[Article publié pour la première fois dans la revue Crise numéro 24]
La France a pensé que la pandémie était terminée et que le mouvement contre la réforme des retraites était déjà du passé. Et voilà qu’un nouvel aspect de la crise apparaît, avec des émeutes massives à partir des cités de banlieue. Un fait-divers comme il en arrive régulièrement a mis le feu aux poudres : un jeune délinquant au volant d’une grande cylindrée est tué dans une tragique course-poursuite, la police étant débordée, dépassée. C’est que rien ne tient dans une France en roue libre, et dans les cités de banlieue pas moins qu’ailleurs.
Un peu plus de quatre millions de personnes vivent en France dans une périphérie urbaine, composée de grands ensembles de béton. Promiscuité, négation de la culture, pauvreté jusqu’à la précarité, manque de maîtrise de la langue française, absence de formation professionnelle, préjugés féodaux importés des pays d’origine… ces lieux forment un réservoir très utile pour les forces productives du capitalisme. Les gens qui y vivent n’ont en effet pas le choix et doivent accepter de faire tourner le capitalisme dans ses tâches les plus ingrates, dans les emplois les plus instables.
On est ici dans les interstices du capitalisme développé depuis les années 1950, avec son immense capacité d’intégration sociale, culturelle et idéologique. Pour preuve, les gens qui quittent ces endroits, pour rejoindre la société « normale », sont immédiatement façonnés conformément aux attentes de celle-ci. La légende qui veut qu’on puisse sortir « du ghetto », mais que le « ghetto » reste dans la tête, ne correspond à rien à une époque où le capitalisme accepte n’importe quel comportement, du moment que cela fait tourner la machine.
Il n’y a ainsi pas du tout de racisme qui joue ici et le capitalisme est très content d’avoir des figures venant des cités et qui soient d’origine extra-européenne. En 2023, la question de la couleur de peau n’a aucun sens pour le capitalisme capable de s’élargir dans absolument tous les domaines. Ceux qui se focalisent sur la couleur de peau relèvent d’opérations communautaires visant à « grappiller des points » socialement parlant au moyen d’un levier idéologique-culturel.
De plus, cette question de la couleur de peau masque le vrai problème, à savoir que les immigrés proviennent de pays qui, selon le maoïsme, sont semi-féodaux. Leur démarche individuelle, voire personnelle, est ainsi massivement déformée et ce d’autant plus dans un pays capitaliste développé comme la France. C’est ce qui fait d’ailleurs là également l’intérêt pour le capitalisme. La non-connexion historique au prolétariat français permet en effet un très bas niveau idéologique sur le plan de la lutte des classes et une atomisation massive de travailleurs basculant relativement vite, d’une manière ou d’une autre, dans le lumpenproletariat.
Preuve de tout cela, la moitié des habitations des cités de banlieue relèvent des habitations sociales de type HLM, alors que l’immigration est en France historiquement organisée par en haut. Si ce n’est désormais plus le cas, il y a une véritable décision capitaliste de laisser l’immigration se frayer un vaste chemin, que ce soit par la sécurité sociale systématiquement accordée, les aides et allocations, les absences de contrôle de papier ou de reconduites aux frontières, etc.
Tout est une question de main d’œuvre, dans le cadre de l’exploitation capitaliste. Cependant, le décalage de ces 10 % de la population vivant dans les cités avec le reste du panorama capitaliste est vraiment significatif. Cela provoque des troubles récurrents, ou plus exactement deux troubles majeurs : le premier fut interne, le second externe. On parle ici de 2005 et 2023, avec une révolte massive dans les deux cas.
Pour les gens n’ayant pas compris les enseignements de Karl Marx dans Le capital, le capitalisme c’est le capitalisme et cela s’arrête là. En réalité, le capitalisme ne s’arrête jamais et, entre 2005 et 2023, il a conquis les cités des banlieues françaises. Celles-ci se sont puissamment transformées ; la vie quotidienne en leur sein a été entièrement refaçonnée.
En moins de vingt ans, le capitalisme français a révolutionné les cités de banlieue, au point que le département de Seine-Saint-Denis, le fameux 93 qui cumule un nombre très significatif de telles cités, joue le rôle de poumon capitaliste à l’Ile-de-France. Le président français Emmanuel Macron a pour cette raison parlé de ce département en le présentant en 2021 comme la « Californie sans la mer » (plus exactement, « Il ne manque que la mer pour faire la Californie »).
