Michel Foucault est l’équivalent d’Herbert Marcuse – Max Horkheimer – Theodor W. Adorno pour la France. Sa démarche est d’ailleurs plus tardive et plus conforme à la rébellion irrationnelle et mystique, dans l’esprit d’Henri Bergson et Georges Sorel, reflétant l’approfondissement de la crise idéologique de la bourgeoisie.

a) Le triomphe de la philosophie de Michel Foucault dans toutes les universités de l’impérialisme américain est le fruit direct du travail de l’impérialisme français. Initialement, Michel Foucault est un de ces intellectuels proches du Parti Communiste français et du marxisme, qui réussissent à s’intégrer à l’appareil universitaire grâce au poids idéologique communiste issu de la Résistance.

Michel Foucault l’explique candidement de cette manière :

« Après la guerre, le marxisme entrait dans l’université. A un moment, on a pu citer Marx dans les copies d’agrégation. Cela correspondait à la stratégie du Parti envers les appareils d’Etat.

Je me souviens parfaitement qu’Althusser m’avait envoyé gentiment faire des cours de philosophie et de philosophie politique aux candidats à l’Ena de la CGT ! En fait, cette entrée du Parti communiste dans l’appareil d’Etat n’a réussi pleinement que dans l’université.

Cette acceptation du marxisme dans l’université et l’acceptation par le Parti communiste de pratiques universitaires normalement reconnues ont créé pour nous une situation d’une grande facilité.

Devenir agrégé de philo en parlant de Marx, comme les choses étaient simples ! » (entretien avec Roger-Pol Droit, juin 1975, après la publication de Surveiller et punir)

b) Le marxisme et la structure universitaire bourgeoise étaient nécessairement placés dans une contradiction antagonique. L’État bourgeois ne pouvant se « suicider », c’est le marxisme qui l’a fait par la capitulation.

Afin de conserver la « contestation » du système capitaliste, tout en donnant des gages à la bourgeoisie, Michel Foucault a fait comme les intellectuels « de gauche » de cette époque :

– il a nié la Dialectique de la Nature d’Engels comme étant une composante du marxisme ;

– il a substitué à la classe ouvrière un nouveau « sujet révolutionnaire », niant donc les mécanismes d’exploitation ;

– il a attaqué systématiquement le marxisme comme science.

Voici comment Michel Foucault parle de la liquidation du marxisme et de l’affirmation des « mouvements sociaux » :

« Vous comprendrez donc que le thème : « Comment en finir avec le marxisme », qui servait, en quelque sorte, de fil conducteur à la question que vous avez posée, est également fondamental pour ma réflexion.

Une chose est déterminante : que le marxisme ait contribué et contribue toujours à l’appauvrissement de l’imagination politique, tel est notre point de départ (…). Au XIXe siècle, Marx a joué un rôle particulier, presque déterminant. Mais ce rôle est clairement typique du XIXe siècle et il ne fonctionne que là (…).

Aux partis marxistes aussi bien qu’aux discours marxistes traditionnels faisait défaut la faculté de prendre en considération tous ces problèmes qui sont, par exemple, ceux de la médecine, de la sexualité, de la raison et de la folie.

Par ailleurs, pour réduire les modalités de pouvoir liées au marxisme en tant qu’expression d’un parti politique, il faudra rapprocher tous ces nouveaux problèmes que je viens de soulever, c’est-à-dire médecine, sexualité, raison, folie de divers mouvements sociaux – qu’il s’agisse de contestations ou de révoltes.

Les partis politiques ont tendance à ignorer ces mouvements sociaux et même à affaiblir leur force. De ce point de vue, l’importance de tous ces mouvements est claire pour moi.

Tous ces mouvements se manifestent chez les intellectuels, chez les étudiants, chez les prisonniers, dans ce qu’on appelle le Lumpenproletariat.

Non pas que je reconnaisse une valeur absolue à leur mouvement, mais je crois néanmoins qu’il est possible, sur le plan à la fois logique et politique, de récupérer ce qui a été monopolisé par le marxisme et les partis marxistes. » (La méthodologie pour la connaissance du monde : comment se débarrasser du marxisme, entretien avec R. Yoshimoto, 25 avril 1978)

c) Michel Foucault a élaboré un système très approfondi afin de justifier la valeur des « mouvements sociaux » et de nier la lutte des classes. Il a affirmé que ce qui était en jeu dans la société, c’était le corps.

Il n’y a donc plus de classes sociales, mais des individus dont le corps est réprimé. Il n’y a plus de conscience lié à une classe, mais une pensée consacrée à son propre corps.

Voici ce que dit Michel Foucault :

« Je me démarque, me semble-t-il, à la fois de la perspective marxiste et paramarxiste. Concernant la première, je ne suis pas de ceux qui essaient de cerner les effets de pouvoir au niveau de l’idéologie.

