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D’octobre 1936 à février 1937, des milliers d’antifascistes de tous les pays sont accourus en Espagne. Environ 15.000 hommes de tous âges et de toutes conditions.
Ils venaient de tous les pays d’Europe et d’Amérique. Pays démocratiques et pays fascistes.
Ils représentaient toutes les tendances du mouvement ouvrier, du mouvement démocratique, même les plus modérées. L’ancien combattant de la grande guerre 1914-1918 y voisinait avec les jeunes lutteurs antifascistes.
Ils venaient en Espagne mettre leurs capacités militaires, leur expérience de la lutte antifasciste au service du peuple d’Espagne, au service de son gouvernement de Front populaire.
Leurs buts ? Un seul : aider le peuple d’Espagne à gagner la guerre. Chacun d’eux comprenait fort bien que se jouait en Espagne le sort de « toute l’humanité avancée et progressive ».
Leurs revendications ? Une seule : être envoyés aux points les plus dangereux, les plus décisifs. Sans plus.
Le monde entier sait aujourd’hui ce qu’ils ont accompli.
Le bilan des seize derniers mois de bataille établit le rôle considérable des Brigades internationales dans la guerre d’indépendance du peuple d’Espagne. Leur épopée ? Elle est partie de Madrid ! Madrid ! dont le Comité de Défense, avec son président : le générai républicain Miaja et son commissaire : l’ouvrier communiste Anton, animait, soulevait, lançait ses soldats, ses ouvriers, tout son peuple, heure après heure, sur tel ou tel point à renforcer, à fortifier, à approvisionner.
C’est alors, à Madrid, le 7 novembre 1936, qu’ils entrèrent dans la lutte et dans l’histoire. L’ennemi du genre humain, assoiffé de sang, de vols, de viols et de carnage, touchait déjà au Manzanares et à la Cité Universitaire.
Les six premières Brigades de l’armée espagnole, dans la bataille depuis six jours, atteignaient à l’extrême limite de l’épuisement physique. C’est alors que Madrid vit défiler les trois premiers bataillons internationaux : Edgar André (allemand), Commune de Paris (français), Dombrowski (polonais), fermes, impassibles, sachant ce qu’est une bataille. Leur aspect seul inspirait confiance. Et tandis que leur petite artillerie, dans le fracas de ses camions lancés à fond de train, allait prendre position, l’infanterie de la XIe Brigade Mixte brisait net l’attaque de l’ennemi.
Trois jours après, la, XIIe Brigade − Bataillons Thaelmann, Franco-Belge, Garibaldi − conduite par notre glorieux Lukacs, attaquait au sud de Madrid, puis venait épauler la XIe. Et tandis qu’il sans arrêt, les bataillons internationaux étaient jetés à chaque point faible du front du Centre, la XIIIe Brigade soulageait la capitale par ses quatorze attaques sur Teruel et la XIVe brisait net l’avance fasciste sur le front de Cordoue.
Puis, c’est février 1937, la terrible bataille du Jarama, Le front ébranlé, les fascistes dévalent vers la route Madrid-Valence. Alors, la division Lister, puis successivement la XIe, la XIIe la XIVe Brigades internationales bouchent le passage, Puis arrive la XVe (les Américains) qui y reçoivent le baptême du feu avec d’autres : Français, et d’autres : Balkaniques.
Tandis que la XIIIe était expédiée défendre Almeria, mise en péril par la chute de Malaga. Ils furent à Guadalajara, portant un coup terrible aux chemises noires de Mussolini. Ils furent à Pozoblanco, avançant de trente kilomètres, débloquant Almaden ; à Brunete, à Belchite, à Cuesta de la Reina, enfin à Teruel, face à la contre-attaque fasciste.
Du Nord au Sud, ils ont été de toutes les batailles, sur tous les fronts. Ils ont été parmi les meilleurs combattants de la nouvelle armée populaire d’Espagne. Ils ont été parmi les Brigades d’élite qui ont à maintes reprises barré victorieusement la mute ou refoulé en désordre les bandes fascistes.
