval.
Une autre incarnation de la « Révolution nationale », c’est l’avocat corrompu qui avait trempé jusqu’au cou dans le scandale de l’Aéropostale : Flandin. Ami et coéquipier de Tardieu, grand mangeur d’Allemands et Versaillais à outrance, puis « grand ami » de la Cité de Londres, Flandin aspirait, depuis l’annexion de l’Autriche par l’Allemagne hitlérienne, à devenir le Seiss-Inquart français. C’est pour diviser les Français, au moment de la mobilisation de septembre 1 938, à la veille de Munich, qu’il envoya son fameux télégramme de dévotion et de félicitations à M. Hitler.
On ne peut les citer tous, les renégats, les traîtres, les agents doubles, les laquais : les Belin, les Tixier-Vignancour, les Bergery, les Déat, les Doriot.
Ce sont tous ceux que la France connaissait déjà comme les agents appointés d’une puissance étrangère qui sont devenus les éminences de la « Révolution nationale », et c’est dans les poubelles de la Troisième République que le « nouveau régime sain » est allé ramasser son personnel politique et journalistique.
La « Révolution nationale » est un syndicat de soutien mutuel des incapables et des parasites.
Les possibilités de subsistance sont réduites en France d’une manière sans précédent. Il n’y a pas de travail et de pain pour la majorité des Français. Mais périssent les restes de la France, pourvu que l’on case les généraux qui ont livré leurs troupes et leur matériel, les intendants qui ont laissé l’armée, durant l’hiver 1939-1940, sans vareuses, sans capotes et sans couvertures, et qui ne sont bons qu’à toucher des pots de vin. Il n’y a pas de place pour tous. Par conséquent place aux incapables ! Place aux parasites ! Place à tous ceux qui ont bien mérité de la trahison ! Voilà les mots d’ordre de la « Révolution nationale » qui, sous tous les prétextes possibles et imaginables, multiplie les révocations pour caser ses fainéants professionnels.
La « Révolution nationale » de Pétain, de Laval et de Flandin n’a pas touché aux bénéfices de guerre immenses réalisés par les capitalistes et augmentés du produit de vols innombrables. Ils ne touchent pas non plus aux bénéfices de tous les pilleurs d’épaves qui rançonnent la France. La devise de la « Révolution nationale » en matière de finances est simple : Le Français paiera ! et elle le fait payer par l’inflation.
Et si les traîtres investis des plus hautes fonctions se pavanent impunément sous la protection des mitrailleuses étrangères, les travailleurs honnêtes, ceux qui défendent les intérêts du peuple et de la nation, sont traqués impitoyablement. Les politiciens véreux sont au pouvoir, mais le Parti communiste, qui n’a jamais trempé dans aucun scandale capitaliste, est contraint à l’illégalité.
On ouvre les prisons pour libérer les cagoulards et les gangsters destinés à la garde du gouvernement de Vichy, mais 100 000 travailleurs honnêtes restent emprisonnés ou internés dans des camps infects et mortels, pour avoir défendu la cause de la paix et de la liberté. Les traîtres sont gavés d’argent et d’« honneurs », mais les Français coupables de sentiment national sont chassés de leur emploi, internés ou emprisonnés.
La « Révolution nationale », c’est la destruction de l’école française, c’est la persécution des étudiants, des instituteurs, des professeurs et des savants.
Pour maintenir la France en esclavage, on veut forger aux Français une âme d’esclave. On veut détruire non seulement la laïcité, mais encore le caractère national de l’enseignement. On veut remplacer la culture française par cet obscurantisme dont M. Rosenberg a apporté un résumé ténébreux.
Voilà l’œuvre que M. Rosenberg a voulu soutenir par son voyage et par son discours. Il a voulu apporter des « arguments » pour faire croire aux Français « qu’à proprement parler » la Révolution de 1789 n’était pas la Révolution française, que ce n’est que maintenant que la France connaît, et pour la première fois, avec Pétain, Laval, Flandin, Déat et Doriot, la seule, l’unique et la véritable révolution. Mais en vérité, il n’aura fait que souligner solennellement ce que les Français savaient déjà : que la prétendue « Révolution nationale » est une entreprise de réaction, au service et à la solde d’un impérialisme étranger.
M. Rosenberg est venu à Paris pour régler des comptes avec 1789, et, d’une manière générale, avec la Révolution française.
Mais, pour commencer, il a adopté un ton respectueux.
« Si j’essaie aujourd’hui, a-t-il dit, d’exposer les idées essentielles de la Révolution française et de l’évolution qui a été la condition préalable du grand conflit, je ne peux le faire sans une compréhension profonde des évènements historiques, ni sans une entière estime des luttes qui se manifestent dans de semblables évènements ».
Il y a mieux :
« Nous savons très bien, a dit M. Rosenberg, qu’à la fin du dix-huitième siècle, il ne restait plus rien au peuple français que de pourrir ou de chercher encore une fois le salut dans une révolte ».
Cette révolte était légitime :
« La Révolution française était la révolte légitime du peuple français contre l’esprit de l’Inquisition cléricale et contre les phénomènes d’abâtardissement de l’époque dynastique ».
M. Rosenberg est allé jusqu’à rappeler l’exploitation des paysans sous Louis 14, leurs « révoltes exaspérées », la répression sanglante, l’« arbitraire princier » et que Louis 16 a payé pour les autres.
L’ensemble de tout cela n’a évidemment rien de génial. C’est avec quelques lieux communs très plats et très prudents (pour ne pas dire favorables aux jacobins), que M. Rosenberg a composé ses compliments, mais il avait l’habitude de parler sur un autre ton de la Révolution française.
« L’année 1789, écrivait-il en 1921, signifie pour nous tous l’affranchissement des juifs ; c’est l’heure de la naissance de l’esprit destructeur dans la culture européenne ».
A propos des mots d’ordre de Liberté, d’Égalité, de Fraternité, il a dit :
« Ces mots, paroles incendiaires, n’ont jamais manqué d’agir sur les masses ; néanmoins, avec leur fond confus, ils ont accumulé désastre sur désastre ».
C’est, en particulier, l’Égalité qu’il méprise.
« Égalité ! Ceci n’est autre chose que l’appel à tous les sentiments grossiers des hommes ».
« La Révolution de 1789 est morte, écrit-il dans « Le Mythe du vingtième siècle », elle n’aura été qu’une explosion sans pensée créatrice ; et c’est pourquoi nous assistons aujourd’hui à sa décomposition ».
Le 16 janvier 1939, il écrivait encore, dans l’organe central de son parti, le Voelkischer Beobachter :
« Au mois de juin 1939, la France va célébrer le 150è anniversaire de la Révolution française.
Nous sommes persuadés que les solennités de cette fête seront ponctuées par le glas des idées de la Révolution française ».
De même, M. Goebbels, ministre de la Propagande, proclamait la nécessité de rayer de l’histoire l’année 1789.
M. Rosenberg est, comme nous l’avons indiqué, « mandataire du Führer pour la haute surveillance de l’ensemble du travail de formation et d’éducation idéologique dans le Parti national-socialiste ».
L’atmosphère qu’entretient cette haute surveillance idéologique autour de la Révolution française apparaît dans les livres et les manuels d’histoire publiés en Allemagne hitlérienne.
Dans un livre recommandé aux universités et aux écoles, on peut lire :
« Si l’on parle de meurtres juifs, en série, il ne faut pas oublier la Révolution française qui commence, en 1789, par la prise de la Bastille. Elle a été, en premier lieu, l’oeuvre de la franc-maçonnerie. Des experts compétents ont eu raison de qualifier la franc-maçonnerie de judaïsme artificiel. »
Et le même auteur écrit :
« Les chefs de la Révolution française étaient des francs-maçons. Entre beaucoup d’autres citons Danton, Robespierre et Marat. Ce dernier était même d’origine juive et tous ses actes étaient déterminés par ce fait. C’est ainsi que toute la révolution, sinon directement, du moins indirectement, par le truchement des francs-maçons, fut une affaire juive.»
M. Rosenberg n’a cité au cours de son « règlement de comptes avec les idées de 1789 » que Voltaire, mais tout-à-fait en passant. Par contre, il a chaudement recommandé l’antidreyfusard Edouard Drumont.
Dans son livre, que M. Rosenberg considère comme un chef-d’œuvre, Drumont écrit ( tome 1, p.II ) :
« Le seul auquel la Révolution ait profité est le juif. Tout vient du juif, tout revient au juif. »
Telle est aussi la thèse officielle du racisme.
