C’est une réalité très simple à comprendre. Si, avant la guerre en Ukraine, les principaux pays européens que sont l’Allemagne et la France cherchaient à utiliser la Russie comme partenaire, désormais les pays occidentaux sont unanimes dans leurs efforts pour faire tomber la Russie. En disant lors d’un discours à Varsovie au sujet du président russe Vladimir Poutine « Pour l’amour de Dieu cet homme ne peut pas rester au pouvoir », après l’avoir traité de « boucher », le président américain Joe Biden annonce la couleur : il faut un changement de régime en Russie.
On ne peut d’ailleurs pas s’y tromper, car la Russie agit très exactement comme si elle se fondait sur ce point de vue. Elle accepte les sanctions occidentales, le gel de ses avoir, parce qu’elle considère qu’elle joue son existence même. En ce sens, elle fait un choix autarcique absolument typique d’une période de crise générale du capitalisme.
Lors d’un ouragan, ou d’un tsunami, il existe un phénomène connu de marée, avec la mer qui se retire pour mieux revenir. Il en va de même pour le BREXIT britannique ou la présidence américaine de Donald Trump : ces phénomènes se déroulent avant que ne se déclenche la seconde crise générale du capitalisme en 2020 avec la pandémie, mais en réalité ils en sont une « conséquence ».
Comme pourtant une « conséquence » ne peut pas se dérouler avant un phénomène qui en est la cause, il faut d’ailleurs éviter l’emploi de ces termes. Car il n’existe en fait pas de « cause » et de « conséquence » ; le matérialisme dialectique enseigne qu’il faut raisonner en termes de relations, d’inter-pénétrations, en termes de vagues se rajoutant les unes aux autres, se mêlant les unes aux autres.
En ce sens, la guerre en Ukraine correspond exactement à ce reflux qu’ont été le BREXIT et la présidence de Donald Trump.
Dans les deux cas, il y a eu une contraction impérialiste, avec l’affirmation d’un esprit de forteresse, de formation d’éléments internes permettant l’autarcie pour faire face à tous les événements relevant des futures contradictions inter-impérialistes.
La Russie impérialiste a fait exactement de même avec la guerre en Ukraine, même si dialectiquement c’est le camp impérialiste occidentale qui a œuvré également en ce sens avec les sanctions.
Cette contraction résulte de la contradiction entre le fait que le mode de production capitaliste s’universalise, donc transcende les États, et que de l’autre le capitalisme repose toujours sur un socle national, avec à chaque fois un État qui cristallise les rapports au sein des luttes de classe.
Dans une situation où il faut être capable d’aller à la guerre, la dimension interne prime et le capitalisme se voit freiné dans sa velléité d’expansion universelle. D’où justement le fascisme, qui exprime cette contraction et prend un masque anticapitaliste en se prétendant contre le capitalisme universaliste qui serait le seul mauvais capitalisme.
L’Allemagne nazie défendait ainsi le capital « créateur » contre le capital « parasitaire » et il est bien connu que l’extrême-droite utilise la démagogie « révolutionnaire » en dénonçant les financiers, les oligarchies, « l’État profond » aux mains d’une société secrète de capitalistes (souvent désignés comme « juifs », etc.).
La guerre en Ukraine correspond au « choix » russe de se poser comme une grande puissance, plus exactement c’est parce qu’elle se pose comme grande puissance que la Russie a lancé l’invasion de l’Ukraine, pour ne pas se faire reléguer au statut de puissance de seconde zone, voire de colonie si l’Ukraine devient une tête de pont militaire ouverte de l’OTAN, qui était en train de se passer avant l’invasion de février 2022.
La seconde crise générale du capitalisme a commencé en 2020 et elle implique une contraction de l’économie capitaliste mondiale, exactement comme pour la première crise générale. Les effets dévastateurs de la pandémie avaient dans leur grande part été repoussés en systématisant les crédits – ou plus exactement en faisant tourner la planche à billets – mais l’impact de la guerre en Ukraine est d’autant plus difficile à gérer pour les capitalistes que tout se déroule de manière indirecte, par la bande.
La guerre en Ukraine remet en cause avant tout le marché de matières premières, dont l’accès va être rendu plus difficile, plus onéreux ou impossible. On parle ici de ce que produit la Russie, désormais ostracisée. Il s’agit du pétrole, du gaz, du charbon, du blé, de la potasse, des engrais azotés, du nickel, du titane. Il y a également l’Ukraine qui vient s’ajouter au problème, puisque le chaos de la guerre l’empêche de produire.