Mais ils ont rendu de plus grands services encore au peuple espagnol, à la cause antifasciste. Quel est, en effet, le secret de l’action victorieuse des Brigades internationales ? Pourquoi ont-elles combattu et combattent-elles avec tant d’efficacité? Elles n’avaient guère de grands spécialistes militaires. Très peu nombreux étaient les anciens officiers de métier. Leur force, leur énorme capacité de combat résidait dans leur organisation et leur absolue unité antifasciste. Ce fut là le secret de leurs victoires.
On sait, c’est aujourd’hui constaté, que si les fascistes ont pu atteindre Badajoz, Talavera, Tolède, puis arriver aux portes de Madrid, c’est avant tout parce que chaque bataillon de milices appartenait à un parti, à un syndicat, à une organisation et n’acceptait que bien peu les ordres des autres.
Les officiers professionnels restés fidèles à la République étaient paralysés par ces multiples divisions.
La force des Brigades internationales, c’est que, dès les premiers jours, elles furent un bloc homogène. Tous leurs combattants, communistes et socialistes, républicains et anarchistes, libéraux même, étaient indissolublement unis, sans distinction de tendances et de nationalités, par le ciment du front populaire. Et parce qu’ils étaient unis si étroitement, luttant et se soutenant en frères, pour une cause bien comprise, leur discipline fut de fer.
Ils venaient de vingt-cinq nations différentes. Ils en représentaient toutes les tendances politiques. Aux ouvriers, majorité écrasante des combattants, étaient mêlés des intellectuels et parfois quelques anciens officiers. Or, en dépit des différences de tendances politiques et de langue, l’unité antifasciste, immédiatement constituée, a toujours été étroitement maintenue.
Le commandant républicain, son adjoint socialiste, le commissaire communiste, chacun de pays différent, sont des cas fréquents. Et cependant, jamais, au sein des états-majors ou des unités, n’ont éclaté de conflits politiques.
Cent fois, des volontaires français et allemands découvrirent qu’ils furent face à face quelque part durant la guerre de 1914-1918. Aujourd’hui, ils sont dans la même armée populaire antifasciste et leur seule rivalité est celle de l’émulation dans le combat. Un ancien marin anglais, dirigeant de la mutinerie d’Invergordon, était le supérieur du fils d’un amiral britannique. Des Français, anciens mutins de la mer Noire ou du bagne de Calvi, sont des chefs de sections modèles de discipline.
La haine du monstrueux fascisme, la grande idée qui guide les combattants d’Espagne − Paix et Liberté − a soudé en un bloc impénétrable ces hommes intrépides accourus de tous les pays du monde et de tous les horizons politiques. Et encore, ces hommes se fondent plus chaque jour avec le peuple espagnol ; entre deux combats, fourbissant leurs armes, leurs blessures à peine pansées, ils se sont toujours penchés sur les tout-petits des villages, les enfants, dont les pères étaient au combat et qui leur rappelaient les leurs, par centaines de fois ; après la distribution de jouets et de douceurs prélevés sur leur maigre solde, ils trouvaient le temps d’organiser pour eux de brillantes fêtes.
Unité d’action inébranlable ! Tel fut donc le second exemple donné par eux, le plus important de l’heure. Les volontaires internationaux ont montré que le secret de la victoire réside dans l’union antifasciste. Union sans distinction de tendances politiques et de pays.
Ainsi, le plus grand service qu’aient rendu les Brigades internationales à la cause antifasciste du peuple d’Espagne est d’avoir concrétisé dans la vie ce que réclamait sans cesse le Parti communiste d’Espagne avec de nombreuses organisations nettement antifascistes : la constitution d’une armée populaire, dirigée par un commandement unique et strictement obéi.
Au moment où furent engagées les premières Brigades internationales, il n’en était pas ainsi. La discussion était passionnée entre organisations politiques et syndicales sur ce problème capital. Elle était d’ailleurs avivée par la campagne ouverte et masquée du P.O.U.M. contre la création de l’armée populaire. Elle était combattue par le P.O.U.M. organisant ouvertement le sabotage.
Aussi, les organisations antifascistes et avant tout le Parti communiste d’Espagne, qui ne cessa de lutter avec acharnement pour la création de l’armée populaire avec le commandement unique, utilisèrent efficacement la réalisation de leur mot d’ordre par les Brigades internationales pour convaincre toutes les organisations et tous les hommes de bonne foi que là, et là seulement, était la voie du succès.