Mais à Paris, il y a eu subitement une véritable « transmutation des valeurs ». L’affaire des juifs et des francs-maçons est devenue le soulèvement estimable du peuple français. M. Rosenberg parlait à Paris.Au-delà des murs du Palais-Bourbon, il y avait le peuple de France avec, dans son cœur, ce que le grand poète allemand et admirateur fervent de la Révolution, Klopstock, appelait « l’esprit terrible de la liberté ». Livré par les hommes du grand capital, bâillonné par un gouvernement de traîtres et par ses protecteurs, ce peuple a quand même obligé à la prudence le vainqueur célébrant sa victoire.
La question est de savoir comment la Révolution française peut être à la fois l’affaire des juifs et des francs-maçons et la « révolte » estimable et inévitable du peuple français ! A cette question M. Rosenberg répondra en citant un autre auteur mentionné dans son discours, celui qu’il appelle « le prophète fulgurant » de la renaissance germanique, l’écrivain anglais, naturalisé allemand, H.S.Chamberlain. Celui-ci explique, en effet, que le manque de logique et la contradiction sont les traits fondamentaux et glorieux de la pensée « aryenne ».
Cette excuse est d’autant plus nécessaire à M. Rosenberg qu’il reprend quand même, quoique d’une manière plus enveloppée, les idées fondamentales du racisme concernant la Révolution française.
« Il est impossible de concevoir, dit-il, l’histoire de la Révolution française sans la franc-maçonnerie. En effet, les mots d’ordre de cette révolution étaient répandus avant tout par les loges.
C’est des loges que sont sortis les mots d’ordre de Liberté, d’Égalité et de Fraternité.»
« Les dirigeants intellectuels du dix-huitième siècle que je ne veux pas tous nommer (il n’en nomme aucun) appartenaient presque tous à la franc-maçonnerie, tout comme les dirigeants de la Révolution elle-même.»
Il faut ajouter que si la Constituante a voté l’émancipation des juifs, c’est parce qu’elle était achetée par eux. Ainsi, tout rentre de nouveau dans l’ordre racial : le mouvement estimable du peuple français redevient une affaire de juifs et de francs-maçons.
En réalité, selon M. Rosenberg, il faut distinguer dans la Révolution française deux choses. D’une part, il y a le soulèvement-en-tant-que-tel et, d’autre part, il y a les idées de 1789. D’une part, il y a le soulèvement sans les idées, et d’autre part, les idées sans le soulèvement.
C’est considérée en soi, en tant que soulèvement pur d’hommes n’ayant aucune idée dans la tête, que la « révolte » du peuple français est « légitime » et qu’elle est une affaire du peuple français. Quant aux idées de 1789, elles ont été inventées par des « penseurs exaltés », les « prédicateurs des soi-disant Droits de l’Homme ».
Comment se fait-il que les idées de 1789 n’aient pas été élaborées en 1789 ? Pourquoi au dix-huitième siècle et non au huitième ? N’y avait-il pas, à cette époque aussi, suffisamment de « penseurs exaltés » ?
Ce sont des questions que M. Rosenberg évite très soigneusement.
Mais enfin, pourquoi les idées élaborées par les « penseurs exaltés » ont-elles été acceptées par les masses ? L’Eglise faisait tout ce qu’elle pouvait pour maintenir la mystique religieuse et l’idéologie féodale. Pourquoi les masses ont-elles accepté cependant les idées de 1789 ?
M. Rosenberg trouve une réponse admirable. L’acceptation des idées de 1789 par le peuple français a été une heure de faiblesse dans l’histoire de la France. C’était la même chose, dit-il, qu’à la fin de la guerre de 1914-1918, lorsque le peuple allemand a cru aux promesses du président Wilson !
« Il s’est révélé chez les Français, dit-il, ce que nous avons dû vivre nous-mêmes en Allemagne, à savoir qu’une heure de faiblesse dans l’histoire d’un peuple peut entraîner les conséquences les plus décisives pour des dizaines, voire des centaines d’années. »
La faiblesse a consisté, selon M. Rosenberg, dans l’acceptation des idées de 1789 « à titre de principes politiques », en langage clair : dans l’instauration de la République démocratique.
La création de la République démocratique bourgeoise, voilà l’heure de faiblesse ! Le soulèvement en soi était, dit M. Rosenberg, le signe d’une « force vitale non encore brisée ». Mais la démocratie bourgeoise, voilà la faiblesse de la Révolution française. Et qu’est-ce qui n’aurait pas été une faiblesse ? Evidemment, si les Français n’avaient pas institué la démocratie. Mais s’ils n’avaient pas institué la démocratie, en quoi aurait consisté la Révolution ? C’est donc la Révolution elle-même qui était une heure de faiblesse. Et c’est ce que prouve la force qu’elle a montrée en écrasant l’aristocratie, en répondant au manifeste de Brunswick par la victoire de Valmy, en battant la réaction féodale à l’intérieur et sur les champs de bataille. C’est cette faiblesse qu’ont réveillée les Jacobins et aussi, évidemment Napoléon. Mais voilà l’obscurantisme : la substitution d’une fable à l’histoire réelle.
En essayant de nier ainsi le sens et la portée historique immenses de la Révolution française, M. Rosenberg s’est bien gardé de rappeler les paroles que prononça le plus grand poète de l’Allemagne, Goethe, qui a dit au soir de Valmy :
« Ici et aujourd’hui commence une ère nouvelle de l’histoire du monde, et vous pourrez dire que vous y avez été.»
Mais M. Rosenberg et ses collègues ne sont pas en guerre seulement contre les penseurs et écrivains français du dix-huitième siècle ; ils renient ou « mettent au pas » les plus grands penseurs et écrivains de l’Allemagne : Lessing et Herder ; Goethe et Schiller ; Kant, Fichte, Hegel et Heine, de même qu’ils sont en guerre contre tous les représentants de la pensée avancée de toutes les époques.
Ce que M. Rosenberg appelle « heure de faiblesse » mérite qu’on s’y attarde encore. En quoi a consisté « la faiblesse » ? La comparaison avec le président Wilson et les développements ultérieurs permettent de donner la réponse. La Révolution française a promis la société idéale et il y a eu le capitalisme. Mieux, ce sont les idées de 1789 elles-mêmes qui sont responsables du capitalisme et de la haute finance. Car il est entendu, pour M. Rosenberg, que cette haute finance est exclusivement juive.
Or, c’est l’une des idées de tolérance qui a abouti à l’émancipation des juifs, ce qui a permis à ces derniers de devenir des financiers. D’où il résulte que c’est l’idée de tolérance qui est la cause de la haute finance .
Ces considérations caractéristiques de ce que M. Rosenberg appelle « l’une des plus profondes révolutions philosophiques de l’histoire » sont établies dans deux textes fondamentaux.
D’après le premier,
« les mots d’ordre de 1789 : n’ont pas servi, nous en sommes convaincus, aux forces vitales fortes et bonnes, mais ont conduit les hommes à l’acceptation de représentations fantastiques étrangères à la vie, à la surestimation de constructions intellectuelles, à détacher l’individu du vieux sol natal, tel qu’il était donné et, finalement, sur la base de cette aliénation de la vie, à abandonner le sang au profit d’un peuple parasite de Palestine et à introduire le sang nègre étranger et hostile à tous les Européens.»
Ce genre de « reproche » aux idées de 1789 ne fait que révéler le degré de civilisation de celui qui le formule.
Mais il ne faut pas s’arrêter à cette constatation. Il faut voir ce qu’il y a derrière le racisme. C’est ce que montre plus clairement une seconde série de déclarations de M. Rosenberg.
« La destruction des liens anciens et la proclamation de la liberté absolue de l’individu économique ont rendu possible cette époque capitaliste, laquelle va aujourd’hui au devant de sa fin au milieu d’une épouvantable catastrophe des peuples, cet emploi de l’or comme fondement de toute la vie politique, cette reconnaissance du profit comme mesure de la capacité sociale qui a donné son empreinte à toute la vie européenne du dix-neuvième siècle et du vingtième siècle ».
M. Rosenberg défend de remonter au delà de « l’âme raciale ». C’est, déclare-t-il, le terme ultime de la connaissance humaine. Seulement cette fois, c’est lui qui nous conduit au delà de la « Rassenseele ».
