Numéro spécial de « La Correspondance Internationale » N° 14, octobre 1929

Xe Session du Comité exécutif de l’Internationale communiste

DIX-HUITIÈME SÉANCE

THÈSES SUR LES RAPPORTS DES CAMARADES THAELMANN ET LOSOVSKI

I. Caractère des combats de classes actuels

salomon-losovsky-2.jpg1. La période écoulée depuis le VIe Congrès de l’I.C. et le IV Congrès de l’IS.R. est caractérisée par l’accroissement continu des contradictions de classes et par l’extension du front de la lutte de classes. Une année s’est à peine passée depuis ces deux congrès, et durant ce temps, la classe ouvrière d’Allemagne a vécu, outre de grands combats économiques, le mouvement énorme du prolétariat de la Ruhr. En Pologne, s’est déroulée la puissante grève de 100.000 ouvriers de Lodz ; en France, les conflits économiques de masses éclatent et se propagent d’une région à l’autre (atteignant, ces derniers temps, au moins cent grèves par mois) ; en Autriche, ont eu lieu pour la première fois des grèves contra la rationalisation capitaliste et contre la fascisation des fabriques et des usines, et aux Etats-Unis, des grèves de masses spontanées (surtout dans les Etats du Sud). Les nombreuses grèves partielles qui se déroulent en Angleterre, depuis le début de 1929, sont également significatives, le mouvement de grèves dans ce pays, ayant subi une forte dépression depuis la défaite de la classe ouvrière en 1926. Sont également significatives les nombreuses grèves des ouvriers agricoles en Europe (Tchécoslovaquie, Pologne, France), qui ont pris un caractère politique nettement exprimé. Le trait caractéristique de la phase actuelle des grèves est également l’accroissement énorme des petites grèves partielles dans les usines et même dans les ateliers. Elles ont pour cause la pression croissante résultant de la rationalisation capitaliste. Enfin, la particularité de la phase actuelle du développement consiste en ce que cette vague croissante de grèves se propage également dans les pays coloniaux et semi-coloniaux (grève de 140.000 ouvriers du textile à Bombay, grève générale des ouvriers des plantations de bananes en Colombie, grève des dockers dans les colonies françaises) et y atteint des proportions et un caractère acharné sans précédent. Tout cela montre que la radicalisation de la classe ouvrière se produit à une allure de plus en plus accélérée et acquiert un caractère de plus en plus international.

2. Ces particularités de l’essor actuel du mouvement ouvrier reflètent l’aggravation qui se poursuit des contradictions fondamentales de l’économie capitaliste mondiale. La contradiction fondamentale entre les forces productives accrues et le rétrécissement des marchés s’accroît et s’aggrave. Toute la politique économique des Etats capitalistes s’oriente actuellement vers la conquête des débouchés pour l’exportation de capitaux et de marchandises, des sources de matières premières et vers l’exploitation du prolétariat par la rationalisation capitaliste. Actuellement, toute tentative d’améliorer le niveau d’existence du prolétariat provoque la résistance de toute la classe du patronat qui s’efforce d’étouffer le mouvement ouvrier dans sa racine. La rationalisation capitaliste n’est pas arrivée à surmonter les contradictions existant entre les possibilités de production et la capacité des marchés ; bien plus, ce problème est devenu encore plus aigu et insoluble. La rationalisation a augmenté la masse de production, mais en même temps, elle a provoqué l’accroissement du chômage, des changements de structure profonds dans la composition sociale du prolétariat, une nouvelle baisse du niveau d’existence du prolétariat et de la part du salaire dans le produit du travail, par suite de l’intensification énorme du travail. Avec une acuité toute particulière, s’est révélée la différence qui existe entre la rationalisation dans les pays capitalistes, fardeau pesant sur les épaules de la classe ouvrière, et la rationalisation socialiste en U.R.S.S., puissant instrument pour liquider les restes du capitalisme en U.R.S.S. et assurer un rythme accéléré à l’élévation du niveau matériel et culturel du prolétariat soviétique.

3. La lutte pour l’augmentation du niveau d’existence du prolétariat, par suite de la fusion du capital trusté moderne avec l’appareil d’Etat, se transforme en une lutte contre les bases du système capitaliste et contre l’Etat bourgeois. Le capitalisme actuel en est déjà arrivé au point que les rapports de propriété sont devenus absolument incompatibles avec une augmentation du niveau d’existence de la classe ouvrière (bien que, dans certains cas, des augmentations temporaires et partielles de salaires sont encore possibles). Aussi, devant la classe ouvrière, se pose plus que jamais le problème de combiner sa lutte journalière avec la lutte contre le système capitaliste tout entier. Dans ces nouvelles conditions, la lutte économique du prolétariat acquiert toujours davantage un caractère politique nettement exprimé. Cela ne signifie pas que la direction de la lutte économique partielle du prolétariat a actuellement moins d’importance qu’auparavant. Précisément dans la période actuelle, le rôle du mouvement syndical révolutionnaire consiste avant tout à organiser la lutte pour les revendications partielles, sous l’angle des perspectives de la lutte pour le pouvoir politique. La radicalisation de la classe ouvrière se reflète dans la profonde portée politique des combats économiques actuels.

4. Le caractère politique des luttes économiques actuelles est déterminé également par l’adoption par la bourgeoisie des pays capitalistes les plus importants de nouvelles méthodes fascistes de répression de la classe ouvrière. Cette fascisation s’exprime, dans le domaine des luttes économiques, par le désir de supprimer avant tout aux ouvriers le droit de coalition et de grève, enlevant ainsi aux combats économiques du prolétariat leurs positions légales. Les moyens employés à cet effet sont l’introduction de l’arbitrage obligatoire, de même que l’application ouverte de la terreur et de l’appareil de contrainte de l’Etat, y compris la dissolution des syndicats révolutionnaires, des comités de grève, des assemblées de grévistes, les arrestations en masse et l’emploi de l’appareil militaire de l’Etat bourgeois en qualité de main-d’œuvre pour briser les grèves (grève des ouvriers agricoles en Slovaquie occidentale). Il faut signaler aussi particulièrement la participation directe de l’appareil syndical réformiste à la répression des ouvriers en lutte et au développement du fascisme dans les usines.

5. Les grandes masses ouvrières, auxquelles l’offensive du capital porte dans le monde entier une exploitation grandissante, un épuisement rapide à la suite du travail de forçat dans la fabrique capitaliste rationalisée, la « mise au rancart » prématurée des esclaves du travail, la baisse du niveau d’existence et l’insécurité grandissante, résistent de plus en plus fortement à l’offensive du capital et passent toujours plus souvent et courageusement à la contre-offensive. Le nouveau caractère des combats économiques consiste en ce qu’ils portent de plus en plus le caractère d’attaques de part et d’autre, et, fort souvent, le caractère d’une offensive du prolétariat. Tels sont presque tous les combats économiques du dernier semestre, en premier lieu la grève de Lodz, le lock-out de la Ruhr et la grève générale du textile à Bombay.

6. Pour les combats économiques actuels, il est très significatif que, malgré le rôle de briseurs de grève joué plus que jamais par l’appareil syndical réformiste, malgré la trahison de la droite et le travail de sape des conciliateurs, enfin, malgré les erreurs du mouvement syndical révolutionnaire et des partis communistes qui n’ont pas encore appris à diriger les grèves comme il faut, en toute indépendance, même malgré les défaites, la combativité du prolétariat n’a pas diminué. Ainsi, dans la Ruhr, les ouvriers lockoutés n’ont pas obtenu, en fait, satisfaction à leurs revendications, mais, en même temps, la combativité des masses ouvrières n’a nullement diminué et l’expérience de ce conflit grandiose stimule encore davantage la mobilisation des masses. Tout cela dément catégoriquement les théories des réformistes et des liquidateurs de droite, qui prétendent que tous les derniers combats du prolétariat, même ceux qui revendiquaient une augmentation de salaire, n’étaient, en somme, que des mouvements exclusivement défensifs.

