DIX-HUITIÈME SÉANCE
RAPPORT DE LOSOVSKI
Le rapport vaste et détaillé du camarade Thaelmann sur la question des luttes économiques et des tâches des communistes, rapport avec lequel je suis entièrement d’accord, épuise certaines questions, tandis que d’autres, par accord préalable, seront traitées par moi.
La première question qui, à mon avis, doit être sérieusement examinée, surtout en ce moment, peut être formulée de la façon suivante : quelle place occupent les luttes économiques dans la lutte des classes générale du prolétariat ?
Il ne subsiste pas le moindre doute que la lutte économique, et la forme la plus importante de la lutte économique, la grève, est une variété de la lutte des classes. La grève est une des formes de lutte que le prolétariat en agissant directement sur le patronat pour réaliser les buts et tâches qu’il se pose. On peut énumérer dans l’ordre suivant les principales méthodes de lutte de la classe ouvrière : grève économique, grève politique, insurrection et enfin guerre civile. Ce sont autant d’anneaux d’une même chaîne, diverses formes et méthodes de la lutte de la classe ouvrière dans différents stades de son développement politique et dans les conditions variées où se trouve la classe ouvrière.
En établissant cette graduation : grève économique, grève politique, insurrection, guerre civile, nous ne voulons pas dire par là qu’il existe entre ces différentes méthodes de lutte je ne sais quelle barrière infranchissable ; une de ces formes se transforme en une autre dans la processus de la lutte, et ce n’est pas sans raison que nous pouvons parler de divers échelons dans le système général de la lutte de la classe ouvrière, de différentes étapes, de différents stades de cette lutte. Nous pouvons établir que la lutte de la classe ouvrière prend telles ou telles formes selon la situation, selon le niveau de développement politique et le rapport des forces, selon le degré d’organisation et les formes du parti prolétarien.
Mais alors que la forme supérieure de cette lutte, la guerre civile ou l’insurrection, comprend d’habitude d’autres formes de lutte, c’est-à-dire que la guerre civile et l’insurrection sont souvent liées à des grèves économiques et politiques, celles-ci se déroulent souvent sans atteindre leur niveau supérieur, l’insurrection ou la guerre civile.
Ce serait une erreur de supposer qu’il existe ici des limites bien déterminées, que la transition d’une forme de lutte à une autre exige une longue période de temps ou que les formes primaires les plus élémentaires ne contiennent pas les traits qui caractérisent les formes et les méthodes supérieures de la lutte. L’expérience du mouvement ouvrier international montre que la grève est une des formes puissantes et efficaces de la lutte et que toujours, si ce n’est subjectivement pour les grévistes, tout au moins objectivement, elle oppose les exploités aux exploiteurs.
S’il est vrai que la grève économique est une variété de la lutte des classes, il faut tirer de là une autre déduction. Marx dit que toute lutte des classes et une lutte politique. D’autre part, nous savons que chaque lutte économique renferme des éléments politiques, dans la mesure où elle oppose les ouvriers au patronat. Le degré de caractère politique d’une grève, ses proportions, ses revendications, ses traits spécifiques, c’est-à-dire tout ce qui détermine la grève sous sa formation définitive, dépend de nombreuses conditions. Mais, en règle générale, il est incontestable que chaque grève économique contient des éléments de lutte politique.
Il en était de même auparavant aussi, mais c’est particulièrement vrai en ce moment, où nous nous trouvons au dernier stade du capitalisme, le capitalisme monopoliste, où nous pouvons constater l’interpénétration évidente de l’appareil syndical réformiste dans l’Etat bourgeois, où dans de nombreux pays règne la réaction fasciste. C’est dans cette situation précisément que les acteurs politiques de chaque grève économique apparaissent avec une clarté particulière. Je pense que nous pouvons adopter comme règle, que dans les conditions sociales spécifiques actuelles, dans les conditions du capitalisme monopoliste, dans les conditions de l’interpénétration de la bureaucratie syndicale dans l’Etat bourgeois, dans les conditions de la réaction fasciste, toute grève économique est une lutte politique.
L’insurrection est un art. La guerre civile est un art encore plus grand. La direction des grèves, en particulier lorsque des dizaines et des centaines de milliers d’ouvriers sont entraînés dans la lutte, est également un art. L’expérience et la théorie marxiste ont élaboré les formes et les méthodes de direction de l’insurrection armée par le parti du prolétariat. Par contre, la question de la direction des grèves n’est pas encore étudiée. L’étude de ce domaine de la stratégie et de la tactique prolétariennes acquiert cependant une importance énorme à l’étape actuelle de la lutte. L’art de mettre en mouvement les masses est un art difficile et compliqué, mais nous devons le connaître, en nous attachant à l’étude de la riche expérience des batailles de classes du prolétariat.
Quel est le point le plus faible, le plus vulnérable de tout parti ?
Ce n’est pas une activité insuffisante des masses, ce n’est pas que les partis vont trop rapidement de l’avant et que les masses restent en arrière, mais c’est le contraire, c’est que les partis retardent sur les masses. Nous constatons dans les masses un élan formidable, tandis que notre parti souffre d’une capacité d’adaptation et de manoeuvre insuffisantes dans les mouvements de masses. Dans les conditions actuelles, où des dizaines et des centaines de milliers d’ouvriers participent aux batailles de classes, le problème de la direction de ces batailles et un des problèmes les plus importants. Or, ici nous pouvons appliquer non seulement les principes établis par Marx et Lénine pour la direction des insurrections, mais nous pouvons et devons mettre à profit ce qui constitue les principes élémentaires de la science militaire. Ce n’est nullement par hasard que Lénine a minutieusement étudié les écrits de quelques spécialistes militaires, ceux de Klausevitz en particulier.
Les conseils que donna Lénine à la veille d’octobre 1917, ses célèbres « conseils d’un absent » ne furent pas seulement des conseils, bien qu’ils vinssent « d’un absent » mais c’étaient aussi des directives. En cinq paragraphes, Lénine y exposa, conformément à la théorie de Marx, comment le parti devait se comporter lors de l’insurrection :
1. Ne jamais jouer avec l’insurrection et lorsqu’on la commence être bien pénétré de l’idée qu’il faut la mener au bout.
2. Rassembler à l’endroit et au moment décisifs des forces de beaucoup supérieures à celles de l’ennemi, sinon ce dernier, mieux préparé et mieux organisé, anéantira les insurgés.
3. L’insurrection, une fois commencée, il faut agir avec le maximum de vigueur et engager, coûte que coûte, l’offensive. « La défensive est la mort de l’insurrection.
4. Il faut s’efforcer de prendre l’ennemi au dépourvu, de profiter du moment où ses troupes sont dispersées.
5. Il faut s’efforcer de remporter chaque jour des succès, même peut considérables (on peut dire même « chaque heure » s’il s’agit d’une seule ville) et conserver à tout prix la « supériorité morale ».
Ces conseils, comme chacun d’entre vous s’en rend compte, peuvent être appliqués en majeure partie à la direction des grèves économiques. Ces célèbres « conseils » sont devenus le patrimoine du bolchévisme mondial et je n’ai pas besoin de les expliquer.
Je prendrai quatre principes fondamentaux qui ont été établis il y a cent ans par Klauzevitz, le plus grand stratège militaire. Je vais les lire et vous direz vous-mêmes s’ils sont applicables ou non lors de la direction des batailles économiques. Voici ces quatre principes :
« Le premier principe et le principal qu’il faut se poser … est de tendre toutes les forces dont on peut disposer, jusqu’à l’extrême limite. Tout relâchement des efforts éloigne le but qu’on se propose d’atteindre. Même si le succès était assez probable, il ne serait nullement raisonnable de ne pas faire le maximum d’efforts pour le rendre tout à fait assuré : car de pareils efforts ne peuvent jamais avoir de conséquences défavorables ».
Deuxième principe : « Concentrer le plus de force que l’on peut à l’endroit où doivent se porter les coups décisifs ; consentir même à des insuccès aux endroits secondaires, afin d’assurer le succès sur le point essentiel ».
Troisième principe : « Ne pas perdre de temps … la rapidité étouffe dans l’œuf des centaines de mesures de l’ennemi et penche l’opinion publique en notre faveur ».
Enfin, le quatrième principe : « Utiliser chaque succès remporté avec le maximum d’énergie ».
(Retraduit du russe – La rédaction)
Nous connaissons peu et nous tenons peu compte de notre propre expérience des grèves et nous utilisons encore moins pour la lutte gréviste l’expérience de la science militaire. Cependant, il convient de recommander à tout le parti de le faire.
Comment étudions-nous l’expérience de la lutte de classes, comment examinons-nous les conflits gigantesques qui eurent lieu ces dernières années ? Prenez la grève générale en Angleterre, la grève des 17 semaines des mineurs : on y a consacré deux ou trois brochures à peine et quelques dizaines d’articles. Prenez le conflit de la Ruhr, vous ne trouverez pas de livres sérieux consacré à cette question. Prenez le mouvement de grève de ces derniers mois en France, vous trouverez quelques résolutions très précieuses, mais aucun écrit sérieux qui étudie pas à pas, jour par jour, ce qui a été fait, comment cela s’est fait, ce qu’il y avait de positif et de négatif, etc. Prenez le mouvement de grève particulier en Chine ou bien la grève gigantesque, vraiment historique des ouvriers du textile de Bombay. Nous passons en quelque sorte à côté de ces conflits gigantesques sans nous rendre compte que dans le moment actuel chaque bataille économique sérieuse avec la participation de centaines de milliers d’ouvriers a une importance non moins grande que la célèbre bataille de Sadova, la bataille de Moukden, ou celle de la Marne en 1914, ou bien encore celle de la Vistule en 1920. La participation de quelques millions d’ouvriers à la grève générale anglaise constitue pourtant un conflit gigantesque, un événement politique considérable ! La bourgeoisie a étudié pendant des siècles ses guerres. La science militaire bourgeoise étudie encore toujours les guerres puniques et la façon dont Alexandre de Macédoine, Jules César ont conduit les guerres. La moindre collision militaire de l’antiquité, du moyen-âge, la moindre campagne de Napoléon, sa plus petite manœuvre stratégique et tactique sont étudiées dans des dizaines et des centaines d’écoles. On écrit sur ces thèmes des centaines de tomes, tandis que nous consacrons quelques proclamations, quelques articles seulement à nos batailles de masses sur lesquelles nous devons instruire la classe ouvrière de tous les pays.
Nous sommes vraiment horriblement en retard dans l’étude de notre expérience qui est une expérience très riche. Il est vrai que les batailles économiques et politiques de la classe ouvrière sont plus récentes que les guerres. Les grèves ont commencé en même temps que la révolution industrielle. Mais nous ne possédons pas une seule étude exacte d’une grève de la période actuelle. Le fait que nous ne consacrons pas des dizaines de livres, des dizaines d’études aux grandes grèves économiques et politiques, qui doivent servir à l’éducation de toute une génération de dirigeants, constitue une des lacunes les plus grandes des différents partis, de l’I.C. et de l’I.S.R. Nous ne pouvons créer une véritable organisation de dirigeants s’ils ne savent pas comment il faut et comment il ne faut pas mener les grèves, en quoi ont consisté les erreurs de nos partis et de nos camarades de la direction, comment on aurait dû agir. Nous nous sommes occupés tout à fait sérieusement de cette question cette année à l’I.C. et à l’I.S.R. Mais j’affirme que le bilan de l’expérience que nous avons faite en ce qui concerne les grèves de Lodz, de la Ruhr, des grèves françaises, tchécoslovaques, etc. n’a pas franchi les limites du pays pour lequel nous avons écrit. Je demande aux camarades allemands ici présents : Y a-t-il beaucoup d’entre vous qui connaissent les décisions du P.C.F., de la C.G.T.U. au sujet du mouvement de grève, etc ? Je demande aux camarades français : Y en a-t-il beaucoup parmi vous qui connaissent les événements de la Ruhr et de Lodz ? On pourrait ainsi prendre un pays après l’autre et nous constaterions ce fait regrettable que l’expérience internationale dont le bilan été établi jusqu’à un certain degré dans l’I.C. et dans l’I.S.R. n’est guère connu dans l’Internationale. De nombreux camarades ne veulent encore rien savoir d‘une étude sérieuse sur ces questions. J’estime que c’est là un point faible et je recommande de prendre en exemple la bourgeoisie, dont les savants publient des dizaines et des centaines de tomes sur chaque conflit international, sur chaque guerre.
Quels types de grèves pouvons-nous distinguer sur la base de notre expérience ?
Les grèves sont des types suivants :
1) Spontanées ; 2) Organisées : 3) Offensives ; 4) Défensives ; 5) De solidarité ; 6) De nature alternante ; 7) Locales ; 8) Régionales ; 9) Par branche d’industrie ; 10) Générales ; 11) Internationales ; 12) Economiques ; 13) Purement politiques. Tels sont les types variés de grèves que nous avons. C’est à cette diversité de types que nous avons affaire et les partis communistes doivent y jouer un rôle décisif déterminé. Or, vous savez que jouer un rôle décisif sans avoir un tableau assez exact de mouvement, c’est chose assez difficile !
Peut-on fixer certaines règles générales de direction pour tous les types et genres de grèves ? Peut-on fixer certaines règles susceptibles d’être appliquées également partout, malgré la diversité des conditions politiques, malgré les différents niveaux de développement du mouvement, les conditions particulières du pays, etc.
Si nous voulons que l’Etat-Major, la direction de la grève, soit, indépendamment des proportions de la grève, à la hauteur de la situation et satisfasse aux exigences de l’I.C., il faut que cet Etat-Major, étant à la tête du mouvement de grève, se guide sur les règles suivantes :
1) Choisir le moment opportun pour porter le coup ;
2) Choisir le point le plus faible de l’adversaire et porter le coup au maillon le plus faible de la chaîne ;
3) Prendre l’initiative et savoir la conserver ;
4) Frapper le pont le plus faible de l’adversaire (Klauzevitz) ;
5) Prévoir les actions possibles de l’adversaire et paralyser les plus dangereuses d’entre elles ;
6) Rendre inoffensives, par tous les moyens, les organisations des briseurs de grève ;
7) Savoir employer les mouvements tournants et les mouvements concentriques ;
8) Tenir compte des limites de la pression sur l’adversaire et de sa résistance ;
9) Ne pas aller trop loin, ne pas se laisser entraîner par le succès et savoir cesser la grève à temps ;
10) Après une grève victorieuse, ne pas se laisser aller à la tentation, ne pas se laisser provoquer et savoir au moment opportun recommencer la lutte ;
11) En cas de nécessité, savoir battre en retraite en temps voulu ; savoir accepter un armistice sans perdre la tête ;
12) Ne jamais oublier que tout accord avec la bourgeoisie n’est qu’un armistice et qu’il faut toujours préparer les nouvelles offensives : « Un traité est un moyen pour rassembler les forces » (Lénine).