Je me demande en effet si, avant de poser la question de l’idéologie, on ne serait pas plus matérialiste en étudiant la question du corps et des effets du pouvoir sur lui.

Car, ce qui me gêne dans ces analyses qui privilégient l’idéologie, c’est qu’on suppose toujours un sujet humain dont le modèle a été donné par la philosophie classique et qui serait doté d’une conscience dont le pouvoir viendrait s’emparer. »(Pouvoir et corps, Entretien de juin 1975 à Quel corps ?, no 2, septembre-octobre 1975)

d) Michel Foucault a alors élaboré toute une histoire du corps réprimé, affirmant que la « folie » était l’expression de cette bataille pour le corps.

Il rejette par conséquent la valeur progressiste du capitalisme, le développement des forces productives, en attaquant le processus de socialisation lui-même. À ses yeux, la société organisée réprime l’individu.

Voici son point de vue :

« Je crois qu’actuellement il y a un phénomène très important qui se passe depuis Nietzsche, depuis Raymond Roussel, depuis Van Gogh, depuis Artaud surtout, la folie est redevenue ou commence à redevenir ce qu’elle était aux XV° et au XVI° siècles, c’est-à-dire un phénomène de civilisation extraordinairement important.

Et, de même que la folie avait été au XVI° siècle, début du XVII° siècle, chargée de porter en quelque sorte la vérité, de l’exprimer dramatiquement, eh bien il semble que maintenant la folie retrouve un petit peu de cette mission, et qu’après tout, une part de la vérité contemporaine, de la vérité de la culture contemporaine, a été proférée par des gens qui étaient à la limite de la folie ou qui faisaient de la folie l’expérience la plus profonde comme Roussel, Artaud. » (entretien avec Nicole Brice après la publication de Histoire de la Folie à l’Age Classique, 31 Mai 1961, radio France Culture)

e) Pour développer sa thèse, Michel Foucault s’appuie sur toute une série de penseurs idéalistes : les romanciers délirants Maurice Blanchot et Raymond Roussel, des historiens aux mentalités ultra-réactionnaires comme Georges Dumézil et Philippe Ariès, la psychanalyse, etc.

Michel Foucault résume l’histoire au fait de piocher des éléments pour « justifier » que l’individu a été encadré par la société et que, bien entendu, cela serait « mal ».

Voici ses réponses à quelques questions :

« – Influences ?

– Surtout des œuvres littéraires… Maurice Blanchot, Raymond Roussel. Ce qui m’a intéressé et guidé, c’est une certaine forme de présence de la folie dans la littérature.

– Et la psychanalyse ?

– Vous êtes d’accord que Freud, c’est la psychanalyse même.

Mais, en France, la psychanalyse, d’abord strictement orthodoxe, a eu plus récemment une existence seconde et prestigieuse, due, comme vous savez, à Lacan…

– Et c’est le second style de psychanalyse qui vous a surtout marqué ?

– Oui. Mais aussi, et principalement, Dumézil.

– Dumézil ? Comment un historien des religions a-t-il pu inspirer un travail sur l’histoire de la folie ?

– Par son idée de structure. Comme Dumézil le fait pour les mythes, j’ai essayé de découvrir des formes structurées d’expérience dont le schéma puisse se retrouver, avec des modifications, à des niveaux divers…

– Et quelle est cette structure ?

– Celle de la ségrégation sociale, celle de l’exclusion. Au Moyen Âge, l’exclusion frappe le lépreux, l’hérétique. La culture classique exclut au moyen de l’hôpital général, de la Zuchthaus, du workhouse, toutes institutions dérivées de la léproserie. J’ai voulu décrire la modification d’une structure d’exclusive.

– N’est-ce pas alors une histoire de l’internement que vous avez composée ! plutôt qu’une histoire de la folie ?

– En partie, oui. Certainement. Mais j’ai tenté surtout de voir s’il y a un rapport entre cette nouvelle forme d’exclusion et l’expérience de la folie dans un monde dominé par la science et une philosophie rationaliste. » (« La folie n’existe que dans une société » (entretien avec J.-P. Weber), Le Monde, no 5135, 22 juillet 1961, p. 9.)

Michel Foucault, reconnu par les institutions et toute la presse bourgeoise, a donc joué un rôle moteur dans l’affirmation d’une critique interne au système. C’est ainsi lui qui fonde le département de philosophie de l’université de Vincennes (Paris 8), expérimentation gauchiste organisée par l’État lui-même, et savamment placée par la suite à Saint-Denis, bastion du P « C » F, au début des années 1980 !

De la même manière, Michel Foucault avait été responsable du Centre de civilisation français à Varsovie et il fut la figure majeure du soutien au syndicat anti-communiste « Solidarnosc », mobilisant autant qu’il le put contre la Pologne révisionniste, mais sur la ligne de la CIA.


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