7. Mais le plus caractéristique pour l’appréciation des nouveaux combats économiques qui témoignent de l’essor croissant du mouvement ouvrier, c’est l’activité de plus en plus grande des ouvriers non organisés. Cela est dû particulièrement aux profonds changements de structure qui se sont produits dans la classe ouvrière à la suite de la rationalisation. Le nombre des ouvriers qualifiés qui composaient la principale masse des syndicats réformistes, diminue rapidement. Lors du lock-out de la Ruhr, les ouvriers non-organisés formaient les ¾ des participants au mouvement. A Lodz, près de 80.000 ouvriers du textile ont participé à la grève et il n’y avait parmi eux qu’un peu plus de 4.000 syndiqués. En Bulgarie, sur 30.000 ouvriers des tabacs en grève, 95 % étaient inorganisés. En France, plus de 90 % des ouvriers ne sont pas syndiqués. Même en Angleterre, où les grèves ont pour le moment le caractère de petits mouvements partiels, régionaux, ce qu’il y a de plus significatif c’est la participation d’une grande masse de non organisés (grève de l’industrie automobile). Aux Indes, à Bombay, la grève puissante des ouvriers du textile, non organisés dans leur écrasante majorité, a abouti à la création d’un fort syndicat de gauche comptant 65.000 membres, c’est-à-dire près de 40 % de tous les ouvriers du textile de Bombay. Enfin, les derniers combats économiques se distinguaient par une forte radicalisation, par l’activité et par la fermeté de classe des masses prolétariennes féminines et de la jeunesse non organisées dans leur écrasante majorité. Il faut souligner particulièrement que dans une série de branches industrielles les plus importantes (textile, constructions mécaniques, outillage électrique, produits chimiques, alimentation, habillement, fabrication de la soie artificielle, etc…) la main-d’œuvre féminine constitue la moitié et parfois la majorité du prolétariat occupé. En même temps, ces ouvrières constituent un contingent important des masses inorganisées. Cette activité de non syndiqués exprimait l’accroissement du mécontentement spontané des masses et rompait le cadre légal des syndicats, en entraînant la masse des adhérents des syndicats réformistes dans la lutte qui, toujours plus souvent, est menée non seulement sans, mais aussi contre l’appareil syndical réformiste.

8. Ainsi, les combats de classes qui se sont déroulés depuis le VIe Congrès de l’I.C. et le IVe Congrès de l’I.S.R., expriment les éléments d’une nouvelle poussées révolutionnaire du mouvement ouvrier et se caractérisent par les traits suivants :

1° Les petits combats partiels font place à des combats plus importants, à des combats de masses ;

2° Les masses ouvrières passent plus fréquemment à la contre-offensive ;

3° Les masses syndiquées font montre d’une activité toujours croissante ;

4° Le légalisme syndical est rompu ;

5° Les grèves prennent un caractère de plus en plus politique et révolutionnaire ;

6° Le mouvement devient international et s’étend aux pays coloniaux, ainsi qu’à l’Angleterre qui, jusqu’à ces derniers temps restait en arrière ;

7° L’ampleur des nouvelles formes de la lutte économique n’est pas partout la même. Dans certains pays comme l’Allemagne, ou, en vertu de plusieurs conditions, nous avons une expression classique des contradictions de la stabilisation capitaliste moderne, ces nouvelles formes se sont exprimées de la façon la plus nette. Dans d’autres pays, comme l’Angleterre, où la classe ouvrière se remet seulement de la défaite de la grève générale et de celle des mineurs de 1926 et où le processus de rationalisation capitaliste (comparativement à l’Allemagne et aux Etats-Unis) se trouve encore dans sa phase initiale, nous observons seulement le prélude d’une période tempétueuse de combats de masses. L’arrivée au pouvoir du Labour Party entraînera inéluctablement une aggravation de ces combats, du fait qu’il se dévoilera toujours plus en qualité d’agent de la rationalisation capitaliste et d’instrument direct pour intensifier l’exploitation du prolétariat, détruisant par cela même les illusions réformistes des masses. Enfin, ce qui est absolument nouveau dans l’histoire du mouvement international, c’est le mouvement de grève de masses aux Indes où ces nouvelles formes se sont peut-être exprimées de la façon la plus aiguë. Est également significative la différenciation de classes qui s’est nettement exprimée lors de la grève des ouvriers des plantations de bananes en Colombie où fut mis en branle tout l’appareil militaire et administratif, où la bourgeoisie a constitué son front unique.

8° La lutte entre les communistes, l’avant-garde révolutionnaire des syndicats, d’une part, et la bureaucratie social-fasciste, d’autre part, se déroule maintenant non seulement au sein des syndicats, mais s’étend à l’ensemble de la masse des ouvriers. Cette lutte est menée avant tout sous la direction des masses ouvrières dans le mouvement de grèves. C’est pourquoi, de nouvelles conditions, plus favorables, se sont créées pour les communistes et l’avant-garde syndicale révolutionnaire (surtout après les manifestations du Premier Mai en Allemagne) pour la conquête de la majorité de la classe ouvrière. De cela découle que le problème des non-organisés acquiert une importance considérable. Il en résulte la nouvelle tactique employée aux élections des comités de fabriques et d’usines. De cela, découle pour l’avant-garde syndicale révolutionnaire et communiste l’importance de la direction indépendante des grèves, sans et contre l’appareil syndical réformiste. De là, résulte la lutte irréductible contre le légalisme syndical opportuniste dans nos propres rangs et l’application de la tactique du front unique par en bas.

II. La radicalisation de la classe ouvrière et les syndicats réformistes

1. La radicalisation de la classe ouvrière qui se poursuit et l’aggravation de la lutte de classe conduisent à l’accroissement de la crise du mouvement syndical réformiste. Le VIe Congrès de l’I.C. et le IVe Congrès de l’I.S.R. ont déjà constaté la fusion de l’appareil syndical réformiste avec l’Etat bourgeois et le grand capital monopoliste. Au cours de la dernière année, en liaison avec l’extension des combats de classes, ce procédé s’est encore accentué. La social-démocratie évolue, en passant par le social-impérialisme, vers le social fascisme, se joignant à l’avant-garde armée de l’Etat capitaliste moderne pour la répression du mouvement révolutionnaire croissant de la classe ouvrière (la répression de Zoergiebel dans la journée du Premier Mai) ; au même moment, la bureaucratie syndicale social-fasciste, dans les combats économiques de plus en plus aigus passe entièrement aux côtés de la grande bourgeoisie, en défendant l’arbitrage obligatoire, en s’efforçant de placer la classe ouvrière sous le joug de la rationalisation capitaliste, en transformant l’appareil syndical réformiste en un organisateur pour briser les grèves. On en parle ouvertement dans le « nouveau programme » de la C.G.T. française et dans les décisions des derniers congrès syndicaux tenus en Allemagne et en Angleterre (Hambourg et Swansea).

La démocratie économique, qui incarne en même temps la pression des réformistes et des capitalistes sur la classe ouvrière, est devenue le mot d’ordre officiel de l’Internationale d’Amsterdam. Ce programme international de briseurs de grèves se base sur le concours actif à la politique économique des capitalistes par une collaboration directe de l’appareil syndical réformiste avec le patronat (accords « pacifiques » pour l’établissement de tarifs, participation aux conseils de surveillances des trusts, etc.) et avec l’appareil de l’Etat bourgeois (« conseils économiques », organes économiques de la S.d.N., organes d’arbitrage obligatoire, etc.). Le réformisme international redouble en même temps ses tentatives pour étouffer le mouvement révolutionnaire de classe du prolétariat dans les colonies. Albert Thomas fraternise avec les leaders des syndicats jaunes des bourreaux du Kuomintang. Sous sa direction, Bundzi Soudzouki, agent de l’impérialisme japonais prend une initiative réactionnaire : la convocation du soi-disant congrès ouvrier panasiatique. Dans ce processus de fascisation rapide de l’appareil syndical réformiste et de la fusion avec l’Etat bourgeois, la soi-disant « aile gauche » de l’Internationale d’Amsterdam (Cook, Fimmen et autres) joue un rôle particulièrement traître. Cette aile gauche, sous l’apparence d’une opposition aux leaders réactionnaires de l’Internationale d’Amsterdam, s’efforce de cacher aux ouvriers le véritable sens de ce processus et constitue un élément organique actif (et non pas le moindre) dans le système du social-fascisme.

Il est évident que pour les ouvriers, cette situation où ils sont contraints de se trouver, dans leurs luttes économiques, sous la conduite de chefs politiquement réactionnaires et briseurs de grèves, devient toujours plus intolérable. Cette tactique perfide de briseurs de grèves, suivie par les leaders des syndicats au moment où le capital accentue et étend son offensive dans le but d’augmenter considérablement l’exploitation des ouvriers, devient la cause essentielle de la crise croissante du mouvement syndical réformiste.