Le parallèle est évident : la Californie est aux États-Unis le fer de lance de l’entreprenariat moderniste, et les mentalités prévalant dans le 93 rejoignent très largement cette mentalité mercantile, arriviste, commerciale. C’est également le cas, à différents degrés, dans l’ensemble des cités françaises, où ce qui compte, c’est le « bif », l’argent, et il faut en faire le plus rapidement, le plus efficacement possible, afin de sortir d’autant mieux de la situation de précarité. Il est évident qu’on reproduit ici en France le modèle américain, où les ghettos noirs ont été utilisés comme levier pour relancer le capitalisme.
Est-ce à dire qu’avant 2005, le capitalisme n’était pas présent dans les cités des banlieues françaises ? Pas du tout, mais il traversait ces zones seulement. Les gens avaient, dans les cités de banlieue, une mentalité toute autre en 2005 qu’en 2023. Les cités de banlieue vivaient en effet à l’écart du reste de la société. Le rap leur était alors encore un référent culturel spécifique, tout comme les kebabs. Désormais, le rap et les kebabs sont totalement intégrés au panorama de la société française, et leur origine est tout à fait connu et ne pose aucun problème.
Cette question du kebab est assez exemplaire du rapport au temps, par ailleurs. Avant 2005, le temps, si l’on veut, progressait encore lentement, dans un esprit encore celui des années 1990. Le kebab était une sorte de luxe partagé entre amis, à l’écart, dans une marginalité assumée, contrairement à la consommation rapide et goinfre d’après 2005. La pesanteur était la règle avant 2005 et il y avait encore les histoires, pour généraliser un exemple récurrent, d’une génération décédée en raison de l’héroïne et d’un vieux sage faisant office de philosophe local. Dans les cités avant 2005, il y avait un certain fil conducteur, comme partout en fait, avant le capitalisme en mode turbo n’individualise résolument chaque aspect de la vie.
Les gens dans les cités de banlieue faisaient, qui plus est, une cible de choix pour le capitalisme en mode accéléré. Avant 2005, les gens vaquaient à leur occupation, avec des emplois peu commodes, ardus, épuisants. On vivait mal, dans les cités de banlieue, mais on le savait et dans la tête, il y avait le rêve de partir. Ce rêve s’est réalisé entre 2005 et 2023, mais par le capitalisme.
Le capitalisme a réussi à proposer le rêve de devenir footballeur (avec les millions allant avec), happant les rêves de jeunes et surtout de leurs parents littéralement fanatisés. Le trafic de drogues s’est généralisé et les mafias se sont structurés à un niveau professionnel, sur le tas, au moyen de l’ultraviolence. Les cités elles-mêmes sont devenues, autant que possible techniquement, des lieux de vente.
Avec la généralisation de la vente de drogues, on doit parler d’enclaves exigeant une mainmise concrète des mafias sur le plan de l’organisation de la vie quotidienne. C’est une expression capitaliste. Le trafic de drogues représente bien en France une somme colossale : quatre milliards d’euros (dont un peu plus du tiers pour le cannabis et un peu moins pour la cocaïne).
D’où l’existence d’autour 4 000 points de deal, avec 21 000 personnes travaillant à plein temps, 240 000 personnes ayant leur revenu lié à différents niveaux à ce trafic. Cette situation pose un énorme dilemme à l’État. D’un côté, il se verrait bien profiter de l’esprit capitaliste des cités de banlieue. De l’autre, légaliser le trafic pour le cannabis irait de pair avec l’effondrement des revenus pour ces dizaines et des dizaines de milliers de personnes vivant d’une activité purement illégale.
Pour poser le problème plus directement en rapport avec 2005 et 2023 : en 2005, on devait parler de zone non-droit pour les cités où les gens vivaient sur le tas, en 2023 on doit parler d’un droit alternatif, car ce sont les mafias qui décident d’une partie de la vie de tous les jours. Et l’État s’aperçoit qu’il ne peut plus opérer, car les cités de banlieue forment des contre-sociétés, parfois d’une vaste dimension tels Centre Nord à Marseille et Roubaix Nord, où l’on trouve 50 000 habitants à chaque fois. La bourgeoisie regarde souvent cela avec angoisse et le thème des « territoires perdus de la République » revient souvent sur le tapis.
