CHEVTCHENKO Tarass Grigoriévitch (1814-1861). Grand poète et penseur révolutionnaire ukrainien, fondateur de la tendance démocratique révolutionnaire dans la pensée ukrainienne, compagnon d’armes des démocrates révolutionnaires russes.

Sa conception du monde se forma sous l’influence de la littérature russe d’avant-garde, des démocrates révolutionnaires surtout ; ses vues expriment les intérêts de la paysannerie révolutionnaire ukrainienne du milieu du XIXe siècle, époque de la crise du servage en Russie.

Ancien serf racheté, il était, selon l’expression de Dobrolioubov, « un poète authentiquement populaire… Il est issu du peuple, il a vécu avec le peuple et il était lié au peuple non seulement par ses idées, mais par toutes les fibres de son être ».

Chevtchenko fut un des membres les plus actifs de l’organisation politique clandestine en Ukraine, la « Société Cyrille et Méthode », dont il présidait le noyau révolutionnaire dirigeant.

Il était en contact avec le groupe des pétrachevtsy (V.) qui, dans leurs plans d’insurrection paysanne, comptaient sur l’action révolutionnaire de Chevtchenko en Ukraine.

Persécuté toute sa vie par le gouvernement tsariste, il est arrêté en 1847, enrôlé de force dans l’armée et déporté dans les lointaines steppes kazakhes. Revenu d’exil, où il passa dix ans (1847-1857), il se rapproche des principaux collaborateurs de la revue « Sovrémennik » : Tchernychevski (V.) et Dobrolioubov (V.). Comme Tchernychevski, il appelle le peuple à « prendre la hache ».

Toute sa poésie pleine de flamme (« Le Rêve », « Le Caucase », « Le Testament »), toute son activité révolutionnaire flétrissaient « la bande de hobereaux cupides » et « le bourreau couronné », le tsar, les libéraux « obséquieux », les « rimailleurs ignobles », apologistes du servage.

Chevtchenko lutte pour l’épanouissement de la culture ukrainienne ; il joue dans le développement de la langue ukrainienne un rôle semblable à celui de Pouchkine dans l’histoire de la langue russe. Il stigmatise les cosmopolites, combat les nationalistes bourgeois ukrainiens (Koulich, Kostomarov).

Chevtchenko a la conviction profonde que l’état de choses existant n’est nullement immuable, que le servage sera aboli partout grâce aux progrès de la technique, qui « dévorera » les « agrariens-inquisiteurs », et que les masses populaires joueront un rôle de premier plan dans la refonte de la vie sociale.

Chevtchenko ne se prononce pas pour le matérialisme philosophique, parce qu’il entend sous ce terme le matérialisme vulgaire.

Mais c’est un matérialiste par sa conception du monde : il affirme que la force de l’esprit ne peut se manifester sans matière. Il dénonce le mensonge de la religion (V.), l’hypocrisie et la cupidité des popes, qui s’engraissent en buvant le sang du peuple, nie résolument le monde de l’au-delà.

Sa conception de l’esthétique est matérialiste : la nature est la source de tout ce qui est beau ; toute tentative de s’écarter de la « beauté éternelle de la nature » fait de l’artiste un « monstre moral ».

Sa poésie de combat, diffusée clandestinement, était une arme acérée dans la lutte contre le servage. Chevtchenko a exercé une grande influence sur la culture et le mouvement révolutionnaire en Ukraine.


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