2. Cette crise grandissante s’est exprimée dans plusieurs pays par la stagnation des syndicats réformistes (Angleterre) et par l’accroissement considérable des syndicats révolutionnaires (Indes, Amérique latine, Etats-Unis). Cette crise s’exprime également par la méfiance profonde de masses syndiquées envers la bureaucratie syndicale réformiste contre l’opposition syndicale révolutionnaire, par la pratique d’exclusions de plus en plus fréquentes des membres de l’opposition révolutionnaire des syndicats réformistes et par la menace d’exclusion « des dizaines de milliers de membres » (déclaration du président du syndicat réformiste des métaux, à Berlin). Plus les syndicats se transforment entre les mains de la bureaucratie syndicale social-fasciste, en un simple instrument auxiliaire de l’économie capitalise, plus s’accroît la crise du mouvement syndical réformiste et plus seront violentes les attaques de la bureaucratie syndicale contre l’opposition syndicale révolutionnaire. Déjà, à présent, la lutte intérieure dans les syndicats réformistes a pris une acuité inouïe. La pression exercée par les masses ouvrières sur les fonctionnaires est tellement forte, qu’il arrive souvent que les organisations de base des syndicats réformistes sont obligés de s’élever contre les bonzes syndicaux qui, voulant transformer les syndicats en organisations de briseurs de grèves et en instruments de la stabilisation capitaliste, mènent une politique de scission de classe, en expulsant des syndicats les meilleurs éléments révolutionnaires, en liquidant les derniers vestiges de la démocratie syndicale, en présentant des ultimatums à l’opposition révolutionnaire (« Reverse ») et en s’orientant vers la fascisation des syndicats.

3. L’étape actuelle dans le développement intérieur des syndicats réformateurs correspond à la période transitoire du rapport des forces de classes en général. La classe ouvrière est suffisamment forte pour passer de plus en plus souvent à la contre-offensive. La bureaucratie syndicale exerce encore une influence sur certaines couches d’ouvriers, mais les syndicats révolutionnaires et l’opposition syndicale révolutionnaire réussissent de plus en plus à entraîner avec eux les grandes masses d’ouvriers organisés dans les syndicats réformistes. C’est ce qui détermine les tâches des communistes dans les syndicats réformistes : les communistes doivent non pas quitter les syndicats réformistes, mais contribuer par tous les moyens à accélérer la radicalisation de la masse des adhérents du mouvement syndical réformiste, en se mettant résolument à la tête de la lutte de classe du prolétariat.

III. Les combats économiques et le mouvement syndical révolutionnaire

1. La IXe Session plénière du C.E. de l’I.C. et le IVe Congrès de l’I.S.R. ont posé devant les partis communistes et devant le mouvement révolutionnaire non seulement la tâche de diriger d’une façon indépendante la lutte gréviste mais aussi de préparer et d’organiser pour le mieux cette lutte et de réaliser l’unité de la classe ouvrière par en bas, à l’entreprise. Déjà, à cette époque, on a constaté que l’accroissement de l’influence politique du mouvement syndical révolutionnaire ne correspondait pas à son travail d’organisation des masses ouvrières. Dans ce but, on proposa la réorganisation des fractions communistes dans les syndicats réformistes par la base et aussi la réorganisation des syndicats révolutionnaires sur la base d’entreprise (dans les pays où le mouvement syndical est scindé), l’application dans ces syndicats du centralisme démocratique et la création de comités de fabriques et d’usines en tant que base des syndicats révolutionnaires. En même temps, on signalait déjà à cette époque le péril des traditions social-démocrates et du légalisme syndical, s’exprimant très nettement dans les pays où n’existent pas de syndicats révolutionnaires indépendants (Allemagne) par le mot d’ordre « Forcez les bonzes » et aussi par des combinaisons diplomatiques au sommet entre les dirigeants des syndicats révolutionnaires et les dirigeants des syndicats réformistes.

2. Ce péril pouvait et devait inévitablement devenir très sérieux dans la période suivante, dans la période de l’accroissement et de l’aggravation extraordinaire des combats économiques. C’est précisément dans ce dernier processus qu’eut lieu (ce qui ne devait pas manquer de se produire) le groupement des forces de l’Internationale communiste, sur la base de l’expulsion des éléments anti-léninistes et opportunistes. Un regroupement analogue était aussi inévitable dans le mouvement syndical révolutionnaire (la scission de Haïs et consorts en Tchécoslovaquie, d’une partie des militants actifs de la section syndicale dans le P.C. allemand, etc.) Les décisions de l’I.C. et de l’I.S.R. n’ont pas été vaines. Les partis communistes et le mouvement syndical révolutionnaire (dans les pays à mouvement syndical unique, aussi bien que dans les pays où le mouvement syndical est scindé) ont obtenu de grands succès durant cette période. En comparaison avec les grèves des années précédentes, nous avons une préparation supérieure de ces grèves, une meilleure application de la tactique du front unique, certains succès dans la lutte contre le légalisme syndical et dans la réalisation des mots d’ordre économiques et politiques des partis communistes. L’expérience a démontré que les succès du mouvement syndical révolutionnaire dans cette période étaient directement proportionnés à l’énergie déployée pour réaliser ces décisions.

3. Dans les pays où il n’y a pas de syndicats révolutionnaires indépendants, le point le plus faible du mouvement syndical révolutionnaire reste jusqu’à présent le légalisme syndical, la crainte d’enfreindre les statuts syndicaux. Il en résulte une résistance insuffisante à l’offensive des fonctionnaires syndicaux (aux exclusions, aux déclarations (Reverse) et un travail insuffisamment actif pour atteindre les masses ouvrières dans les organisations de base (réalisation de la nouvelle tactique aux élections des comités de fabriques et d’usines en Allemagne, organisations de comités de lutte, etc.). Ainsi, à Lodz, lors de la grève générale qui eut lieu en automne 1928, l’opposition révolutionnaire a habilement préparé la lutte, a choisi habilement le moment opportun à cet effet alors que les ouvriers étaient indignés par l’institution de nouveaux règlements de fabriques et par les règlements sur les amendes, elle a repoussé justement la proposition de certains communistes de déclarer prématurément la grève, elle a développé un campagne autour de la grève et a habilement lié la lutte économique à la lutte contre le régime fasciste. Mais, en même temps, la fraction rouge du comité de grève a mal compris notre tactique d’unité. Il en résulta que le comité de grève ainsi créé était défaitiste, sa majorité étant composée de partisans du P.S.P.

4. Un autre défaut dans ces pays est la crainte d’employer la nouvelle tactique pour ne pas affaiblir les positions de l’opposition révolutionnaire dans les syndicats réformistes. C’est précisément sur cela qu’insistent actuellement les droitiers et les conciliateurs, de même qu’auparavant ils spéculaient (au moment de la création de comités de lutte dans la Ruhr) sur la soi-disant transformation du parti communiste et de l’opposition syndicale révolutionnaire en organisation du « lumpenproletariat déclassé ».

5. Dans ces pays, la structure et le travail des fractions communistes dans les syndicats sont également très défectueux. Pour que le travail des partis communistes en vue de la conquête des masses dans les syndicats réformistes soit couronné de succès, il est nécessaire d’avoir dans les syndicats des fractions communistes fortes, capables de réaliser la ligne du parti dans les syndicats, liées entre elles en travaillant sous la direction des comités respectifs du parti. La Session plénière constate de nouveau que plusieurs décisions de l’I.C. sur la question des fractions dans les syndicats sont remplies d’une façon non satisfaisante. Les fractions communistes n’existent pas dans toutes les organisations syndicales où elles devraient exister, conformément aux décisions de la IIe Conférence internationale d’organisation. Là où elles existent, elles ne sont pas toujours organisées d’une façon juste. Dans plusieurs endroits où le mouvement communiste est illégal (Pologne) sont créées, parallèlement aux fractions communistes, des fractions rouges. En outre, on a délimité d’une façon nette le travail des fractions rouges et celui des fractions communistes. Les fractions rouges doivent être créées de façon à représenter des organisations aussi larges que possible groupant autour des fractions communistes les ouvriers sympathisants. Mais les fractions rouges ne doivent en aucun cas se substituer aux fractions communistes, et les partis communistes ne doivent pas créer des fractions rouges sans y assurer le rôle dirigeant aux fractions communistes.

6. Enfin, dans les partis communistes mêmes, on n’a pas encore pleinement conscience de l’importance exceptionnelle du travail syndical à l’étape actuelle. Le travail dans les syndicats est considéré comme le travail habituel d’une « section ». Le parti ne concentre pas toute son attention et, en particulier, l’attention des cellules d’usines sur le travail syndical courant, en premier lieu sur la préparation à la direction des combats économiques. Cela montre une sous-estimation de la portée politique du travail syndical révolutionnaire dans les combats économiques actuels.

7. Dans les pays à mouvement syndical révolutionnaire indépendant (France, Tchécoslovaquie), le défaut essentiel consiste en ce qu’une certaine partie des militants actifs des syndicats révolutionnaires, sous-estime encore maintenant la radicalisation des masses et le nouveau caractère du réformisme syndical. En France, les syndicats unitaires ont été pris au dépourvu et submergés par le mouvement (« le mouvement a passé par-dessus la tête de la C.G.T.U., nos organisations ont manqué d’initiative » a déclaré Monmousseau à la session d’octobre du Conseil de la C.G.T.U.).