Il est cependant trop tard, car les cités de banlieue étaient et sont bien une composante du tissu productif français. Il n’y a pas le capitalisme florissant et propret à Paris sans le capitalisme hideux et agressif des cités de la banlieue française. Il y aurait beaucoup à dire sur ce phénomène historique, qui reste vraiment propre à la France dans ses modalités. Car si le même phénomène existe dans les autres pays d’Europe occidentale, qu’on retrouve les mêmes fondamentaux, la même marginalisation suivie de la même intégration… En France, la tension reste prédominante malgré tout.
Historiquement, les cités des banlieues françaises faisaient office de cités-dortoirs. Leur construction se fonde sur les besoins en logement dans le cadre des « trente glorieuses », les décennies 1950-1960-1970 qui furent marquées par une croissance effrénée. Il va de soi qu’une immense spéculation immobilière a été au cœur de ce processus de constructions à travers tout le pays ; on en trouve une présentation relativement intéressante dans le film de 1976 La ville bidon de Jacques Baratier.
L’immigration joua un rôle important comme vecteur de main d’œuvre, et ces cités répondaient également à leur accueil nécessaire, alors que dans les années 1950-1960, on trouve encore de nombreux bidonvilles en France, notamment autour de Paris.
Les immigrés ne vinrent ainsi pas de manière individuelle : ce sont les employeurs qui organisaient les voyages, alors que les États (français comme de départ) s’occupaient administrativement et politiquement de l’encadrement de la démarche. L’utilisation du personnel religieux à ce niveau a toujours un grand rôle pour la surveillance et le contrôle des émigrés, du point de vue des pays de départ. Et l’immigration a pu également venir de territoires français où la colonisation fut maintenue, comme avec la Martinique et la Guadeloupe où l’émigration est structurée à partir des années 1950 au moyen du bumidom (Bureau pour le développement des migrations des départements d’outre-mer).
Avec le formidable développement du capitalisme à partir de 1990 – avec l’intégration de la Chine dans le marché mondial et l’effondrement du bloc dominé par le social-impérialisme soviétique – les cités de banlieue ont connu ainsi un choc, celui de l’irruption dans une réalité prolongée. C’est cela, la base de la différence de substance entre les embrasements de novembre 2005 et juin 2023.
En un sens, les émeutes de novembre 2005 ont été une vraie tentative de mettre fin à la passivité dans laquelle les masses françaises étaient étouffées depuis le milieu des années 1990. Pour qui a vécu cette époque, il faut mesurer la délivrance enthousiasmante qu’a initialement été ce soulèvement. Le capitalisme se relançait massivement, les gens étaient résolument pris dans leur vie quotidienne, avec une confiance et une prétention ignoble. Le nombre de révolutionnaires commençait à s’effondrer dans tout le pays, alors que c’était l’émergence d’une post-gauche populiste, d’esprit associatif, alter-mondialiste, se développant à l’ombre d’une gauche gouvernementale triomphante.
Et là, dans ce panorama sordide de quiétude capitaliste complète, il y avait l’explosion de 2005, avec un esprit de confrontation marqué. Quelle était la situation ? Les banlieues étaient alors des endroits à l’écart dans l’imaginaire de la grande majorité des gens. Inversement, il était absolument clair pour ceux y vivant ou y étant reliés d’une manière ou d’une autre que les choses allaient craquer.
C’est l’arrière-plan du film de 1997 Ma 6-T va crack-er, qui annonçait sur un mode révolutionnaire, insurrectionnel, un soulèvement à venir. Le rap se développait alors encore, restait sulfureux et la bande originale du film devint mythique avec ses appels à la rébellion. Las ! Depuis, le réalisateur du film, Jean-François Richet, qui avait pourtant réalisé État des lieux en 1995 également dans une même perspective révolutionnaire, ainsi que monté le label musical « Cercle rouge », a rejoint le cinéma commercial et la bourgeoisie. Il en va de même pour Mathieu Kassowitz, qui avait obtenu un grand succès avec La Haine (1995), porteur d’un espoir d’unité sociale, d’une affirmation contestataire.
Mais en 2005, tout apparaissait pourtant possible, avec ces émeutes au goût de soulèvement. C’était une révolte contre une chape de plomb. C’était l’expression naturelle du besoin de rupture porté par le prolétariat, contre l’État bourgeois, contre la routine aliénante du 24/24h du capitalisme des métropoles et contre les mensonges de la Gauche réformiste, notamment celle s’appuyant sur le syndicalisme. Si l’on regarde bien, les cités des banlieues françaises, à commencer par celles de la banlieue parisienne, étaient devenues le point de fixation central des contradictions de la société française, assumant ainsi être un front particulièrement remarqué de la lutte des classes.