L’un des méfaits des idées de 1789, c’est, selon lui, « la proclamation de la liberté absolue de l’individu économique ». Autrement dit, c’est la « libre concurrence ». Ainsi, la libre concurrence est un mal ! Idée bien connue. C’est la thèse officielle des grands monopoles et de leurs propriétaires qui composent les 200 familles, la ploutocratie ou l’oligarchie financière.
L’époque mauvaise que « critique » M. Rosenberg, et qu’il situe au dix-neuvième et au commencement du vingtième siècle, c’est l’époque du « capitalisme de libre concurrence ». A partir de la fin du dix-neuvième siècle, le règne de la libre concurrence est remplacé par le règne des monopoles ; le capitalisme devient le capitalisme de monopole, appelé par Lénine l’impérialisme. L’époque néfaste et pernicieuse, c’est, selon M. Rosenberg, le règne de « la liberté absolue de l’individu économique », c’est-à-dire la libre concurrence. L’époque supérieure, c’est celle des trusts. Tel est précisément le point de vue du capitalisme de monopole. Et c’est ainsi qu’apparaît, derrière le brouillard magique de la « Rassenseele », la réalité matérielle des trusts, cartels et autres formations du capital monopoliste, et derrière la mystique de M. Rosenberg la politique de l’impérialisme.
« L’impérialisme est l’époque du capital financier et des monopoles, qui portent partout leurs aspirations à la domination et non à la liberté. Réaction sur toute la ligne, quel que soit le régime politique ; extrême tension des antagonismes en présence dans ce domaine également, tel est le résultat de ces tendances (Lénine, « L’Impérialisme, stade suprême du capitalisme. »)
Qu’est-ce que le règlement de comptes de M. Rosenberg avec les idées de 1789 ? L’expression de la volonté de l’oligarchie financière, de la ploutocratie, d’en finir avec la démocratie dans les institutions et les lumières dans les esprits pour exercer une dictature terroriste s’appuyant sur l’obscurantisme.
Dans quel but ?
D’une façon générale, pour sauver sa domination. En France particulièrement, pour réduire ce pays à l’état de colonie.
M. Rosenberg a promis, au début de son discours, de se placer « au point de vue de la plus profonde compréhension pour les processus historiques ».
Il en est résulté qu’il s’est abstenu de parler de la féodalité. Le mot n’est même pas prononcé. M. Rosenberg parle pudiquement de « l’époque dynastique ».
Il agit ainsi pour dissimuler la portée historique de la Révolution française, dont la grandeur consiste précisément dans le fait d’avoir détruit radicalement la féodalité.
« Avant les autres nations, écrit Lénine, la France secoua le féodalisme qu’elle balaya après plusieurs années d’une révolution victorieuse et elle conduisit, contre plusieurs peuples économiquement et politiquement arriérés, une nation qui n’était fatiguée par aucune guerre, qui venait de conquérir terre et liberté, et à laquelle l’abolition du féodalisme avait insufflé des forces nouvelles.»
Mais M. Rosenberg ne peut pas parler de féodalité. Car si on parle de féodalité, il faut parler des classes de la société féodale, et en premier lieu de la bourgeoisie révolutionnaire qui a mené la lutte contre la féodalité.
« Prenez la Grande Révolution, écrit Lénine. Ce n’est pas à tort qu’elle s’appelle grande. Pour la classe pour laquelle elle a travaillé, c’est-à-dire pour la bourgeoisie, elle a fait tant que le dix-neuvième siècle, ce siècle qui a donné à l’humanité entière civilisation et culture, s’est écoulé sous le signe de la Révolution française. Dans tous les coins du monde ce siècle ne faisait que réaliser, exécuter par étapes, parachever ce que les grands révolutionnaires français avaient créé pour la bourgeoisie dont ils servaient les intérêts à l’insu d’eux-mêmes, en invoquant la Liberté, l’Égalité et la Fraternité …»
Mais M. Rosenberg ne peut pas parler de la bourgeoisie qui a entraîné le peuple à la révolution. Si l’on parle de la bourgeoisie, il faut se demander d’où elle vient et comment elle s’est développée. Mais M. Rosenberg ne peut examiner sérieusement d’où vient la bourgeoisie et comment elle s’est développée, car cela oblige à examiner les conditions de la production et des échanges sous la féodalité. Et si l’on examine ces conditions, on est obligé de constater qu’à la veille de la Révolution française, les nouvelles conditions de production et d’échange qui s’étaient développées au sein de la société féodale étaient en contradiction avec les conditions de la société féodale elle-même.
Marx et Engels écrivent dans le « Manifeste du Parti communiste » :
« Les moyens de production et d’échange qui servirent de base à la constitution de la bourgeoisie furent produits dans la société féodale. A un certain stade de développement de ces moyens de production et d’échange, les conditions dans lesquelles la société féodale produisait et trafiquait, l’organisation féodale de l’agriculture et de la manufacture, en un mot les conditions féodales de la propriété ne correspondaient plus aux forces productives déjà développées. Elles entravaient la production au lieu de la favoriser. Elles se transformaient en autant de chaînes. Il fallut les briser ; elles furent brisées. »
C’est le développement d’un nouveau modèle de production, au sein de la société féodale, qui est à la base de l’histoire de la Révolution française. C’est ce développement qui produit la bourgeoisie révolutionnaire et avec eux des bourgeois juifs et francs-maçons.
Ce n’est pas tout. A la base même de ces changements qui se produisent dans la production et les échanges, il y a les transformations survenues dans les instruments de production.
« Les rapports sociaux, écrit Marx dans un texte célèbre, sont intimement liés aux forces productives. En acquérant des forces productives nouvelles, les hommes changent leur mode de production, et en changeant le mode de production, la manière de gagner leur vie, ils changent tous leurs rapports sociaux. Le moulin à bras vous donnera la société avec le suzerain ; le moulin à vapeur, le capitalisme industriel » (Karl Marx, « Misère de la philosophie »).
M. Rosenberg ne peut pas parler de tout cela parce que, par ses juifs et ses francs-maçons, il cherche à substituer aux forces motrices réelles de l’histoire des forces motrices imaginaires ; aux classes, les races ; à la lutte des classes, la lutte des races ; au développement des forces productives, les convulsions de la « Rassenseele » ; à la connaissance, la fable.
Il ne peut pas voir, dans la Révolution française, la naissance d’un monde nouveau, et dans les idées de 1789, des idées qui ont entraîné les masses parce qu’elles exprimaient les nouveaux besoins de la société. Il veut nier que la Révolution française avait une tâche historique à accomplir et qu’elle l’a accomplie.
La Révolution française a libéré le capitalisme des entraves de la féodalité. Elle a rendu possible son développement prodigieux. Mais M. Rosenberg ne représente pas le capitalisme qui aspire à se libérer de ses entraves. Il représente un capitalisme à entraves. Il ne représente pas le capitalisme de libre concurrence, mais le capitalisme de monopole. Aux entraves de la vieille féodalité que la Révolution française a arrachées, le capitalisme des monopoles substitue les entraves d’une nouvelle féodalité, précisément tout ce système de chaînes qu’il représente lui-même. Voilà pourquoi M. Rosenberg « reproche » à la Révolution française « la destruction des liens anciens », c’est-à-dire des chaînes de la féodalité.
La Révolution française a libéré le nouveau régime social. Elle a permis son développement. Mais M. Rosenberg représente l’impérialisme qui veut, au contraire, par tous les moyens, empêcher l’avènement du nouveau régime social dont est grosse la société capitaliste.
La bourgeoisie révolutionnaire a lutté à la fois contre l’aristocratie et contre son alliée l’Eglise. Elle fit la Révolution en s’appuyant sur une pensée avancée, conforme à l’état contemporain des sciences de la nature : le matérialisme philosophique.
« Au cours de toute l’histoire contemporaine de l’Europe et, surtout à la fin du dix-huitième siècle en France, où se déroulait une lutte décisive contre les vestiges accumulés du moyen âge, contre la féodalité dans les institutions et dans les idées, le matérialisme philosophique fut l’unique doctrine conséquente, fidèle à tous les principes des sciences de la nature, hostile aux superstitions, au cagotisme, etc …» (Lénine, « Karl Marx et sa doctrine » P.38).