En Tchécoslovaquie, la tactique des liquidateurs qui forment partiellement la direction des syndicats révolutionnaires (I.A.V.) fut caractérisée par des combinaisons de sommet avec les leaders des organisations syndicales réformistes, par la collaboration avec les comités d’usines réformistes corrompus, ce qui était présenté comme étant la tactique du front unique, par une orientation légaliste à l’égard des autorités bourgeoises, par une attitude opportuniste envers la tactique de grève et, en particulier, à l’égard des inorganisés. Il en est résulté que lors du premier grand conflit économique pendant lequel le parti communiste et les syndicats révolutionnaires passèrent à la nouvelle tactique de grève, les liquidateurs répondirent en se séparant du mouvement syndical révolutionnaire.

Un grand danger dans ces pays est aussi le légalisme, le respect des lois capitalistes. Luttant jusqu’au dernier degré pour chaque possibilité d’action légale, les syndicats révolutionnaires ne doivent pas en même temps nourrir des illusions opportunistes quelconques envers l’Etat bourgeois et la légalité capitaliste. La force et l’influence des syndicats révolutionnaires dépendent exclusivement de l’organisation active et de la direction indépendante des luttes économiques du prolétariat. Une des lacunes principales des syndicats révolutionnaires consiste en leur pénétration insuffisante dans les entreprises, en l’absence (ou au mauvais fonctionnement) du système de délégués syndicaux dans l’usine.

8. Cette position erronée et le manque d’initiative ont eu pour résultat immédiat la faible liaison des syndicats révolutionnaires avec les masses. Ceci est constaté également dans la résolution du Comité Central du P.C.F. sur la tactique communiste dans les grèves en France (par exemple, lors de la grève de mineurs de la Loire, il n’y avait presque aucune liaison entre les grévistes et la direction). C’est de là également que résultent les erreurs opportunistes dans la tactique de l’unité (Bordeaux). Il en résulte aussi l’incompréhension de la portée politique du problème des non organisés. Ainsi, une partie des dirigeants des syndicats révolutionnaires a montré une attitude négative envers les larges comités de grève électifs, sous le prétexte qu’ils sont inutiles lorsqu’il y a des syndicats révolutionnaires dirigeant activement la grève. Un tel point de vue constitue l’envers (dans la mesure où il s’agit des syndicats révolutionnaires) du parlementarisme des trade-unions, il montre l’incompréhension de la tâche fondamentale de l’époque actuelle et des moyens de conquérir la majorité de la classe ouvrière. Jusqu’à présent, dans les pays où le mouvement syndical est scindé, existe encore un grand défaut consistant en ce que les rapports entre les partis communistes et les syndicats révolutionnaires ne sont pas établis d’une façon juste. Actuellement, est particulièrement dangereux le point de vue d’après lequel les combats économiques sont exclusivement du domaine des syndicats révolutionnaires, tandis que les combats politiques entrent dans le domaine du parti communiste. Une telle « division du travail » conduisait, d’une part, à ce que l’actif communiste des syndicats révolutionnaires se détachait des grands problèmes de la lutte politique révolutionnaire (nous en avons un exemple frappant en la personne des fonctionnaires syndicaux dans le genre du traître Haïs) ; elle conduisait, d’autre part, à ce que les larges cadres des fonctionnaires du parti se détachaient de la lutte journalière de la classe ouvrière et de ce fait, se détachaient des masses en général.

9. Enfin, le principal défaut de tout le travail, dans la période de préparation des grèves, consistait dans les pays à mouvement syndical scindé, aussi bien que dans les pays à mouvement syndical unique, en ce que l’agitation et la propagande prédominaient sur le travail d’organisation. Cependant, on ne peut préparer sérieusement une grève qu’après avoir effectué au préalable un grand travail d’organisation.

IV. Les syndicats et les comités de lutte

1. L’expérience de la lutte gréviste, depuis le VIe Congrès de l’I.C. a entièrement justifié l’orientation pour la direction indépendante des combats économiques par les communistes. La direction indépendante des grèves et la participation des non organisés est possible en premier lieu en organisant de larges comités de lutte (comités de grève, comités entre les lock-out, etc.), élus par toute l’usine, par les ouvriers et ouvrières syndiqués aussi bien les inorganisés. Au moment des conflits économiques, les comités de lutte sont les principaux organes de direction groupant autour d’eux les grandes masses ouvrières sur la base d’une plate-forme politique et économique. Dans tous les cas, sans exception, lorsqu’au moment des grèves ou de lock-outs la question se posait de créer des comités de lutte spéciaux pour diriger les grèves et pour mener l’action contre les lock-outs, ce mot d’ordre trouvait le plus vif écho parmi les grandes masses et permettait aux partis communistes et aux partisans du mouvement syndical révolutionnaire d’organiser autour de ce mot d’ordre et sur la plate-forme de la lutte révolutionnaire, une partie importante et, souvent, la majorité des grévistes. Ce mot d’ordre de la création des comités indépendants qui ne sont pas subordonnés à l’appareil syndical réformiste, permettait précisément aux partis communistes et aux partisans du mouvement syndical révolutionnaire de grouper et d’organiser de grandes masses de prolétaires contre les social-démocrates et contre l’appareil syndical réformiste, comme cela eut lieu dans la Ruhr.

2. En dirigeant les masses dans leurs actions économiques et politiques, les comités de lutte doivent être de grandes organisations de masses sans parti, car ils sont appelés à grouper les ouvriers appartenant à divers partis et divers syndicats, et aussi les ouvriers non organisés. Etant des organismes sans parti, ils ne peuvent pas néanmoins être neutres du point de vue politique, indifférents ou apolitiques. L’expérience de Lodz a montré combien il est dangereux d’avoir des agents réformistes des capitalistes (P.S.P.) dans les comités de lutte. La plate-forme politique des comités de lutte est constituée par les mots d’ordre politiques proclamés par les masses ouvrières dans leurs actions (par exemple, lutte contre la rationalisation capitaliste, lutte contre l’arbitrage obligatoire, lutte contre le fascisme, lutte contre les blocs bourgeois et les blocs bourgeois-social-démocrates, etc.). En même temps, les comités de lutte doivent lier étroitement ces mots d’ordre politiques avec la lutte pour les besoins économiques immédiats de la classe ouvrière. Dans les comités de lutte doivent être élus des ouvriers et des ouvrières partisans de cette plate-forme.

3. Les comités de lutte groupent autour d’eux les grandes masses ouvrières, sans distinction de profession, sous la forme d’une organisation provisoire. Ils ne peuvent être désignés par en haut, comme le font les réformistes (désignation de comités de grève par les syndicats). Ils doivent être élus aux assemblées générales d’usines ou aux réunions de délégués d’ouvriers et d’ouvrières.

4. Les comités de lutte sont des organisations temporaires et les communistes doivent prendre l’initiative de les organiser sur la base de la démocratie prolétarienne en connexion avec les actions de masses du prolétariat. Les comités de lutte ne doivent pas limiter le territoire de la lutte, mais s’efforcer de l’étendre et de transformer la lutte économique en une lutte politique. A la fin de la lutte, après la campagne des comptes rendus sur les résultats de la lutte, ces comités sont dissous.

5. Etant donné la fascisation croissante de l’appareil syndical réformiste, tout mouvement économique et politique des masses se heurte à une même résistance de la part de l’appareil syndical réformiste que de la part du patronat et de l’Etat bourgeois. En conséquence, il est nécessaire et possible dans les mouvements de masses du prolétariat, dirigés par des comités de lutte, d’opposer ces derniers à la direction syndicale réformiste, c’est-à-dire de mener le lutte jusqu’au bout , de conclure des accords sur les tarifs, de consolider les résultats de la lutte et de prendre l’initiative de créer dans les entreprises des commissions des tarifs et des organes de contrôle pour l’application de l’accord conclu. Lors des combats économiques de la dernière période, il y eut entre les bureaucrates des syndicats réformistes et les comités de lutte une lutte pour la direction des masses ouvrières (Allemagne). Il est même arrivé que les comités de lutte concluaient des accords avec les capitalistes au nom des ouvriers. En tant qu’organes démocratiques de masses luttant réellement pour les intérêts des ouvriers, les comités de lutte devenaient des organes démasquant les bureaucrates syndicaux, leur trahison et leur collaboration avec les capitalistes.

