La Charte de Quaregnon est la déclaration de principes adoptée par le Parti ouvrier belge lors de son Xe Congrès, à Quaregnon, dans le Borinage, les 25 et 26 mars 1894. Elle introduit le programme en 3 points (politique, économique et communal) du parti.

Le rédacteur principal en a été Émile Vandervelde qui dit s’être inspiré de la pensée des Encyclopédistes (Voltaire, Rousseau, Diderot…) et des grands principes nés de la Révolution française et de la théorie marxiste.

Vandervelde reconnait cependant que la Charte « n’est pas d’un marxisme sans alliage ». Les influences éclectiques que son auteur concèdent sont celles du socialisme petit-bourgeois de Proudhon et des socialismes anti-révolutionnaire de César De Paepe et de Benoît Malon.

Au fondement de cette Charte, on retrouve non pas l’idée d’une société capitaliste qu’il s’agit de renverser par la révolution, mais de grands principes moraux justifiant l’émancipation du prolétariat.

La Charte de Quaregon conçoit le socialisme comme le fruit plus ou moins mûr d’obligations morales. Elle se fonde sur des affirmations morales assorties de devoirs éthiques abstraits comme par exemple, « le développement altruiste et la pratique de la solidarité ».

Là où le marxisme considère la lutte des classes comme le moteur de la transformation sociale, la Charte remplace celle-ci par la passivité : les travailleurs ne sont pas appelés à lutter pour leur émancipation mais ont à l’« attendre ».


Déclaration de principes :

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1. – Les richesses, en général et spécialement les moyens de productions, sont, ou des agents naturels, ou les fruits du travail − manuel ou cérébral − des générations antérieures, aussi bien que de la génération actuelle ; elles doivent, par conséquent, être considérées comme le patrimoine commun de l’humanité.

2. – Le droit à la jouissance de ce patrimoine, par des individus ou par des groupes, ne peut avoir d’autre fondement que l’utilité sociale, et d’autre but que d’assurer à tout être humain, la plus grande somme possible de liberté et de bien-être.

3. – La réalisation de cet idéal est incompatible avec le régime capitaliste, qui divise la société en deux classes nécessairement antagonistes ; l’une, qui peut jouir de la propriété sans travail ; l’autre, obligée d’abandonner une part de son produit à la classe possédante.

4. – Les travailleurs ne peuvent atteindre leur complet affranchissement que de la suppression des classes et d’une transformation radicale de la société actuelle. Cette transformation ne sera pas seulement favorable au prolétariat, mais à l’humanité tout entière ; néanmoins, comme elle est contraire aux intérêts immédiats de la classe possédante, l’émancipation des travailleurs sera l’œuvre des travailleurs eux-mêmes.

5. – Ils devront avoir pour but, dans l’ordre économique de s’assurer l’usage libre et gratuit de tous les moyens de productions. Ce résultat ne pourra être atteint, dans une société où le travail collectif se substitue de plus en plus au travail individuel, que par l’appropriation collective des agents naturels et des instruments de travail.

6. – La transformation du régime capitaliste en régime collectiviste doit nécessairement être accompagnée de transformations corrélatives :

a) Dans l’ordre moral, par le développement des sentiments altruistes et la pratique de la solidarité ;

b) Dans l’ordre politique, par la transformation de l’État en administration des choses.

7. – Le socialisme doit donc poursuivre simultanément l’émancipation économique, morale et politique du prolétariat. Néanmoins, le point de vue économique doit être dominant, car la concentration des capitaux entre les mains d’une seule classe constitue la base de toutes les autres formes de domination.

Pour la réalisation des principes : le Parti Ouvrier déclare,

1) qu’il se considère comme le représentant, non seulement de la classe ouvrière, mais de tous les opprimés, sans distinction de nationalité, de culte, de race et de sexe ;

2) que les socialistes de tous les pays doivent être solidaires, l’émancipation des travailleurs n’étant pas une œuvre nationale mais internationale ;

3) que dans leur lutte contre la classe capitaliste, les travailleurs doivent combattre par tous les moyens qui sont en leur pouvoir, et, notamment, par l’action politique, le développement des associations libres et l’incessante propagation des principes socialistes.

adoptée le 26 mars 1894


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