Les problèmes apparaissent ainsi déjà mais comme les productions se font sur toute une année, ils vont monter en puissance au fur et à mesure. La Russie et l’Ukraine sont la source de 30% des exportations mondiales de blé et de 20% de celles du maïs : pour toute une série de pays, la guerre en Ukraine pose un problème alimentaire majeur, ou plus exactement va poser un tel problème.
Il est également bien connu que le gaz russe est essentiel pour de nombreux pays européens. Là, c’est pareil, refuser le gaz russe va poser d’immenses problèmes.
Déjà, parce que techniquement cela prendra du temps. Ensuite, parce que le gaz le remplaçant sera beaucoup plus cher. Cela fait que de larges secteurs impérialistes d’Allemagne et d’Autriche disent déjà qu’il en est hors de question, de manière indirecte, en expliquant qu’un tel abandon prendrait des mois, des années, des décennies…
On a ainsi ce paradoxe que malgré les sanctions, le gaz russe continue à arriver en Europe. Comme toutefois la Russie est bloquée par ces sanctions et ne peut être réglée, elle a décidé qu’à partir du mois d’avril, il faudra payer en roubles. Les pays européens disent qu’il n’y a pas de cela dans les contrats signés, à quoi la Russie répond qu’il n’est pas question de fournir du gaz gratuitement.
Le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov a ainsi prévenu :
« Le processus de livraison est extrêmement compliqué, ce n’est pas comme acheter un produit quelconque dans un magasin – vous achetez et payez à la caisse. Il s’agit de livraisons, de paiements et de bilans, ce sont des processus qui prennent beaucoup de temps. Toutes les modalités sont actuellement en cours d’élaboration entre les différents départements, en concertation avec Gazprom.
Mais il va sans dire que nous ne fournirons pas de gaz gratuitement. On peut le dire avec une certitude absolue. Dans notre situation, il n’est guère possible et peu judicieux de s’engager dans une quelconque charité vis-à-vis de l’Union européenne. »
Les pays concernés dépassent d’ailleurs le cadre de l’Union Européenne ; sont visés l’Albanie, Andorre, l’Australie, la Royaume-Uni (y compris Jersey), Anguilla, les îles Vierges britanniques et Gibraltar, de même que les États membres de l’UE, l’Islande, le Canada, le Japon, le Liechtenstein, la Micronésie, Monaco, la Nouvelle-Zélande, la Norvège, la Corée du Sud, Saint-Marin, la Macédoine du Nord, Singapour, les États-Unis, Taïwan, l’Ukraine, le Monténégro, la Suisse.
Ces pays sont en effet considérés comme « menant des actions inamicales contre la Russie, et contre les entreprises et les citoyens russes ».
Les sanctions des capitalistes occidentaux ont une double nature. D’un côté, elles sont unanimes parce qu’il y a l’espoir qu’en l’étant, la Russie va céder et le régime s’effondrer.
Alors, à ce moment-là, tout le monde se partagera le gâteau. De l’autre, elles sont d’une grande précarité car en confisquant les biens russes, en utilisant le dollar et l’euro pour isoler la Russie en l’empêchant de les utiliser, il est donné un signal négatif au reste du monde, qui voit bien le risque qui existe qu’eux-mêmes risquent d’encourir.
En l’état, eux-mêmes ne sont nullement menacés pour l’instant. Mais il y a des tendances internes, sous la forme d’une bourgeoise compradore, au rapprochement avec la Chine, le grand challenger de l’ordre mondial.
Il y a également une bourgeoisie nationale, plus ou moins faible, mais existante et diffusant relativement son point de vue, même s’il reste toujours secondaire en raison de sa faiblesse historique.
Les capitalistes occidentaux sont donc allés à quitte ou double contre la Russie. Il y a des drapeaux ukrainiens partout, tout en n’en ayant rien à faire de l’Ukraine, mais s’il n’y a pas la victoire escomptée, il va s’exprimer une contre-tendance, avec des forces échappant à l’emprise occidentale face à une telle pression.
La Russie impérialiste est ainsi allée à quitte ou double, mais il en va de même pour le camp occidental, et notamment pour l’Union Européenne.
Le marché commun européen a été mis en place sous l’égide de la superpuissance impérialiste américaine, qui a établi des économies conformes à son propre développement. Cependant, le moteur franco-allemand a historiquement des velléités d’hégémonie continentale.
L’Allemagne, titan financier mais sans aucune force militaire, se serait bien vue au chaud en Europe à l’abri de l’affrontement sino-américain, profitant ensuite de la situation comme la Macédoine après l’épuisement de Sparte et Athènes.