6. Dans les pays où il n’existe pas de mouvement syndical révolutionnaire indépendant, un moyen important de lutte pour gagner la masse des adhérents des syndicats réformistes est d’entraîner dans les syndicats, sur la base de la plate-forme de l’opposition révolutionnaire, de nouveaux ouvriers parmi les non-syndiqués qui se groupent autour des comités de lutte, lors des actions de masses. Les partis communistes devant étendre leur influence parmi les ouvriers non organisés, tâche des plus importantes pour la prochaine période, il faut y aboutir, d’une part, en conquérant et en organisant des comités de fabriques et d’usines et en les ralliant autour des comités de lutte (et aussi autour des différentes organisations révolutionnaires de masses, comme le S.O.I. , le S.R.I., l’Association du Front Rouge, etc.) ; d’autre part, en les organisant dans les syndicats révolutionnaires dans les pays où le mouvement syndical est scindé. Les partis communistes doivent également porter particulièrement leur attention au recrutement, pendant les luttes économiques, des meilleurs éléments aux partis communistes et aux organisations révolutionnaires de masses. La création de formes intermédiaires de groupement des inorganisés ayant un caractère semi-syndical (« Sociétés de secours mutuels » ou « Sociétés de lutte contre les lock-outs ») dans les pays où il n’existe pas de syndicats révolutionnaires indépendants, comme en Allemagne et en Angleterre, ne peut qu’empêcher le mouvement syndical révolutionnaire d’étendre son influence sur les ouvriers inorganisés.

7. Les comités de lutte sont des organes de l’action prolétarienne de masses. C’est là la principale valeur de ces comités au point de vue de la lutte de classes. Dans les comités de lutte, doivent être représentées les masses ouvrières touchées par le conflit donné, sans distinction de partis et de syndicats, les ouvriers et les ouvrières syndiqués aussi bien que non syndiqués. C’est pourquoi, les comités de lutte ne possèderont la direction des masses ouvrières que lorsque ces masses se convaincront, par l’expérience de leur lutte, que cette forme de direction leur assure l’unité de front de leur classe et une ligne de classe ferme et conséquente.
8. Le développement des comités de lutte, comme organes de direction unique des actions de masses du prolétariat, est entravé dans une grande mesure par le fait que les sections de l’I.C. et du mouvement syndical révolutionnaire retardant sur l’activité des masses. Les causes en sont : les vestiges du légalisme syndical, la faiblesse du travail d’organisation des partis communistes, en particulier lors de la préparation des grèves ; enfin, le fait de ne pas comprendre suffisamment le caractère même des combats économiques et l’importance du problème des ouvriers non syndiqués à l’étape actuelle. On ne saurait venir à bout de ce défaut très important qu’en concentrant et en renforçant la lutte contre les droitiers et les conciliateurs dans cette question qui est essentielle dans la période actuelle.

V. Les syndicats et les comités d’usines

1. La radicalisation des masses ouvrières, le redoublement de leur activité, l’aggravation des conflits de classes et l’influence croissante des partis communistes dans les masses ouvrières créent les conditions propices à la réalisation des décisions essentielles de l’I.C. en vue de gagner les comités d’usines qui se trouvent sous l’influence des réformistes (et d’en créer là où il n’en existe pas) et de les transformer, d’organismes de collaboration de classes qu’il étaient, grâce au patronat et à la bureaucratie syndicale social-impérialiste, en organes de lutte de classes.

2. Les comités d’usines peuvent et doivent être la base naturelle à l’unité de classe par en bas dans les entreprises. Contrairement aux comités de lutte, ils ne sont pas des organes temporaires, mais fonctionnent d’une façon permanente. Ils ne remplacent pas les syndicats et ne peuvent être remplacés par eux (tant que fait défaut l’organisation des syndicats sur le principe d’industrie). La conquête des comités d’usines (ou de délégation d’entreprises) est un des principaux moyens pour le parti communiste et le mouvement syndical révolutionnaire de pénétrer dans les principales régions industrielles et les principales branches d’industrie. Dans l’étape actuelle où la lutte de classes prend une très grande acuité, la conquête des comités d’usines revient à réaliser la tactique « Classe contre classe » directement dans l’entreprise, à mobiliser les masses pour le développement ultérieur des luttes économiques. Les comités d’usines doivent devenir un levier pour mobiliser les masses et lutter contre la bureaucratie syndicale dans les entreprises. Le trait principal de notre tactique consiste en une large mobilisation des masses lors des élections aux comités d’usines. Il faut, pendant ces élections (qui, l’année passée, se sont déroulées sous le contrôle des syndicats réformistes et ont été organisées par eux), entraîner toute la masse de l’usine, c’est-à-dire les ouvriers et les ouvrières syndiqués et inorganisés comme pour les élections des comités de lutte. La tactique qui en découle consiste à renoncer catégoriquement à toute combinaison électorale avec les réformistes et à présenter des listes indépendantes, malgré toutes les règles établies par les syndicats réformistes. Il faut, pendant la lutte électorale, former des organisations temporaires de masses qui seront élues dans les assemblées générales des usines (Commissions électorales).

3. Les succès des communistes pendant les élections des comités d’usines allemands démontrent le grand mécontentement qui règne parmi les ouvriers envers la politique des comités d’usines qui, entre les mains des réformistes, se sont transformés en organismes de collaborations de classes, en organes qui réalisent « la paix dans l’industrie » et la « démocratie industrielle ». La conquête des comités d’usines pour l’opposition révolutionnaire rend possible, en brisant les cadres légaux, de transformer les comités d’usines en organes qui assument la lutte pour les intérêts économiques quotidiens du prolétariat et qui mènent la lutte politique dans les entreprises (lutte contre la guerre, lutte contre le fascisme, organisation de groupes d’auto-défense prolétarienne, etc.). Les comités d’usines révolutionnaires, s’ils combinent sans relâche ces deux formes de lutte, la forme politique et la forme économique, deviennent un modèle pour les autres comités d’usines où l’influence des communistes se fait sentir, et un centre pour une Fédération de comités d’usines sur l’échelle nationale. Dans ce but, les comités d’usines révolutionnaires se lient entre eux au moyen de réunions et de conférences par rayons et par industries.

4. Les leçons qui découlent des élections des comité d’usines en Allemagne, nous montrent que l’opposition révolutionnaire avait le plus de succès, de même que dans les grèves, là où la nouvelle tactique était appliquée avec décision. Là où les communistes et l’opposition révolutionnaire avaient présenté des listes de coalition avec les réformistes, l’indifférence des masses était la plus profonde et, fait typique, les listes des syndicats chrétiens et des syndicats Hirsch-Dunker, ont obtenu un nombre de suffrages relativement supérieur. Ceci témoigne de la méfiance des masses dans ces cas envers la tactique des communistes de l’opposition révolutionnaire. Ici comme dans le développement des comités de lutte, la radicalisation des comités d’usines se heurte au fait que les sections de l’I.C. et l’opposition syndicale révolutionnaire retardent sur l’activité croissante des masses. Ici, de nouveau, s’est manifestée l’orientation légaliste et la crainte opportuniste des exclusions. Lorsque, après une longue préparation, il fallut tirer des déductions pratiques en s’inspirant des principes émis, une partie de nos militants syndicaux communistes furent pris d’hésitation et de doute. Ici, se manifesta également le fait que par suite de la tradition établie depuis de longues années et qui veut que des pourparlers diplomatiques soient menés avec les dirigeants des syndicats, l’habitude de mener un véritable travail de masses fait défaut. Ceci est lié également à la sous-estimation de l’influence de l’opposition révolutionnaire dans les masses. Souvent, des marchandages avaient lieu au préalable, et c’est seulement après qu’une liste indépendante était présentée, au lieu que les listes de candidats soient établies sur la base d’un vote démocratique de toute la masse de l’usine.

5. Mais, mobiliser les masses lors des élections, ce n’est que la moitié du travail. En Allemagne, pour la prochaine étape, la tâche principale consiste à éduquer des membres révolutionnaires des comités d’usines et à œuvrer en vue de transformer les comités d’usines en organes d’une véritable lutte de classes. Les succès des communistes aux élections des comités d’usines marquent la croissance de la conscience des masses et le fait qu’elles comprennent la nécessité d’édifier par en-bas des organes de direction et de lutte élus par les ouvriers eux-mêmes. Pour établir une liaison étroite de la masse des adhérents des syndicats révolutionnaires (France, Tchécoslovaquie, etc.), et de l’opposition révolutionnaire (Allemagne …) avec tous les ouvriers de l’entreprise, il est nécessaire de prendre l’initiative de créer dans chaque entreprise un système de délégués élus par les ouvriers de tous les ateliers. Ces délégués contribueront à animer le travail et à politiser les comités d’usines, de même qu’à créer des comités d’usines, là où ils n’existent pas encore. Le programme de l’opposition révolutionnaire et des comités d’usines révolutionnaires doit se baser sur des mots d’ordre concrets de la lutte des classes : pour l’organisation d’une lutte décisive ; pour améliorer les conditions de vie du prolétariat et contre la rationalisation capitaliste ; contre l’arbitrage obligatoire et la terreur du patronat ; pour la liberté de grève et de coalition ; pour des syndicats uniques menant une lutte de classe révolutionnaire et construits sur le principe d’industrie ; pour la démocratie ouvrière dans les syndicats et les autres organisations dans les entreprises, contre les exclusions des révolutionnaires des syndicats. Il faut opposer à la politique des syndicats réformistes, celle des comités d’usines conquis à rassembler les forces du prolétariat et défendant en fait les intérêts de la classe ouvrière. L’opposition révolutionnaire doit extirper énergiquement les traditions social-démocrates ancrées dans les comités d’usines et lutter contre toute velléité de subordonner les comités d’usines aux syndicats réformistes.

