Le matérialisme dialectique s’oppose catégoriquement à la psychanalyse. Selon le matérialisme dialectique, l’être humain est de la matière en transformation et sa conscience est le reflet du mouvement général de la matière.
La psychanalyse affirme, elle, que l’individu pense, et qu’il dispose même d’une base aussi indestructible que l’âme pour la religion : l’inconscient, c’est-à-dire un inconscient psychique, une pensée et une volonté cachée, « enfouies » dans la conscience.
La contradiction entre les deux conceptions se révèle flagrante avec la théorie de la « névrose » : l’individu est troublé par son incapacité à satisfaire une « pulsion » dans la réalité, c’est-à-dire que l’individu aurait une existence totalement coupée de la réalité, et il devrait choisir ici un rapport « sain » ou « authentique » (c’est le « principe de réalité »).
Le matérialisme dialectique nie quant à lui que les individus aient une existence « à part » de la réalité globale.
De plus, le matérialisme dialectique considère que la conscience est de la matière grise ; elle est donc sujette à la transformation. Or, la psychanalyse affirme que cette conscience peut être « bloquée », selon le développement psychique dans l’enfance (c’est le fameux principe du complexe d’Œdipe et des stades oral, anal, phallique, génital).
Enfin, le matérialisme dialectique considère que puisque la conscience est le reflet du mouvement général de la matière, c’est par le travail, l’insertion dans la réalité en transformation qu’une conscience aliénée peut se retrouver et progresser.
Cette thèse s’oppose formellement au principe du « divan » où un « patient » raconte sa vie à un psychanalyste, afin de se purger de ses pensées et de ses troubles.
Un dernier point important est l’affirmation freudienne que la culture s’oppose radicalement à la nature, selon le principe que la maîtrise des « pulsions », c’est-à-dire leur réorientation forcée de la part de la société en direction du travail, est absolument nécessaire à la survie de la « civilisation ».
Le matérialisme dialectique affirme lui, conformément entre autres aux enseignements des Manuscrits de 1844 de Karl Marx, que le communisme ramène l’humanité dans la nature, après le passage par la culture, et en profitant de forces productives développées.
Il n’y a pas pour le matérialisme dialectique d’opposition antagonique entre la nature et la culture.
Pour toutes ces raisons, le matérialisme dialectique s’oppose formellement à la psychanalyse. De fait, la morale communiste s’oppose de toutes manières à une lecture simplement « sexuelle » de la vie humaine.
Les propos méprisants de Lénine, rapportés par Clara Zetkine, sont bien connus :
« On prétend que la brochure d’une communiste viennoise sur la question sexuelle jouit d’une très large diffusion.
Quelle sottise que cette brochure ! Le peu de notions exactes qu’elle renferme, les ouvrières les connaissent déjà d’après Bebel, et cela non point sous la forme d’un schéma aride et fastidieux, comme dans cette brochure, mais sous la forme d’une propagande qui vous emporte, d’une propagande pleine d’attaques contre la société bourgeoise.
Les hypothèses de Freud mentionnées dans la brochure en question confèrent à ce livre un caractère, à ce qu’on prétend « scientifique », mais ce n’est au fond qu’un gribouillage primitif.
La théorie de Freud, elle aussi, n’est aujourd’hui qu’un caprice à la mode. Je n’ai nulle confiance en ces théories sexuelles exposées dans des articles, comptes rendus, brochures, etc., bref dans cette littérature spécifique qui fleurit avec exubérance sur le terreau de la société bourgeoise.
Je me méfie de ceux qui sont constamment et obstinément absorbés par les questions de sexe, comme le fakir hindou dans la contemplation de son propre nombril.
Il me semble que cette abondance de théories sexuelles, qui ne sont pour la plupart que des hypothèses souvent arbitraires, provient de nécessités toutes personnelles, c’est-à-dire du besoin de justifier aux yeux de la morale bourgeoise sa propre vie anormale ou ses instincts sexuels excessifs, et de les faire tolérer. »