Cela tombe à l’eau avec la guerre en Ukraine : l’Allemagne choisit d’établir une armée puissante, car tout est trop risqué désormais. Reste à savoir dans quel camp basculer, dans quelle mesure tergiverser reste possible. Une ambition allemande forte implique en effet de rejeter les États-Unis et le Royaume-Uni, et pour cela il faut forcément un appui russe.
Mais s’il est possible d’engloutir la Russie, pourquoi pas ? Ce dilemme n’est pas récent. Dans les années 1920, il était ainsi apparu un courant que Lénine dénoncera et qui sera qualifié de « national-bolchevik », prônant l’alliance de la bourgeoisie allemande avec l’URSS. Cette tendance, minoritaire voire anecdotique, continuera d’exister, mais sans possibilités réelles d’expression en raison de la haine allemande envers les Slaves. Elle reflète cependant le point de vue allemand qui est très hostile au Royaume-Uni, considérée comme la principale concurrente sur le continent.
Il y a donc une contradiction entre l’Allemagne impérialiste et l’OTAN (dirigée par la superpuissance impérialiste américaine), avec l’Union Européenne comme nexus. Or, depuis 2020 il y a un alignement complet de l’Union Européenne sur l’OTAN.
Cela oblige l’Allemagne à s’engager contre la Russie.
Le document de l’Union Européenne du 21 mars 2022, « Une boussole stratégique en matière de sécurité et de défense – Pour une Union européenne qui protège ses citoyens, ses valeurs et ses intérêts, et qui contribue à la paix et à la sécurité internationales », le dit ouvertement.
On lit ainsi que :
« Une Union plus forte et plus capable dans le domaine de la sécurité et de la défense contribuera positivement à la sécurité globale et transatlantique et est complémentaire à l’OTAN, qui reste le fondement de la défense collective pour ses membres. »
Ou bien encore :
« La relation transatlantique et la coopération entre l’UE et l’OTAN, dans le plein respect des principes énoncés dans les traités et de ceux que le Conseil européen a adoptés, y compris les principes d’inclusivité, de réciprocité et d’autonomie décisionnelle de l’UE, sont fondamentales pour notre sécurité globale. »
Il est même précisé que l’Union Européenne doit disposer d’une autonomie stratégique… mais dans le cadre de l’OTAN !
« Les mutations géopolitiques récentes nous rappellent que l’UE doit de toute urgence assumer davantage de responsabilités pour sa propre sécurité en agissant dans son voisinage et au-delà, avec des partenaires chaque fois que cela est possible et seule lorsque cela est nécessaire. La force de notre Union réside dans l’unité, la solidarité et la détermination.
La présente boussole stratégique renforcera l’autonomie stratégique de l’UE et sa capacité à travailler avec ses partenaires pour préserver ses valeurs et ses intérêts.
Une Union plus forte et plus capable sur les questions de sécurité et de défense contribuera positivement à la sécurité globale et transatlantique et est complémentaire à l’OTAN, qui reste le fondement de la défense collective pour ses membres. Les deux vont de pair. »
Et cela doit aller plus loin, par l’unité stratégique complète des figures de haut rang de l’Union Européenne et de l’OTAN :
« Pour améliorer le dialogue politique, nous organiserons des réunions conjointes à haut niveau UE-OTAN plus fréquentes et plus inclusives, axées sur des questions d’intérêt stratégique. Les échanges ciblés dans le cadre de réunions conjointes régulières du Comité politique et de sécurité de l’UE et du Conseil de l’Atlantique Nord seront renforcés.
Les interactions entre le personnel de l’UE et celui de l’OTAN constituent un élément essentiel de notre partenariat, mais elles peuvent être davantage renforcées par l’intensification des communications stratégiques, la coordination et/ou l’adoption de déclarations conjointes et la réalisation de visites conjointes de représentants de haut rang des deux organisations.
Il convient de renforcer le dialogue et la coopération en multipliant les échanges avec l’OTAN sur l’évaluation de l’environnement sécuritaire dans différents domaines, allant de l’appréciation commune de la situation aux exercices de prospective. À cet égard, notre capacité à échanger des informations non classifiées et classifiées revêt une importance cruciale. »
Cela doit également de plus en plus avoir un aspect militaire :
« Les exercices parallèles et coordonnés organisés par l’UE et l’OTAN permettent d’échanger des informations et d’améliorer notre état de préparation pour répondre à des préoccupations communes en matière de sécurité, y compris les attaques hybrides complexes.