6. Cette expérience des comités d’usines allemands doit être immédiatement transportée dans les pays où il existe des comités d’usines analogues (Autriche, Tchécoslovaquie).

Là où n’existent pas de semblables comités d’usines, il faut intensifier le travail pour créer une représentation d’usine. Les conflits économiques, les faits marquants dans l’exploitation des ouvriers provoquant une effervescence de la masse (accidents faisant de nombreuses victimes, etc.) créent des conditions favorables à l’organisation de comités d’usines. En particulier, les organes de direction du mouvement, créés pendant les conflits économiques (comités de grève, comités contre les lock-outs, etc.) peuvent être transformés et étendus aux représentants révolutionnaires d’usines (comités d’usines, délégués, etc.) avec les fonctions qui leur sont propres. Là, où sur l’initiative des syndicats révolutionnaires, se créent des comités d’usines (France), il faut combattre énergiquement les tendances opportunistes qui considèrent les comités d’usines en quelque sorte comme une représentation parlementaire destinée à défendre les intérêts des ouvriers devant les patrons » (théorie de Crozet au congrès du P.C.F.). Il faut combattre énergiquement les opportunistes qui, dans nos rangs, estiment que « les comités d’usines n’ont pas de tâches politiques à remplir, mais seulement celles que leur assigne l’Etat ». C’est là une tentative directe d’instaurer la « démocratie économique ». De même, transposer la question centrale de l’organisation directe de comités d’usines en bavardages sur leur rôle à l’époque directement révolutionnaire (Tomasi) est une survivance syndicaliste abstraite. Pour un pays comme la France, la question consiste à présent non pas à savoir la forme que prendront les comités d’usines lors des luttes révolutionnaires, mais comment il faut les organiser pour le mieux et le plus rapidement dans le processus de la lutte A cet effet, il ne faut pas attendre une autorisation spéciale du patronat et de l’Etat bourgeois, ni que les comités soient reconnus par eux. La vague croissante des luttes économiques crée des conditions particulièrement favorables à l’organisation de comités d’usines.

VI. Dans quelles conditions il est nécessaire de constituer de nouveaux syndicats

1. Le nouveau caractère du réformisme syndical, la fusion ouverte de l’appareil réformiste syndical avec l’Etat bourgeois font que la question de notre tactique au sein des syndicats réformistes acquière de nouveau de l’actualité. La Xe Session plénière du C.E. de l’I.C. confirme encore une fois que la politique de scission du mouvement syndical (exclusion des communistes et des membres de l’opposition révolutionnaire du sein des syndicats réformistes, les clauses reversales, etc.) ne doit en aucun cas aboutir à un relâchement de l’action pour la conquête des syndicats de masses, donc, par conséquent, à inviter les ouvriers à quitter les syndicats réformistes. Au contraire, ce travail doit redoubler d’intensité. Pour aider la masse et gagner sa sympathie, son appui, il ne faut pas craindre les difficultés, ne pas craindre les chicanes, les subterfuges, les attaches, les brimades des « leaders » (qui, étant opportunistes et social-chauvins, sont, dans la plupart des cas, liés directement ou indirectement à la bourgeoisie et à la police), mais il faut travailler absolument là où il y a des masses » (Lénine, « La maladie infantile du communisme » Voir le chapitre « Les révolutionnaires doivent-ils mener une action dans les syndicats réactionnaires ? »).

2. La poussée grandissante du mouvement ouvrier et la crise croissante dans les syndicats réformistes ont donné naissance à des tendances dangereuses qui veulent renoncer au travail dans les syndicats réformistes. En même temps, cette croissance du mouvement ouvrier a soulevé un nouveau problème : la constitution de nombreux syndicats révolutionnaires à certaines étapes et dans des conditions déterminées.

3. La première phase a pour base une conception erronée du problème des inorganisés, une confusion des syndicats avec les comités de lutte, une sous-estimation de la possibilité de conquérir les syndicats en gagnant les masses syndiquées (création artificielle des formes d’organisation « transitoires » vers de nouveaux syndicats). Ces tendances se trouvent en contradiction directe avec les décisions maintes fois adoptées par l’I.C. sur la conquête des masses ouvrières dans les syndicats. La provocation croissante de la part des réformistes dans le but d’obtenir la scission du mouvement syndical, qui s’exprime par l’exclusion des communistes et des membres de l’opposition révolutionnaire, ne peut être un prétexte pour réviser les décisions sur le travail au sein des syndicats réformistes dans les pays où n’existent pas de syndicats révolutionnaires indépendants et ne peut servir à justifier le relâchement du travail pour la conquête des masses syndiquées et pour l’organisation artificielle de nouveaux syndicats. La période actuelle impose à l’I.C. non pas une politique d’abandon des syndicats réformistes ou de création artificielle de nouveaux syndicats révolutionnaires, mais la lutte pour gagner la majorité de la classe ouvrière, au sein des syndicats réformistes, comme au sein des organisations, dont l’influence s’étend sur de plus grandes masses (comités de lutte, comités d’usines) qui, avec le mouvement révolutionnaire, poursuivent les mêmes buts, mais qui les réalisent par des moyens qui leur sont propres.

4. Ce serait en même temps une illusion opportuniste nuisible que de penser que nous pouvons dans les conditions actuelles nous emparer de l’appareil syndical réformiste, même si nous avions avec nous la masse des syndiqués. Cela ne signifie nullement que l’opposition révolutionnaire et les communistes doivent être passifs dans les élections à la direction syndicale. Au contraire, la lutte pour chasser des syndicats tous les bureaucrates et les agents des capitalistes, la lutte pour chaque fonction élective dans les syndicats, en particulier la lutte pour les délégués syndicaux à la base doit être, entre nos mains, une arme puissante pour démasquer le rôle de la bureaucratie syndicale social-fasciste et lutter contre elle.

5. En corrélation avec ceci se trouve la lutte contre la politique scissionniste de la bureaucratie syndicale sociale fasciste. Cette lutte contre les exclusions et autres mesures de scission doit devenir une lutte contre la politique réformiste du monde industriel, pour l’unité sur la base de la lutte des classes, pour la démocratie prolétarienne dans les syndicats. L’activité scissionniste de la direction réformiste a pour but l’affaiblissement de la force organisée des masses ouvrières dans leurs luttes pour les revendications économiques et politiques, et l’isolement des communistes et de l’opposition révolutionnaire de la masse ouvrière organisée. C’est pourquoi, une des tâches les plus importantes consiste à mobiliser les grandes masses ouvrières contre l’activité scissionniste de la bureaucratie syndicale social-fasciste. En même temps, il est nécessaire de combattre énergiquement tout esprit de capitulation. La capitulation en face de la bureaucratie syndicale équivaudrait non seulement à discréditer, mais aussi à briser l’opposition révolutionnaire.

Il faut répondre à l’exclusion d’organisations syndicales entières, par une continuation active de la lutte et un renforcement de ces organisations, tout en luttant simultanément pour la réintégration dans le syndicat sous le mot d’ordre de l’unité sur la base de la lutte des classes. Ces organisations syndicales qui auront été exclues ne peuvent devenir le point de rassemblement des ouvriers exclus des autres organisations syndicales. Lors d’exclusions isolées d’ouvriers révolutionnaires, il faut tendre toutes les forces pour mobiliser les masses dans la lutte contre la politique de scission des réformistes. La lutte pour la réintégration des exclus devra s’effectuer sous le mot d’ordre de la conquête aux côtés de l’opposition révolutionnaire des ouvriers qui se trouvent encore sous l’influence des réformistes.

Dans ces pays, la lutte contre la politique scissionniste de la bureaucratie syndicale doit s’effectuer non pas par l’organisation des communistes et des membres de l’opposition révolutionnaire exclus dans de nouveaux syndicats, mais par une accentuation de la lutte pour la démocratie prolétarienne dans les syndicats, contre le réformisme, pour le renvoi des bureaucrates syndicaux réformistes. La fusion de l’appareil syndical réformiste avec l’appareil de l’Etat bourgeois, d’une part, l’influence croissante des partis communistes sur les masses ouvrières et dans les syndicats réformistes de masses, d’autre part, non seulement élargissent les possibilités de lutte contre la dictature des réformistes, mais rendent indispensable la mobilisation des masses pour briser les statuts et rompre avec le légalisme des syndicats réformistes.

