Chasseurs dans la neige est une œuvre extrêmement célèbre. Faisant 117 cm sur 162 cm, elle est donc bien plus grande que Paysage d’hiver avec patineurs et trappe aux oiseaux, qui date également de 1565.

On la retrouve également dans les films Solaris (1972) et Le Miroir (1975) de l’immense réalisateur, le maître Andreï Tarkovski.

Pourquoi cette œuvre est-elle si célèbre, surtout comparé à Paysage d’hiver avec patineurs et trappe aux oiseaux ? C’est peut-être qu’on retrouve tous les éléments de ce tableau – avec les patineurs, les joueurs du golfe sur glace et ceux de la variante du curling, etc. – avec cependant cette fois un contraste très marqué.

En effet, les chasseurs baissent la tête, les chiens ont l’air épuisé également. La chasse été mauvaise, on ne voit qu’un renard maigre sur le dos d’un chasseur. Le peintre a même mis des pas d’un lièvre dans la neige devant les chasseurs, pour souligner qu’ils l’ont manqué.

Et au loin on voit des montages pittoresques, inaccessibles, impraticables pour la chasse. Les perspectives semblent bouchées. Naturellement, de telles montagnes ne sont pas présentes aux Pays-Bas.

Les chasseurs passent d’ailleurs devant une auberge, dont le nom est « Dit is inden Hert ». Cela signifie « Au cerf » et on voit d’ailleurs Eustache comme saint sur le panneau.

Ce dernier penche, en correspondance avec l’échec de la chasse : Eustache est le saint des chasseurs. Il devint chrétien de la manière suivante : il poursuivait un cerf et au moment de le tuer, un crucifix apparut entre les cors de celui-ci.

Un peu plus tard, la légende fut racontée de nouveau pour Hubert de Liège, qui prit la place de saint des chasseurs.

Et devant l’auberge, c’est un cochon qui a été tué et qui va être cuit. C’est encore un contraste avec la situation des chasseurs, dont l’échec apparaît comme encore plus grand, la situation d’autant plus précaire.

On remarquera qu’on retrouve la trappe aux oiseaux des Paysage d’hiver avec patineurs et trappe aux oiseaux.

On a, de fait, pareillement la contradiction entre la ville et la campagne qui s’expose. L’humanité s’en sort mieux, par la ville, mais cela se fait aux dépens des animaux.

Et finalement, la ville implique une guerre contre eux. Ici, on n’a plus seulement la trappe aux oiseaux, mais la chasse, et l’élevage avec le cochon tué.

Tout comme Paysage d’hiver avec patineurs et trappe aux oiseaux, on a également une ville un peu plus loin, mais la différence notable, c’est que la glace se situe dans un endroit fermé, alors que c’était sur un cours d’eau dans l’autre tableau.

C’est là que tout se joue. Dans Paysage d’hiver avec patineurs et trappe aux oiseau, tout est tranquille, mais il n’y a pas de côté défini, en cadré, borné qu’on trouve dans Chasseurs dans la neige.

Paysage d’hiver avec patineurs et trappe aux oiseaux présente une atmosphère, un état d’âme. Le caractère national-démocratique est tout à fait net. Chasseurs dans la neige est un tableau qui dresse une situation ; on ne s’y perd pas, on s’y oriente de manière facile.

Il n’est pas étonnant que le premier eut un succès retentissant à son époque, alors que c’est le second qui est désormais bien plus connu. Il y a une dimension rationnelle qui l’emporte sur l’aspect sensible.

On pourrait dire pour caricaturer que le premier tableau est rond, le second carré ; on ne les aborde pas de la même manière. C’est très révélateur de l’évolution de l’humanité, de sa transformation historique.

Et ces deux tableaux vont forcément continuer de vivre dans l’avenir, avec un regard toujours plus complexe, plus riche posé sur eux.


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