13) Ne jamais organiser de référendum après que la grève aura été déclarée, pour savoir s’il faut ou non poursuivre la lutte ;
14) Ne mener aucun pourparler dans les coulisses avec les patrons, mais faire tout ouvertement, en tenant au courant tous les intéressés ;
15) Organiser une information détaillée sur le cours de la grève, afin de paralyser l’activité de la presse bourgeoise ;
16) Organiser la liaison entre les grévistes des différentes régions afin de maintenir toute l’armée en lutte dans une tension constante ;
17) Faire participer aux grèves non seulement les ouvriers, mais aussi les femmes d’ouvriers, pour lutter contre les briseurs de grève ;
18) Immédiatement après le déclenchement de la grève, fermer tous les cabarets qui sont d’habitude les centres d’action des briseurs de grève ;
19) Éveiller la sympathie des travailleurs et des ouvriers de toutes catégories envers les grévistes ;
20) Envoyer d’une région dans une autre ou d’un pays dans un autre, les enfants des grévistes ;
21) Organiser des détachements spéciaux pour lutter contre les jaunes et les mercenaires à la solde du patronat ;
22) Lors des grandes grèves, entreprendre de l’agitation dans l’armée pour prévenir l’intervention possible des troupes ;
23) Organiser des groupes spéciaux pour empêcher la sortie des marchandises des entreprises et l’introduction de matières premières ;
24) Désorganiser les rangs et en particulier l’arrière de l’adversaire (conclure des accords isolées avec certains patrons, porter le premier coup au président du syndicat patronal, etc.)
J’ai tiré ces règles de l’expérience du mouvement de grèves, de l’expérience de la lutte politique de notre parti et, enfin, de l’expérience accumulée par la science militaire. Personnellement, je pense que ces règles sont tout à fait justes. Naturellement, il est difficile de créer des règles pour tous les pays, pour tous les stades de la lutte, etc. Mais on pourrait dire exactement aussi qu’on ne peut créer en général une science militaire, tandis qu’elle existe cependant. La stratégie et la tactique militaires sont pourtant des disciplines scientifiques des plus sérieuses auxquelles on consacre beaucoup de travail et d’efforts.
Une question se pose involontairement : pourquoi dans nos partis, dans l’I.C. et l’I.S.R. n’avons-nous pas pu, jusqu’à présent, résumer l’expérience que nous avons accumulée dans le domaine de la lutte gréviste ? Nous ne travaillons pourtant pas dans le vide, nous possédons une expérience énorme et pas une journée, pas une heure ne se passent sans nous apporter de nouvelles grèves, de nouvelles actions des ouvriers, les formes de ces actions étant les plus variées. Parfois, dans une petite grève de quelques centaines d’ouvriers, on peut trouver en ce qui concerne l’action directe des masses, les méthodes d’action sur le patronat, etc, un matériel énorme et si intéressant qu’on le chercherait vainement même dans les grands conflits. Et nous n’étudions pas cela, nous nous maintenons dans nos frontières nationales d’une façon inadmissible, et souvent même nous n’étudions pas les grèves qui se déroulent dans notre propre pays. Ceci est vrai pour les 9/10 de presque tous nos partis.
Sur la question des grèves, comme l’on sait, nous avons des divergences de principe avec les réformistes. En quoi consiste la ligne réformiste, essentielle en ce moment ? La grève, disent-ils, revient trop cher à l’économie nationale et c’est pourquoi il faut en finir avec les grèves. Toute la philosophie du réformisme international se réduit à cette brève formule : les grèves reviennent trop cher. C’est juste que les grèves sont chères. Je puis vous signaler un professeur américain, le professeur Hiller, de l’université de Chicago, qui a écrit tout un livre intitulé La grève.
Ce professeur dit : « Naturellement, la grève est une chose qui revient très cher, mais c’est précisément parce qu’elle coûte cher qu’elle est effective dans une certaine mesure ». Je pense que l’on peut rejeter les mots « dans une certaine mesure » et alors l’affirmation de ce professeur bourgeois sera juste. C’est précisément parce que la grève coûte cher qu’elle est effective. Nous abordons le mouvement de grève non pas au point de vue de ce qu’il coûtera au patron, ou pour ainsi dire, à l’économie nationale, ce n’est pas cela qui est prépondérant pour les partis communistes. Nous laissons aux réformistes le soin d’envisager sous cet angle les problèmes de la lutte gréviste. C’est précisément parce que la grève est chère et qu’elle porte un coup sensible à l’économie nationale du patronat, que nous l’employons comme un instrument de lutte efficace. Il s’ensuit, camarades, que nos partis doivent agir dans ce sens sur la base de l’expérience considérable qui a été accumulée, ce qui n’a pas été fait jusqu’à maintenant, comme vous le savez. A ce sujet, il existe encore chez nous beaucoup d’improvisation, beaucoup de spontanéité, beaucoup de bavardage sur les grèves. C’est naturellement un progrès en comparaison du passé. Cependant, les règles les plus élémentaires même dans la conduite des grèves sont encore très peu suivies par nous.
La direction indépendante de la lutte économique signifie la reconstruction générale de tout notre travail. Ce n’est pas par hasard que ceci coïncide avec la tactique « classe contre classe » appliquée dans les élections parlementaires. Certains pensaient, en France, par exemple, surtout dans la première période de la discussion, que « classe contre classe » n’était qu’une tactique parlementaire. Quelque chose de semblable eut lieu aussi en Angleterre. On y observa une résistance considérable à la nouvelle tactique. D’autre part, il y eut également des camarades qui pensaient que notre nouvelle ligne dans le domaine de la direction des batailles économiques était une question purement syndicale, n’était qu’une tactique à suivre dans les batailles économiques et sans liaison avec l’orientation générale. Mais en réalité, elle est étroitement liée à toute l’accentuation de la lutte contre la social-démocratie, à l’accentuation de la lutte pour la conduite des masses. C’est sous cet angle que fut précisément soulevé le problème de la création d’organes spéciaux pour la direction des grèves.
Quoique cela ait été mal interprété dans certains pays, nous n’en avons pas moins, pendant l’année écoulée, effectué un travail énorme, si l’on envisage l’I.C., l’I.S.R. et toutes leurs sections ensemble. Les résultats de ce travail ne sont pas les mêmes, naturellement, dans tous les pays. Ce qui, dans certains pays, constitue une étape passée, dans d’autres ne fait que commencer. En Allemagne, par exemple, la question de « forcer les bonzes à agir » est absolument terminée, tandis qu’en Autriche elle subsiste encore. Ce qui est déjà achevé pour l’Allemagne et d’autres pays, devra être l’objet d’un travail sérieux dans différents pays non européens. Toute une série de mots d’ordre que nous avons rejetés, ont été repris maintenant par les trotskistes, les progressistes et les socialistes, comme vous le verrez plus loin. En un mot, il s’est produit une énorme différenciation politique. Elle n’a pas encore pénétré très étroitement dans certains pays, tous les membres de l’Internationale communiste n’en ont pas encore pris conscience. Un travail formidable reste à faire sous ce rapport, parce que le niveau des partis n’est pas le même, de même que leur développement politique.
On pourrait nous objecter que l’expression « grèves générales pour la conduite des grèves » sent un peu la philosophie, tandis que la grève n’est pas de la philosophie, mais de l’action. Naturellement, la grève est de l’action et non de la philosophie. Mais, camarades, les règles générales dont nous parlons n’ont pas été imaginées, elles sont tirées de la vie pratique même.
Comment l’I.C. et l’I.S.R. ont-elles traité cette question durant les dix-huit mois écoulés ? Nous avons étudié minutieusement chaque grève séparément. Prenons la grève de Lodz. Des dizaines de réunions ont été consacrées dans l’I.C. et l’I.S.R. à l’étude de la marche de cette grève, aux conditions dans lesquelles elle s’est déroulée, à l’analyse des côtés faibles et forts de son organisation. L’expérience des grèves a été résumée dans différentes décisions. Prenons les grèves en France. Nous avons également consacré à cette question de longues discussions, très spéciales et très détaillées, et l’expérience positive et négative des grèves a été fixée dans plusieurs résolutions. Nous avons envisagé ensuite la grève de la Ruhr, différentes grèves en Tchécoslovaquie, etc.
Durant cette année, nous n’avons pas seulement étudié l’expérience des grèves, nous avons pris sur nous l’initiative de convoquer une conférence spéciale internationale pour l’étude de l’expérience de la lutte gréviste. L’histoire du mouvement ouvrier ne connaît pas de précédent pareil et j’affirme que la conférence de Strasbourg nous a donné la quintessence de toute notre expérience dans ce domaine. Naturellement, les résolutions de la conférence de Strasbourg seront certainement complétées par la vie, mais le principal c’est d’avoir fait de sérieux efforts pour poser toutes les questions de la lutte gréviste et en utiliser toute l’expérience. Je pense qu’il faut persister dans ce sens, qu’il faut poursuivre le travail et faire en sorte que les décisions de l’I.C. et de l’I.S.R., sur chaque grève soient le patrimoine de toute l’Internationale communiste. Dans plusieurs pays, il existe des écoles du parti, etc. Étudie-t-on dans ces écoles du parti l’expérience des grèves ? Je l’ignore, mais ce que je sais c’est justement l’inverse. Je vous demande, comment peut-on créer des cadres qui doivent diriger la lutte s’ils n’étudient pas tous les côtés positifs et négatifs de notre expérience ?
En quoi se caractérise la phase actuelle des grèves économique ? Le trait le plus caractéristique des conflits actuels qui se déroulent sous nos yeux c’est l’augmentation de la sensibilité politique des larges masses ouvrières. Comparez ce que nous pouvions observer, il y a deux ans, avec ce que nous voyons maintenant. En ce moment, de nombreuses grèves et actions se déroulent sur ces questions qui, deux ans auparavant, n’auraient pas touché les ouvriers. Or, que signifie l’augmentation de la sensibilité politique des masses ouvrières ? Ceux qui, parmi nous, ont étudié la révolution, les luttes révolutionnaires en Europe centrale etc. – et chacun de nous l’a fait – savent que la particularité typique de la veille d’une situation révolutionnaire c’est l’énorme sensibilité politique des masses, l’excitation des masses qui réagissent profondément à chaque fait – même petit en apparence. Or, si nous observons les grèves diverses qui se déroulent actuellement en France, dans quelque coin de la Grèce, de la Pologne, aux Etats-Unis, en Amérique du Sud, au Japon, en Chine, nous verrons que les ouvriers réagissent politiquement à un degré extrême à toute action des patrons et des réformistes qui, il y a un an encore, n’aurait suscité aucune réaction de leur part. C’est l’indice d’une situation révolutionnaire qui approche. C’est le trait le plus caractéristique de la poussée dans laquelle nous nous trouvons. Nous ne parlons plus de la poussée à venir. Nous nous trouvons en plein milieu de la poussée. Seules les taupes aveugles de Contre le courant ne voient pas cela. Ils disent que la poussée devra avoir lieu, qu’ils « ne perdent pas l’espoir » à ce sujet. Mais le fait est que cette poussée se déroule sous nos yeux. Nous sommes au milieu de cette poussée, et différents faits isolés, quoique insignifiants en apparence, témoignent de l’acuité de cette poussée. Je citerai seulement deux ou trois exemples des dernières informations télégraphiques qui nous sont parvenues : la grève de deux mille ouvriers des tramways à la Nouvelle-Orléans s’accompagne d’assassinats, elle se distingue par l’activité élevée non seulement des ouvriers, mais aussi de leurs familles, ce qui n’avait jamais été le cas des dernières années aux Etats-Unis. Les femmes des ouvriers se couchent en travers des rails et ne laissent pas passer les tramways. La même chose s’est produite à Rouen. Ou encore, par exemple, la grève à Gastonia avec des blessés, des tués, etc.
En Grèce, lors d’une grève économique, on présente des revendications qui paraissent purement économiques. Mais soudain on en arrive à des collisions sanglantes. Il y a une grande quantité de tués et de blessés. Ceci se produit également dans différents coins d’Europe et du monde entier. La particularité des grèves de la période actuelle, c’est que même dans les pays de démocratie elles commencent par une demande d’augmentation de quelques centimes et se terminent par des fusillades, des tués et un grand acharnement des deux côtés.
Que témoignent ces batailles économiques si saturées de facteurs politiques ? Elles témoignent de l’approche d’énormes batailles révolutionnaires, elles sont la preuve que nous sommes à la veille d’une situation révolutionnaire dans bon nombre de pays capitalistes.
Mais, camarades, c’est précisément parce que les batailles économiques se transforment d’emblée, à peine commencées, en collisions politiques avec les autorités fascistes, avec les appareils syndicaux, que le problème de la liaison étroite des batailles économiques avec les batailles politiques, les problèmes de la transformation de ces batailles économiques en batailles politiques est la tâche pratique du jour. Nous savons que tout cela est l’indice d’un mécontentement politique au sein des grandes masses.
Prenez par exemple l’Italie, où les ouvriers sont sous le régime fasciste, et il en est de même dans différents autres pays. Cet enchevêtrement existe objectivement dans chaque grève, mais le degré de « politisation » de chaque grève dépend du facteur subjectif, dépend de la mesure dans laquelle le parti communiste saura donner à chaque grève un caractère politique et en faire un tremplin pour développer un mouvement politique plus vaste et d’un niveau plus élevé.
En son temps, sur la question de l’enchevêtrement des batailles politiques et économiques, Lénine répudia énergiquement ceux qui préconisaient la théorie du « mal résultant de la confusion des mouvements économiques et politiques ».
Ceci se passait en 1912. Les bolchéviks soulevèrent alors le problème de la liaison entre la lutte économique et politique, de la transformation de chaque grève en une lutte politique contre l’autocratie, etc. Or, l’un des liquidateurs les plus en vue de l’époque, Jejov, écrivit dans les lignes du Nivsky Golos qu’il y avait grand dommage à mêler la lutte économique avec la lutte politique et que « ce serait une erreur irréparable si les grèves économiques s’enchevêtraient avec les actions politiques des ouvriers ». Lénine répondit à cela :
« Il faut transformer chaque phase en son opposé pour obtenir la vérité. Il est faux que l’enchevêtrement serait une erreur. C’est justement l’inverse. Les ouvriers commettraient une erreur irréparable s’ils ne comprenaient pas toute la particularité, toute la portée, toute la nécessité, toute l’importance de principe de cet « enchevêtrement ». Il est faux, enfin, qu’un pareil enchevêtrement « aurait une répercussion nuisible » sur les deux formes d’action. C’est précisément le contraire. Il a une répercussion favorable sur les deux. Il les renforce toutes deux » (Lénine, tome XII, première partie, p. 162 du texte russe).
Ceci est formulé avec toute la clarté qui était le propre de Lénine, avec toute la netteté et le bon sens que vous connaissez et qui était un de ses traits principaux.