6. L’opposition révolutionnaire ne peut également tolérer la dispersion des membres de l’opposition révolutionnaire exclus en masses toujours plus grandes du sein des syndicats réformistes. Pour cette raison, il est nécessaire que l’opposition révolutionnaire se lie activement avec tous les membres de l’opposition exclus des syndicats. Cependant, ceci ne doit pas être un motif à la création de nouvelles organisations (par exemple, en exigeant des cotisations spéciales), qui pourraient être des formes artificielles « transitoires » vers de nouveaux syndicats.

7. Mais les communistes ne peuvent être en principe contre la scission des syndicats. La résolution du IIe Congrès de l’I.C. donne les conditions auxquelles les communistes sont tenus d’accepter la scission. Elles sont les suivantes : « Les communistes ne doivent pas s’arrêter devant la scission des organisations syndicales, si le renoncement à la scission signifiait le renoncement à la lutte révolutionnaire dans les syndicats, le renoncement à organiser la partie la plus exploitée du prolétariat ». L’accroissement du mouvement de grèves depuis le VIe Congrès du l’I.C. et la lutte acharnée de la bureaucratie syndical social-fasciste laquelle emploie les exclusions et la dissolution d’organisations entières (A.D.G.B.) (Confédération Générale des Syndicats d’Allemagne) et restreint artificiellement à l’aide d’entraves corporatives, le cercle de prolétaires syndiqués (l’exemple le plus frappant est la Fédération Américaine du Travail et son action ouverte de briseur de grèves), ont créé dans certains pays des conditions telles que, parfois, il a été nécessaire de former de nouveaux syndicats révolutionnaires.

La IXe Session plénière du C.E. de l’I.C. et le VIe Congrès de l’I.C. ont prévu pour le Parti communiste américain la création de nouveaux syndicats, en premier lieu dans les branches d’industrie où les organisations syndicales font défaut en général et, en outre, dans les cas où, à la suite de l’action révolutionnaire des ouvriers, les masses ouvrières sont sorties des syndicats, par suite de la trahison de la bureaucratie syndicale et que le mouvement syndical était détruit. Le parti a entrepris ce travail et il doit le réaliser avec la plus grande énergie en gagnant aux nouveaux syndicats les masses énormes d’ouvriers inorganisés des Etats-Unis. Il en fut ainsi en Angleterre, où un nouveau syndicat de la couture et un nouveau syndicat des Mineurs d’Ecosse ont été créés. Il en fut ainsi en Pologne où sur la base du mouvement de grèves de masses à Lodz et de la scission du P.S.P. il fut nécessaire de soulever le problème de la création d’un nouveau syndicat unique du textile sur la base de la lutte de classe révolutionnaire (à Lodz) ; cette question se pose aussi chez les mineurs (dans la région de Dombrovo). Il en fut de même au Mexique où fut constituée, sur la base de la radicalisation des masses ouvrières et de la dégénérescence réactionnaire de la C.R.O.M., une nouvelle C.G.T.U. révolutionnaire comptant environ 100.000 adhérents.

8. Mais les communistes doivent comprendre que la scission des syndicats ne consiste pas à former d’une façon mécanique de nouveaux syndicats. Il faut lutter énergiquement contre toute orientation vers la scission en bloc des syndicats. La création de nouveaux syndicats n’est possible qu’en cas d’essor de la vague de grève, que là où de grandes masses du prolétariat ont déjà compris la nature social-impérialiste de la bureaucratie syndicale réformiste et lorsque ces masses appuient activement la création d’un nouveau syndicat. Mais, même si toutes ces conditions existent, la création de nouveaux syndicats dans les pays où n’existait pas jusqu’à présent de mouvement syndical révolutionnaire indépendant (par exemple en Allemagne) ne doit avoir lieu que dans certains cas, en prenant en considération la situation objective.

VII Le travail dans les pays à mouvement syndical illégal

L’aggravation croissante de la lutte de classes pousse les classes dirigeantes à prendre des mesures de répression violentes pour étouffer et briser les syndicats révolutionnaires. Là où les syndicats révolutionnaires existent encore légalement (France, Tchécoslovaquie, etc.), ils sont menacés de dissolution. Dans une pareille situation, la tâche principale consiste à ne pas laisser jeter dans l’illégalité les organisations qui existent légalement. Dans les pays où la bourgeoisie, de concert avec les social-fascistes, a réussi à mettre les syndicats dans l’illégalité (Italie, Yougoslavie, etc.), où les syndicats révolutionnaires continuent à travailler illégalement, la tâche principale consiste à renforcer les syndicats illégaux, à y gagner le maximum d’ouvriers sans parti et à développer leur travail sur la base de grèves croissantes. Il faut mener une lutte implacable contre toutes les tendances de capitulation et de liquidation du travail des syndicats illégaux sous le prétexte que leur existence est impossible, en général. La création de vastes comités de lutte pour diriger les combats économiques a une importance particulière pour les pays à mouvement syndical illégal. Ces comités de lutte peuvent devenir le meilleur moyen pour rompre tout le système des interdictions policières et fascistes et pour faire sortir les syndicats de l’illégalité. La lutte pour faire sortir les syndicats de l’illégalité, pour leur existence légale, doit être au centre de l’attention des syndicats révolutionnaires. Cette lutte ne peut avoir de résultat que si les syndicats illégaux la lient avec la lutte pour les besoins journaliers des ouvriers et une direction effective des batailles économiques.

La condition préalable pour renforcer les syndicats illégaux pour une direction révolutionnaire des mouvements de grèves, de même que pour faire sortir les syndicats de l’illégalité à l’existe légale, consiste en une action tenace et systématique dans les entreprises en vue de créer des cellules communistes d’usines et d’établir tout le travail syndical sur la base des entreprises.

VIII. Le travail dans les pays coloniaux et semi-coloniaux

La dernière année se distingue par un essor considérable de la lutte économique dans tous les pays coloniaux et semi-coloniaux et en particulier dans l’Inde. Cette vague de grèves a touché les détachements les plus arriérés du prolétariat colonial (Afrique équatoriale) et prouve que l’essor du mouvement ouvrier s’étend bien au-delà des vieux pays capitalistes. Les particularités essentielles des dernières grèves dans les pays coloniaux et semi-coloniaux (Indes, Chine, Indonésie, Ceylan, Birmanie, Afrique, etc.) montrent que, même là où le mouvement a éclaté spontanément, il a eu un profond caractère révolutionnaire. Ceci crée un terrain favorable à la consolidation et au développement des partis communistes et des syndicats révolutionnaires dans les pays coloniaux où ils n’existent pas encore. La tâche la plus importante de tous les communistes et ouvriers révolutionnaires de ces pays consiste à assurer aux ouvriers la direction de toutes les batailles économiques, en épurant les comités de grèves de tous les éléments nationalistes-bourgeois et social-réformistes et en poussant les mouvements économiques des ouvriers à un degré supérieur de la lutte.

Les formes variées des organisations syndicales dans les pays coloniaux et semi-coloniaux exigent de la part des communistes et des ouvriers révolutionnaires de ces pays une plus grande souplesse pour l’application de la ligne d’une direction indépendante des batailles économiques pour la conquête des grandes masses dans le processus de développement de la lutte gréviste et pour la coordination étroite de la lutte économique des ouvriers avec les tâches générales de classe du prolétariat.

La formation des comités de lutte dans ces pays doit être utilisée pour constituer des syndicats révolutionnaires de classe là où il n’en existe pas et faire sortir de leur vie clandestine les syndicats illégaux.

L’expérience du syndicat révolutionnaire du textile, « Girni-Kamgar » de Bombay, démontre quels succès rapides et stables peuvent atteindre les éléments révolutionnaires dans l’organisation d’un mouvement syndical révolutionnaire de masses sur la base de la conduite des grèves, d’un vaste emploi de nouvelles formes d’organisation (comités de grève et du travail dans les entreprises, comités d’usines).

