Gaston Soumialot
Dirigeant du Conseil National de libération du Congo
Discours à la Conférence de Dar-es-Salaam
28 janvier 1965

[Dans ce discours qu’il a donné à Dar-es-Sallam, le 28 janvier 1965, Gaston Soumialot, alors ministre de la Défense du Gouvernement rebelle congolais, lance un appel à tous les nationalistes et patriotes pour qu’ils retournent au Congo afin d’y poursuivre la lutte contre l’impérialisme.]

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Camarade président, Chers camarades de lutte,

Au nom du Conseil national de libération représenté par son organe le « Conseil Suprême de la Révolution » que j’ai l’honneur de présider, nous tenons à remercier les organisateurs de cette Conférence de nous y avoir invités.

Avant d’adresser quelques mots aux distingués conférenciers, il est de coutume chez nous, de se lever, et d’observer une minute de silence en mémoire du regretté Patrice Emery Lumumba, héros national, martyr de l’unité africaine.

Si nous nous sommes permis de citer en référence le nom du libérateur congolais Patrice Emery Lumumba, c’est parce que, vous le savez, pendant son règne, il n’a cessé de proclamer solennellement que son gouvernement avait comme objectif principal la libération des colonies portugaises, Patrice Emery Lumumba, ce grand homme africain est mort non seulement pour le Congo, mais pour l’Afrique tout entière.

Patrice a compris que c’est à partir du Congo qu’il fallait libérer tous les autres pays encore sous la domination étrangère. C’est dans cet esprit que nous, continuateurs de son œuvre, menons une lutte sans merci contre les impérialistes et leurs laquais afin que le Congo − cœur de l’Afrique − soit complètement et réellement libéré et indépendant, car la libération totale du Congo entraîne automatiquement celle des colonies portugaises et du reste de l’Afrique.

C’est dire que pour nous le Congo a perdu sa souveraineté le 17 janvier 1961, triste date de la mort du héros national Patrice Emery Lumumba. Ainsi de colonie belge, le Congo passe entre les mains de l’impérialisme.

C’est ce régime que nous combattons avec acharnement. Ce régime qui soumet toute l’Afrique à l’exploitation et à la misère. C’est notre ennemi commun, que nous devons chasser, par tous les moyens, de notre continent.

Pour réaliser cet objectif, il faut que les États africains déjà libérés se réunissent et se mobilisent pour aider inconditionnellement leurs frères en pleine lutte contre les impérialistes et leurs laquais.

Car l’Afrique ne se sentira jamais libre et forte, tant qu’elle ne sera pas totalement décolonisée. Aussi longtemps qu’il existera encore des colonies portugaises et autres en Afrique, aucun pays d’Afrique ne pourra se prétendre libre et l’Afrique sera menacée.

Le peuple congolais suit avec intérêt le développement de la lutte que vous avez engagée, malgré l’inégalité des moyens, contre Salazar et ses affreux pour la conquête de l’indépendance réelle, politique, économique et sociale.

Le peuple congolais vous apporte non seulement un soutien moral, mais se trouve à vos côtés, engagé lui aussi, armes en main, pour liquider l’ennemi commun, celui qui bafoue la dignité africaine, celui qui meurtrit l’Afrique hospitalière, celui qui spolie les richesses de notre beau continent, celui enfin qui tient à tout prix à nous imposer une servitude perpétuelle parce qu’il est convaincu de la force que lui confèrent ses moyens matériels.

Le peuple congolais est donc votre allié sûr, quels que soient les faibles moyens mis aujourd’hui à sa disposition.

Frères de l’Angola, de la Guinée Bissao, des îles du Cap Vert, du Mozambique, vous pouvez vous rassurer, la victoire nous sourit à, l’horizon, la défaite de Salazar et celle de l’impérialisme international sont certaines.

Nous marchons dans d’énormes difficultés et le fascisme nous oppose une guerre aux méthodes ultra-modernes, mais en contrepartie nous lui opposons notre conscience patriotique, notre foi dialectique, notre volonté inébranlable dans la destinée d’une Afrique libre, une détermination d’aller jusqu’au bout et d’arracher vigoureusement notre indépendance véritable.

Nous réalisons la noblesse de notre lutte, nous sommes prêts à consentir tous les sacrifices, à accepter toutes les misères, toutes les conditions, à dépenser tous les moyens sans compter et à vivre la guerre et ses suites jusqu’à la liquidation de la honte à la face du monde.

Nous marchons dans le dévouement, dans l’abnégation, dans la pauvreté, dans le tourment, sans eau, sans nourriture, sans toit, mais nous marchons de l’avant et sûrs de la victoire finale.

Nous n’avons jamais été seuls dans cette lutte, les pays affranchis et progressistes du monde sont à nos côtés et constituent nos arrières.

Leur part dans notre lutte est active et nette. Elle jette une note d’espoir, d’encouragement et de persévérance dans notre entreprise.

Nous apprécions à sa juste valeur le concours des pays frères et amis. Nous faisons tout pour mériter ce concours Nous connaissons sa portée, nous la tenons en estime, tout comme nous en restons toujours reconnaissants. C’est logique.

L’Afrique dans ce domaine, l’Afrique devenue souveraine, doit plus que quiconque nous être utile et solidement utile car nous ne défendons pas une cause perdue.
Notre principe est, comme nous le voulons, à tous les prix une Afrique de dignité, de droit, de justice enfin selon la maxime courante « l’Afrique aux Africains ».

Pour cela, les Africains devront se révéler tous sincères et unis et en même temps, résolus à supprimer le colonialisme, le néo-colonialisme et l’impérialisme avec à sa tête les U.S.A.

Cette sincérité, nous la voulons pareille à celle que nous témoignent le peuple et les dirigeants de la Tanzanie.

Le frère Mwalimu Nyerere et les autres frères nous tendent une main sûre, une main fraternelle. L’hospitalité qui nous est accordée par la Tanzanie, encore nation naissante, aux prises avec les convoitises impérialistes, est digne d’éloge et mérite notre salut.

UHURU !


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