Que dit Isaac Newton ? Comment a-t-il réussi à laïciser l’espace, ou tout au moins à aller en ce sens, se posant comme maillon entre Galilée et Emmanuel Kant ?

Isaac Newton a compris que le problème de Galilée était dans la question du référentiel. Un référentiel dans l’espace-temps aboutissait nécessairement à isoler les phénomènes et surtout à engloutir l’espace et le temps dans le phénomène lui-même.

C’était cela, la grande menace pressentie par l’Église : que l’espace et le temps n’existent que physiquement.

Isaac Newton a alors coupé la poire en deux. Il y a l’espace et le temps, qu’il qualifie d’absolus, et il y a l’espace et le temps qu’il qualifie de relatifs. Les formes absolues fournissent alors un cadre pour des espaces et des temps qui varient.

Isaac Newton explique ainsi :

isaac_newton_23.jpg« I Le temps absolu, vrai et mathématique, sans relation à rien d’extérieur, coule uniformément, et s’appelle durée. Le temps relatif, apparent et vulgaire, est cette mesure sensible et externe d’une partie de durée quelconque (égale ou inégale) prise du mouvement : telles sont les mesures d’heures, de jours, de mois, etc, dont on se sert ordinairement à la place du temps vrai.

II. L’espace absolu, sans relation aux choses externes, demeure toujours similaire et immobile. L’espace relatif est cette mesure ou dimension mobile de l’espace absolu, laquelle tombe sous nos sens par la relation aux corps, et que le vulgaire confond avec l’espace immobile. C’est ainsi, par exemple, qu’un espace, pris en dedans de la terre ou dans le ciel, est déterminé par la situation qu’il a à l’égard de la terre.

L’espace absolu et l’espace relatif sont les mêmes d’espèce et de grandeur; mais ils ne le sont pas toujours de nombre; car, par exemple, lorsque la terre change de place dans l’espace, l’espace qui contient notre air demeure le même par rapport à la terre, quoique l’air occupe nécessairement les différentes parties de l’espace dans lesquelles il passe, et qu’il en change réellement sans cesse (…).

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Le mouvement absolu est la translation des corps d’un lieu absolu dans un autre lieu absolu, et le mouvement relatif est la translation d’un lieu relatif dans un autre lieu relatif; ainsi, dans un vaisseau poussé par le vent, le lieu relatif d’un corps est la partie du vaisseau dans laquelle ce corps se trouve, ou l’espace qu’il occupe dans la cavité du vaisseau; et cet espace se meut avec le vaisseau; et le repos relatif de ce corps est la permanence dans la même partie de la cavité du vaisseau.

Mais le repos vrai du corps est la permanence dans la partie de l’espace immobile, où l’on suppose que se meut le vaisseau et tout ce qu’il contient.

Ainsi, si la terre était en repos, le corps qui est dans un repos relatif dans le Vaisseau aurait un mouvement vrai et absolu, dont la vitesse serait égale à celle qui emporte le vaisseau sur la surface de la terre; mais la terre se mouvant dans l’espace, le mouvement vrai et absolu de ce corps est composé du mouvement vrai de la terre dans l’espace immobile, et du mouvement relatif du vaisseau sur la surface de la terre; et si le corps avait un mouvement relatif dans le vaisseau, son mouvement vrai et absolu serait composé de son mouvement relatif dans le vaisseau, du mouvement relatif du vaisseau sur la terre, et du mouvement vrai de la terre dans l’espace absolu.

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Quant au mouvement relatif de ce corps sur la terre, il serait formé dans ce cas de son mouvement relatif dans le vaisseau, et du mouvement relatif du vaisseau sur la terre (…).

L’ordre des parties de l’espace est aussi immuable que celui des parties du temps; car si les parties de l’espace sortaient de leur Lieu, ce serait, si l’on peut s’exprimer ainsi, sortir d’elles-mêmes.

Les temps et les espaces n’ont pas d’autres lieux qu’eux-mêmes, et ils sont les lieux de toutes les choses.

Tout est dans le temps, quant à l’ordre de la succession : tout est dans l’espace, quant à l’ordre de la situation. C’est là ce qui détermine leur essence, et il serait absurde que les lieux primordiaux se mussent. Ces lieux sont donc les lieux absolus, et la seule translation de ces lieux fait les mouvements absolus.

Comme les parties de l’espace ne peuvent être vues ni distinguées les unes des autres par nos sens, nous y suppléons par des mesures sensibles.

Ainsi nous déterminons les lieux par les positions et les distances à quelque corps que nous regardons comme immobile, et nous mesurons ensuite les mouvements des corps par rapport à ces lieux ainsi déterminés : nous nous servons donc des lieux et des mouvements relatifs à la place des lieux et des mouvements absolus; et il est à propos d’en user ainsi dans la vie civile; mais dans les manières philosophiques, il faut faire abstraction des sens; car il se peut faire qu’il n’y ait aucun corps véritablement en repos, auquel on puisse rapporter les lieux et les mouvements. »

Qu’est-ce que cela veut dire ? En fait, Galilée affirmait que tout était en mouvement, sauf si les forces s’annulaient : il y avait alors repos.

Mais chez Isaac Newton le mouvement lui-même est entièrement relatif car tout est en mouvement. Dans l’exemple donné, un être humain peut être au repos relatif dans la cabine d’un bateau, mais la planète est en mouvement donc en fait l’être humain bouge et avec le bateau et avec la planète, alors que lui-même ne change pas de place dans la cabine.

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Isaac Newton place le référentiel galiléen dans un autre référentiel galiléen, en quelque sorte.

Isaac Newton constate avec Galilée que quelque chose bouge en fonction de sa propre masse et de la force motrice qui le met en branle, et cela forcément dans le sens de la ligne droite. Comme cela se déroule dans le même « vide » que Galilée, un objet est soit toujours au repos, soit toujours en mouvement, jusqu’à ce qu’une force intervienne pour mettre en mouvement ou au repos.

Seulement Isaac Newton peut également remarquer que toute action présuppose une réaction inverse : quand on pousse quelque chose, la résistance à la poussée est équivalente. Quand on exerce une pression sur le sol, le sol exerce en même temps une pression sur nous, une route agit sur un pneu par friction (l’usant) mais en même temps la voiture avance de par la pression du pneu sur la route.

Isaac Newton a ainsi ajouté un niveau au référentiel galiléen, et en a déduit des interactions nouvelles, formant les principes de la gravitation universelle.


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