Par Piao Hsing­-chou, président du comité révolutionnaire de la brigade de production Kienkouo du district de Tiéli, 1972

a_propos_de_changer.jpgJ’étais autrefois un simple membre de la brigade de production, et avais pour travail de conduire les chars à bœufs. Pendant la Grande Révolution culturelle prolétarienne, les paysans pauvres et moyens-­pauvres m’ont élu aux postes de direction que j’occupe actuellement : président du comité révolutionnaire de la brigade et membre permanent du comité révolutionnaire du district.

Ma situation a changé, mes fonctions et conditions de travail aussi. Et, mes idées, vont-­elles changer aussi ?

La pratique et l’étude de la brillante pensée philosophique du président Mao m’ont fait comprendre que tout évolue, tout change et que la pensée de l’homme ne fait pas exception. Le changement est absolu et le non-changement relatif. Si l’on ne change pas en bien, on change en mal ; ne pas changer est chose impossible.

Au début, je n’avais qu’une compréhension extrêmement simpliste de cette question de « changer ».

Je me disais que si les paysans pauvres et moyens-­pauvres m’avaient élu président du comité révolutionnaire de la brigade et membre permanent du comité révolutionnaire du district, c’est qu’ils avaient confiance en moi, et qu’en conséquence je garderais fermement le pouvoir et l’exercerais à leur profit, sans jamais changer en aucun cas.

Je me disais également que j’étais fait pour être révolutionnaire, car je suis né dans une famille de paysans pauvres qui a énormément souffert dans l’ancienne société et qui en garde une haine profonde.

Ma mère est membre du Parti de longue date. Quant à moi-même, je fus admis au Parti à l’âge de 18 ans. Je suis pour ainsi dire né dans un berceau de la révolution, pour ensuite être élevé sous le drapeau rouge.

Et notamment, pendant la Grande Révolution culturelle prolétarienne, le précieux petit livre rouge en main, j’ai suivi la ligne révolutionnaire du président Mao avec les paysans pauvres et moyens-­pauvres, ce qui me permit de me tremper. Maintenant, on peut en tout lieu se faire éduquer par la pensée-maotsétoung, en écoutant la radio, en lisant les journaux, etc.

De plus, les responsabilités que j’assume à la brigade et au district ne m’empêchent pas de continuer à travailler avec les membres de la brigade et les affaires au district ne me prennent tout au plus que deux ou trois mois par an, si bien qu’en faisant très attention, je pensais qu’il n’y avait pas de risque pour moi de changer.

Toutefois, les choses dans le monde ne sont pas aussi simples. Notre grand dirigeant, le président Mao, nous enseigne : «… tout aspect contradictoire se convertit, dans des conditions déterminées, en son contraire. »

C’est tout ce qu’il y a de plus vrai, et certaines choses qui se sont produites depuis que j’assume ce travail de direction me permirent de m’en rendre profondément compte.

Dans le bureau de la brigade, il n’y a qu’une chaise, le reste étant des bancs.

Autrefois, personne ne faisait attention à celui qui s’asseyait dessus, mais avec le temps, comme j’avais pris l’habitude de m’y asseoir, dès que je mettais les pieds dans la pièce, cette chaise m’était réservée d’office.

Je me disais à ce moment-­là que j’avais le droit de m’y asseoir, car parmi les 1800 habitants de la brigade, j’étais quand même le chef.

Ce qui était mauvais, c’est que j’avais associé ma situation de chef à la chaise ; n’était-ce pas là la naissance d’un sentiment de supériorité engendré par le fait d’être cadre ?

Autre chose encore : quand au début j’allais pour affaire au district, les camarades m’appelaient : « Petit Piao » et cela me faisait plaisir, car je n’avais que 23 ans.

Mais, comme j’apparaissais à des occasions de plus en plus nombreuses, certains commencèrent à m’appeler « membre du comité » ou « dirigeant ».

Au début, je rougissais, car ces appellations me mettaient mal à l’aise, me choquaient même.

Mais au fur et à mesure que les jours passaient, je me mis à m’en accommoder, et quand des paysans pauvres et moyens-pauvres me lançaient amicalement le nom de « Petit Piao », non seulement je n’y voyais plus aucune familiarité affectueuse, mais j’en étais même mécontent.

Préférer la chaise au lieu des bancs, et l’appellation de «membre du comité » au lieu de « Petit Piao », tout cela prouvait qu’effectivement je commençais à changer.

Par ce changement imperceptible, je m’étais en fait déjà placé sur un autre pied que les masses. Il y a encore une autre chose qui fut pour moi une grande leçon.