D’ailleurs, l’ensemble des partis politiques français étaient terrorisés, l’irruption de la violence a eu un effet traumatisant sur la bourgeoisie. Le débordement était massif et assumé de la part des jeunes émeutiers, qui savaient très bien qu’ils avaient en face… tout le reste de la société, ou presque. Le PCF(mlm), qui venait d’émerger, s’est en ce sens précipité pour ajouter de l’huile politique sur le feu populaire. Ce qui était en jeu, c’était l’affirmation de la guerre du peuple !
Il faut avoir à l’esprit que les émeutes de 2005 commencent le 27 octobre 2005… mais que la Ligue Communiste Révolutionnaire ne prit aucune position avant le 8 novembre, en réaction à l’instauration de l’état d’urgence ! Ces « révolutionnaires » étaient sous la table, comme toute l’extrême-gauche par ailleurs. Il fallait assumer la violence sociale de portée révolutionnaire, et cela seul le maoïsme pouvait le faire.
Malheureusement, il n’en est rien resté. L’alternative porté par les cités de banlieue dans leur démarche est restée limité à un secteur du prolétariat. Dans son ensemble, celui-ci a regardé le phénomène comme une sorte de bizarrerie.
Ils ont en cela suivi les médias qui ont tout fait, bien entendu, pour réduire ce soulèvement à la dimension d’un « fait divers », faisant suite à la mort de deux jeunes adolescents s’étant enfui dans le cadre d’une arrestation policière menée brutalement à l’aveugle et sur le tas. Les médias ont également tout fait pour borner l’analyse en l’amenant à se porter sur la dimension « musulmane » des émeutiers et du contexte, ces émeutes ayant commencé durant le mois de ramadan, et s’étant aggravées suite à un tir de grenade lacrymogène dans un local servant de mosquée.
Toutefois, malgré leur propagande contre-insurrectionnelle attendue, les médias n’ont pas eu en réalité besoin de faire vraiment l’essentiel du travail de sape. Les agents du capitalisme français dissident qui parasitaient jusque-là les quartiers populaires ont très bien joué ce rôle, en commençant d’abord par se taire. Ils n’ont de fait absolument rien exprimé avant que l’État bourgeois ne prenne l’initiative de la répression, et qu’une fois le soulèvement se heurtant à celle-ci, il apparaissait possible de parler de manière vaguement solidaire de la révolte sans plus craindre l’embrasement général.
Puis, la révolte passée, les agents du capitalisme ont réfuté toute analyse de portée historique pour se focaliser sur un aspect seulement. Ce fut la force et l’immense faiblesse historique du « Mouvement pour l’immigration et les banlieues ». Le MIB, qui se présentait comme le « syndicat des quartiers », assumait une image puissamment révolutionnaire et contestatrice, mais en promouvant en réalité un accompagnement du capitalisme à l’américaine. Autrement dit, la dimension communautaire, pour ne pas dire communautariste, l’emportait toujours.
Ce mouvement laissa au bout d’un temps la place aux « Indigènes de la République », qui assumèrent ouvertement le refus de tout rapport avec la Gauche et tout patrimoine révolutionnaire. La petite-bourgeoisie d’origine immigrée avait réussi à s’approprier ici toute une aura « contestataire », en se présentant comme le fer de lance d’une lutte « décolonisatrice », en réalité clairement ethno-différentialiste, anti-universaliste, anti-communiste.
Si on ajoute à cela l’avancée de l’Islam, notamment sous l’action des pays arabes pétroliers et gaziers, on comprend comment le patrimoine de 2005 a été vaporisé alors que la société de consommation se renforçait parallèlement comme jamais.
Il y a un forcément un aspect dérangeant dès lors que l’histoire vient à se répéter. Et de fait, l’histoire ne se répète pas, du moins jamais sous la même forme. Autant la révolte de 2005, malgré ses faiblesses intrinsèques, avait une dimension révolutionnaire qui se posait d’elle-même, autant 2023 apparaît comme une révolte d’emblée décevante, une zombification de la révolte.