La Révolution française n’a pas réalisé la suppression de l’antagonisme entre les classes, ce n’était pas sa tâche historique. Mais elle a accompli sa mission, en permettant le développement du dernier régime basé sur l’exploitation de l’homme par l’homme : du régime capitaliste. En libérant l’humanité de la barbarie féodale, elle a développé les conditions qui lui permettent de se libérer de toute barbarie.
La critique révolutionnaire du capitalisme c’est, sur le plan théorique, le socialisme scientifique ; sur le plan pratique, la révolution prolétarienne. Quant à M. Rosenberg, il représente la lutte du capitalisme agonisant pour le prolongement de son existence. Le capitalisme voudrait subsister en supprimant toutes les conditions qui peuvent favoriser son renversement. En vérité, il ne sait pas lui-même jusqu’où, jusqu’à quel degré de barbarie il doit remonter dans l’histoire.
Les idées de 1789, l’œuvre des grands penseurs qui, selon le mot d’Engels, « ont préparé les esprits à la Révolution », ont porté à la mystique religieuse des coups décisifs. Mais en combattant les superstitions héritées du moyen âge, ils ont porté des coups décisifs aussi à toutes les mystiques et à toutes les superstitions. Ils ont été, en même temps, les prédécesseurs du socialisme scientifique lui-même. Mais M. Rosenberg représente un capitalisme qui veut, à nouveau, étayer son régime chancelant par une mystique, mais qui soit assez ténébreuse pour enlever à l’homme toute chance de découvrir jamais une issue par où il puisse sortir de l’esclavage capitaliste. C’est pourquoi doit être supprimé non seulement le socialisme scientifique, mais son précurseur, le socialisme utopique ; non seulement le matérialisme dialectique de Marx et d’Engels, mais encore son précurseur, le matérialisme français du dix-huitième siècle. En vérité, M. Rosenberg ne sait pas jusqu’où il faudra remonter pour rendre les ténèbres assez épaisses.
Le national-socialisme est la contre-révolution honteuse.
« Camille Desmoulins, Danton, Robespierre, Saint-Just, Napoléon, les héros comme les partis et la masse de la vieille Révolution française réalisèrent, sous le costume romain et avec des phrases romaines, la tâche imposée par leur époque, c’est-à-dire l’affranchissement et l’établissement de la société bourgeoise moderne.» (Marx, « Le 18 brumaire de Louis Bonaparte »).
Les chefs nazis accomplissent, sous déguisement révolutionnaire et avec des phrases révolutionnaires, les tâches de la contre-révolution de leur époque, c’est-à-dire l’étouffement de la révolution socialiste.
L’histoire, qui se répète ici encore sous forme de farce, amène une farce qui se joue dans le sang et dans le deuil des peuples.
M. Rosenberg veut, lui aussi, faire figure d’homme de progrès en parlant et en agissant pour la régression.
Dans son discours de Paris, il a dit :
« Nous, nationaux-socialistes, nous nous défendons d’avance contre le malentendu selon lequel nous aspirons, en surmontant l’idéologie de la fin du dix-neuvième siècle, à rétablir les conditions d’existence et les formes d’Etat du dix-septième siècle, voire des formes beaucoup plus anciennes.»
Mais personne n’accuse M. Rosenberg de vouloir rétablir des conditions d’existence en surmontant des idéologies, car on ne transforme pas les sociétés par des réfutations théoriques.
Quant au reste, M. Rosenberg essaie de se justifier de la manière suivante : avant la démocratie, il y a eu la royauté ; les « nationaux-socialistes » ne veulent ni de la démocratie, ni de la royauté. Ou encore : au dix-huitième et au dix-neuvième siècles il y avait le libéralisme ; auparavant, c’est l’Église qui régnait ; or le « national-socialisme » ne veut ni du libéralisme, ni du monopole de l’Église. Devant l’accusation qu’il veut le retour au moyen âge, M. Rosenberg répond : il ne s’agit pas de retour au moyen âge, car le moyen âge, c’est la domination de l’Église, or, nous ne voulons pas de la domination de l’Église.
Comme M. Rosenberg et ses supérieurs hiérarchiques travaillent au maintien du capitalisme de monopole, on ne peut pas les accuser de vouloir retourner effectivement au moyen âge, en supprimant les trusts comme il est promis dans le programme de leur parti.
Mais il est question, d’abord, d’examiner les rapports entre les hommes et le sort réservé aux hommes dans les conditions du « national-socialisme ».
Quand on accuse M. Rosenberg et ses mandataires de revenir au moyen âge, on constate un fait : les rapports entre les hommes, sous le régime de la « révolution national-socialiste », reconstituent, au vingtième siècle, des rapports barbares qui ont existé dans les périodes les plus ténébreuses du moyen âge. Et ici il ne faut plus pérorer solennellement, il faut être pratique. Quel est, par exemple, le niveau culturel que représentent les camps de concentration pour les ouvriers et les intellectuels révolutionnaires ?
Quel est le niveau culturel des traitements qu’on leur fait subir ?
Quel est le niveau culturel de l’antisémitisme et de la persécution des nègres ?
Quel est le niveau culturel de l’oppression des nations privées de leurs libertés ?
Il est clair qu’on pourrait, indéfiniment, multiplier ces questions.
La démocratie bourgeoise a été, selon l’expression de Lénine, un immense progrès par rapport au moyen âge. La destruction de cette démocratie et le passage aux méthodes terroristes de gouvernement est à son tour évidemment une régression.
Le capitalisme d’aujourd’hui, c’est-à-dire l’impérialisme, a été appelé par Lénine le capitalisme pourrissant. Condamné par l’histoire, plus que mûr pour la disparition, il ne peut subsister encore que sous cette forme, et la volonté de le maintenir se traduit nécessairement, dans tous les domaines, dans l’économie, dans la politique et dans l’idéologie, par la régression.
Toute l’idéologie raciste n’est précisément que le reflet de cette volonté acharnée du grand capital d’organiser la régression dans tous les domaines.
Si le racisme critique l’Église, c’est, si l’on peut dire, « de droite ».
« Le « national-socialisme », qui a écrasé le bolchévisme en Allemagne, à une époque où l’Église ne pouvait pas le surmonter, a fait davantage pour le christianisme que tous les autres partis allemands réunis» (M. Rosenberg, « Blut und Ehre », tome 2, page 354).
C’est le « grand argument » qu’emploie M. Rosenberg chaque fois que des personnalités catholiques manifestent des velléités de résistance.
M. le Reichsleiter se vante, évidemment, lorsqu’il déclare avoir « écrasé le bolchévisme en Allemagne ». Mais il est clair que ce qu’il reproche à l’Église, c’est de ne plus avoir assez d’autorité sur les masses pour les maintenir sous la domination du grand capital, et ce qu’il veut, c’est une mystique moins discréditée et moins lucide que la mystique religieuse, plus directement démagogique aussi et plus obscurantiste encore, comme précisément le racisme.
Si nous examinons, ensuite, les « considérations théoriques » de M. Rosenberg, nous y retrouvons l’effort pour revenir en arrière, de la connaissance scientifique à la fable, de la science à l’illusion.
Il a fallu des siècles pour découvrir que ce ne sont pas les idées qui représentent les forces motrices de l’histoire.
Cependant, alors que, grâce au marxisme, on sait maintenant quel est le rôle exact des idées dans l’histoire, M. Rosenberg proclame dans son discours que ce sont les « idées » qui font l’histoire.
Non, M. Rosenberg ne veut pas retourner au moyen âge. Il veut « simplement » amener le moyen âge au vingtième siècle. Mais ce n’est pas ce simple distinguo qui en fera un révolutionnaire.
Pour comprendre le racisme, il faut avoir présente à l’esprit la remarque suivante de Lénine :
« Les hommes ont toujours été, en politique, les victimes unilatérales de la tromperie et de l’illusion, et ils le seront aussi longtemps qu’ils n’auront pas appris à chercher derrière les phrases morales, religieuses, politiques et sociales, les intérêts de telle ou telle classe » (Lénine, « les trois sources et les trois éléments constitutifs du marxisme »).
Tout l’effort de la propagande du marxisme a tendu à apprendre aux masses les plus larges à déceler, derrière les phrases de toute sorte, les intérêts de classe de la bourgeoisie, afin de les mettre à l’abri, en politique, de la tromperie et de l’illusion.
En éclairant ainsi les masses, le marxisme a développé, a renouvelé l’oeuvre des grands penseurs du dix-huitième siècle.