Un jour, j’étais de service au district, alors que la brigade entreprenait des travaux hydrauliques. La terre gelée était si dure que chaque coup de pioche ne faisait qu’égratigner la terre, et le travail avançait avec une lenteur exaspérante.

Comme ce serait bien si l’on employait de la dynamite ! Je m’étais mis aussitôt en rapport avec les services intéressés, lesquels me fournirent toute une charrette de dynamite et de détonateurs pour 1500 yuans.

J’avais téléphoné immédiatement à la brigade pour qu’on m’envoyât sur-le-champ une charrette.

Il ne faisait pas encore jour que j’arrivais déjà à la brigade. Mais à peine allait-­on décharger que le président de l’Association des paysans pauvres et moyens-­pauvres se présenta pour s’y opposer : « Laisse tout ça là ! Qui t’a dit d’acheter de la dynamite ? » me demanda-­t-­il.

« Personne. » répondis-­je.

« En as­-tu discuté avec quelqu’un ? » poursuivit-­il.

« Non, j’ai pris la décision moi-même. » lui répondis-je en me disant qu’en tant que président du comité révolutionnaire de la brigade, j’avais tout de même le droit de décider quand il ne s’agissait que d’une affaire aussi minime !

Il me posa encore une autre question : « Tu as déjà été visiter Tatchai (une brigade de production du district de Siyang, province du Chansi, laquelle est considérée dans notre pays comme un modèle pour l’édification d’une campagne nouvelle, socialiste, en travaillant d’arrache-pied, suivant le principe de compter sur ses propres forces.

Le président Mao a lancé, en conséquence, le grand appel : « Que l’agriculture prenne exemple sur la brigade de production de Tatchai » — N.D.T.), est-­ce à la dynamite que cette brigade doit sa réputation ?

Je dus reconnaître que non.

Il prononça alors ces mots lourds de sens : « Petit Piao, ce n’est-pas la dépense de ces 1 500 yuans qui nous fait mal au cœur, ce qui nous inquiète c’est qu’à coups de dynamite tu risques de faire perdre à notre brigade son esprit de compter sur ses propres forces, l’esprit même qui anime la brigade de Tatchai, tout comme celui de travailler d’arrache-pied. »

Cette critique aiguë fut pour moi une grande leçon, mais je ne pouvais chasser l’idée que j’avais perdu la face devant tant de gens.

Sur le chemin du retour, plongé dans mes réflexions, je me rappelai le grand enseignement du président Mao : « Le pouvoir, qui nous l’a donné ? C’est la classe ouvrière, ce sont les paysans pauvres et moyens-pauvres, ce sont les masses travailleuses qui forment plus de 90 pour cent de la population. »

En effet, mon pouvoir, c’étaient les paysans pauvres et moyens-pauvres qui me l’avaient donné.

Et je n’avais vraiment le pouvoir que quand j’agissais conformément à la pensée-maotsétoung et au désir des paysans pauvres et moyens-­pauvres.

Ma première réaction, à savoir que j’estimais avoir le droit de décider, que j’avais perdu la face, alors que j’avais agi contrairement au désir des paysans pauvres et moyens-­pauvres,à la pensée-maotsétoung, tout ceci ne prouvait-­il pas que je « changeais » !

Je me rappelai qu’au début de mon accession au poste de président du comité révolutionnaire de la brigade, même quand les masses voulaient acheter une repiqueuse de riz qui ne coûtait que 40 yuans, j’avais demandé l’avis de bien des gens et en avais discuté à maintes reprises avec les cadres de la brigade et des équipes de production.

Or, maintenant qu’il s’agissait d’une somme aussi importante, je prenais seul la décision et estimais par-dessus le marché avoir perdu la face parce que les masses me critiquaient. Tout cela n’était-­ce pas une preuve que j’avais changé au point de me détacher des masses, et qu’à mes yeux les masses ne comptaient plus ?

Si je continuais dans ce sens, j’allais assurément à ma propre perte.

Le changement qui se produisait en moi par suite du changement de ma situation se manifestait en particulier dans mes sentiments, ce qui était le premier pas vers le changement sur le plan idéologique.

Il y eut deux choses, à ce sujet, qui éveillèrent ma vigilance. Une fois, en entrant dans le bureau de la brigade, j’aperçus le camarade Wang Hai qui m’y attendait, assis en bouddha, les pieds nus, sur mon bureau.