Il faut mettre en garde tous les partis pour qu’ils ne pensent pas que cet enchevêtrement s’effectue automatiquement. Il a lieu souvent indépendamment de la volonté du parti et parfois les ouvriers qui mènent une action pour les revendications les plus élémentaires, se heurtent à l’appareil de l’Etat. Il faut que le parti ou les syndicats révolutionnaires se mettent à la tête du mouvement des ouvriers dans toutes les questions, même les plus simples et les plus petites. Cet enchevêtrement est la base de notre tactique. Mais ce n’est pas si simple et si facile que de provoquer cet enchevêtrement. On ne peut pas, par exemple, lancer la revendication suivante : « Donnez 5 pfennigs d’augmentation et à bas le gouvernement bourgeois ». Non, il faut toute une série de revendications successives pour que les ouvriers en arrivent à cette revendication politique. C’est là un des problèmes les plus compliqués et celui que nous devons résoudre.
Pour enchevêtrer les grèves économiques et politiques, il faut un facteur subjectif, une orientation politique juste de la part de nos partis communistes, il faut être capable de saisir la nature de chaque grève, en savoir tirer ce qu’elle a de plus important, voir dans quel sens se meuvent les masses, sentir les battements du pouls de la lutte et comprendre comment il faut et comment l’on peut mettre en mouvement les masses ouvrières contre le système capitaliste, contre l’Etat bourgeois, contre les syndicats réformistes, etc.
Ce sont autant de choses qui peuvent paraître élémentaires et je serais le premier à me réjouir si tout cela devenait vraiment quelque chose d’élémentaire pour toutes les sections de l’I.C. Mais en quoi consiste notre faiblesse ? Elle consiste dans le fait que ce qui, pour nous, est élémentaire, est loin de l’être pour nos cadres et encore moins pour tous les membres des partis communistes. Voilà pourquoi il faut s’attacher particulièrement au problème de la transformation des batailles économiques en batailles politiques, de l’enchevêtrement de ces batailles, de leur « politisation », au problème du passage des formes primaires de la lutte à des formes plus élevées. Ce problème doit être compris exactement non seulement par la direction, mais aussi par toute la masse communiste dans son ensemble.
Quelles furent les difficultés que rencontra notre parti allemand, par exemple, lors du passage à l’application de la nouvelle tactique ? La tactique juste, les mots d’ordre justes, la ligne juste qu’indiqua le C.C. dans la question des élections aux comités d’usines et pendant la grève de la Ruhr, se heurtèrent à la résistance considérable des cadres de la base qui, dans leur majeure partie, avaient conservé des tendances trade-unionistes et nettement opportunistes dans chaque cellule. Le C.C. du P.C.A. dut à nouveau conquérir le parti lors de l’adoption de la nouvelle tactique ; il dut à nouveau conquérir chaque cellule. Il est vrai, ceci avait une grande portée car il s’agissait d’élever le parti à un niveau supérieur. Mais tout cela fut un obstacle à l’application d’une politique juste.
Mais ce qui a déjà été fait en Allemagne est encore loin d’avoir été réalisé dans de nombreux pays. Cela manque encore dans une dizaine de nos partis.
Qu’est-il advenu en Allemagne ? En Allemagne, le parti est venu à bout de l’aile droite opportuniste, le parti l’a rejeté de ses rangs et à présent les droitiers forment un petit groupe peu dangereux. En Tchécoslovaquie, le parti est beaucoup plus faible et, étant donné l’existence de syndicats indépendants, le groupe opportuniste qui s’est concentré dans la direction des syndicats, maintient certaines positions d’organisations. En France, le parti est beaucoup plus fort qu’en Tchécoslovaquie et l’aile opportuniste qui y existe est en minorité dans les syndicats unitaires. Le parti, dans son ensemble, est plus fort, et de concert avec la meilleure partie de la C.G.T.U., il offre une telle résistance à la droite que celle-ci reste en minorité dans les syndicats. Cependant, les camarades français ne doivent pas oublier un seul instant qu’au sein de la C.G.T.U. il existe une aile droite organiquement constituée qui est excessivement dangereuse au point de vue politique. Grâce aux traditions historiques existant en France, cette aile droite a un cachet anarcho-réformiste. Il y existe un mélange spécial d’anarchisme traditionnel et de réformisme moderne. Cette aile qui s’est constituée nettement nuit au développement de la C.G.T.U., aussi faut-il la combattre énergiquement.
Naturellement, la méthode à employer contre l’aile droite dans les syndicats français, où des droitiers se trouvent à la tête de plusieurs fédérations, ne doit pas être la même qu’en Allemagne. En France, les droitiers sont à la tête de quatre fédérations, c’est pourquoi les méthodes et la tactique à employer dans l’offensive contre la droite doivent être tout autres. Avant tout, il faut conserver derrière soi tous les ouvriers, tous les ouvriers de ces fédérations ; ensuite, sur la base d’une vaste campagne de masses, il faut isoler les sphères dirigeantes des ouvriers, après quoi les ouvriers eux-mêmes tireront les conséquences d’organisation qui s’imposent.
La lutte autour de la nouvelle tactique est passée de l’Allemagne en Tchécoslovaquie, en France et aux Etats-Unis d’Amérique. Qu’est-ce, en somme, en Amérique, que le pepperisme ou le lovestonisme ? C’est l’expression de l’aide droite sur le sol américain. La théorie de l’exceptionnalisme (la théorie de la position exceptionnelle de l’Amérique) est l’expression de l’opportunisme à l’échelle américaine.
L’aile droite au sein de l’I.C. et de l’I.S.R. est un phénomène international. L’Allemagne n’a pas seule le bonheur de posséder un groupe Brandler-Walcher. Ces Brandler et Walcher existent en petit nombre dans tous les pays. Il en résulte que la lutte contre l’aile droite est un problème sérieux pour toute l’I.C.
Mais comment la droite agit-elle contre notre tactique, quels arguments nous oppose-t-elle et qu’oppose-t-elle à notre ligne, ligne qui s’est justifiée dans les batailles ? Je lirai quelques passages, sans les commenter d’ailleurs, pour montrer que la droite a une toute autre ligne que l’I.C., qu’elle sent le social-démocratisme et qu’elle n’a rien de commun avec nous. Voici les thèses que proposent les opportunistes les plus savants, les plus conséquents de Contre le courant :
1) La nouvelle tactique détruit l’influence des communistes dans les syndicats et dans les autres organisations de masses. La nouvelle tactique liquide : premièrement, notre influence dans les syndicats ; deuxièmement, les principes léninistes de notre tactique dans les syndicats.
Si notre parti liquidait son influence, celle de Brandler et de Walcher ne pourrait que s’accroître. Mais cela n’a pas lieu et ainsi on ne comprend rien à leur théorie.
2) La nouvelle tactique approfondit l’abîme creusé entre les ouvriers organisés et inorganisés par la bureaucratie syndicale réformiste, du fait qu’elle monte à l’assaut des syndicats avec les inorganisés, qu’au sein des syndicats on ne fait rien et que tout travail dans les cadres des syndicats devient impossible (Comparer l’article : « Du super-Maslow » consacré au discours du camarade Staline à la séance du Praesidium du C.E. et de l’I.C. dans Contre le courant, n° 2, 1929).
3) L’I.C. et l’I.S.R. désirent scinder immédiatement les syndicats.
4) Il est faux d’affirmer que la « gompérisation » et la fascisation des syndicats entraînent le parti à une « tactique criminelle » de destruction des syndicats libres.
Notre lutte acharnée contre toute la bande de briseurs de grève de la bureaucratie syndicale est, d’après la droite, « une tactique de destruction des syndicats libres ». C’est là toute la philosophie des Brandler et Thalheimer.
5) En créant des comités de lutte, l’opposition révolutionnaire s’oppose aux syndicats, à la majorité des ouvriers organisés et, par cela même, fait échouer la lutte. Une direction indépendante des batailles économiques, qui n’a pas l’influence sur la majorité des organisés est du pur « charlatanisme ».
6) La lutte contre les exclusions, comme le fait Niederkirchner, est un crime, une « provocation » et aboutit à la destruction de l’opposition révolutionnaire.
Donc si l’on exclut tout un syndicat, viens faire amende honorable et dis en te frappant la poitrine : «Je ne le ferai plus » ; autrement, capitule. Si tu ne capitules pas, c’est de la « provocation », c’est « de la destruction des syndicats ».
7) La nouvelle tactique a été imposée à l’opposition syndicale sans discussion préalable pour en reconnaître la justesse.
8) Le parti ne se propose plus de gagner la majorité de la classe ouvrière. Renoncer à cette tâche et rien de plus, voilà le sens « des bavardages officiels sur l’importance des inorganisés ».
9) La théorie du soi-disant « social-fascisme » n’est rien d’autre qu’une théorie de renoncement à la conquête des ouvriers ayant encore un état d’esprit réformiste.
Je vous propose de porter une attention particulière à ce chef-d’œuvre. Nous disons qu’il se produit une fascisation de la bureaucratie syndicale réformiste, que le fascisme absorbe l’appareil réformiste, tandis que la droite affirme que cela équivaut pour les communistes à renoncer à gagner les ouvriers ayant encore un état d’esprit réformiste.
Enfin, voici la dernière découverte non moins géniale que les précédentes :
10) Tant que les ouvriers révolutionnaires sont détournés de leurs obligations syndicales par le jeu des comités de lutte, les réformistes jouissent d’une entière liberté, ils se sentent exempts de toute pression des masses, puisque les ouvriers communistes n’ont pas le droit de « contraindre les bonzes ».
Voyez-vous, nous nous occupons de « jouer aux comités de lutte ». Les bureaucrates sont tout à fait libres et heureux, personne n’oblige les bonzes à faire quelque chose et c’est ainsi que les communistes sont exclus du mouvement syndical. Voici tout ce que trouve à dire l’organe de la droite, Contre le courant.
Mais alors, on se demande : comment cette philosophie s’accorde-t-elle avec tout ce qui se passe ? L’influence du P.C.A. est-elle réellement en régression, s’est-il lui-même détruit, démasqué, ne progresse-t-il pas, ou au contraire régresse-t-il ? Si tout cela est conforme à la vérité, pourquoi donc ces véritables « léninistes » et « marxistes » etc., comme ils s’intitulent, ne progressent-ils pas ?
Or, les faits témoignent du contraire. L’application de la nouvelle tactique en Allemagne a montré que le parti s’accroit rapidement, qu’il gagne de nouvelle ouches d’ouvriers, de nouvelles entreprises et que ce qui se passe actuellement en Allemagne est le symptôme le plus caractéristique de la situation révolutionnaire imminente.
A-t-on jamais écouté les communistes comme maintenant dans les entreprises ? Une série de faits témoignent déjà que les ouvriers social-démocrates, les ouvriers des syndicats réformistes, envoient souvent demander des orateurs au parti communiste. Dans de nombreuses usines, où l’on n’écoutait pas auparavant les communistes, où on les chassait, on vient maintenant les chercher. Que signifie ce fait ? Que notre parti perd son influence, peut-être ? Non, cela signifie le contraire ! Voici pourquoi tous les bavardages sur le fait que le P.C.A. perd son influence, qu’il renonce à gagner la majorité de la classe ouvrière, etc., tous ces bavardages ne valent pas un liard.
Mais vous vous demanderez s’il y a un intérêt particulier à analyser les polémiques actuelles des droitiers ; les droitiers sont maintenant coupés de nous, quel but y a-t-il à nous occuper d’eux ? Si tous nos partis « étaient au niveau du parti allemand en ce qui concerne la différenciation idéologique et la lutte contre la droite, on pourrait ne pas s’occuper de tout cela. Mais, camarades, dans nombres de nos partis, cette question n’est pas encore arrivée aux masses de la base.
Ensuite, fait tout à fait important, au sein de nos partis il y a des groupes qui défendent ces points de vue, ce sont les groupes de conciliateurs. En voulez-vous des preuves ? Les voici. Dans la déclaration officielle du groupe des conciliateurs au dernier congrès du P.C.A., nous trouvons ce qui suit (je ne cite que quelques expressions) : « Le parti se trouve en état de crise ». Qu’exigent-ils ? Ils exigent « que l’on rompe avec la politique erronée de masses de la direction extrémiste », ils prétendent que « la direction du parti s’écarte de la stratégie léniniste motivée et visant à gagner les ouvriers organisés et inorganisés », ils disent que « la politique du parti au sein des syndicats, sa façon de traiter la question des inorganisés met sans dessus dessous cette stratégie et signifie par conséquent, la rupture avec une thèse tactique importante du léninisme ». Les conciliateurs exigent que le parti signe sans réserve les « déclarations » (Reverse) dirigées contre le P.C. et l’I.C. Ils prétendent que renoncer à signer ces déclarations et à capituler signifie « le manque de capacité bolchéviste de manœuvres ». Ils sont contre la nouvelle tactique aux élections des comités d’usines. Ils trouvent que cette tactique est « erronée sous tous les rapports », ils accusent le parti d’une souplesse insuffisante, parce que le parti refuse d’envoyer des délégations aux directions réformistes. Enfin, ils affirment que « sur la question syndicale il règne une grande confusion dans le parti ». La nouvelle tactique, disent-ils, correspond à « l’idéologie petite-bourgeoise », de là leur revendication de « rétablir la tactique syndicale léniniste ». Voilà tout ce que l’on peut tirer de cette déclaration des conciliateurs.
En quoi consiste la « tactique léniniste des conciliateurs ? Si l’on développe la formule des conciliateurs, on obtient à la lettre ce qui a été dit dans Contre le courant. Sous ce rapport, l’exemple italien est très instructif.
Il y a encre certains camarades qui ne peuvent nullement définir ce qu’est exactement Serra : est-il un « conciliateur », est-il un droitier ? Or, voici ce que Serra écrit :
« La formule « s’affranchir du légalisme syndical » et dangereuse, parce que le problème consiste non seulement à nous affranchir du légalisme, mais aussi à inciter les masses à se solidariser avec nous sous ce rapport ».
Naturellement, le problème ne consiste pas seulement en ce que nous nous affranchissons du légalisme, mais en ce que les masses s’affranchissent du légalisme syndical. Mais pourquoi cette formule est-elle dangereuse et où en est le danger ? Nous voulons que nos partis s’affranchissent du légalisme, et nous voulons également affranchir les masses de ce légalisme. Qu’y a-t-il de dangereux ? C’est la simple transcription en italien de ce que dit Contre le courant.
Ensuite :
« Nous sommes tout à fait intéressés à assurer la participation des organisations syndicales au mouvement et à faire assumer aussi des responsabilités à la direction syndicale ».
Voilà comment Serra se représente la lutte économique. Mais les brandlériens ne parlent-ils pas de délégations à envoyer aux leaders des syndicats ? Serra a dit :
Nous sommes intéressés à ce qu’ils agissent, nous sommes intéressés à ce qu’ils soient responsables ».
Mais Serra n’est pas intéressé à mobiliser les masses et à conduire ces masses ; encore avant la lutte, il pense à ceux qui seront responsables de la lutte. Il craint la responsabilité du parti, il craint même d’assurer la direction indépendante. Il craint de poser au parti le problème de la direction indépendante de la lutte économique. Dire que Serra est un « conciliateur », c’est une exagération manifeste qui ne repose sur aucune base. Serra est un droitier typique. Si certains camarades italiens ont encore des doutes à ce sujet, il me semble que ces doutes ne sont que des survivances du passé, et qu’ils reposent sur cette illusion que le camarade Serra pourra se corriger si l’on se comporte bien avec lui. Or, vous savez, en politique, lorsqu’une action sérieuse se déclenche contre toute la ligne, il est nécessaire d’intervenir de la façon la plus rigoureuse, car on prévient ainsi des déviations. Lénine a maintes fois déclaré et l’expérience l’a confirmé, que, pour mettre fin aux hésitations des autres, il faut cesser d’hésiter soi-même. Cette règle, établie par Lénine, est applicable à toute la lutte des partis communistes contre n’importe quelle déviation.