Toutefois, notre approche des exercices devra évoluer pour faire face de manière plus efficace aux mutations géopolitiques et technologiques qui se produisent à l’heure actuelle.
Il sera capital de mener des discussions spécifiques fondées sur des scénarios et d’intégrer davantage la mobilité militaire dans les exercices à venir.
Le passage à des exercices conjoints et inclusifs constituerait un véritable vecteur de coopération accrue entre l’UE et l’OTAN et un moyen d’instaurer la confiance, d’améliorer l’interopérabilité et d’approfondir notre partenariat. Cela nécessite un partage approprié d’informations. »
Et, dans ce document, on voit également que la ligne stratégique est la même que celle de l’OTAN désormais : l’ennemi immédiat, c’est la Russie, et derrière c’est la Chine.
Voici comment le document « Une boussole stratégique en matière de sécurité et de défense » de l’Union Européenne présente la Russie. C’est très exactement la rhétorique de l’OTAN.
« Par son agression militaire non provoquée et injustifiée contre l’Ukraine, la Russie viole de façon flagrante le droit international et les principes de la charte des Nations unies, et porte atteinte à la sécurité et à la stabilité européennes et mondiales.
Cette agression fait suite à l’agression militaire en Géorgie en 2008, ainsi qu’à l’annexion illégale de la Crimée et à l’intervention militaire dans l’est de l’Ukraine en 2014. Par cette ingérence armée en Géorgie et en Ukraine, le contrôle de facto de la Biélorussie ainsi que la présence continue de troupes russes dans le cadre de conflits de longue durée, notamment en République de Moldavie, le gouvernement russe tente activement d’établir de soi-disant sphères d’influence.
L’agression armée contre l’Ukraine témoigne de la volonté d’employer le plus haut degré de force militaire, indépendamment de considérations juridiques ou humanitaires, associé à des tactiques hybrides, des cyberattaques, des activités de manipulation de l’information et d’ingérence menées depuis l’étranger, la coercition économique et énergétique et une rhétorique nucléaire agressive.
Ces actions agressives et révisionnistes dont le gouvernement russe est, avec sa complice la Biélorussie, entièrement responsable, menacent gravement et directement l’ordre de sécurité européen et la sécurité des citoyens européens. Les responsables de ces crimes, notamment des attaques ciblant les civils et les biens civils, devront répondre de leurs actes.
La Russie se projette également sur d’autres théâtres tels que la Libye, la Syrie, la République centrafricaine et le Mali et utilise les crises de manière opportuniste, notamment en recourant à la désinformation et à des mercenaires, comme le groupe Wagner.
Tous ces développements constituent une menace directe et durable pour la sécurité européenne, à laquelle nous continuerons de faire face avec détermination. »
La Russie est présentée comme la source de tous les maux, un État voyou à mettre au pas, l’Union Européenne se parant naturellement ici de toutes les vertus.
Voici comment le document « Une boussole stratégique en matière de sécurité et de défense » de l’Union Européenne présente la Russie. C’est là encore très exactement la rhétorique de l’OTAN.
« La Chine est un partenaire en matière de coopération, un concurrent économique et un rival systémique. Nous pouvons aborder avec la Chine des questions d’intérêt mondial telles que le changement climatique. La Chine est de plus en plus impliquée et engagée dans des tensions régionales.
L’asymétrie de l’ouverture de nos marchés et de nos sociétés a suscité des préoccupations croissantes en ce qui concerne la réciprocité, la concurrence économique et la résilience.
La Chine a tendance à limiter l’accès à son marché et cherche à promouvoir ses propres normes au niveau mondial. Elle poursuit ses politiques, notamment par sa présence croissante en mer et dans l’espace, ainsi qu’en utilisant des cyberoutils et en recourant à des tactiques hybrides.
En outre, la Chine développe considérablement ses moyens militaires et a pour objectif d’achever la modernisation globale de ses forces armées d’ici à 2035, ce qui aura une incidence sur la sécurité régionale et mondiale.
Le développement de la Chine et son intégration dans sa région, et dans le monde entier, marqueront le reste de ce siècle.
Nous devons veiller à ce que cela se fasse d’une manière qui contribue à maintenir la sécurité mondiale et qui ne soit pas contraire à l’ordre international fondé sur des règles ainsi qu’à nos intérêts et à nos valeurs. Pour ce faire, une unité forte entre nous et une collaboration étroite avec d’autres partenaires régionaux et mondiaux sont nécessaires. »
La Chine est ici présentée comme le principal défi à l’ordre mondial à partir de 2035, ce qui implique bien entendu qu’il s’agit de la faire péricliter auparavant. Et pour les impérialistes occidentaux, le chemin allant à Pékin passe par Moscou.