« Ecoute, si tu veux t’asseoir, il y a tout de même des sièges, en voilà des façons ! »

Gêné, le camarade Wang Hai préféra s’en aller.

Son départ me mit mal à l’aise et une lutte intérieure s’engagea chez moi.

Je me disais que nous étions membres d’une même brigade de production, d’une même section de la milice, que pendant la Grande Révolution culturelle nous avions combattu ensemble, et voilà que maintenant j’exigeais de lui de « bonnes façons » ?

Quelle genre de « bonnes façons » voulais-je après tout ? Une autre fois, alors que revenant d’une réunion au district, j’étais en train de manger, la grand-mère Yu de l’équipe N° 1 vint me trouver pour m’annoncer que son fils était malade, me demandant d’aller le voir.

Je ne me dérangeai pas immédiatement et quelques instants plus tard, elle revint pour insister. Je me sentis honteux, au point que le riz semblait grincer comme du sable dans ma bouche, impossible d’en avaler davantage. J’allai aussitôt prendre des dispositions pour faire soigner son fils.

Cette affaire me rappela une chose semblable qui s’était passée en hiver 1966.

Un soir, j’étais également en train de manger en revenant des champs quand mon frère m’apprit que grand-mère Souen était malade.

Je n’avais pas attendu d’avoir fini mon repas pour aller chercher un médecin et acheter les médicaments.

Et quand tout fut arrangé, il était près de minuit, j’avais les pieds gelés, mais je me sentais heureux.

Ainsi en tant que simple membre de la brigade, j’avais manifesté un tel dévouement pour les paysans pauvres et moyens-pauvres, et maintenant que j’étais président du comité révolutionnaire, mes sentiments envers mes frères de classe se refroidissaient, n’était-ce pas là changer ?

Le président Mao nous enseigne : « Dans la société de classes, chaque homme occupe une position de classe déterminée et il n’existe aucune pensée qui ne porte une empreinte de classe. »

Pour être né dans une famille de paysans pauvres et avoir grandi sous le drapeau rouge, je n’en vis pas moins dans une société de classes. D’un côté, avec l’éducation du Parti, j’ai assimilé la pensée-maotsétoung ; d’un autre, des choses pernicieuses, bourgeoises n’ont pu manquer de me marquer dans une large mesure.

En conséquence, une lutte entre l’intérêt commun et l’intérêt privé se poursuit chez moi sur ce problème fondamental qu’est la conception du monde, et ces contradictions se développent en moi, qui suis passé de simple membre de la brigade de production en un détenteur du pouvoir, dans de nouvelles conditions, et se transforment l’une en l’autre.

Je me trouvais donc face à deux aspects : progrès d’un côté, recul de l’autre. J’évoluais dans le sens du progrès, et l’intérêt commun prenait le dessus, quand j’arrivais à étudier consciencieusement la pensée-­maotsétoung, quand je luttais consciemment contre l’égoïsme et critiquais le révisionnisme, et réformais ma conception du monde ; par contre, je reculais et l’intérêt privé prenait le dessus, quand je relâchais mes efforts pour ma refonte idéologique.

Ceci me fit comprendre profondément qu’on ne devient révolutionnaire que par ses efforts conscients et jamais uniquement en raison de ses origines.

L’affirmation selon laquelle on naît révolutionnaire nie en fait la lutte entre les contradictions et leur transformation l’une enl’autre, nie en fait la nécessité de la refonte idéologique.

Notre grand dirigeant, le président Mao nous enseigne : « Elle [la dialectique matérialiste] considère que les causes externes constituent la condition des changements, que les causes internes en sont la base, et que les causes externes opèrent par l’intermédiaire des causes internes. »

La pratique me fit comprendre que les conditions objectives sont importantes pour le changement des idées de l’homme, sans cependant être absolues, car les causes externes ne peuvent produire leur effet que par l’intermédiaire des causes internes.

Par exemple, deux sortes de conditions objectives de changement sont apparues pour moi depuis que de simple membre de la brigade j’ai accédé à un certain poste de direction : d’une part j’ai davantage d’occasions d’étudier, la possibilité de prendre rapidement connaissance des documents émanant des autorités supérieures, la possibilité de bénéficier de l’aide et des conseils des dirigeants et des camarades, ce qui est favorable pour saisir l’esprit des instructions ; ce sont là les conditions qui favorisent mon évolution dans le sens positif.