La dernière question dans cette série sur laquelle je voulais attirer votre attention, est le rôle joué par les trotskistes, actuellement, à l’égard de cette nouvelle tactique. C’est une chose très curieuse. Les trotskistes qui interviennent dans le domaine de la politique pure de façon très « radicale », comme les plus gauches qui existent au monde, se trouvent, quand il s’agit de la lutte pratique et concrète parmi les masses, dans un front unique sur toute la ligne avec la droite. Comment la « gauche » allemande s’est-elle placée vis-à-vis de la nouvelle tactique ? Elle se prononça catégoriquement et nettement contre et accusa le parti d’aventurisme. Comment a-t-elle agi dans la question des élections aux comités d’usines ? De concert avec la droite, contre le parti. Comment est-elle intervenue sur la question du Premier Mai ? Avec la droite, contre le parti. Les « gauches » allemands forment un petit groupe de sectaires, insignifiant, dans le genre d’une secte religieuse russe quelconque. Ils restent sur place et répètent toujours la même chose. Mais là où les trotskistes ont tant soit peu d’influence, leur tactique est alors beaucoup plus nette.
En Belgique, les trotskistes avaient de l’influence dans le syndicat des travailleurs de l’enseignement… Savez-vous ce qu’ils ont fait ? Ils ont mené une campagne pour que le syndicat belge des instituteurs quitte l’Internationale des travailleurs de l’enseignement, qui suivent le point de vue de classe, et pour qu’il adhère à l’Internationale d’Amsterdam. Tels sont les « gauches » trotskistes dans leur tactique syndicale !
Et que font les trotskistes en Amérique. Que font Cannon et autres avec leur organe « Le militant » ? Ils se dressent très violemment contre le parti, ils se dressent contre les décisions du IVe Congrès de l’I.S.R. et du VIe congrès de l’I.C. qui parlent de l’accentuation de la lutte contre la social-démocratie, ils se prononcent en faveur du bloc avec les soi-disant progressistes et, au lieu d’obliger la Fédération américaine à organiser les inorganisés, ils se prononcent en faveur du mot d’ordre : « Forcer les bonzes à agir », mot d’ordre que le parti communiste a rejeté il y a un an et demi sous la pression de l’I.C. et de l’I.S.R.
Tels sont les trotskistes sur l’arène internationale. En même temps, dans le dernier numéro de Die Fahne des Kommunismus, Trotski lui-même écrivait un long article contre Brandler et Thalheimer. Trotski est mécontent de leur politique de droite, mais les trotskistes font la même politique que Brandler et Thalheimer. Quelle heureuse division du travail. Le théoricien et le leader prononce des phrases « de gauche » mais ses disciples agissent en droitiers. En plus de ses phrases de « gauche », Trotski fait encore ceci, : il écrit une lettre à Souvarine et essaie de le persuader de renoncer à certains de ses points de vue pour qu’ils puissent « travailler ensuite ensemble ». Et tout cela s’appelle « tactique de gauche » et critique « de gauche » et l’I.C. et de l’I.S.R.
Ainsi, camarades, comme vous le voyez, tous ceux qui ont quitté l’I.C. et l’I.S.R., tous les scissionnistes ont constitué un front unique sans fissure contre la nouvelle ligne, contre l’I.C. et l’I.S.R. Tous interviennent sous des présentations différentes, avec des arguments différents. Mais la nature de toutes les interventions est celle-ci : n’accentuez pas la lutte contre la social-démocratie, ne présentez pas des listes indépendantes aux élections à l’encontre des bureaucrates syndicaux, ne renoncez pas au mot d’ordre « Faites pression sur les bonzés », ne créez pas de nouveaux syndicats en Amérique, entrez à l’Internationale d’Amsterdam et non pas l’Internationale de classe des travailleurs de l’enseignement, basée sur le point de vue de classe.
Autour de quoi tourne le conflit avec tous ces groupes ? Le conflit existe avec eux et dans nos propres rangs sur la question de méthodes à employer pour conquérir les masses. Sous des étiquettes variées, sous des masques politiques divers, les éléments droitiers, centristes, conciliateurs, trotskistes et divers contestent la justesse de la ligne de l’I.C. et de l’I.S.R., la justesse des nouvelles méthodes que nous avons déterminées dans l’intérêt d’une pénétration plus rapide et plus radicale des masses. Les groupements de droite réagissent particulièrement là où nous soulignons avec toute la fermeté, toute la netteté bolchévique qu’il s’agit pour nous de gagner les masses syndiquées et non pas l’appareil syndical. Il y eut au VIe congrès de l’I.S.R. des hésitations sur cette question. Ces hésitations sont en liaison avec tous les groupes de droite et des conciliateurs. Quelle est la nature des hésitations ? Un conciliateur, Frenzel, a formulé de la façon la plus frappante ce point de vue au IVe congrès de l’I.S.R. :
« Opposer l’appareil aux masses comme il ressort des paroles du camarade Lozovski, c’est rendre impossible une orientation concrète et pratique vers la conquête des fonctions syndicales, c’est rendre impossible pour nos camarades travailleurs dans le mouvement syndical une lutte positive en vue de s’emparer des fonctions dans les syndicats ».
On doit donc en déduire que la tâche consiste à s’emparer des fonctions dans les syndicats. Ceci veut dire que nous luttons non pas pour les masses, mais pour les postes. Récemment, Valcher a aussi tenté de formuler son point de vue sur cette question :
« Lozovski dit que la différence entre la « droite » et l’I.C. consiste en ce que la droite s’efforce de s’emparer de l’appareil syndical, « tandis que par la conquête des syndicats « nous » avons toujours compris la conquête des masses syndiquées ». Il faut faire observer à ce sujet que notre conviction est qu’il est impossible de gagner les masses syndiquées, si l’on ne se propose pas de gagner l’appareil syndical.
On pourrait croire que la discussion ne tourne pas autour d’une question très importante. Néanmoins, c’est le fond, c’est la question centrale autour de laquelle se déroule la lutte contre les droitiers. En effet : nous nous donnons pour but – dit Walcher – de gagner l’appareil. Mais l’appareil syndical, comme l’on sait, est composé de fonctionnaires syndicaux élus, de fonctionnaires nommés, de caisses, de maisons, etc. Lorsque dans un syndicat quelconque nous avons rejeté les social-démocrates de leurs positions et que nous nous sommes emparés de l’organisation syndicale locale, est-ce que nous avons conquis l’appareil ? Nullement ! Nous avons chassé les anciens bureaucrates de l’appareil et nous avons gagné à nous les masses de ce syndicat. S’il est vrai, ce qui est généralement reconnu maintenant, que l’appareil syndical fusionne avec l’Etat bourgeois, comment peut-on conquérir l’appareil syndical réformiste ? Pourquoi alors ne pas conquérir pacifiquement l’Etat bourgeois par une collaboration pacifique ? Jusqu’à présent, nous pensions qu’il est impossible de conquérir l’Etat bourgeois, c’est ce que Lénine nous a enseigné. Si dans toutes les résolutions nous soulignons que l’appareil syndical fusionne et a déjà fusionné avec l’Etat bourgeois, il en résulte, par conséquent, que l’on ne peut pas gagner l’appareil syndical. Si, dans la lutte pour gagner les masses, nous chassons les fonctionnaires syndicaux, est-ce que cela sera gagner l’appareil ? Ceux qui espèrent transformer les fonctionnaires social-démocrates, amener à nos côtés les gens de l’appareil syndical, sont perdus sans espoir de retour.
La tentative du camarade Smolianski, dans le Bolchévik, d’établir sur cette question une différence entre la conquête de l’appareil syndical fascisé et la conquête de l’appareil de l’Etat bourgeois, est, à mon avis, fausse. Elle est fausse parce que le camarade Smolianski oublie que nous avons écrit maintes fois avec lui et ce que l’I.C. a déclaré maintes fois. Il oublie que le fusionnement de l’appareil syndical avec l’Etat bourgeois a transformé cet appareil syndical en un organe auxiliaire de l’appareil d’Etat. Pensez-vous donc qu’il soit possible de gagner des organes auxiliaires de l’Etat bourgeois ? Apparemment, non, et sur cette question le camarade Smolianski fait preuve d’une grande confusion qui est à même de l’égarer.
Dans la question de notre travail dans les syndicats, il existe deux méthodes, deux façons d’envisager cette question. Dans discussion que nous avons menée immédiatement après le IVe congrès de l’I.S.R., au sein de l’I.S.R., avec différentes camarades, y compris le camarade Yaglom, j’affirmais que Lénine, qui a beaucoup écrit sur la nécessité d’œuvrer dans les syndicats réactionnaires ignobles, canailles, n’a jamais ni nulle part dit que nous devions y travailler afin de gagner l’appareil syndical. J’ai demandé qu’on me montre quelque chose d’analogue chez Lénine, mais naturellement cela n’existe pas et personne n’a pu me le signaler. Lénine a parlé de la conquête des masses syndiquées, quelle que soit l’organisation où elles se trouvent, que ce soient les syndicats catholiques, de Hirsch-Duncker, ou autres. Mais jamais il n’a posé la question de la conquête de l’appareil syndical et jamais il n’a pu la poser. Dans l’opposition qui existe entre le mode d’ordre « conquête de l’appareil syndical » s’exprime la différence fondamentale de deux directions politiques qui se distinguent profondément par leurs principes et par leurs natures : le bolchévisme et le réformisme qui a pénétré dans l’I.C.
Le XIIe congrès du P.C. allemand a adopté sur cette question un point de vue tout à fait juste, tout à fait déterminé et clair. Ce n’est pas l’effet du hasard si le congrès du P.C.A. a dû poser d’une façon très aiguë cette question dans sa lutte contre la droite. Le congrès a lutté contre un point de vue nettement opportuniste et a porté un coup à tous les droitiers en Allemagne, et en temps opportun à mon avis. Il y avait sur cette question tant de confusion au sein du parti allemand qu’il était temps d’y mettre un terme.
Une des questions les plus aiguës qui ait soulevé de nombreux débats et de nombreuses discussions au sein de l’I.C., et provoqué les attaques violentes de tous les renégats de l’I.S.R., c’est la question des nouveaux syndicats. Je veux m’arrêter sur l’expérience des nouveaux syndicats pour examiner d’une façon absolument objective ce qui, dans ce domaine, a été obtenu de positif et de négatif. Vous vous souvenez, camarades, qu’au IXe Exécutif du C.E. de l’I.C., une lutte acharnée se déroula autour de cette question. La délégation américaine (la majorité et la minorité furent un certain temps unanimes sur cette question) estimait que l’aile gauche devait mener son action principale au sein de la Fédération américaine du travail. Lovestone formula ainsi cette tâche. Il disait que le « courant principal » du mouvement ouvrier américain est la Fédération américaine du travail. Vous vous souvenez qu’au IXe Exécutif du C.E. de l’I.C. et au IV congrès de l’I.S.R., nous nous sommes catégoriquement prononcés contre cette théorie. Nous nous sommes prononcés en faveur des nouveaux syndicats en Amérique, parce qu’on compte dans ce pays plus de 90 % d’ouvriers inorganisés. En outre, les ouvriers inorganisés se trouvent dans les branches les plus importantes de l’industrie.
Il faut renoncer à cette idée banale qu’on rencontre fréquemment, notamment à cette idée que créer un nouveau syndicat revient à suivre la ligne de la moindre résistance. Non, camarades, la création de nouveaux syndicats, l’expérience l’a démontré d’ailleurs en Amérique et en Angleterre, est une chose très sérieuse et difficile au plus haut point. C’est bien loin d’être la ligne de la moindre résistance.
Les camarades américains pourraient nous raconter beaucoup de choses sur ce que signifie la création d’un syndicat, et mieux encore, sur ce qu’il faut faire pour essayer de l’animer, de lui insuffler la vie. Nous avons maintenant aux Etats-Unis trois syndicats : celui des mineurs, qui compte environ 6 à 7.000 adhérents, celui des ouvriers des transports, avec 5 à 6.00 adhérents, et celui de l’habillement avec 12 à 14.000 membres. Ce sont sans contredit de petits syndicats. Mais la particularité de la situation consiste en ce qu’il n’y a pas une seule grève, pas un seul conflit aux Etats-Unis sans que ces petits syndicats y participent ou les dirigent. Pourquoi ? Parce que la Fédération américaine du travail et les syndicats y adhérant mènent résolument leur action de concert avec le patronat. Fréquemment, de connivence avec les patrons, ils embauchent des briseurs de grèves, ils prennent littéralement à leur solde des assassins, ils envoient des provocateurs, etc. Chaque grève aux Etats-Unis se transforme en une lutte acharnée avec un grand nombre de victimes, de tués, etc., comme cela eut lieu à Gastonia.
En Amérique, nos syndicats sont encore extrêmement faibles. Ils sont faibles idéologiquement et dans le domaine de l’organisation. Ces syndicats furent crééés dans les conditins d’une lutte fracitonnelle acharnée. Chaque fractin voulait créer ses syndicats. Lovestone et ses partisans voulaient que ce soeint des syndicats lovestoniens et non pas d’autres. Je pense que les camarades Minor et Browder confirmeront cela. On poursuivit cette lutte entre fractions au sein des nouveaux syndicats pour les postes dirigeants, au lieu de pénétrer dans les masses et les gagner au syndicat. Des dizaines de milliers d’ouvriers sont déjà entrés dans les nouveaux syndicats, mais au pont de vue de l’idéologie et de l’organisation ils sont extrêmement faibles. Malgré toutes leurs faiblesses, ces petits syndicat sont dès à présent en Amérique un sérieux facteur dans les batailles économiques en cours. Pourquoi ? Parce que notre parti communiste agit par leur intermédiaire et, que, par ce moyen, malgré les faiblesses du parti (et ces faiblesses sont très nombreuses), celui-ci pénètre dans les masses. Le parti s’accroît, les syndicats se développent, ils attirent dans leurs rangs de nouveaux ouvriers, etc. et dans ces conditions les petits syndicats jouent un grand rôle politique. Voilà pourquoi lorsque nous parlons de nouveaux syndicats aux Etats-Unis, lorsque nous établissons le bilan de l’expérience des nouveaux syndicats, nous devons déclarer : au point de vue de l’idéologie et de l’organisation, les syndicats sont faibles, mais néanmoins, durant la dernière année, ils se sont justifiés non pas dans la proportion de 100% mais dans la proportion de 200 %.