La bourgeoisie au contraire a toujours multiplié ses efforts pour empêcher les masses de découvrir les intérêts de classe derrière ses phrases, afin que précisément, les hommes demeurent, en politique, les victimes de la tromperie et de l’illusion.
Dans ce travail, la bourgeoisie a été soutenue par toutes les Églises.
L’Église catholique a même fabriqué un « socialisme chrétien », dont le « spiritualisme » était destiné à maintenir les ouvriers sous l’influence de la bourgeoisie, et dont les théories économiques confuses devaient masquer au prolétariat sa situation dans la société capitaliste.
La bourgeoisie a été soutenue par les rhéteurs libéraux, qui ont voulu faire des idées de 1789, des idées de la bourgeoisie révolutionnaire du dix-huitième siècle, des oeillères pour le prolétariat révolutionnaire du dix-neuvième et du vingtième siècles.
Elle a été soutenue, dans tout son travail d’obscurcissement de la conscience des travailleurs, très spécialement par la social-démocratie, dont les chefs fabriquaient des illusions nouvelles, chaque fois qu’une illusion ancienne venait d’être dissipée.
C’est à cette tradition que se rattachent les chefs racistes. M. Rosenberg a répété mille fois que le mouvement « national-socialiste » était aussi « un effort de rééducation du peuple allemand ». Mais rééducation en quel sens ?
Dans le sens réactionnaire : utiliser tous les procédés possibles et imaginables : l’école, la propagande et l’intimidation, pour que les masses perdent l’habitude de chercher, derrière les phrases, les intérêts de classe, et pour qu’elles ne puissent plus jamais l’acquérir.
M. Rosenberg a mentionné, en passant, qu’il avait combattu le marxisme.
La façon dont il l’a combattu pratiquement est bien connue. La façon dont il a essayé de le faire théoriquement mériterait de l’être davantage. Ses « réfutations » consistent dans des adjectifs. La seule fois où il ait essayé de s’élever au dessus de ce niveau, il en est résulté cet argument que « selon Marx, la propriété, c’est le vol » (« Blut und Ehre », tome 2, page 29).
En désespoir de cause, M. Rosenberg a prêté à Marx la formule et les idées de Proudhon.
Dans son discours de Paris, M. Rosenberg qui, en Allemagne, se proclame autant de fois qu’il en a l’occasion le grand vainqueur idéologique du marxisme, n’a rien dit de cette doctrine. Evidemment, ce marxisme que M. Rosenberg a rayé « définitivement » de l’univers, a pris corps dans l’Union soviétique. La puissance de celle-ci (le marxisme est, d’après l’auteur du « Mythe du vingtième siècle », une doctrine purement destructive) incite à la prudence. Mais tous les écrits de M. Rosenberg sont dominés par cette préoccupation : trouver le moyen de recréer, malgré l’existence du marxisme, les ténèbres dans les consciences, au moins dans celles des couches les plus arriérées de la société. Et c’est ainsi que naît le racisme, dont tous les « mythes » correspondent à un double but : combiner la force et la ruse, pour mettre dans la conscience des hommes des illusions qui les rendent soumis au capital et prêts à la guerre impérialiste. Ils se sont orientés vers l’idée de race.
Par là doit se perdre la connaissance la plus importante, celle du rôle de l’économie. Par là doit se perdre la notion fondamentale de classe. Par-là doit se perdre la connaissance que le marxisme a apportée aux travailleurs des lois de l’évolution de la société, la connaissance du moyen de sortir de la société capitaliste.
On pourrait citer de nombreux exemples qui montrent comment les chefs racistes se sont creusés la tête pour trouver, à la place de chacune des notions claires du marxisme, une notion confuse correspondante.
Ces messieurs, qui ne veulent pas passer pour réactionnaires, ont fait exactement le contraire de ce que Descartes a voulu faire. Descartes a cherché une philosophie des idées claires et distinctes. Les chefs racistes ont cherché, à l’usage des masses, une « philosophie sociale » avec des idées obscures et confuses. M. Rosenberg dit lui-même qu’ils ont opposé à l’idée de classe l’idée de « l’honneur national » (« Blut und Ehre », tome 2, pages 256-257).
La race remplaçant la classe ; le sentiment de l’unité de race remplaçant la conscience de classe, l’honneur d’être du même sang que M.Krupp faisant oublier qu’on est exploité par lui ; l’âme raciale, que l’Etat hitlérien modèle à son gré, remplaçant la raison : voilà l’idéal des chefs racistes en matière d’éducation populaire.
L’idée obscure et confuse une fois choisie, toute la propagande est mise en oeuvre, selon les principes de la publicité commerciale. Mais pas uniquement la propagande.
L’unité de la race est un mythe, comme le socialisme dans l’Etat national-socialiste. Mais les masses, explique M. Rosenberg, sont imaginatives et passionnées. En tout cas, il faut les maintenir à ce niveau ou les y amener.
Le costume et la phrase ne suffisent pas, il faut aussi des gestes symboliques. M. Rosenberg pense que l’essentiel, c’est la foi, et qu’au prix de quelques gestes symboliques, on pourra faire croire aux travailleurs qu’en plein capitalisme de monopole, ils sont en socialisme.
Parlant devant un auditoire ouvrier, M. Rosenberg a dit un jour :
« Chaque grande époque crée ses symboles. Les pyramides en Egypte montrent la volonté de domination de pharaons tyranniques. Une maison du travail allemand doit être un jour le symbole de la volonté du vingtième siècle » (Rosenberg, « Blut und Ehre», page 191).
L’exploitation de l’homme par l’homme continuera d’une manière de plus en plus féroce, mais « une maison du travail allemand » sera le symbole réel d’un socialisme qui n’existe que dans l’imagination de ceux qu’on trompe.
En même temps, l’exploitation de l’ignorance ordinaire entretenue par le capitalisme, l’appel à tous les restes barbares déposés dans la conscience humaine par l’exploitation millénaire de l’homme par l’homme.
C’est toute cette vaste entreprise qui constitue le racisme, et qui lui fait mériter la désignation : obscurantisme du vingtième siècle.
Parlant de la bourgeoisie qui, au dix-neuvième siècle déjà, cherchait un refuge dans la mystique religieuse en proclamant « il faut une religion au peuple », Engels a écrit ces paroles prophétiques :
« Et à moins d’admettre une révélation surnaturelle, nous devons admettre qu’aucun dogme religieux ne suffit pour étayer une société chancelante » (Friedrich Engels, « Socialisme utopique et socialisme scientifique »).
Les chefs du « national-socialisme » ont beau vouloir fabriquer à l’homme une âme-ersatz, une âme d’esclave : aucune mystique ne suffit pour étayer une société chancelante. Pas même la mystique raciste.
M. Rosenberg a consacré une partie importante de son discours à la question de l’or.
Il a proclamé que l’Allemagne luttait contre l’or ; pour libérer les peuples de la domination de l’or ; que sa victoire débarrasserait la société du règne de l’or, etc…
L’or étant le symbole du capitalisme devant les masses, ce développement était nécessaire pour étayer cette idée selon laquelle la guerre menée par l’Allemagne est anticapitaliste.
Naturellement, ici aussi, M. Rosenberg renverse le rapport véritable entre les choses. Se citant lui-même, il déclare :
« La folie de l’or, qui nous a été insufflée artificiellement, a été la condition préalable pour l’étalon-or international qui passe pour être naturel, mais qui va disparaître aussi bien que la croyance du moyen âge inquisitorial dans les sorcières a disparu, à la suite des lumières ultérieures. »
M. Rosenberg utilise ici la plus banale des illusions. Celle qui consiste à expliquer la valeur de l’or par la croyance dans sa valeur. Il utilise en même temps une autre illusion bourgeoise. A force de voir circuler du papier à la place de l’or, celle-ci imagine être libérée de l’or. Ces deux illusions, dont la deuxième se retrouve en particulier chez Proudhon, ont été mises en relief et réfutées par Marx, qui a montré que l’or doit sa valeur aux conditions de la production des marchandises ; que ce n’est pas la folie de l’or qui fait l’importance du rôle de l’or ; que c’est au contraire l’importance de son rôle qui engendre cette folie. Le développement du rôle de l’or est lié au développement du capitalisme. Le premier pas, par conséquent, en vue de la suppression de la folie de l’or, c’est le renversement du capitalisme. L’or deviendra un métal sans valeur quand toutes les autres marchandises auront perdu la leur, quand il n’y aura plus de valeur d’échange, mais des valeurs d’usage.