Le document « Une boussole stratégique en matière de sécurité et de défense » assume totalement de mobiliser toutes les forces pour encercler la Russie, au point de qualifier la Géorgie, un pays du Caucase, de « voisin » oriental de l’Europe !
« Dans notre voisinage oriental, alors que l’Ukraine est directement attaquée par les forces armées russes, la République de Moldavie, la Géorgie et d’autres pays du Caucase du Sud sont eux aussi constamment confrontés à des intimidations stratégiques et à des menaces directes pesant sur leur souveraineté et leur intégrité territoriale et sont enferrés dans des conflits de longue durée.
L’autoritarisme en Biélorussie se traduit par une répression intérieure violente, un soutien militaire actif à l’agression de la Russie contre l’Ukraine, la modification de son statut de pays dénucléarisé et l’utilisation de tactiques hybrides à l’encontre de l’UE. »
Il est vrai que la Libye et la Syrie sont présentés comme relevant d’un « voisinage méridional » qui montre qu’en fait on est clairement dans une logique de gendarme impérialiste mondial. L’Union Européenne doit être transformée en forteresse-support pour l’OTAN.
Cela nous ramène à ce qui a été mentionné plus haut, à savoir l’alignement total de l’Union Européenne sur l’OTAN. Le document « Une boussole stratégique en matière de sécurité et de défense » a comme contenu stratégique l’unification organisationnelle des forces militaires ainsi que civiles européennes pour servir de support à l’OTAN.
C’est dit tel quel :
« L’état de préparation et l’interopérabilité sont des éléments essentiels de notre réponse aux menaces et à la concurrence stratégique.
De fréquents exercices réels civils et militaires dans tous les domaines, ainsi qu’une planification d’anticipation renforcée, nous aideront à rehausser considérablement notre état de préparation, à favoriser l’interopérabilité et à soutenir une culture stratégique commune.
Des exercices réels dans le cadre de l’UE, avec la participation progressive de la capacité militaire de planification et de conduite, façonneront la capacité de déploiement rapide de l’UE en particulier et, plus généralement, renforceront notre position, notre communication stratégique et l’interopérabilité, y compris avec les partenaires.
L’agression militaire de la Russie contre l’Ukraine a confirmé le besoin urgent d’améliorer substantiellement la mobilité militaire de nos forces armées à l’intérieur et à l’extérieur de l’Union.
Nous renforcerons les infrastructures de transport à double usage dans l’ensemble du réseau transeuropéen de transport afin de favoriser des mouvements rapides et sans entrave du personnel, du matériel et des équipements militaires pour les déploiements et exercices opérationnels, en étroite coopération avec l’OTAN et nos autres partenaires.Nous conviendrons de nouveaux engagements visant à accélérer et à harmoniser les procédures transfrontières, à recenser les moyens de soutenir les mouvements à grande échelle à court préavis, à investir dans la transformation numérique de nos forces armées et à développer des capacités de pointe économes en énergie qui garantissent notre capacité à réagir rapidement et à opérer dans des environnements hostiles, en tenant compte des exigences constitutionnelles de certains États membres.
Nous associerons également nos travaux sur la mobilité militaire à des exercices de simulation ainsi qu’à des exercices réels des forces armées des États membres. »
On est là dans le bellicisme impérialiste le plus prononcé, mais également dans une utopie belliciste, car toute cette orientation nie les contradictions inter-impérialistes qui inévitablement se développeront.
Lénine soulignait déjà cela dans son article de 1915 sur la possibilité d’États-Unis d’Europe, qui ne pourraient former qu’une entente provisoire en fonction des intérêts communs, nullement une réalité.
Comme il le formule alors, cela repose sur le fait que :
« L’inégalité du développement économique et politique est une loi absolue du capitalisme. »
En effet, le développement inégal est une loi absolue en général. Et Lénine, formidable dialecticien, déduisait de cela, dans la phrase suivant immédiatement que :
« Il s’ensuit que la victoire du socialisme est possible au début dans un petit nombre de pays capitalistes ou même dans un seul pays capitaliste pris à part. »
Les communistes luttent contre l’entente commune de certains impérialistes cherchant à faire bloc, en comprenant les contradictions inter-impérialistes, visant à la révolution socialiste dans leur propre pays.