Nous avons dû maintes fois signaler des erreurs que nos camarades des Etats-Unis ont commises, particulièrement dans le Sud. Il me faut en parler maintenant. N’est-il pas caractéristique que jusqu’à présent nos camarades n’ont pas pu liquider dans leurs propres rangs, au sein du parti, le chauvinisme de la race blanche ? Nous avons là-bas des communistes qui se comportent envers les nègres à la façon des leaders de la Fédération américaine du travail. C’est un fait. Aussi j’affirme que tant que nous n’aurons pas liquidé ce chauvinisme au sein du parti, nous n’aurons pas aux Etats-Unis, un véritable parti bolchévik.
Que se passa-t-il dans le Sud lors des grèves ? Nos camarades se heurtèrent au fait que les ouvriers blancs ne voulaient pas adhérer aux mêmes syndicats que les ouvriers noirs. Que proposèrent alors certains de nos camarades ? De créer un syndicat à part pour les ouvriers blancs et un autre pour les ouvriers noirs. Je vous demande : Est-il juste que nous communistes, qui prenons l’initiative de former de nouveaux syndicats, formions des syndicats séparés pour les noirs et pour les blancs ?
[Piatnitski : Ils ont déjà fait des progrès. Maintenant, dans les réunions, ils se séparent seulement des nègres par une corde.]
Il faut que vous sachiez que le chef du syndicat du textile, Weisbord, prenant la parole dans une réunion et désirant démontrer que les nègres doivent être dans un même syndicat que le blancs, déclara aux blancs que le fait d’être dans un même syndicat avec les noirs ne signifie pas encore manger dans le même restaurant qu’eux, habiter dans le même hôtel qu’eux et voyager dans le même tramway qu’eux. Il faut envoyer au diable de pareils « communistes ». Point de place pour de pareilles gens dans nos rangs. Si un communiste dirigeant d’un syndicat révolutionnaire craint de prendre la parole à une assemble d’ouvriers contre le chauvinisme des blancs, parce que les ouvriers blancs imbus de ces préjugés accueilleraient avec hostilité une telle déclaration, ce n’est pas un communiste mais une mazette, c’est un élément étranger qu’il faut chasser de nos rangs ». (Applaudissements)
Le chauvinisme blanc est un grand mal pour l’Amérique. Ce n’est pas une bagatelle pour le mouvement américain et pour l’I.C. que d’avoir dans nos rangs des communistes contaminés du chauvinisme des blancs. Excusez-moi, mais un parti qui ne chasse pas les chauvins blancs de ses rangs doit être sérieusement vérifié et remanier de la base au sommet. Il y avait dans le parti américain des cellules entières qui déclaraient ne pas vouloir prendre de nègres dans leurs rangs. Ces cellules ont-elles été dissoutes ? Nullement ! Les camarades américains étaient accaparés par leur lutte fractionnelle. Maintenant, ils en auront sans doute le temps.
Malgré tous ces défauts, malgré l’existence dans nos rangs du chauvinisme blanc, cette survivance ignoble de l’ancienne « culture », malgré tous les défauts, nos syndicats créent au parti l’énorme possibilité de se développer et de gagner de nouvelles couches d’ouvriers. Le parti a dirigé tant bien que mal, la grève de Gastonia, mais il l’a dirigée, le parti intervient insuffisamment pendant les grèves, mais il intervient, il devient un facteur sérieux dans les luttes économiques du prolétariat américain. Il mène une action insuffisante parmi les ouvriers des usines d’automobiles, néanmoins il mène cette action. Il faut persister dans cette ligne et je suis convaincu que l’expérience ultérieure confirmera l’exactitude de la voie indiquée par le IXe Exécutif de l’I.C. et le IVe Congrès de l’I.S.R. Si nous gardions encore des doutes sur l’efficacité de notre nouvelle tactique lorsque nous entrâmes en lice avec elle, en Amérique, maintenant, par contre, l’activité des trotskistes et des progressistes du parti américain contre notre ligne nous fournit la preuve que nous avions absolument raison.
Nous avons également l’expérience de deux nouveaux syndicats en Angleterre : celui des mineurs écossais et celui des ouvriers de la couture. Qu’advint-il au sujet du syndicat des mineurs écossais ? Nous avons discuté ici, dans l’I.C., avec les camarades anglais ; nous leur avons dit : Il est temps pour vous de créer un syndicat en Ecosse parce que vous avez obtenu la majorité dans toutes les élections, et que les bureaucrates syndicaux sabotent la volonté nettement exprimée de la majorité et restent à leurs postes. Vous avez obtenu la majorité et vous êtes tenus d’agir et non pas de vous inspirer en l’occurrence de « l’unité à tout prix ». Cependant nos camarades anglais ont procédé à la formation d’un nouveau syndicat avec du retard, seulement après que le syndicat eut perdu les deux tiers de ses membres. La perte de ces membres fut le résultat de notre passivité et de notre recul devant la bureaucratie syndicale. Lorsque le syndicat eut perdu les deux tiers de ses membres, lorsqu’il faut très anémié, c’est seulement alors que le parti se mit à créer un nouveau syndicat. Le syndicat fut créé et il se trouve dans une situation difficile. Tout l’appareil d’Etat, les propriétaires des mines, le Conseil général des Trade-Unions, la Fédération des mineurs font pression sur ce syndicat. Les « gauches »(Cook ; Dodge et autres) sont aussi contre lui. Il n’est pas facile de résister à un pareil front unique. Il faut des efforts considérables pour progresser. C’est sur cette base que peut se former un état d’esprit défaitiste, il se forme aussi, et il faut tout mettre en œuvre pour venir à bout de cette état d’esprit.
Prenons le syndicat de l’habillement à Londres. Que s’y passait-il ? Comment prit-il naissance ? Quelques centaines d’ouvriers de l’habillement se mirent en grève et la firent triompher malgré la volonté de la direction centrale des syndicats de l’habillement. Que fait alors la direction centrale ? Elle exclut le dirigeant de la grève qui est lui-même le principal organisateur de la direction de Londres. Alors le syndicat de Londres se transforme en syndicat indépendant et ses dirigeants commencent à penser que du moment qu’ils ont formé un syndicat, les choses iront bien. Mais ce qu’ils n’avaient pas prévu, c’est que l’ancien syndicat commença, d’accord avec les patrons, à les provoquer, à s’efforcer de faire échouer les grèves, etc. Voilà le syndicat qui doit résister à des attaques concentriques. Dans une grève, le nouveau syndicat essuya une défaite et certains perdirent tout espoir, toute énergie. Ces camarades pensaient probablement qu’en créant un nouveau syndicat, celui-ci deviendrait fort d’emblée. Permettez, camarades, ne connaissez-vous pas l’histoire du mouvement ouvrier ? Ne savez-vous pas que les syndicats ont essuyé des dizaines de défaites ? Est-ce que ce sont de sérieux dirigeants, ceux qui, après quelques défaites, perdent tout courage et présence d’esprit ? Non, de pareils dirigeants ne résisteront pas dans la lutte, lorsqu’ils auront contre eux le front unique puissant du patronat, de l’Etat et des syndicats réformistes.
Le parti anglais a beaucoup fait pour soutenir ce syndicat, mais pas tout ce qui eût été nécessaire. Il aurait fallu beaucoup plus d’efforts. Si l’on nous bat dans ces deux syndicats, les ouvriers n’auront plus confiance en nous, ils ne croiront plus que les communistes sont capables de diriger une organisation. Et alors même que nous serons contraints de nous mettre à la tête d’un nouveau syndicat, les ouvriers diront : les communistes ne savent pas diriger les syndicats, ils l’ont prouvé dans le syndicat écossais des mineurs et dans le syndicat de l’habillement.
Pour le parti anglais, le renforcement de ces syndicats est une question de principe. Si ces syndicats sont détruits, le parti communiste prouvera qu’il est trop faible, qu’il est incapable de diriger. Tout ce qui été fait jusqu’à présent et ce qui est fait encore maintenant est insuffisant. Ces deux syndicats, malgré leur faiblesse méritent tout appui.
Mais il faut qu’en même temps, les camarades ne se fassent pas d’illusions. Ceux qui pensent que les nouveaux syndicats peuvent progresser sans défaites dans la lutte contre le patronat, contre l’appareil réformiste, contre un puissant front unique, ceux-là comprennent peu les difficultés que rencontrent les nouveaux syndicats. Le syndicat de l’habillement a essuyé une défaite pendant la grève, le syndicat se heurte à des difficultés énormes dont les camarades anglais parleront mieux que moi. Alors, je demande : Que doivent faire nos camarades ? Capituler ou défendre le nouveau syndicat ? L’I.C. est contre la capitulation. Peut-être le syndicat subira-t-il encore une défaite lorsqu’il luttera de nouveau. Mais qui est-ce qui prétend que nous allons en ligne droite vers la victoire ? Jamais l’I.C. ni le bolchévisme n’ont prétendu que nous triompherons sans aucune défaite. Toujours nous disons exactement le contraire ; que nous nous éduquons dans la défaite, qu’il y aura encore des défaites, mais que la victoire définitive nous appartient. Voilà ce que doit savoir chaque bolchévik, voilà ce que doit savoir chaque dirigeant d’un syndicat révolutionnaire.
A présent, il est de bon ton dans toute la presse opportuniste de m’insulter, parce que je veux scinder les syndicats. Lozovski veut partout créer de nouveaux syndicats, disent les droitiers. Lozovski veut chasser tous les syndicats et créer ses propres boutiques, reprennent les conciliateurs. Et Serra écrit :
« Le discours de Staline au Présidium du C.E. de l’I.C., la déclaration du délégué du P.C. allemand, les documents de l’I.C. prouvent que la question est résolue en principe ; on dit que l’on ne discute plus avec Lozovski que sur le choix du moment favorable ».
C’est un membre du Présidium de l’I.C. qui écrit cela. « On dit « ! Qui est-ce qui le dit ? Où le dit-on ? Est-ce que ce sont les vieilles femmes sur le marché ? Telle est la ligne de « principe »de Serra qui accuse de politique de scission tout le monde, Staline, l’I.C. et Lozovski, moi en premier lieu. Voulez-vous savoir comment les conciliateurs allemands, répétant les accusations lancées par la droite, accusent l’I.C. de réaliser une tactique de scission. Voici ce qu’ils écrivent :
« Une grande confusion règne dans le parti sur la question des syndicats. Si cette confusion continue à l’avenir, si cette tactique imprécise se poursuit, l’apparition d’organisations parallèles n’est qu’une question de temps ».
Ces camarades pensent, en général, que l’apparition d’organisations parallèles est toujours une catastrophe, quelles que soient les conditions. Ils ne discutent pas avec nous pour savoir qu’elles peuvent être ces conditions, ils discutent en principe. Nous avons là un modèle du plus pur fétichisme d’organisation. Ils estiment que les syndicats réformistes nous ont été donnés par Dieu et qu’ils doivent exister de toute éternité, qu’il ne peut et ne doit y avoir aucune lutte contre les syndicats réformistes, que notre tâche est d’exécuter sans mot dire les directives de la bureaucratie syndicale réformiste. Je dois déclarer que tous ces bavardages sur mon désir de scinder tous les syndicats est une absurdité. Nous avons discuté au sein de l’I.C. non pas pour savoir s’il faut scinder les syndicats ou non, mais pour savoir ce qu’il faut faire dans telle ou telle situation concrète. Nous n’avons jamais discuté pour savoir s’il est admissible, en principe, de créer des syndicats parallèles. Entre nous, on ne discute pas sur ce thème. Ce sont les droitiers et les conciliateurs qui ont discuté avec nous. Cela veut dire que tout ce qu’il y avait de bolchéviste chez nous auparavant s’est évanoui. Le problème des nouveaux syndicats se résoud d’après les conditions de lieu et de temps et non pas «en général ». Si les droitiers et les conciliateurs poussent les hauts cris à propos d’une ligne de scission, c’est parce qu’ils veulent cacher par là leur tactique de capitulards. Ceux qui sont partisans de l’unité à tout prix et dans toutes les conditions doivent déclarer d’avance qu’ils se soumettent sans réserve à la bureaucratie syndicale réformiste. C’est à ce prix seulement que l’on peut conserver l’unité des syndicats, mais ce sera une unité sur la base de la collaboration de classe, une unité sur la base d’un renoncement total des communistes à leurs idées. Cette tactique de capitulation équivaudrait à la trahison et c’est pourquoi elle s’oppose brutalement à toute l’orientation de l’I.C.
Du fait que la fascination de la social-démocratie et de l’appareil réformiste s’effectue maintenant à un rythme plus rapide, les tentatives de pousser à l’illégalité les organisations révolutionnaires de masses, y compris le parti communiste, deviendront de plus en plus fréquentes. Nous devons envisager l’apparition de syndicats illégaux non pas du point de vue de savoir s’il en était autrement (laissons cela aux spécialistes qui prédisent : l’avenir sur le marc de café), mais nous devons aborder la question de savoir ce que font nos syndicats illégaux et si l’on peut faire plus dans la situation concrète donnée.
Si nous examinons le groupe des pays à mouvement syndical illégal, nous devrons reconnaître que les partis communistes qui ont créé et conservé les syndicats illégaux, ont agi justement et qu’ils avaient politiquement raison.
Mais si les partis communistes des pays de la terreur blanche et du fascisme avaient raison de conserver ces syndicats, cela ne signifie pas que ceux-ci travaillent bien. Ce sont deux choses bien distinctes. Tout d’abord le maintien des syndicats illégaux n’a de sens et d’importance que si ces petits syndicats illégaux (les grandes organisations de masses ne peuvent en général subsister dans les conditions illégales) comprennent au moins une partite partie d’ouvriers n’appartenant pas au parti communiste. C’est seulement dans ces conditions que les syndicats illégaux justifient leur existence. Il ne nous faut pas un double du parti. Si nous construisons le syndicat seulement comme une cellule de parti et si nous appelons groupe syndical cette cellule du parti, ce ne sera qu’un jeu parce que le but du syndicat est d’influencer certaines couches des ouvriers sans parti qui marchent à côté de nous, et ce but ne serait pas atteint. Par conséquent, la tâche essentielle du maintien du syndicat dans les conditions de l’illégalité consiste à le construire de telle façon qu’il groupe certaines couches d’ouvriers sympathisants au parti qui peuvent être entraînés au moyen du syndicat à réaliser les tâches du parti.
De quelle façon peut-on sortir des cadres étroits où se trouvent ces syndicats ? En prenant la tête des batailles économiques. J’ai l’impression que sous ce rapport, les choses ne sont nullement satisfaisantes dans différents pays à mouvement syndical illégal. Je tiens à vous rappeler ce que Lénine disait au sujet du parti illégal et de son rôle dans les batailles de masses :
« Deux ou trois centaines de militants illégaux – disait Lénine dans une réplique aux liquidateurs – expriment les intérêts et les besoins de millions et de dizaines de millions d’hommes, » en leur disant la vérité sur leur situation sans issue, en leur ouvrant les yeux sur la nécessité de mener une lutte révolutionnaire, en leur inspirant confiance en cette lutte, en leur donnant des mots d’ordre justes, en arrachant ces masses à l’influence des mots d’ordre réformistes profondément mensongers, que la bourgeoisie diffuse largement » (Lénine, tome XII, 1ère partie, page 159 du texte russe).
