« ANARCHISME OU SOCIALISME ? ». Ouvrage de J. Staline consacré à la critique de l’anarchisme et à l’exposé des principes de l’idéologie marxiste. Publié d’abord sous la forme d’une série d’articles philosophiques dans les journaux bolcheviks géorgiens de Tiflis (de juin 1906 à avril 1907). Staline y répond aux attaques de l’anarchiste V. Tcherkézichvili, disciple de Kropotkine, et de ses adeptes M. Tsérétéli et Ch. Goguélia, contre la conception du monde du parti marxiste, le matérialisme dialectique et le socialisme scientifique.

Critiquant l’attitude des anarchistes envers tous les problèmes cruciaux de la philosophie et du socialisme scientifique, Staline expose et développe l’idéologie marxiste, la théorie marxiste du socialisme. Il démontre que seuls sont des socialistes et révolutionnaires authentiques les marxistes qui reconnaissent la nécessité de la dictature du prolétariat (V.) pour bâtir un régime social nouveau fondé sur la propriété collective des moyens de production. Quant aux anarchistes, ils ne sont ni socialistes authentiques puisqu’ils préconisent un « socialisme de petites communautés », ni révolutionnaires véritables puisqu’ils nient la nécessité de la dictature du prolétariat. Comme tous les opportunistes, ils propagent l’influence bourgeoise dans le mouvement ouvrier.

L’anarchisme et le marxisme sont deux idéologies adverses, incompatibles l’une avec l’autre. La conception du monde anarchiste est un mélange éclectique d’idées philosophiques des plus hétérogènes. Le marxisme est l’unique conception du monde scientifique et conséquente, « une conception du monde achevée, un système philosophique, d’où découle naturellement le socialisme prolétarien de Marx. Ce système philosophique porte le nom de matérialisme dialectique » (Staline : Œuvres, t. I, P. 1953, p. 249).

Le marxisme rejette catégoriquement, comme hostiles à la science, toutes variétés et formes de métaphysique, d’idéalisme et de matérialisme vulgaire. Dans son ouvrage. Staline analyse la théorie marxiste, en liaison avec les tâches pressantes de la lutte du prolétariat. Il y fait une étude concise de la méthode dialectique marxiste (V.), de la théorie matérialiste et de leur application à la vie sociale, c’est-à-dire du matérialisme historique (V.), science qui étudie les lois régissant le développement de la société et la lutte politique.

La première partie de l’ouvrage traite de la méthode dialectique; Staline y analyse les principales thèses de la dialectique marxiste, les défend contre les attaques des anarchistes. La lutte de classe du prolétariat lui fournit des exemples probants, pris sur le vif, qui lui permettent d’éclairer l’importance de la dialectique pour la compréhension des tâches fondamentales de la lutte pour le socialisme. Etant donné que tout dans l’univers est en mouvement, que tout change, naît, se développe et meurt, il y aura toujours le nouveau et l’ancien, le révolutionnaire et le conservateur, qui seront en lutte perpétuelle.

La méthode dialectique veut d’abord qu’on envisage la vie dans son mouvement, dans son développement et qu’on détermine de ce point de vue où et comment la vie s’achemine, quels en sont les éléments qui naissent et quels sont ceux qui meurent, qui se détruisent et qui se créent.

La thèse marxiste sur l’invincibilité de ce qui naît et s’accroît est d’une immense portée pour la théorie et la pratique ; elle enseigne aux combattants du socialisme à discerner le nouveau, ce qui croît, à se guider sur lui, à faire confiance aux forces inépuisables du prolétariat qui finira par l’emporter sur la bourgeoisie, puisqu’il grandit, se fortifie et va de l’avant, alors que la bourgeoisie en tant que classe se désagrège, s’affaiblit, vieillit et devient une charge inutile, dont il faut se débarrasser.

Le mouvement de la vie sociale, indique J. Staline, revêt deux formes : la forme évolutive et la forme révolutionnaire. Il évolue graduellement quand les éléments progressistes tâchent d’apporter par leur lutte spontanée des changements quantitatifs insignifiants au régime périmé. Le mouvement devient révolutionnaire quand les éléments de progrès luttent pour une transformation radicale qualitative du régime ancien, pour lui substituer un régime social nouveau.