Autrement dit, quand il n’y aura pas d’achat et de vente. C’est ce qui se réalisera dans le système mondial du communisme. Mais le commencement, c’est le renversement du capitalisme. Dans la mesure où l’or peut symboliser le capitalisme, la seule bataille effective contre l’or, c’est celle qui a pour objet le renversement du capitalisme. La lutte des peuples de tous les pays contre les capitalistes de tous les pays, voilà la bataille contre l’or.
Avec le développement du capitalisme, les diverses formes de la monnaie de papier se sont développées d’une manière extraordinaire et fort complexe. Mais commencer par dire que l’or est le symbole du capitalisme pour déclarer ensuite, comme le fait M. Rosenberg, que l’abandon de l’étalon-or est un acte « anticapitaliste », c’est simplement se moquer du monde. C’est comme si l’on disait que l’inflation est du socialisme.
C’est du reste à cette idée que tendent les affirmations de M. Rosenberg.
Si l’on regarde de plus près le passage que M. Rosenberg a consacré à l’or, on constate que, malgré toutes les déclamations, il n’est nullement question de le « supprimer ». M. Rosenberg écrit en effet :
« L’or est un métal précieux ; il conservera sa valeur et sa signification pour des buts différents ; il pourra peut-être même être moyen de règlement pour les relations économiques entre Etats. Mais cette hypnose de la dépendance intérieure qui a dominé pendant des siècles est aujourd’hui abolie. »
M. Rosenberg conserve la valeur de l’or ; il en fait un moyen de règlement entre Etats.
Il préconise, dans un avenir radieux que seul le mouvement « national-socialiste » peut procurer, précisément ce qui existe déjà aujourd’hui, car l’or a une valeur et il sert de monnaie internationale. Mais cela prouve aussi que M. Rosenberg veut, non supprimer, mais conserver l’or et avec lui le capitalisme.
Le système allemand de la monnaie de papier est complexe. Mais ce que M. Rosenberg est arrivé à montrer, c’est que l’impérialisme allemand, qui n’en a pas, lutte aussi pour l’or. Mais la lutte pour l’or n’est pas la lutte contre l’or.
M. Rosenberg reconnaît qu’il existe un lien entre les guerres de 1 939-1 940 et 1914-1918. C’est un fait qui apparaît trop clairement aux masses pour qu’il soit possible de le nier. Par contre, le Reichsleiter à l’idéologie essaie de masquer le véritable rapport qui existe entre ces deux guerres.
Reconnaître simplement que la lutte des puissances impérialistes pour un nouveau partage du monde, qui a causé tant de ruines et de deuils en 1914-1918, a recommencé en 1 939, serait trop dangereux. Les masses les plus larges en tireraient la conclusion que, s’il en est ainsi, il n’y a pas de raison pour que cette lutte sanglante ne recommence pas tous les vingt ans.
Or, c’est précisément ce sentiment si justifié, et en même temps si dangereux pour les impérialismes, que M. Rosenberg voudrait détruire. Il fait donc entrevoir la paix définitive. M. Hitler a exposé la même idée dans son discours du 10 décembre.
La guerre de 1914-1918 devait être déjà, selon la propagande des gouvernements impérialistes, la « dernière des guerres ».
Dans les écoles primaires de France, on faisait alors chanter aux enfants :
« Adieu canons, adieu mitraille Car voici la dernière bataille, Et la paix enfin revenue Des canons nous ferons des charrues…»
Les gouvernants impérialistes ne peuvent ni tenir cette promesse, ni s’en passer. Daladier disait aussi en septembre 1939 : « Il faut en finir ». Et la propagande officielle répétait : « Il vaut mieux en finir maintenant, pour n’avoir pas à remettre ça tous les six mois ». A présent, M. Rosenberg affirme que la victoire de l’Allemagne hitlérienne aura pour résultat la paix durable.
M. Rosenberg a essayé de justifier cette affirmation dans son discours. Il a voulu expliquer que les guerres de 1914-1918 et de 1 939-1 940 sont les deux « phases » d’un conflit qui n’avait précisément que deux phases, et que, par conséquent, la victoire de l’Allemagne termine le conflit. Il n’y aura donc plus de guerre, car :
« Le centre de gravité des forces s’est déplacé de telle façon que nous apercevons déjà devant nos yeux scrutateurs la solution historique mondiale de cette lutte pour la hiérarchie des valeurs. »
M. Rosenberg veut dire, dans ce langage nébuleux propice aux mythes, que l’hégémonie de l’Allemagne en Europe et un nouveau partage du monde à son bénéfice remettront tout en « ordre », car il en résultera une situation conforme à la force de l’impérialisme allemand. Dès lors, il n’y aura plus de conflit, car le partage du monde sera conforme aux rapports des forces entre les puissances impérialistes, et c’est la paix qui règnera.
M. Rosenberg veut donc faire croire qu’un partage du monde est définitif lorsqu’il correspond au rapport qui existe entre les forces des participants au partage.
Cependant, en parlant du « déplacement du centre de gravité des forces », il s’est réfuté lui-même.
Si ce « centre de gravité » peut se déplacer, si les forces en présence peuvent se modifier, alors le partage selon la force ne peut jamais être définitif. Et il en est ainsi effectivement.
Le partage du monde entre puissances impérialistes n’a pas d’autre loi que la force :
« Car on ne saurait, dit Lénine, concevoir en régime capitaliste d’autres bases pour le partage des sphères d’influence, des intérêts, des colonies, que la force des participants au partage, force économique, financière, militaire. »
C’est d’après la force que le partage a eu lieu à Versailles ; c’est d’après la force qu’il aura lieu maintenant, si les impérialismes subsistent.
Mais pour cette raison, tout partage impérialiste renferme en lui une nouvelle guerre, parce que « la force change différemment chez ces participants du partage, car il ne peut y avoir, en régime capitaliste, de développement égal des entreprises, des trusts, des branches d’industrie, des pays. » »
Lénine ajoute :
« L’Allemagne était il y a un demi-siècle une misérable nullité, si on compare sa force capitaliste à celle de l’Angleterre d’alors ; il en était de même du Japon comparativement à la Russie. Est-il « admissible » de supposer que dans une vingtaine d’années, le rapport des forces entre les puissances impérialistes reste inchangé ? Chose absolument impossible » (Lénine, « l’impérialisme, stade suprême du capitalisme », page 129).
Lénine écrivait ces lignes en 1916 !
Effectivement, après Versailles, le rapport des forces a changé. Mais de même que Versailles portait en lui la guerre, il ne pourra en être autrement pour un second Versailles.
Il en résulte que le « Nouvel Ordre Européen » ne donnerait nullement aux peuples de l’Europe la paix et la tranquillité. Ce qu’il leur donnerait, il n’est pas difficile de le préciser à la lumière des faits que l’on peut observer dès aujourd’hui.
Le « Nouvel Ordre Européen » consacrerait la victoire de l’impérialisme allemand, et transformerait les autres nations en nations semi-coloniales. Ce serait une vaste organisation en vue de l’exploitation et de l’oppression des peuples de l’Europe.
La nouveauté de cet « ordre nouveau » ne résiderait nullement dans le fait que des rapports nouveaux, non-impérialistes, se réaliseraient entre les peuples européens. De tels rapports ne sont pas possibles dans les cadres de l’impérialisme,
« car l’impérialisme ne peut rapprocher les nations que par la voie des annexions et des conquêtes coloniales, sans lesquelles on ne saurait, d’une manière générale, le concevoir » (Staline, « Les Questions du léninisme », tome 1, page 77).
La « nouveauté » résiderait dans le changement des principaux bénéficiaires de l’exploitation et de l’oppression renforcée.
Lénine a montré dès 1915 ce que signifient, en dernière analyse, les « Etats-unis d’Europe » en régime capitaliste.
« Bien entendu, il existe des possibilités d’accord temporaires entre capitalistes et entre puissances. C’est dans ce sens que l’on peut concevoir les Etats-unis d’Europe, comme une convention entre capitalistes européens, mais… une convention portant sur quoi ? Uniquement sur une politique commune pour écraser le socialisme en Europe, pour conserver les colonies dont on s’est emparé par brigandage, contre les entreprises du Japon et de l’Amérique » (Lénine, « Sur le mot d’ordre des Etats-unis d’Europe »).