Vous voyez que Lénine considérait un parti, un faible parti illégal, quelques centaines de communistes, comme une armée sérieuse dans la lutte des classes. Or, en Italie, nous comptons des milliers de communistes, dans les autres pays, nous en avons quelques centaines et malgré tout nous constatons que nos partis ont laissé passer l’occasion de nombreuses batailles. Naturellement, ce n’est pas l’effet du hasard, c’est donc une preuve qu’il y a quelque chose qui ne fonctionne pas dans le mécanisme de transmission du centre à la base, aux cellules du parti. Il y a un endroit où nous sommes faibles et tout le parti agit avec insuffisance d’énergie. Or, si les batailles approchent – et les camarades italiens eux-mêmes déclarent qu’ils sont à la veille d’une lutte sérieuse – et si vous ne manifestez pas de l’initiative en temps voulu, vous disparaîtrez dans le mouvement de masses, vous ne le conduirez pas mais vous irez clopin-clopant en queue des événements. J’estime que c’est un danger sérieux en Italie et nous devons rappeler fraternellement ce danger aux camarades italiens et attirer leur attention sur lui. Ce n’est pas une critique malveillante de notre part, c’est ce qu’il est nécessaire de dire à nos camarades, c’est une mise en garde que nous sommes tenus de faire si nous voulons que le parti soit sous les armes lors des événements imminents. N’oublions pas que dans ces pays nos partis communistes devront se mettre à la tête du mouvement des masses dans leur lutte contre la terreur blanche et le fascisme. Or, cela n’est possible que si aucun mouvement ouvrier, même le plus insignifiant, ne passe à côté du parti communiste, si nos partis savent, malgré leur illégalité, conduire ces batailles économiques des ouvriers et pousser la lutte à un niveau supérieur. Dans ces pays, plus que n’importe où, il faut savoir transformer les luttes économiques en luttes politiques, et la condition préliminaire indispensable à la « politisation » des grèves est notamment une direction absolument juste de toutes les luttes économiques de la part des syndicats illégaux.
En corrélation avec ce qui précède, je tiens à souligner la question du travail des communistes dans les syndicats fascistes. Mais pour déterminer ce qu’il faut faire et comment il faut le faire dans les syndicats fascistes, il faut prendre en considération que ceux-ci ne constituent pas un tout homogène. Le fait est qu’il existe différents types de syndicats, des syndicats chinois et des syndicats italiens. Les syndicats italiens sont des organisations de contrainte de l’Etat, dont tous les ouvriers sont considérés comme adhérents et où les cotisations sont prélevées par les directions d’usines. Comme il n’y a pas d’organes électifs, de réunions, pas la moindre démocratie même élémentaire, pas l’élection aux organes dirigeants, mener une action dans les syndicats d’Italie revient à mener une action dans l’entreprise, parce qu’en Italie il n’existe pas du tout de syndicats. Il n’y a que des fonctionnaires de l’Etat. Par conséquent, le travail dans les syndicats fascistes d‘Italie, revient à renforcer le travail dans l’entreprise.
Il en est autrement en Chine. Les syndicats du type kuomintanien peuvent, pour la forme seulement et dans certains cas, être qualifiés de syndicats. Ce ne sont pas toujours des syndicats par contrainte, car l’Etat ne perçoit pas toujours et partout les cotisations des ouvriers. Il y a des syndicats comptant quelques milliers d’ouvriers. Un certain nombre d’ouvriers arriérés qui ne comprennent pas ce que sont exactement les syndicats kuomintaniens, y adhèrent. Le travail dans les syndicats kuomintaniens peut donner certains résultats. Cela ne veut pas dire, naturellement que le parti doit dire aux ouvriers : adhérez aux syndicats du Kuomintang. Non ! Du moment qu’il s’y trouve des ouvriers, le parti doit y mener une action. Cependant, les camarades chinois craignent que les communistes que l’on y envoie ne se désagrègent. Cela ne témoigne pas, naturellement, de la force particulière, de l’homogénéité particulière du parti dans l’organisation et l’idéologie. Nous possédons des renseignements d’après lesquels des communistes qui y a ont été envoyés, ont dégénéré. Que le diable les emporte ! Est-ce que ce sont des communistes ? Il faut néanmoins y envoyer des communistes, parce qu’on y compte de dizaines de milliers d’ouvriers. Il faut, bien entendu, mener pareillement un autre travail pour la consolidation des syndicats illégaux. Mais cela ne signifie pas qu’il faut s’efforcer d’obtenir dans ces syndicats des fonctions rétribuées. En aucun cas. Les éléments dirigeants des syndicats kuomintaniens forment un organe auxiliaire de la terreur blanche, ce sont des agents directs du capitalisme chinois qui ont pour fonction de rechercher les éléments « suspects », de chanter les louanges du régime de la terreur blanche et de mener des pourparlers avec le patronat sur la meilleure façon de faire échouer tout mouvement qui commence. Les communistes n’ont nul besoin de briguer pareilles fonctions, où ils devraient ou bien trahir, ou bien s’exposer à se faire décapiter.
Le problème du mouvement syndical dans les pays où celui-ci est à l’état illégal, pose non seulement le problème des méthodes de direction des luttes économiques, mais aussi de rechercher s’il est possible d’appliquer dans ces pays toutes les règles et décisions qui ont été adoptées par l’I.C. et l’I.S.R. pour la conquête des masses. En particulier, le problème des ouvriers inorganisés joue un rôle énorme, tout naturellement, dans ces pays, puisque dans tous les autres pays il acquiert déjà une importance toute spéciale.
Le problème des inorganisés s’est posé à nous dans toute son acuité, parce que nous avons maintenant de nouvelles conditions entre les ouvriers des usines. La rationalisation attire de nouveaux cadres d’ouvriers. Si nous considérons l’évolution historique des syndicats, nous constaterons que les mieux organisés sont les ouvriers hautement qualifiés et les moins bien organisés sont les ouvriers les moins qualifiés. Etant donné que l’usine rationalisée moderne emploie principalement de la main-d’œuvre non qualifiée, l’importance des ouvriers non qualifiés s’est accrue dans la production. Or, l’importance croissante des ouvriers et ouvrières non qualifiés dans la production signifie dans les grèves une diminution de la combativité des ouvriers vis-à-vis du patronat. Et c’est ce qui augmente l’importance des femmes et jeunes ouvriers sans qualification et, de ce fait, celle des non organisés en grande partie. De là découle l’importance croissante des ouvriers inorganisés.
Peut-on compter sur les ouvriers organisés pendant les luttes ? L’expérience de cette dernière année a montré que l’on peut compter sur les inorganisés pendant les luttes. La grève de la Ruhr et celle de Lodz, les grèves en France et les grèves actuelles aux Etats-Unis et dans d’autres pays montrent que les inorganisés ne sont pas moins combatifs que les ouvriers organisés.
C’est dans cette situation qu’apparaît le camarade Serra, qui est considéré de façon erronée comme un conciliateur, et qui veut, sur cette question, démontrer que la ligne de l’I.C. est inexacte. Il écrit ce qui suit dans son dernier mémorandum à l’I.C. : « En somme, les masses organisées sont plus avancées ». Alors, je demande : De quelles masses s’agit-il ? Par qui furent-elles organisées ? Dans quels syndicats sont-elles organisées ? Peut-on dire que les ouvriers qui se trouvent dans les syndicats réformistes sont plus avancés parce qu’ils se trouvent sous l’influence des bureaucrates syndicaux réformistes ? Cela revient à mettre sens dessus dessous ce que dit l’I.C. Mais lisons la suite, camarades. Serra, qui, par erreur ai-je dit, est considéré comme un conciliateur, déclare : « Tout romantisme démagogique envers les inorganisés » (pourquoi mettre des guillemets ? A.L.) nous fait tomber en enfance, non pas dans la déviation de droite ou celle de gauche, mais tout simplement en enfance ».
Cette crainte des ouvriers inorganisés et cette incompréhension de leur rôle sont une maladie très répandue dans nos rangs.
Sous ce rapport il est très curieux de connaître l’opinion des droitiers de Contre le courant. Ils préconisent une nouvelle théorie, ils disent : Les inorganisés peuvent encore jouer un certain rôle dans les luttes politiques mais en aucun cas dans les luttes économiques. Pourquoi ? Que signifie cette orientation ? Quelle est cette ligne ? Nous pensions jusqu’à’ présent que la grève politique était une forme supérieure de lutte, que l’on aboutit à la grève politique en passant par la grève économique et que la tâche consiste à transformer toute forme simple de la lutte en une forme supérieure. Les assertions de Contre le courant signifient aller contre le bon sens et la logique marxistes. Les droitiers n’ont même pas essayé de prouver pourquoi les inorganisés peuvent jouer un rôle dans les luttes plus compliquées et pourquoi ils ne peuvent jouer aucun rôle dans les luttes élémentaires les moins compliquées. C’est un non-sens, cela est contraire à notre expérience.
Je voudrais citer un petit exemple emprunté à une usine belge à Seraing. Dans cette entreprise, il fut question d’augmenter la journée de travail de 150 heures par année. D’après la loi, l’augmentation de la journée de travail n’est possible que si la majorité des ouvriers y consent par voie d’élection. Or, dans cette entreprise, il y a des ouvriers organisés dans les syndicats réformistes et des ouvriers inorganisés. Les résultats des votes furent les suivants : sur 1.258 ouvriers organisés dans le syndicat réformiste, 493 votèrent en faveur de l’augmentation de la journée de travail et 760 contre ; parmi les inorganisés, 145 votèrent pour et 423 contre. En pourcentage, cela revient à dire que 60 % des ouvriers organisés dans les syndicats réformistes ont voté contre la proposition et 40 % pour ; chez les ouvriers inorganisés, 74 % ont voté contre et 26 % seulement pour. Voici une petite illustration du rôle des ouvriers organisés et inorganisés dans une très simple question de la lutte syndicale. Que veut dire cela ? Cela veut dire que l’appareil syndical réformiste fait pression de tout son poids sur ses ouvriers inorganisés et les entraîne dans la voie réactionnaire et conservatrice, tandis que les ouvriers inorganisés qui viennent maintenant dans les usines dans une proportion croissante, ne sont pas liés avec les traditions réformistes ni avec l’appareil réformiste et viennent plutôt à nous. Il n’y a rien qui ne soit naturel ici, c’est pourquoi toute la théorie sur le « romantisme de l’I.C. à l’égard des ouvriers inorganisés repose sur l’incompréhension complète de ce qui se passe en réalité.
La partie la plus « délicate » et la plus discutable de mon rapport est la question des erreurs et des faiblesses essentielles du travail syndical des partis communistes, des faiblesses et des erreurs de notre tactique pendant les grèves. Cette question est très délicate parce que de nombreux dirigeants de partis ne comprennent pas la critique comme il faudrait la comprendre. Un exemple à condamner dans ce sens, c’est l’intervention de Tom Bell dans les débats généraux, lorsqu’à ma critique des erreurs et des lacunes du parti communiste anglais, il déclara que « Lozovski veut provoquer une crise dans le parti ». Il ajouta encore qu’en général il existe dans l’I.C. une certaine variété de collaborateurs qui sont à l’affût d’une crise et sont très attristés s’ils ne peuvent obtenir cette crise. J’estime qu’une pareille sortie est une chose monstrueuse dans nos rangs et mérite d’être sévèrement condamnée. C’est une tentative de faire entrave à l’autocritique, une tentative de nous terroriser par la menace d’une crise afin que nous cessions l’autocritique saine qui est nécessaire pour le développement normal du mouvement communiste international. Mais comme je connais la susceptibilité exceptionnelle de nos camarades à toutes les critiques, j’ai choisi le moyen suivant : j’ai examiné toute les décisions des congrès et des comités centraux des partis communistes adoptées dans le courant cette année et j’y ai relevé les autocritiques que les différents partis font dans leurs décisions. Ensuite, j’ai recopié les unes après les autres toutes ces observations critiques en évitant, bien entendu, les répétitions. J’ai étudié de la sorte les décisions du congrès allemand, du congrès français, du congrès anglais, du congrès grec, du congrès yougoslave et de différents autres congrès. Mais lorsque j’ai voulu y ajouter encore les observations critiques faites par l’I.C. et l’I.S.R. au sujet de la tactique dans tous les pays, j’obtins une liste si terrible que je fus obligé de la réduire. Mais ce qui en subsiste constitue le bouquet que je propose maintenant à votre attention. Je vous ferai observer d’avance que les principales formules émanent des congrès cités plus haut.
1) Sous-estimation de la radicalisation des masses.
2) Retard sur le mouvement spontané des masses.
3) Sur-estimation des forces de la bureaucratie syndicale.
4) Sous-estimation du rôle du parti.
5) Tendance à maintenir l’unité formelle tout en renonçant à l’activité révolutionnaire.
6) Espoir de gagner les bureaucrates syndicaux social-impérialistes.
7) Sous-estimation du rôle révolutionnaire des inorganisés.
8) Retraite devant chaque offensive réformistes.
9) Sous-estimation du fusionnement de la bureaucratie syndicale avec l’Etat bourgeois.
10) Incompréhension de la portée politique des grèves économiques.
11) Tendance au neutralisme syndical.
12) Absence d’une ligne ferme dans la lutte contre les nouvelles méthodes de répression du mouvement ouvrier.
13) Hésitations entre la ligne révolutionnaire et la ligne réformiste à l’égard de la mobilisation des masses.
14) Indécision devant la déclaration de grèves.
15) Indécision et hésitation systématiques dans la direction de la grève.
16) Attitude par trop anxieuse vis-à-vis du constitutionnalisme et le légalisme dans les moyens de lutte.
17) Le parti n’a pas démasqué assez vigoureusement et longuement Cook et Maxton.
18) Le parti a donné parfois une perspective inexacte : par exemple, la ligne qui prétend que la lutte des masses est impossible tant que les dirigeants actuels contrôlent les syndicats et tant que la direction ne sera pas remplacée par voie syndicale et conformément aux statuts.
19) Les membres du parti n’ont pas fait tout leur possible pour gagner les ouvriers vraiment orientés à gauche au sein des syndicats et ne les ont pas entraînés dans le travail général sur la base du mouvement de la minorité.
20) Ce fut une faute du parti que la lutte entre les communistes et les droitiers apparaît comme une lutte pour les postes.
21) Incapacité d’adapter notre politique et notre activité à l’offensive capitaliste.
22) Il existe un état d’esprit qui tend à renoncer au travail dans les syndicats à cause des difficultés objectives.
23) Tendance à parler de nouveaux syndicats en face des attaques de bureaucrates.
24) Création du front unique sur la base d’un renoncement à la critique réciproque (avec les réformistes – A.L.).
25) Renoncement à la lutte dans l’intérêt de l’unité de l’organisation.
26) Soumission docile à la légalité bourgeoise.
27) Négligence dans le travail syndical de masses.
28) Méthodes bureaucratiques dans le travail des syndicats.