Cela tient à l’échec de 2005. Si 2005 avait donné naissance à quelque chose, alors dans la foulée, pendant pratiquement deux décennies, il aurait été fait un large travail approfondi de conscientisation mené par une avant-garde étendue, qui se serait confrontée de manière toujours plus dure et frontale avec le mode de vie du capitalisme, imposant de nouveaux rapports avec les animaux et la Nature, mettant les femmes aux postes de commandes, rompant toujours plus ouvertement avec les institutions de l’État bourgeois et affrontant les grands monopoles.
Mais ce qui s’est passé depuis 2005, et depuis en fait le début des années 2000 en réalité, c’est une situation qui relève, du moins en apparence, d’une anomalie historique, une anomalie tragique.
Il a été analysé dans Crise comment le mode de production capitaliste n’aurait pas normalement dû survivre aussi loin.
C’est à ce titre qu’on peut parler si on veut d’un capitalisme zombie, avançant sur le tas, et sombrant dans la décadence, au point même qu’il ne semble même plus être en mesure de porter en France une bourgeoisie nationale capable d’assumer la bataille impérialiste pour le repartage du monde en mettant en place un embrigadement policier des masses sous la botte d’un régime fasciste.
On ne peut pas s’en plaindre, mais cela implique également inversement qu’aucun espace n’a pu être gagné par l’avant-garde révolutionnaire en faveur de la rupture et de nouveaux comportements face à la culture décadente de la bourgeoisie. En fait, l’immense majorité de la bourgeoisie française s’est littéralement alignée, vendue, à l’impérialisme des Etats-Unis, livrant la société française à une intense lessiveuse turbo-capitaliste américanisant tous azimuts les rapports sociaux.
Au point où nous en sommes, les Français sont quasiment devenus des Américains, c’est-à-dire même pas des Américains, mais des zombies américanisés. Bien entendu, la vie reste néanmoins plus forte, et l’image du zombie permet de comprendre que n’est pas mort ce qui sommeille, et la révolte couve nécessairement au sein même de la métropole du capitalisme.
Les émeutes de 2023 expriment donc cette ambivalence : elles sont le fruit calamiteux de toute la période passée depuis 2005, et dans leur déroulement, elles sont un reflet de la barbarie cannibale qui gagne la société française. Mais elles sont aussi le miroir implacable qui montre aux masses le degré de décadence atteint. Ou bien dit différemment : c’est une claque à la société française.
C’est le paradoxe. Et c’est là qu’il y a une source d’enseignement révolutionnaire.
Dialectiquement, il y a deux choses à apprendre de la révolte des cités de banlieues de 2023.
Primo, cela rappelle qu’une chose peut se retourner en son contraire. La révolte de 2023 est l’inverse de celle de 2005. Cela veut dire qu’on a un exemple français d’un phénomène positif devenant négatif. Comprendre les tenants et aboutissants de ce renversement ne peut qu’apporter beaucoup de connaissances pour l’Histoire du processus révolutionnaire en France.
C’est particulièrement vrai alors qu’en 2005 la « gauche de la gauche » ne trouvait rien de bien à dire sur la révolte, alors qu’en 2023 elle a dès le départ pris une position se voulant favorable à différents degrés. Si on veut éviter de tomber dans le réformisme, le populisme de cette « gauche de la gauche », il faut comprendre le mouvement dialectique de l’Histoire !
Secundo, cela montre bien que la crise générale du capitalisme commencée en 2020 ne s’exprime pas de manière linéaire, mais qu’elle s’exprime quand même coûte que coûte, cherchant un maillon faible pour être à même de le faire. Cela aussi, c’est très utile, car cela veut dire qu’il faut chercher ce maillon faible à chaque moment d’expression de la crise. On pourra ainsi anticiper les événements et jouer dessus.
Prenons-nous à rêver. En 2005, le PCF(mlm) né en 2003 imaginait qu’il pourrait émerger d’une nouvelle période ouverte par 2005. Cela n’a pas été le cas, mais le drapeau du maoïsme a pu être levé. Dialectiquement, pourquoi la révolte de 2023, si négative, ne permettrait-elle pas que se lance ce qui aurait dû commencer en 2005 comme processus révolutionnaire ?
L’Histoire a ses ruses qui tient à son mouvement dialectique, non linéaire. C’est d’autant plus vrai à une époque de décomposition du capitalisme, alors qu’on va à la guerre mondiale de repartage du monde. Plus rien ne tient en place, tout tend à basculer, c’est l’Histoire qui va s’écrire !