Analysant dans la deuxième partie du livre le matérialisme philosophique, J. Staline montre que la doctrine marxiste, c’est la théorie du monisme scientifique. Elle est moniste, parce qu’elle conçoit la nature comme un tout indivisible se manifestant sous deux formes : la forme matérielle et la forme idéale. Le marxisme rejette aussi bien le dualisme que l’idéalisme. Pour justifier le matérialisme sur la base des sciences naturelles contemporaines, J. Staline brosse un tableau d’ensemble de l’évolution de la nature. A l’époque où il n’y avait pas encore d’êtres vivants, la nature extérieure, « inanimée », existait déjà.

Les premiers êtres vivants apparurent, dépourvus de toute conscience, doués seulement de la faculté d’irritabilité et des premiers germes de la sensation. Au fur et à mesure de l’évolution historique, la structure des animaux, leur système nerveux deviennent plus complexes, la faculté sensitive se développe ; elle se transforme lentement en conscience. A un certain degré de l’évolution du monde organique apparaît la conscience et, par là même, la possibilité de connaître l’univers, la nature. Pour qu’on puisse se représenter un objet, il faut qu’il existe déjà dans la nature et qu’il agisse sur les organes des sens de l’homme.

Le côté matériel, l’être, c’est le contenu ; la pensée, la conscience, c’est la forme. Le contenu détermine la forme, il la précède. De là cette thèse fondamentale de Marx : « Ce n’est pas la conscience des hommes qui détermine leur existence, c’est, au contraire, la réalité sociale qui détermine leur existence » (« Contribution à la critique de l’économie politique »). Les élucubrations des idéalistes subjectifs pour qui le monde n’est que la perception, la représentation du « moi » de l’homme, sont absurdes.

J. Staline met en relief la différence fondamentale entre le matérialisme dialectique et l’ancien matérialisme métaphysique ; il souligne l’attitude intransigeante du marxisme envers toute manifestation du matérialisme vulgaire, qui considère la conscience comme de la matière. C’est le développement économique qui constitue la base matérielle, le contenu de la vie sociale. Les mœurs, les coutumes dépendent des rapports économiques entre les hommes. De là, cette conclusion pratique : si le régime politique, les formes juridiques sont défectueux, il faut, pour les changer radicalement, transformer les rapports économiques.

Dans la troisième partie de son ouvrage, Staline montre que « le socialisme prolétarien découle directement du matérialisme dialectique » (Œuvres, t. I, p. 276). Il donne une esquisse brillante et concise de la société socialiste, et critique les théories réformistes et anarchistes qui ne contiennent pas un grain de socialisme scientifique prolétarien.

En exposant la doctrine économique de Marx, il montre la contradiction fondamentale de la société capitaliste, la contradiction entre le caractère social de la production et la forme capitaliste privée de l’appropriation. La révolution prolétarienne est l’unique moyen de faire disparaître cette contradiction. La révolution est inévitable, mais il faut la préparer ; il faut organiser et éclairer les forces sociales qui accompliront la révolution.

C’est pourquoi, la classe ouvrière a besoin d’un parti marxiste révolutionnaire qui, forme supérieure d’organisation de classe du prolétariat, prendra la direction de toutes les organisations ouvrières, élaborera la tactique de la lutte, coordonnera l’action et l’orientera vers la révolution, vers le renversement du tsarisme et de la bourgeoisie, pour instaurer le socialisme.

Tel est, dans ses grandes lignes, le contenu de cet ouvrage philosophique de Staline, qui a joué un rôle de premier plan dans l’éducation politique des ouvriers, dans la lutte des bolcheviks caucasiens contre les courants antiléninistes. Staline a montré que le socialisme prolétarien n’est pas simplement une doctrine philosophique parmi tant d’autres dans la société bourgeoise. « C’est la doctrine des masses prolétariennes, leur étendard. Les prolétaires du monde l’honorent et « s’inclinent » devant lui.

Par conséquent, Marx et Engels ne sont pas simplement les fondateurs d’une « école » philosophique quelconque : ils sont les chefs vivants du mouvement prolétarien vivant, qui grandit et se fortifie chaque jour. Quiconque combat cette doctrine, quiconque veut la « renverser », doit tenir exactement compte de tout cela pour ne pas se briser inutilement le crâne dans une lutte inégale » (Ibid., p. 290).

 


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