29) Attitude indifférente envers les questions d’actualité.
30) Mots d’ordre généraux au lieu de mots d’ordre d’actualité et concrets.
31) Présenter des revendications sans tenir compte de la situation objective.
32) Diminution des revendications au cours de la lutte par la direction sans discussion préalable dans les masses.
33) Incapacité d’utiliser et de consolider par l’organisation le mouvement de grève.
34) Le comité de grève fit une demande d’arbitrage aux organismes gouvernementaux.
35) Envoi d’une délégation au gouvernement.
36) Nomination de comités de grèves.
37) Refus de créer un comité de grève central.
38) Aucun travail syndical n’a lieu dans les entreprises.
39) Le parti n’a pas dirigé ces dernières années une seule grève dans le principal centre (à Budapest) et se trouve en dehors de la lutte économique.
40) Les revendications du début furent remplacées au bout de quelques jours par d’autres revendications supérieures de 100 % aux précédentes.
41) Avant le commencement de la grève on n’a pas élu un comité de grève.
42) Un comité de grève fut créé pendant la grève, mais le C.C. du parti ne fut pas en liaison avec lui et pour cette raison le comité de grève tomba dans les mains des réformistes.
43) Les communistes ont voté pour la cessation de la grève avec les bureaucrates syndicaux, mais lorsque les masses refusèrent de reprendre le travail, le C.C. donna l’ordre de poursuivre la grève.
44) Front unique au sommet entre les communistes et les fascistes pour les élections aux caisses d’assurance.
45) Les syndicats réformistes continuent à être qualifiés de syndicats de classe.
46) Manque d’attention envers les syndicats indépendants qui se sont détachés des syndicats réformistes et de ce fait perte de notre influence dans ceux-là.
47) Le parti et fréquemment allé à la remorque de la bureaucratie syndicale.
48) Le parti ne s’est pas séparé avec suffisamment de netteté des réformistes dans son travail syndical.
49) Le parti n’a rien fait pour obtenir la direction des luttes économiques.
50) Le parti agit d’après le mot d’ordre « Contraignez les bonzes à lutter ».
51) Renoncement à l’initiative pour diriger les luttes économiques même là où le parti avait une influence importante sur les masses.
52) Le parti a appliqué une politique de capitulation devant les dirigeants social-démocrates.
53) Refus de critiquer la pratique de collaboration des classes dans l’intérêt du front unique au sommet.
54) Lancement du mot d’ordre général « Adhérez aux syndicats » sans lier cette question avec la consolidation de l’opposition révolutionnaire.
55) Crainte de nombreux communistes d’intervenir ouvertement contre la bureaucratie syndicale réformiste.
56) Refus de mener une action dans les syndicats jaunes des pays coloniaux.
57) Etat d’esprit légaliste et liquidateur et refus de créer des syndicats révolutionnaires illégaux dans les pays de terreur blanche.
58) Combinaison de front unique au sommet.
59) Admission de réformistes à la direction de la grève avec les mêmes droits malgré leur influence insignifiante dans les masses.
60) Désolidarisation insuffisante vis-à-vis des réformistes de gauche dans le processus de la lutte.
61) Les conflits entre le travail et le capital sont soumis à des commissions d’arbitrage.
62) Lenteur trop grande à créer des syndicats indépendants là où la situation objective exige que cette initiative soit prise (Etats-Unis, Indes).
63) Incapacité de consolider dans le domaine de l’organisation ce qui a été conquis dans le domaine politique.
64) Abandon volontaire aux réformistes de la direction de la grève.
65) Renonciation à la direction indépendante des luttes économiques.
66) Afin de conserver les comités d’unité, rappel des dirigeants les plus actifs qui s’y trouvent.
67) « Vive la Confédération du Travail (C.R.O.M.) et à bas son Comité central » (Mexique).
68) Sabotage systématique du développement du travail de l’I.S.R.
69) Sabotage politique et d’organisation systématique du nouveau centre syndical révolutionnaire.
70) Participation d’ouvriers aux côtés des patrons à la conférence convoquée par le Président de la République (également au Mexique).
71) Les communistes donnent leur signature à la formule qui vante : « Se comporter avec tout le respect voulu envers les idéologies opposées ».
72) Renoncement aux actions politiques dans l’intérêt du front unique avec les anarchistes.
73) Légalisme syndical et unité à tout prix.
74) Front unique avec les social-fascistes contre d’autres social-fascistes.
75) Incapacité de mobiliser les ouvriers des principales branches de l’industrie pour venir en aide à la partie combattante de la classe ouvrière.
76) Préparation insuffisante des organisations du parti aux luttes économiques.
77) Improvisation au lieu d’une préparation longue et minutieuse.
78) Renonciation à lancer le mot d’ordre à la journée de huit heures.
79) Sabotage évident des grèves pour des raisons fractionnelles.
80) Recrutement des paysans dans les syndicats et tentatives de transformer les syndicats en organisations ouvrières et paysannes (Amérique latine, Mexique).
81) Disposition trop grande à créer toutes sortes de comités qui meurent avant d’avoir commencé à travailler (Amérique latine).
82) Prépondérance des éléments non prolétariens dans la direction des organes syndicaux (Amérique latine).
83) Existence de survivances anarcho-réformistes dans la théorie et la pratique de nos partis communistes (Amérique latine).
84) Appui donné à des pourparlers au sommet pour établir l’unité avec les anarchistes et les réformistes (Argentine).
85) Les revendications des petits fermiers et paysans sont mises au premier plan et les intérêts des ouvriers agricoles sont oubliés.
86) Envoi d’une délégation au gouvernement pour le prier de résoudre le conflit (par exemple en Colombie lors de la grève des ouvriers des plantations de bananes).
87) Incapacité de pousser les grèves dans la voie politique et appréciation d’une grève nettement politique comme étant un « simple conflit économique » (cela a eu lieu en Colombie où notre parti apprécia la grève des ouvriers des plantations de bananes comme étant un simple conflit économique).
88) Les communistes appliquent en fait une politique social-démocrate de gauche (Finlande).
89) La ligne politique est subordonnée à l’unité formelle.
90) Retraite constante devant le chantage et la menace de scission des réformistes (Finlande).
91) On joue de l’appartenance à l’Internationale d’Amsterdam contre le désir de celle-ci.
92) Manifestation de chauvinisme blanc au plus fort de la grève.
93) Incapacité de consolider et de renforcer les nouveaux syndicats, passivité à leur égard, ensuite on reproche leur faiblesse à ces syndicats, parce qu’ils sont nouveaux et non parce qu’on a commis soi-même des erreurs.
94) Sous-estimation du réformisme en tant que moyen du militarisme et de l’impérialisme pour désagréger le mouvement ouvrier dans ces pays.
Si nous analysons cette centaine de points d’autocritique (je n’ai pas cité tous les autres points par esprit d’humanité envers les assistants) et si nous analysons minutieusement cette autocritique, nous constaterons que ce sont des erreurs de droit pour 98 %. D’ailleurs, toutes ces erreurs se réduisent à une seule : au légalisme syndical, à l’incompréhension du degré de radicalisation des masses et à l’incapacité, au sens propre de ce mot, de diriger les batailles des masses.
L’analyse des décisions de tous les congrès montre encore une chose : que nombre de nos partis, et les meilleurs d’entre eux, passent tout simplement à côté de certaines questions essentielles. Par exemple, vous vous souvenez qu’au VIe Congrès de l’I.C., au IVe Congrès de l’I.S.R. on a lancé le mot d’ordre de la journée de 7 heures, ce qui plus est, on l’a lancé comme mot d’ordre de lutte en corrélation avec la rationalisation capitaliste.
A notre regret, nous ne trouvons pas même ce mot d’ordre dans les décisions du congrès du P.C. allemand. C’est une lacune, sans aucun doute. Sur la question de la journée de travail, le congrès du P.C. allemand parle bien dans sa résolution sur la question syndicale de la réduction de la journée de travail. Cependant, il n’est pas question de la journée de 7 heures dans cette résolution, qui est sans conteste l’une des meilleures qui aient été adoptées par les congrès des partis. La journée de 7 heures en tant que mot d’ordre de lutte n’existe pas non plus dans les résolutions des congrès des autres partis. Si elle s’y trouve, ce n’est qu’en passant, de n’est pas comme mot d’ordre central. Cependant, étant donné la rationalisation capitaliste, le problème de la journée de travail de 7 heures doit être mis en avant comme un problème tout à fait indépendant. Il doit être placé au centre de tout notre travail. Nous devons aller dans les masses avec ce mot d’ordre, nous devons les mobiliser sous ce mot d’ordre. De cette façon seulement on pourra rendre populaire ce mot d’ordre, le rendre parfaitement compréhensible aux grandes masses, car nous lions la journée de 7 heures avec la rationalisation capitaliste.
Notre force, c’est que nous critiquons ouvertement toutes ces déviations de droit, toutes nos fautes. Cette autocritique est l’indice de la force de nos partis communistes. Le parti communiste français et la C.G.T.U. en offrent un exemple.
Tout récemment encore, on estimait que le parti n’avait pas le droit de critiquer les erreurs des syndicats. Cela enchaînait le parti, cela enchaînait les syndicats unitaires et cela faisait rentrer le mal, et nous enlevait la possibilité de mettre nos faiblesses en lumière. Maintenant nous avons porté nos faiblesses « au grand jour ». Nous en discutons ouvertement dans la presse, dans les réunions et sous ce rapport, le congrès du P.C.F. a fait un grand pas en avant. Le travail critique qui a été accompli en France par le parti et la C.G.T.U. est une chose toute nouvelle pour la classe ouvrière française. Ce fut une chose toute nouvelle en ce sens qu’elle tint compte objectivement de nos faiblesses, de nos erreurs, de nos difficultés, etc. J’estime que nous devons persister dans cette voie.
J’ai indiqué les erreurs qui ont été commises dans la dernière grève en Bulgarie, grève qui a été conduite par les syndicats indépendants et qui a néanmoins abouti à un certain succès partiel. Qui a fait la critique énergique de ces erreurs ? C’est la revue Edinstvo (Unité), organe des syndicats indépendants. Dans un splendide article, elle a critiqué toutes les faiblesses qui se manifestèrent dans cette grève. J’estime que cette méthode est absolument juste. Cette autocritique courageuse sera un remède efficace pour le mouvement ouvrier révolutionnaire de Bulgarie.
J’ai dit qu’il serait faux de tirer des déductions pessimistes de ce bouquet d’erreurs. Quant à moi, je ne le fais nullement. J’ai cité plusieurs erreurs du parti allemand, qui ont été constatées par le congrès, une dizaine d’erreurs du P.C. français, diverses erreurs qui ont été fixées dans les résolutions des congrès britannique, yougoslave, grec et autres. Dans son ensemble, cela offre un tableau de déviations, d’erreurs et de faiblesses sérieuses. Il ne sera possible de les liquider que si l’on ne se contente pas de les fixer dans des résolutions, mais si après le congrès l’on explique largement aux masses ce que signifie la sous-estimation de la radicalisation des masses, que si le parti anglais dit à tous les membres du parti qu’il condamne l’attitude par trop anxieuse envers la constitution et le légalisme dans ses méthodes de lutte ; que s’il va aux masses et leur explique ce que signifie que le parti a insuffisamment démasqué Cook et Maxton, et qu’il lui faut en tirer les déductions nécessaires dans sa lutte pratique. Voici ce que chaque parti doit faire. Les erreurs et les faiblesses seront alors rapidement liquidées. Nous pourrons, au prochain congrès, faire le bilan du travail réalisé et on verra que la liste de nos erreurs en sera de beaucoup réduite.
J’affirme qu’aucun parti n’a encore essayé l’expérience suivante : de procéder à une autocritique au congrès et de vérifier au bout d’un an ou deux si les erreurs ont été redressées. Nous n’avons pas encore fait cela et il est nécessaire de le faire, si nous voulons réellement et sérieusement, à la façon bolchéviste, corriger nos erreurs. Le P.C. allemand a progressé plus que tous les autres partis dans la lutte entre les droitiers et dans la cohérence idéologique et d’organisation des communistes, mais personne ne pense que tout a été effectué dans la proportion de 100 %. Aucun camarade allemand ne souffre de pareilles illusions et nous ne devons pas nous abandonner à de pareilles illusions. Il reste à effectuer un travail énorme dans le domaine de la cohésion idéologique, dans le domaine de la formation de l’organisation, dans le domaine de la liquidation de tous les vestiges des social-démocrates de droite, vestiges qui subsistent encore au sein de nos partis. Seul un travail tenace et systématique d’explication, de propagande et d’organisation, et ce qui est le principal un travail politique de l’ensemble des partis parmi les masses peut activer la liquidation de ces lacunes. Il me faut traiter à part un défaut très important de nos partis : c’est le fait que certains de nos partis comprennent d’une façon assez bizarre le front unique. Ils le comprennent comme jamais et nulle part on ne l’a compris. Prenons la Hongrie par exemple. Un phénomène très dangereux s’y est manifesté ; quand on crée au sommet un comité avec des social-fascistes du type Yavorovski et dans cette assemblée fermée qu’on résout toutes les questions, quand on ne va pas dans les masses, mais qu’on se soumet à ce comité où les communistes sont en minorité, vous, me le pardonnez, camarades, mais ce n’est pas du front unique, c’est une maison de fous.
[Une voix : Très juste !]
Il faut condamner catégoriquement et implacablement ce genre de « front unique ». Il faut que le parti hongrois mène une lutte sérieuse contre pareilles illusions au sujet du front unique. C’est un symptôme des plus dangereux. Si l’on prend en considération que le parti hongrois est illégal, ce genre de front unique équivaut pour lui au suicide : c’est un hara-kiri politique. Des camarades comme Bela Szanto et Bala Kun condamnent ce front unique, je le sais. Plus rapidement le parti hongrois liquidera cela, plus vite cette question sera discutée dans le parti, plus vite le parti comprendra ce que ce genre de manigances dans les coulisses a d’erroné, et mieux ce sera pour le parti hongrois.
Encore une dernière question : comment comprend-on souvent chez nous la direction des luttes économiques ? La direction des luttes économiques est fréquemment comprise chez nous comme une spécialité d’une section quelconque et non pas comme la tâche de tout le parti. Nous avons des sections syndicales, ou actuellement des commissions de grèves et ces sections seules s’occupent des questions de grèves. Camarades, je suis partisan de la spécialisation : nous tous, sommes plus ou moins des spécialistes dans notre domaine. Mais les luttes économiques ce n’est pas l’affaire d’une commission ou d’une section spéciale, c’est l’affaire de toute l’organisation du parti, de l’ensemble du parti. Il faut savoir mobiliser tout le parti en face de chaque conflit important : il faut savoir grouper ce qu’il y a de meilleur dans les rangs du parti et le jeter dans la section spéciale en question afin de montrer par l’exemple de son propre travail comment il faut diriger.