Le plus important est de renforcer et de développer les syndicats révolutionnaires légaux et illégaux. En se basant sur l’essor du mouvement ouvrier, il faut mettre à profit toutes les possibilités pour que les syndicats illégaux surmontent leur isolement qui existe encore à l’égard des masses ouvrières, pour qu’ils développent leur travail de masses et luttent pour leur existence légale. Il faut travailler sans relâche et systématiquement dans toutes les organisations réformistes et jaunes de masses afin de rallier les ouvriers qui se trouvent dans ces organisations à la lutte révolutionnaire de classe. Les partis communistes ont pour tâche d’utiliser l’essor du mouvement de grèves pour rompre tous le fils de fer barbelés tendus par l’impérialisme et la bourgeoisie nationale contre les syndicats de classe. Les partis communistes des pays impérialistes doivent apporter leur aide systématique et active au mouvement de grèves des pays coloniaux, en accentuant la lutte contre l’impérialisme et pour l’indépendance des colonies en relation avec les luttes économiques croissantes. Il est nécessaire de porter une attention particulière pour aider le mouvement ouvrier de Chine et des Indes, car le triomphe de la révolution dans ces deux pays serait un coup mortel au système impérialiste mondial.

IX. Les tâches pratiques immédiates

1. Le caractère politique des conflits de classes actuels, où sont entraînés des millions d’ouvriers, pose impérieusement aux partis communistes la question, maintes fois soulignée dans les décisions de l’I.C., de la nécessité pour les organisations communistes locales de diriger directement les luttes économiques. Le partis communistes ont déjà commencé à abandonner les vieilles méthodes de direction des grèves qui consistent à remettre cette direction aux sections syndicales des P.C. et aux fractions communistes dans les syndicats. Mais il convient de faire encore plusieurs pas décisifs dans cette voie. La direction des luttes économiques, au fur et à mesure de l’essor du mouvement ouvrier, doit être l’œuvre de l’ensemble du parti, il faut y concentrer les forces de tout le parti et y adapter toute l’organisation du parti.

2. L’expérience des grèves de la dernière année a démontré que le point le plus faible dans les partis communistes et le mouvement syndical révolutionnaire c’est l’application insuffisamment suivie des décisions du VIe Congrès de l’I.C. et du Ve Congrès de l’I.S.S. L’application de ces décisions se heurte encore à une résistance dans les rangs du parti et, ce qui est particulièrement important, parmi les militants de base du parti et des syndicats révolutionnaires. La tâche fondamentale qui se pose aux partis communistes et au mouvement syndical révolutionnaire consiste à prendre des mesures pratiques pour obtenir à tout prix une accélération de l’application de ces décisions. Le IVe Congrès de l’I.S.R. a marqué un tournant sérieux dans le mouvement syndical révolutionnaire international. L’Internationale communiste et ses sections doivent contribuer par tous les moyens à étendre l’influence de l’I.S.R. en popularisant ses décisions et en renforçant systématiquement l’I.S.R. et les organisations adhérentes.

3. En relation avec ceci, le centre de gravité du travail du parti doit être plus qu’auparavant concentré directement dans les entreprises. Les comités de lutte, les comités d’usines et les syndicats d’industrie révolutionnaires, voilà ce qui est nécessaire au prolétariat pour organiser ses rangs en vue des combats de masses sous la direction des partis communistes. Toutes ces organisations essentielles ont l’entreprise pour base. Pour cette raison, l’organisation des cellules du parti dans les entreprises et leur renforcement là où elles existent, acquiert actuellement une importance plus grande que jamais et devient le principal chaînon de tout le travail du parti.

4. C’est pourquoi le renouvellement et l’éducation de nouveaux cadres de dirigeants de grèves acquièrent une importance décisive. Sans même parler de ce que les tendances opportunistes et le bureaucratisme ont trouvé un terrain des plus favorables parmi les militants syndicaux des P.C. (la Tchécoslovaquie est, sous ce rapport, un des exemples les plus frappants), il est probable que le défaut le plus sérieux dans la conduite des luttes économiques est le conservatisme de couches importantes de militants des syndicats révolutionnaires qui, en théorie, en paroles, adoptent entièrement la nouvelle tactique et les décisions de l’I.C.C, mais qui, en pratique, sont incapables de les appliquer. En particulier, il faut porter sérieusement l’attention sur la vérification des dirigeants des fractions communistes dans les syndicats, afin d’assurer pleinement une juste application de la ligne politique.

5. La tâche essentielle des communistes et de l’opposition révolutionnaire consiste à continuer à concentrer leurs forces et leur attention sur les principales branches de l’industrie et les principales entreprises qui jouent un rôle décisif lors des conflits de classes.

6. Il faut à tout prix liquider rapidement la contradiction toujours plus aiguë entre l’ampleur de la participation actuelle des ouvrières aux conflits économiques et le degré de direction de ce mouvement par les partis communistes et le mouvement syndical révolutionnaire. Les organisations de base du parti, les cellules dans les entreprises, les comités d’usines qui se trouvent entre les mains des communistes doivent étendre leur activité aux ouvrières dans une proportion beaucoup plus grande, en reflétant et en défendant leurs intérêts. Il est nécessaire de pousser avec plus d’énergie et de décision les ouvrières actives et révolutionnaires aux postes de direction, en particulier dans les entreprises où les femmes sont en nombre supérieur. Il faut mettre fin à la sous-estimation du travail parmi les ouvrières dans les partis communistes et les syndicats révolutionnaires.

7. Il en est de même en ce qui concerne la jeunesse ouvrière. Le fait que la majorité écrasante des jeunes ouvriers est inorganisée et est consciemment ignorée par les syndicats réformistes, rend nécessaire de mener une action spéciale pour l’adhésion de la jeunesse aux syndicats sur la base du programme de l’opposition révolutionnaire. Dans les cas où les syndicats refusent d’organiser la jeunesse ou bien lorsqu’il n’y a pas de syndicats en général, il faut créer des associations spéciales économiques des jeunes ouvriers, ayant un caractère provisoire et luttant pour les revendications de la jeunesse et pour son intégration dans les syndicats.
L’action pour la création de sections de jeunes dans les syndicats et pour l’égalité de droits entre la jeunesse et les ouvriers adultes a une portée considérable pour renforcer l’opposition révolutionnaire. Les syndicats révolutionnaires doivent immédiatement prendre des mesures en vue de constituer des sections de jeunes. Ici, comme pour les ouvrières, il faut résolument réaliser une ligne consistant à pousser en avant le plus capables.

8. Pour mener des batailles économiques, il est nécessaire de créer des organes de défense prolétarienne, afin de protéger et d’organiser les assemblées d’usines, les piquets de grévistes, et lutter contre les briseurs de grève, le fascisme à l’usine, toutes sortes d’organisations jaunes, etc.

9. Le chômage croissant causé par la rationalisation choisit ses premières victimes dans les rangs de l’opposition révolutionnaire. Fréquemment, la bureaucratie syndicale profite du chômage parmi les membres de l’opposition révolutionnaire pour ne pas les laisser participer au travail au sein des syndicats réformistes. L’opposition révolutionnaire doit de toutes ses forces protéger le droits des chômeurs au sein des syndicats, même dans les cas où ils sont groupés dans des organisations de chômeurs (Angleterre) ou bien dans d’autres formes de groupement comme, par exemple, en Allemagne, sous la direction ouverte des éléments révolutionnaires.

10. Il est nécessaire de mobiliser les masses avec une énergie plus grande que jusqu’à présent dans la lutte pour la journée de 7 heures (et de 6 heures pour les ouvriers du sous-sol, dans les industries insalubres et pour les adolescents de moins de 18 ans) ; en faisant le mot d’ordre central dans la bataille contre la rationalisation capitaliste.

11. Les C.C. des partis communistes doivent envoyer des militants dirigeants dans les rayons où des conflits mûrissent. Ces dirigeants devront, d’une part, informer les C.C. sur la situation existant sur place et, d’autre part, aider les organisations locales à développer un travail préparatoire et productif au maximum. Ce travail doit s’effectuer de telle façon qu’il ait pour base l’entreprise elle-même. Sous ce rapport, les tâches suivantes sont obligatoires : a) renforcer les cellules communistes de ces entreprises ; b) édition de journaux d’usines par les soins des cellules ; c) constituer des groupes d’initiative comprenant des sans-parti avancés et, autant que possible, des ouvriers et ouvrières social-démocrates, syndicalistes, etc., préparer les élections aux comités de grève. La préparation aux élections des comités de grève dans les entreprises doit commencer aussitôt que s’ébauchera la maturation d’une situation objectivement favorable.

12. Une des conditions essentielles au succès de la direction des luttes économiques par les partis communistes et le mouvement syndical révolutionnaire est une autocritique bolchévique courageuse et une initiative révolutionnaire, réalisée de la base au sommet. Il est nécessaire d’intensifier au maximum l’éducation internationale des membres du mouvement syndical révolutionnaire et, en particulier, des syndiqués révolutionnaires actifs.

13. En ce qui concerne les méthodes pratiques pour l’organisation de la lutte gréviste, la Session plénière du C.E. de l’I.C. recommande à tous les partis communistes de s’inspirer des décisions qui ont été élaborées par la Conférence internationale de grève à Strasbourg.


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