ANTINOMIE (du grec […] — contradiction entre les lois). Contradiction entre deux propositions qui sont reconnues également vraies et qui s’excluent mutuellement. Kant (V.) assignait une place importante aux antinomies de la raison.
Il démontrait que la raison désireuse de connaître le monde, tombe inévitablement dans des contradictions avec elle-même, qu’elle est incapable de surmonter. Kant distingue quatre antinomies : 1° Le monde est fini dans le temps et dans l’espace ; le monde est infini dans le temps et dans l’espace ; 2° tout est simple et indivisible ; il n’y a rien de simple, tout est complexe et divisible ; 3° la liberté existe dans le monde ; il n’y a pas de liberté dans le monde, tout est nécessaire ; 4° il existe une cause première du monde ; il n’y a pas de cause première. D’après Kant, les antinomies ne sont propres qu’à la raison humaine.
Nous sommes incapables de connaître l’essence même des choses. Malgré certains éléments dialectiques, cette théorie a pour objet principal de marquer les limites de la connaissance humaine, de démontrer que l’essence des choses est inconnaissable, de proclamer et de justifier l’agnosticisme (V.), conception antiscientifique. « Chez Kant, écrit Lénine, il y a quatre « antinomies ». En réalité chaque concept, chaque catégorie est tout aussi antinomique » (« Cahiers philosophiques », éd. russe, p. 90). Du point de vue du matérialisme dialectique, les contradictions des concepts reflètent les contradictions réelles, la lutte des contraires qui forme la base du développement du monde matériel.
ANTONOVITCH Maxime Alexéïévitch (1835-1918). Philosophe progressiste russe des années 60 du XIXe siècle, un de ceux qui s’étaient groupés autour de Tchernychevski (V.). L’activité d’Antonovitch s’est manifestée avec le plus d’éclat durant les années de lutte pour l’abolition du servage et a reflété l’effervescence révolutionnaire de la paysannerie en lutte contre le féodalisme.
Sorti en 1859 de l’Académie orthodoxe de Pétersbourg, il renonça à la carrière ecclésiastique. Entraîné par les idées de Biélinski (V.), Herzen (V.), Tchernychevski et des représentants progressistes de la science, il était encore étudiant qu’il devint matérialiste et athée. Son amitié personnelle avec N. Dobrolioubov (V.) lui permit de trouver définitivement sa place dans la lutte sociale. Collaborateur actif de la revue « Sovrémennik » [Le Contemporain], organe des démocrates révolutionnaires, il commença, sur les instances de Tchernychevski, à écrire des articles philosophiques, dont les plus importants sont : « Philosophie contemporaine », « Sur la philosophie de Hegel », « Deux genres de philosophes contemporains », « Physiologie et philosophie contemporaines », « Théorie esthétique contemporaine », « Explication d’amour avec l’ « Epoque ».
Il écrivit beaucoup sur les sciences de la nature. Ses ouvrages « Charles Darwin et sa théorie », « Unité du cosmos physique et moral », « Unité des forces de la nature », « La vie des plantes », « La vie des animaux », « Sur la vapeur et les machines à vapeur », et beaucoup d’autres popularisaient les connaissances scientifiques dans la société russe, contribuaient à la formation de la conception scientifique, matérialiste, du monde.
Antonovitch critiquait résolument l’idéalisme de Hegel (V.), l’agnosticisme de Kant (V.), l’idéalisme du journalisme réactionnaire russe, défendait avec ardeur et propageait le matérialisme de Tchernychevski. Il participa activement à la lutte de ce dernier contre les idéalistes russes à la tête desquels se trouvaient Iourkévitch et Katkov.
Il défendit les principes du matérialisme philosophique, de la théorie matérialiste de la connaissance. Ses articles, où, fort des données de la physiologie, il réfutait les arguments de l’agnosticisme et développait la théorie matérialiste du reflet, n’ont perdu, jusqu’à nos jours, ni leur actualité ni leur intérêt.
Cependant, ses conceptions philosophiques étaient sensiblement en retard sur celles de son maître Tchernychevski. Le matérialisme de celui-ci était étroitement lié à la politique, à la lutte démocratique révolutionnaire pour la transformation de la société ; ses œuvres étaient pénétrées de l’esprit de la lutte de classe. Antonovitch, au contraire, portait principalement son attention sur les sciences naturelles, sur l’instruction.
Plus tard, il abandonna complètement la politique et se voua tout entier à la propagande des connaissances scientifiques. Tout en comportant des éléments de dialectique, le matérialisme d’Antonovitch est resté contemplatif, métaphysique.
Antonovitch, critique littéraire, exigeait de l’art qu’il reflète la réalité et serve les intérêts de la société. Dans son article « L’Asmodée de notre siècle » il défend les positions révolutionnaires démocratiques contre les calomnies du camp des libéraux. Il propage et défend la théorie esthétique de Tchernychevski. Mais ses conceptions philosophiques générales étant limitées, certaines de ses thèses entraient en contradiction avec l’esprit militant de la théorie esthétique de Tchernychevski.
Absorbé, les dernières années de sa vie, par les sciences naturelles, il fonda son propre laboratoire de chimie, étudia passionnément la géologie. Il fit des recherches personnelles et des découvertes dans ce dernier domaine. Les « Œuvres philosophiques choisies » de M. Antonovitch ont paru en U.R.S.S. en 1945.