Et c’est ainsi que furent créés dans la lutte et au cours de La lutte, ces brigades, divisions et corps d’armée de manœuvre qui viennent de se révéler au monde par la prise de Teruel. Teruel, victoire de l’armée populaire espagnole avec son commandement unique. Teruel, où, pour la première fois, les Brigades internationales ne participèrent pas à la première bataille. Mais Teruel, victoire de la préparation à laquelle les Brigades internationales ont directement participé.
Car cette armée populaire ne s’est pas bâtie avec un cadre envoyé d’en haut ; ils étaient si peu nombreux les officiers restés fidèles à la République, que leur loyauté et leur valeur ne pouvaient suppléer à leur petit nombre !
La seule façon de créer cette armée indispensable à la victoire, était de convaincre les organisations antifascistes de sa nécessité, afin que toutes collaborent effectivement à tette création formidable.
L’action et l’exemple donnés par les Brigades internationales, leur caractère antifasciste, de front populaire, au-dessus des partis, ont été un des facteurs les plus décisifs qui ont convaincu de la nécessité et de la possibilité d’organiser la grande armée populaire d’Espagne.
Tout cela a aidé à hâter la constitution de l’armée populaire. Par cela même, les Brigades internationales ont été un élément moteur pour la constitution de la grande armée républicaine.
Nous l’avons dit et démontré maintes fois. Les Brigades internationales ont été des organisations du Front populaire international. Mais il faut le souligner parce que c’est la vérité. C’est la masse des ouvriers constituant la grande majorité des volontaires qui constituèrent les équipes de choc dans le. combat ; c’est cette masse qui fournit en même temps les ardents commissaires animateurs politiques de ses combattants, forgerons et gardiens vigilants de l’unité antifasciste.
Cette masse ouvrière, au sein de laquelle luttèrent étroitement unis communistes et socialistes, ce corps de commissaires qui en surgit, fut le roc inébranlable sur lequel furent bâties ces magnifiques Brigades internationales.
Le prolétariat de tous les pays peut donc être fier de ses enfants accourus sur la terre d’Espagne. Il a raison de populariser leurs actions héroïques.
La conscience antifasciste des prolétaires soldats avait surmonté toutes les difficultés.
Maintes et maintes fois, dans les moments les plus difficiles, parfois tragiques, cette haute conscience politique antifasciste, sans cesse maintenue et élevée, a été la force créatrice, animatrice, qui a réalisé de vrais miracles.
Aujourd’hui, le grand bonheur de ces militants est de voir que, dans tout le pays et dans toute l’armée espagnole, cette force des prolétaires unis monte, se soude et assure la victoire.
Bien des nôtres sont couchés à jamais, sans vie sur la terré d’Espagne, autour de Beimler, de Picelli, de Lukacs, de Brugères, de Ralph Fox, de Parovic, qui resteront à jamais les preuves de la solidarité effective des travailleurs avec le peuple d’Espagne contre le fascisme. Ils rappellent au peuple espagnol que les gouvernements démocratiques, qui furent les initiateurs de la « non-intervention », c’est-à-dire du blocus de la République démocratique d’Espagne, en violation du droit international, ont agi et agissent contre la volonté des peuples qu’ils gouvernent.
Aujourd’hui, les Brigades internationales ont changé de structure. La fermeture de la frontière française, du côté républicain, les mesures prises par les gouvernements démocratiques ont empêché toute arrivée effective dé renforts, alors que débarquent ouvertement chez Franco les divisions de chemises noires et de soldats officiers fascistes italiens et allemands avec un énorme matériel. Aussi, le gouvernement de la République a-t-il comblé avec des recrues espagnoles les vides creusés par la mitraille italienne et allemandes dites de « non-intervention » au sein des Internationales.
Mais les Brigades internationales existent toujours. Au contact des vieux lutteurs internationaux, les jeunes soldats de l’armée espagnole s’éduquent et se forment. Ils apprennent le maniement de la mitrailleuse et la tactique du combat moderne en même temps que la solidarité internationale et la lutte ouvrière et antifasciste de tous les pays.
Aussi les Brigades internationales constituent-elles une immense école antifasciste. C’est pourquoi leur rôle n’est pas achevé. Et sur leurs glorieux drapeaux s’inscriront les noms de grandes victoires de la cause antifasciste, de la cause prolétarienne.