D’autre part, étant donné ma nouvelle situation, je suis en vue dans des occasions de plus en plus nombreuses, des gens me flattent, j’ai à consacrer plus de temps qu’autrefois à des réunions ou à écouter les rapports, ce qui réduit d’autant le temps que je consacrais normalement au travail collectif. Ceci risque de faire de moi une sorte d’herbe aquatique, flottant au-dessus du travail au lieu d’y plonger ses racines, et constitue le côté nuisible de nature à me faire évoluer dans le sens négatif.

Un révolutionnaire authentique doit s’armer l’esprit avec la brillante pensée philosophique du président Mao, élever sa conscience de la nécessité de poursuivre la révolution, mettre en œuvre son activité subjective, adopter une juste attitude envers les conditions matérielles, les analyser, les mettre à profit et transformer les défavorables en favorables.

Citons comme exemple la question du rapport entre les réunions et la participation au travail productif.

Sans faire de réunions, impossible de propager et d’appliquer les mesures politiques du Parti, ce qui influe sur le travail, et en ne participant pas au travail productif, on se détache des masses, et à la longue on devient paresseux, gourmand, on s’ingénie à s’approprier les biens de la communauté, à s’emplir les poches et finalement on change.

C’est une contradiction que de vouloir à la fois faire des réunions et participer au travail productif.

Pour la résoudre, je mets chaque minute à profit pour participer au travail des champs ; d’autre part, en ce qui regarde la gestion

de la brigade, je me fixe comme principe de m’occuper uniquement des affaires importantes, de sorte que l’on ait une bonne division du travail et qu’aucun domaine ne soit négligé. Ainsi l’équipe dirigeante se trouve débarrassée des mille petites affaires de routine et a plus de temps disponible pour participer au travail de production agricole.

Un autre exemple.

En raison de mon rôle de dirigeant et de la nécessité du travail, on me demande souvent de prendre place à la tribune. Au début, je craignais que cela ne me détachât des masses et j’essayais en conséquence de refuser.

Mais je compris par la suite que dans n’importe quelle réunion, il faut bien qu’il y ait des gens qui s’installent à la tribune, et que la question de se détacher ou non des masses relève de celle de savoir si les masses comptent ou non pour soi. Ce qui est dangereux, ce n’est pas d’être à la tribune, mais de n’avoir pas en vue l’intérêt des masses.

De même changer de situation pour devenir dirigeant n’a rien de dangereux en soi ; le danger, c’est de se mettre à rechercher le faste et le renom, de considérer comme privilèges attachés aux fonctions les facilités dont on bénéficie en raison de son travail, de se considérer supérieur aux autres par le fait même de la division du travail.

C’est là justement le commencement de « l’évolution pacifique » vers le capitalisme.

En conséquence, notre attitude doit être d’envisager les conditions en tenant compte des deux aspects de la contradiction, l’aspect positif et l’aspect négatif, c’est ainsi seulement que l’on peut être sûr d’évoluer dans le sens favorable à la révolution.

Le président Mao nous enseigne :

« Sur le plan idéologique, la question de savoir qui l’emportera, le prolétariat ou la bourgeoisie, n’est pas encore vraiment résolue. Nous avons à soutenir un long combat contre l’idéologie bourgeoise et petite-bourgeoise. Ce serait une erreur de ne pas comprendre cela, de renoncer à la lutte idéologique. »

Quel que soit le sens dans lequel changent nos idées, c’est un reflet de la lutte aiguë qui se livre dans la société entre les deux classes et les deux conceptions du monde sur le plan idéologique. Dans une telle lutte, nous, les révolutionnaires, devons adopter une attitude active, d’offensive, vaincre les idées bourgeoises avec la pensée-maotsétoung, pour exercer la dictature du prolétariat dans le domaine idéologique et politique.

Nous devons étudier à fond la pensée-­maotsétoung, nous armer l’esprit avec les théories du président Mao sur la continuation de la révolution sous la dictature du prolétariat, lutter contre l’égoïsme et critiquer le révisionnisme, et transformer consciemment notre conception du monde.

C’est ainsi seulement que les hommes ne deviendront pas révisionnistes et que le pouvoir ne changera pas de couleur. En particulier, dans la situation actuelle où nous avons remporté de grandes victoires, nous devons, au moyen de la dialectique matérialiste qui veut que l’on tienne compte des aspects positif et négatif d’une même contradiction, déceler les nouveaux courants de la lutte de classes, rester vigilants pour contrer les balles enrobées de sucre que les ennemis cherchent à nous lancer à chaque instant.

Nous devons nous habituer à nous forger au milieu des invectives et savoir prévenir également notre propre chute au milieu des applaudissements.


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