En régime capitaliste, les Etats-unis d’Europe, la « Fédération européenne », ne peuvent reposer que sur des accords provisoires entre capitalistes européens ; le « nouvel ordre européen » serait donc à son tour instable, portant en lui les germes des conflits nouveaux. De plus, le but même de l’accord ne peut être que la conservation du butin et l’écrasement du socialisme en Europe. La « Fédération européenne » serait dominée par le but le plus réactionnaire et le plus aventureux que l’histoire puisse connaître.
On pouvait lire le 16 janvier, dans les journaux traduits :
« Aujourd’hui commenceront à Paris les pourparlers entre des organisations économiques allemandes et françaises de la métallurgie et du fer. La discussion portera sur toutes les questions d’intérêt commun. Elle est notamment destinée à régler l’attribution et la répartition des commandes.»
Il s’agit, comme l’indique L’Oeuvre, d’une conférence de « l’entente métallurgique franco-allemande », c’est-à-dire du supertrust qui groupe les trusts allemands et français et où se retrouvent MM. Krupp et de Wendel. Il s’agira de discuter sur « toutes les questions d’intérêt commun », sur les intérêts communs des ploutocraties qui dressent les peuples les uns contre les autres et s’entendent sur leur dos. Il s’agira de discuter de la « répartition des commandes », des moyens de mettre la France et l’Europe en coupe réglée, cependant que les histrions de la propagande continueront à pérorer solennellement sur « la lutte du Sang contre l’Or ».
Il est clair que l’idéologie et la mythologie de M. Rosenberg ne sont qu’un brouillard artificiel destiné à masquer aux peuples les réalités économiques et financières qui inspirent la politique des impérialismes. Derrière la « Rassenseele », il y a le surprofit de monopole.
M. Rosenberg a tendu la main à tous ceux qui veulent collaborer à la nouvelle Europe, c’est-à-dire à tous ceux qui veulent se soumettre. Car les rapports de collaboration au sein d’un groupement impérialiste sont des rapports impérialistes de subordination, d’exploitation et d’asservissement. Tel est le sort auquel la France est vouée par les hommes du grand capital en France et leurs protecteurs. La situation actuelle de l’Europe, les annexions de l’Autriche et de la Tchécoslovaquie, l’intervention en Espagne, la situation de la Belgique, de la Norvège, de la Hollande, du Danemark, qui ont perdu l’indépendance, « l’organisation » de l’Europe centrale et balkanique, qui implique la vassalisation encore plus complète de la Roumanie et de la Hongrie, tout cela montre que l’oppression s’aggrave, que l’impérialisme colonise l’Europe, comme il a colonisé jadis l’Afrique et que la Fédération européenne, sous l’hégémonie de l’Allemagne ou de l’Angleterre, ne pourrait être qu’une vaste prison pour les peuples de l’Europe.
M. Rosenberg dit dans son discours que la deuxième guerre impérialiste vient du fait que « les vraies forces du sang se sont révoltées contre cet odieux abaissement des valeurs vitales » que représentait le premier Versailles. Mais où était cette « révolte » quand, durant les années qui ont précédé la deuxième guerre impérialiste, se déroulaient les tractations entre les représentants du « Sang » et de « l’Or » en vue d’une agression antisoviétique ? M. Rosenberg a couvert cet aspect essentiel des dessous de la guerre impérialiste de 1939-1940-1941 du voile d’un silence significatif.
Car c’est un fait que l’impérialisme franco-anglais voulait régler ses contradictions avec l’impérialisme allemand aux frais de l’Union soviétique.
Est-ce que M. Rosenberg a oublié l’époque où les représentants du régime hitlérien se proclamaient les Saint-Georges de la lutte contre le « dragon du bolchévisme » et les héros envoyés par la Providence tout exprès sur la terre pour défendre contre « la steppe envahissante », comme disait l’auteur du « Mythe du vingtième siècle », l’« occident » avec, comme contenu essentiel, le capitalisme ?
Pour conserver ses possessions, l’impérialisme franco-anglais « offrait » en effet des annexions en Union soviétique. C’est la raison pour laquelle on a permis à l’Allemagne hitlérienne de réarmer. C’est pour cela qu’on lui a fait concession sur concession. On lui a permis ainsi d’annexer l’Autriche et le Tchécoslovaquie. On a fait pratiquer par Blum la politique de la non-intervention. C’était, entre les représentants du « Sang » et de l’« Or », des tractations impérialistes dont on est loin de connaître tous les détails : Munich en est un exemple inoubliable.
Seulement, la « force vitale créatrice profonde », c’est-à-dire l’impérialisme allemand, a reculé devant la force immense du pays du socialisme. C’est alors que cessent les concessions de la part de l’impérialisme franco-britannique, et la lutte s’engage pour un nouveau partage du monde, non pas aux frais du pays du socialisme, mais entre les puissances impérialistes elles-mêmes.
M. Rosenberg ne dissimule pas seulement le rôle essentiel qu’ont joué les visées antisoviétiques de l’impérialisme franco-anglais dans le déclenchement de la guerre actuelle. Il dissimule également que cette politique constitue la cause fondamentale de la défaite de la France. Il sait parfaitement que la guerre antisoviétique était la préoccupation principale de l’impérialisme franco-britannique. Il sait parfaitement que c’est l’esprit de classe des hommes du grand capital qui a causé la défaite et qui a livré la France. Néanmoins, il dissimule ce fait incontestable et tente de dégager la responsabilité de la ploutocratie française en prétendant que c’est la « démocratie » qui a causé la guerre et la défaite. Autre manifestation de la solidarité impérialiste, des « intérêts communs » dont discutent en ce moment les représentants des trusts sidérurgiques de France et d’Allemagne, réunis à Paris.
M. Rosenberg a essayé de renforcer son « argumentation » en affirmant plusieurs fois, et sur les tons les plus variés, que, de toute façon, il ne nous reste pas d’autre possibilité que de nous soumettre à la domination impérialiste, parce que cette domination est définitive, voire éternelle. A quoi servirait la résistance, alors que l’avenir appartient à l’asservissement ?
Mais il n’y a là évidemment que la vantardise conforme aux principes de la publicité.
C’est ce qui apparaît dans le discours même de M. Rosenberg. Car celui qui fut le grand spécialiste des diatribes antisoviétiques, comme des diatribes antimarxistes, a observé au sujet de l’URSS un silence tellement colossal qu’il n’en a pas dit un seul mot.
Et que pouvait-il dire ? Les diatribes sont interdites.
L’homme qui a proclamé que le marxisme est « purement destructif » est contraint au silence par la force immense dont la source est le socialisme construit sous le drapeau de Marx, d’Engels, de Lénine et de Staline.
Le silence de M. Rosenberg sur l’URSS souligne le fait que le pays du socialisme est la réfutation vivante de tout son discours et de tous les discours similaires, de toutes les affirmations racistes concernant l’avenir du monde et de toutes leurs prétentions à l’éternité de l’impérialisme.
Le rêve des impérialismes de régler leur conflit aux frais de l’Union soviétique s’est évanoui grâce au génie de Staline. Les impérialismes sont engagés maintenant dans une lutte qui ne cesse de les affaiblir. Mais pour l’URSS, pour laquelle la politique extérieure stalinienne a conservé la paix, chaque heure représente un pas en avant dans la construction du monde nouveau et, par conséquent, un accroissement du bien-être des peuples qui y vivent libres, ainsi que de la puissance du pays du socialisme. C’est le monde nouveau qui se renforce, pendant que le monde ancien, auquel appartient M. Rosenberg, avec sa ploutocratie déguisée par les mythes racistes, agonise au milieu de la guerre impérialiste qui accumule les morts et les ruines.
Cette leçon est comprise chaque jour davantage par les peuples en lutte pour leur liberté et leur indépendance.
M. Rosenberg a beau chercher des mythes et des slogans destinés à semer dans les masses le découragement : l’exploitation impérialiste a créé elle-même les conditions qui permettent de mener pour son renversement la lutte efficace et, finalement, victorieuse.
Dans tous les pays belligérants, en Allemagne comme en Angleterre, en Italie comme en France, les peuples ont à régler des comptes avec leurs propres capitalistes. Dans cette lutte, ils ne sont pas seuls. Ils ont pour alliés en puissance les peuples coloniaux, ainsi que tous les peuples exploités.
Les prolétaires des pays opprimés ont pour alliés en puissance tous ceux qui luttent pour la libération nationale.
L’aggravation de l’opposition impérialiste n’est pas un processus unilatéral. En même temps qu’elle, augmente aussi le nombre des hommes qui ont un intérêt vital au renversement de l’impérialisme. C’est une armée immense dont les forces ne cessent de grandir, alors que s’affaiblissent celles de l’impérialisme ; qui est déjà suffisamment forte pour remporter la victoire et qui empêchera certainement les ploutocraties de terminer leur guerre sans que l’impérialisme soit renversé sur de nouveaux point du globe, comme il l’a été en 1917 en Russie.
La condition fondamentale de la victoire, dans cette lutte, c’est l’union de tous les opprimés contre leurs oppresseurs.
C’est pourquoi dans la France opprimée, vouée à un avenir d’exploitation et de servitude, le Parti communiste appelle à l’union de la Nation française pour la liberté et pou l’indépendance, à l’union pour chasser la coterie des traîtres et des parasites, afin d’instaurer un vrai gouvernement du peuple qui abattra réellement la puissance du capital et qui, composé d’hommes intègres, gouvernant par le peuple, gouvernera exclusivement pour lui.
M. Rosenberg a terminé son discours par ces mots :
« Du chaos, de la misère et de la honte de l’idée internationale, l’idéal raciste est apparu. La victoire de l’idéal dans tous les domaines signifie la véritable révolution du vingtième siècle.»
Ces lignes furent écrites par M. Rosenberg il y a longtemps. Le monde a changé, mais le thème de propagande de l’auteur du « mythe du vingtième siècle » n’a pas changé.
Ce n’est pas le monde entier qui est plongé dans le chaos et la misère ; le chaos et la misère sont les caractéristiques de ce monde qui n’occupe plus que les cinq sixièmes du globe. C’est ce monde qui fait chaque jour la démonstration qu’il est incapable d’engendrer autre chose que le chaos et la misère, la guerre impérialiste et ses ruines. C’est bien de ce chaos et de cette misère qu’est sorti ce que M. Rosenberg appelle « l’idéal raciste ». Il en est sorti comme l’ultime tentative de prolonger la domination des parasites du capital que l’histoire condamne irrémédiablement à disparaître. Car le chaos, la misère, les guerres renouvelées pour le partage du monde sont le signe de l’agonie du monde capitaliste auquel appartient l’Allemagne hitlérienne, avec les dirigeants de la « véritable contre-révolution du vingtième siècle ».
Le monde nouveau, c’est celui qui est précisément à l’abri du chaos et de la misère, de la guerre impérialiste et de ses ruines, c’est le pays qui s’est libéré du joug de l’exploitation capitaliste.
Très prétentieusement, M. Rosenberg parle de « la honte de l’idée internationale ». Il sait bien qu’il veut dire, en réalité, « le danger de l’idée internationale » pour les impérialismes qui dressent les peuples les uns contre les autres.
Exploitant une victoire qui, comme toutes les « victoires » capitalistes, ne saurait être que provisoire, M. Rosenberg veut enterrer l’« idée internationale ». Mais, au même moment, des dizaines et des centaines de millions d’hommes martyrisés se tournent avec un espoir ardent vers le pays d’où rayonne le mot glorieux qui fut formulé d’abord en langue allemande : Prolétaires de tous les pays, unissez-vous !
M. Rosenberg a beau proclamer l’inanité et la mort définitive du progrès et de la démocratie, du socialisme et d’une humanité fraternelle, de la science et de la raison ; il a beau vouloir décourager les hommes en piétinant leurs idéaux les plus chers : des millions et des millions d’hommes nouveaux trouvent dans le pays du socialisme la preuve grandiose que le renversement du capitalisme permet de construire une société nouvelle, dont les réalisations dépassent, dans tous les domaines, les rêves les plus audacieux conçus par les hommes au cours de leurs luttes millénaires pour l’émancipation.
M. Rosenberg a voulu enterrer 1789, c’est-à-dire la démocratie. Elle est morte, a-t-il dit, sur les champs de bataille des Flandres. Mais des millions et des millions d’hommes voient qu’au moment même où les porte-parole du capitalisme proclamaient, comme M. Rosenberg, la mort de la démocratie, l’Union soviétique adoptait la Constitution stalinienne qui réalise, pour la première fois, la véritable démocratie. C’est au moment même où les capitalismes abolissaient le suffrage universel que la Constitution soviétique réalisait le suffrage véritablement universel au scrutin direct et secret. C’est au moment même où les capitalismes les plus « démocratiques » procédaient, à leur tour, à la restriction de toutes les libertés, que la Constitution stalinienne accordait aux citoyens de l’URSS non seulement des droits politiques et sociaux inconnus dans les pays même les plus démocratiques, comme le droit au travail, mais encore la garantie de la réalisation effective de ces droits.
Il devient ainsi clair, non seulement par l’analyse théorique, mais par les faits eux-mêmes, que c’est bien le capitalisme qui est responsable du caractère étriqué et de la corruption de la démocratie bourgeoise, que le renversement du capitalisme et la construction du socialisme, la réalisation effective de la société sans classes, permettent de réaliser la démocratie véritable.
Et c’est ainsi que l’Union soviétique apparaît, dans tous les domaines, comme l’espoir des peuples.
M. Rosenberg voudrait faire croire que l’obscurantisme règnera pendant des millénaires ! Mais à la vérité, il n’y a pas de puissance au monde qui puisse faire oublier la science et la raison, sauvegardées et protégées par l’Union soviétique qui crée la civilisation exempte de barbarie, la civilisation socialiste.
Et comment voudrait-on faire croire aux peuples que la misère à laquelle ils sont voués est inscrite dans les lois de la nature et qu’ils doivent la subir avec résignation ? Ils voient bien que la misère ne règne que là où subsiste le capitalisme et qu’elle a disparu à tout jamais, comme les crises et le chômage, là où le capitalisme a été renversé. Sur la sixième partie du globe, où règne le socialisme construit sous la direction du parti de Lénine et de Staline, le renversement du capitalisme a donné aux peuples miséreux de l’ancienne Russie tsariste le bien-être croissant. Il est prouvé, pour la première fois dans l’histoire, par la vie concrète de 193 millions d’hommes, que le bonheur est bien de ce monde.
Le pays qui a réalisé le socialisme et qui, grâce à cela, est devenu la puissance économique et militaire la plus forte, était un pays battu en 1917. Demeuré capitaliste, il eût été dépecé par les impérialismes et réduit à l’état de pays vassal. Le renversement du capitalisme a rendu possible sa libération et son essor sans précédent. Il a permis en même temps de transformer l’ancienne Russie tsariste qui fut, selon la formule de Lénine, « une prison pour les peuples », en union fraternelle où les peuples égaux collaborent dans l’esprit de l’amitié staliniste.
L’exemple de l’Union soviétique nous montre ainsi que c’est en renversant le capitalisme dans notre pays que nous pourrons reconquérir la liberté et l’indépendance de la France ; que c’est l’émancipation sociale qui nous ouvrira la voie de la libération nationale.
L’œuvre immense de la construction du socialisme fut accomplie sous la direction du continuateur génial de Lénine, sous la direction de Staline.
C’est vers lui que se tournent les travailleurs exploités et les peuples opprimés du monde entier, parce qu’ils reconnaissent en lui le guide authentique de l’humanité en marche vers sa libération, celui qui dirige les peuples en s’appuyant sur la science du marxisme-léninisme qu’il a lui-même enrichie, et qui incarne, comme Lénine, le chef des peuples d’un type nouveau, unissant la connaissance des lois de l’histoire à une aptitude sans précédent à les appliquer, dirigeant les peuples en faisant appel à la raison et au dévouement à un idéal véridique ; aimé des masses immenses qui ont appris par leur expérience à voir en lui le pilote sûr de leurs destinées.
La voie du Parti communiste français est la voie du grand Staline. C’est la voie de la victoire.
La Révolution victorieuse d’Octobre 1917 a vengé l’héroïque Commune de Paris, noyée dans le sang par Thiers et les Versaillais qui avaient imploré et obtenu l’aide de Bismarck, en échange de quoi ils ont signé un lourd traité.
Notre lutte est celle des Communards qui avaient uni indissolublement la cause de l’émancipation des travailleurs et celle de la liberté de la patrie.
Cette lutte donnera à la France et au monde le pain, la liberté et la paix.