Nous ne pouvons pas exiger de nos militants de base qu’ils comprennent les questions tout à fait importantes et compliquées. Ils peuvent commettre des erreurs contre leur gré, en toute bonne volonté. Si nous considérons la direction des luttes comme étant le monopole d’une section quelconque, si nous ne mobilisons pas tout le parti à cet effet, si nous ne lançons pas nos meilleures forces sur « le champ de bataille », nous commettrons toujours des erreurs, énormes dans toutes les luttes économiques. C’est pourquoi il me semble que nous devons tirer la déduction suivante : il faut mobiliser toutes les forces de l’ensemble du parti pour mener à bien de sérieuses luttes économiques, de sérieux conflits de classes. Ce n’est pas une section ou une autre qui doit être mobilisée, mais bien l’ensemble du parti, toute l’organisation du parti de la base au sommet. C’est alors seulement que l’on pourra obtenir des résultats sérieux.
Les camarades ici présents diront peut-être : il a compté 96 erreurs, il a passé le monde entier en revue, mais il a oublié l’U.R.S.S.
Non, camarades, je n’ai pas oublié les syndicats soviétiques et je veux parler maintenant des erreurs de droite dans le mouvement syndical soviétique, erreurs qui ont été liquidées beaucoup plus rapidement et plus radicalement que dans les autres partis. Cela dépend naturellement, de la force du parti, de sa cohésion et de nombreuses autres conditions.
Nous avons examiné cette question à la fraction à la réunion plénière du Comité central syndical. Voici le jugement qu’elle a porté sur le groupe de droite.
« La faute principale, le point de départ dans l’erreur de la droite est sa théorie antimarxiste et antiléniniste de l’adaptation pacifique et de la fusion du koulak avec le socialisme et l’incompréhension de la dialectique de la lutte des classes dans les conditions de la dictature du prolétariat. C’est précisément ce qui empêche les droitiers de comprendre la phase actuelle de la lutte de classes, qui les fait sous-estimer et même dénier les nouvelles formes de l’alliance de la classe ouvrière avec les principales masses de la paysannerie – ces formes d’alliance n’existent plus dans la sphère commerciale mais surtout dans la sphère de la production – qui leur fait calomnier le parti en prétendant que celui-ci réalise une politique « d’exploitation féodale et militaire de la paysannerie et qui leur fait faire des propositions pratiques susceptibles seulement, en fait, de renforcer les éléments capitalistes dans le pays…
Au lieu de mobiliser les masses pour surmonter les difficultés de la période de reconstruction, la droite est prise de panique en face de ces difficultés ; au lieu de développer une large action pour appeler les masses d’ouvriers et d’ouvrières à l’édification économique, à la rationalisation socialiste, à la lutte pour le relèvement du rendement du travail, pour la discipline dans le travail, elle tente de prendre sous sa protection les intérêts corporatifs étroits et l’état d’esprit des couches arriérées de la classe ouvrière ; au lieu de développer énergiquement et catégoriquement l’autocritique prolétarienne dans les syndicats elle présente des formules et des réserves invitant à être prudents dans le développement de l’autocritique, ce qui freine l’activité des masses dans la lutte contre le bureaucratisme et autres déformations dans les syndicats, contre la décomposition de certains échelons de l’appareil syndical et leur éloignement des masses.
Au lieu d’intensifier l’influence prolétarienne dans la campagne et d’aider à la reconstruction socialiste de l’agriculture par les syndicats, elle s’efforce de réduire le rôle des syndicats dans la campagne et de cultiver son exclusivisme, ce qui s’est particulièrement exprimé par la faible influence des syndicats sur la vie sociale à la campagne, leur sous-estimation du travail parmi les ouvriers agricoles, etc. ; au lieu d’organiser largement l’instruction politique et l’éducation de classes des masses ouvrières, en particulier dans les couches arriérées, elle oublie fréquemment le travail culturel et éducatif, les tâches générales de classe du prolétariat et ne comprend pas la nécessité de combattre résolument l’influence petite-bourgeoise au sein des masses ouvrières arriérées. Au lieu de soutenir la ligne générale du parti et de grouper les militants syndicaux autour de l’Etat-major du parti, le C.C. léniniste, elle tente d’opposer les communistes et les militants du mouvement syndical aux organes dirigeants du parti…
La fraction esquisse sa conviction que la lutte énergique du parti contre la déviation de droite et les conciliateurs envers celle-ci est la condition indispensable pour réaliser vraiment le plan quinquennal, reconstruire l’économie nationale, organiser l’offensive socialiste du prolétariat en vue d’extirper les racines du capitalisme dans le pays. La fraction du Conseil syndical central croit fermement que tous les communistes militants dans les syndicats, prêteront leur appui résolu et sans réserve au parti et assureront par leur travail pratique la confiance illimitée des millions de prolétaires envers le parti et son Etat-major léniniste, le C.C. ».
Camardes, parmi les tâches qui se posent à nous, une des plus grandes et des plus importantes est l’appui à apporter au mouvement syndical des pays coloniaux et semi-coloniaux. Sous ce rapport, nous constatons une énorme croissance du mouvement économique et politique dans les colonies. Le prolétariat hindou se lève, et, en même temps que se déroule la lutte aux Indes, nous observons une maturation de nouvelles et sérieuses batailles en Chine. Il n’existe pas un seul pays colonial à présent où les ouvriers n’entrent en lutte contre le joug colonial. Même en Afrique centrale, dans les colonies belges, françaises et britanniques en Afrique, c’est-à-dire dans les parties du monde les plus arriérées, nous observons aussi des mouvements ouvriers. Autrement dit, c’est dans ces luttes économiques que le prolétariat colonial forge actuellement sa conscience de classe.
Quelle est la particularité de tout le mouvement des pays coloniaux ? Avant tout, ce mouvement est jeune. Il compte à peine quelques années. Il est encore faible dans l’idéologie et l’organisation. Il souffre de différents maux et cela dépend non pas des qualités personnelles des dirigeants dans un pays ou dans un autre, mais du fait que le prolétariat des colonies est tout récemment entré dans le mouvement. Mais, camarades, à côté de ces défauts, le mouvement ouvrier dans les colonies a des avantages énormes. Ces avantages consistent en ce que les ouvriers des pays coloniaux ne sont pas corrompus par le réformisme, ne sont pas corrompus par une longue domination de la culture bourgeoise. Dans ce mouvement il y a beaucoup de spontanéité, mais celle-ci a une portée révolutionnaire considérable. Ce jeune mouvement est né récemment comme un mouvement de masse. Il s’est transformé d’emblée, dès ses premiers pas, en un mouvement profondément politique, car il se dresse contre tout le système de l’impérialisme. Ces particularités du mouvement ouvrier colonial et du mouvement ouvrier des pays semi-coloniaux posent pour nos partis, pour l’I.C. et l’I.S.R. le problème d’un concours ouvert, constant et pratique au mouvement ouvrier des colonies.
Nous devons reconnaître que dans ce domaine nous avons fait très peu et il en est de même pour nos partis. Que fait le parti communiste français, par exemple, dans les colonies ? Dans les colonies d’Afrique, il fait encore quelque chose, parce que l’Afrique est toute proche. Mais le parti communiste français a-t-il tenté de faire quelque chose en Indochine, en Syrie ? Je l’ignore, mais si les camarades français le savent, qu’ils le disent. En ce qui me concerne, j’ai l’impression qu’ils ont très peu fait ou presque rien dans ce sens. Le parti communiste anglais a fait tant soit peu aux Indes. Mais c’est encore peu, beaucoup trop peu. En ce moment, nous constatons une poussée énorme du mouvement ouvrier aux Indes. Le mouvement ouvrier s’y trouve en face de difficultés formidables. Il a en face de lui le front unique de la bourgeoisie nationale et de l’impérialisme, du réformisme de l’intérieur et de l’extérieur. L’unique parti qui peut leur venir en aide, le parti communiste, les aide insuffisamment. Dans ce domaine, nous devons décupler notre travail. En effet, la lutte aux Indes par exemple, a une portée mondiale. Ce n’est pas un simple soulèvement dans une petite colonie. La lutte aux Indes a une portée énorme, parce que c’est le secteur où se décidera le sort de l’impérialisme britannique. Ceux qui ne comprennent pas cela sont perdus sans espoir. C’est pourquoi l’I.C., l’I.S.R. et tous les partis par exemple, ont une portée mondiale. Ce n’est pas un simple soulèvement du meilleur pour aider, l’Inde, la Chine.
Le sort de l’impérialisme mondial se décide actuellement dans ces deux pays. Figurez-vous pour un instant le front unique révolutionnaire du mouvement ouvrier de l’Inde, de la Chine et de l’U.R.S.S. Ce serait un bloc invincible. Il anéantirait tout le monde capitaliste. Il faut s’en souvenir, camarades. Nous faisons peu dans ce sens, c’est presque un crime. Il faut ici un changement radical, il faut que tous les partis fassent beaucoup plus. Il faut qu’ils popularisent ce qui se déroule dans les colonies (et pas seulement, naturellement, dans les pays qui ont des colonies, mais en général dans tous les pays), il faut qu’ils vulgarisent le mouvement ouvrier, le niveau de vie des ouvriers, les conditions de leur travail, le système de leur exploitation et ce que fait le réformisme dans les colonies. Ceci doit occuper une place considérable dans la presse de notre parti et dans la presse syndicale révolutionnaire. Sans cela, nous ne remplirons pas nos tâches et nos devoirs à l’égard du mouvement ouvrier révolutionnaire dans les pays coloniaux.
Existe-t-il un terrain propice pour le réformisme dans les pays coloniaux et les réformistes de l’Internationale d’Amsterdam et de la IIe Internationale peuvent-ils compter y trouver une base sérieuse ? Il n’y a pas de base sérieuse dans les pays coloniaux pour le réformisme, mais ce serait sous-estimer grandement le danger du réformisme si l’on disait qu’il n’y jouit d’aucun appui.
D’où provient le réformisme en Chine, par exemple ? Il est venu du Kuomintang de gauche. D’où provient le réformisme aux Indes, par exemple ? Il vient du parti swaradjiste de gauche, des groupements nationaux et des intellectuels. Ils se lient au mouvement ouvrier, ils s’appuient sur lui et des groupements réformistes se forment, se mettent en rapport avec le réformisme européen et en reçoivent une certaine aide. Naturellement, on ne trouve pas dans les pays coloniaux l’aristocratie ouvrière qui existe dans les pays capitalistes et c’est pourquoi le réformisme n’y a pas de terrain vraiment propice. Mais le réformisme peut y gagner certains groupes et il l’a déjà fait. Leur lutte contre nous se déroule sous le mot d’ordre de Bundji Souzouki, c’est-à-dire rejeter l’I.C. et l’I.S.R. des colonies, les en chasser. En cela, ils constituent le front unique avec l’impérialisme et la bourgeoisie internationale.
En ce qui concerne l’étendue de l’influence du réformisme, c’est là une question qui ne dépend pas seulement d’eux. Cela dépend aussi de nous, de la façon dont nous travaillerons dans les colonies, cela dépend de l’influence que nous aurons sur le mouvement ouvrier. Si nous relâchons notre travail, si nous n’apportons pas un concours sérieux aux partis qui se forment dans différents pays coloniaux, nous ouvrirons largement la porte à toutes sortes de théories et d’organisations réformistes de gauche. Il sera ensuite difficile de briser leur influence. C’est pourquoi il faut accélérer les mesures destinées à venir en aide aux pays coloniaux.
En ce moment, nous assistons à des tentatives d’accord entre le réformisme colonial et le réformisme européen. Une délégation hindoue s’est rendue en Europe sous la présidence de Djochi. Elle mène des pourparlers sur les conditions de l’adhésion du Congrès des syndicats hindous à l’Internationale d’Amsterdam. Citrine qui a versé 100 livres sterling pour une grève aux Indes, s’est rendu à Genève à ce sujet. Sassenbach s’y est rendu aussi pour gagner la sympathie de ces réformistes, il a également versé 100 livres sterling. Mais les pourparlers n’ont abouti à aucun résultat jusqu’à présent, car les réformistes hindous veulent avoir quelque chose de palpable ; ils veulent pouvoir retourner chez eux et dire : « Voyez, nous avons été en Europe et le Bureau International du Travail et l’Internationale d’Amsterdam nous ont donné ceci et cela ». Mais est-ce que l’Internationale d’Amsterdam peut donner quelque chose de palpable ? Et que peut donner le Conseil Général des Trades-Unions ? Que peuvent donner Citrine, Jouhaux, Leipart, Sassenbach et autres réformistes ? Rien. C’est pourquoi les réformistes coloniaux, les plus corrompus même, commencent à prononcer des discours qui démontrent qu’ils se sentent vraiment désillusionnés, qu’ils ont perdu l’espoir de recevoir une aide quelconque.
Voici la caractéristique que Djochi, leader du mouvement hindou, a donné sur la situation du réformisme en Orient, à la Conférence internationale du travail à Genève. Nous citons d’après le Vorwaerts du 29 juin 1929 :
« Seul un petit groupe d’ouvriers d’Asie et d’Afrique est représenté à cette conférence. L’esprit de progrès qui régnait à Washington a presque totalement disparu, il me semble. Genève a tué dans les cœurs des ouvriers du monde entier les espérances qui devaient être réalisées en partie du moins. Genève, dont l’influence agit sur l’imagination des ouvriers du monde entier et surtout des ouvriers d’Extrême-Orient, n’est pas seule. Il y a aussi l’influence de Moscou qui diverge des idéaux et des méthodes de Genève et qui, par suite de ses grandes promesses, a une force d’attraction considérable pour l’imagination des peuples d’Orient. Pour cette raison, nous devons sérieusement nous demander si les résultats obtenus dans l’organisation ouvrière internationale sont suffisants pour donner satisfaction aux ouvriers et renforcer la cause de l’évolution pacifique.
Les ouvriers d’Asie et d’Afrique ne veulent pas attendre pendant des dizaines d’années pour obtenir ce que les ouvriers européens ont peut-être obtenu au cours de siècles. C’est pourquoi, dans l’intérêt de notre propre sécurité, notre développement doit s’effectuer assez résolument et rapidement. Si les ouvriers d’Extrême-Orient doivent se contenter seulement des idéaux qu’on leur expose à Genève on ne devra pas leur en vouloir s’ils ne peuvent résister à la force d’attraction des promesses plus grandes, quoique irréalisables, peut-être de Moscou. Les conséquences d’un pareil développement seraient développement seraient catastrophiques et Genève ne pourrait se considérer comme innocente, en l’occurrence. Les différents gouvernements qui sont responsables dans ce domaine, par exemple mon propre gouvernement, s’efforcent de briser l’influence de Moscou par des méthodes de répression dont l’insuccès est facile à prévoir ».
Voici comment un réformiste colonial se plaint avec des accents émus à Genève : « Les méthodes de répression aux Indes ne sont pas efficaces, aidez-nous par des méthodes de corruptions réformistes à gagner une partie du prolétariat de l’Inde, sinon l’influence de Moscou grandira ». Que lui répondent les Amsterdamiens ? Que lui répondent Albert Thomas et le réformisme international ? Ils ne répondent rien parce qu’ils ne peuvent rien leur dire. Que peuvent-ils promettre ? Une législation ouvrière ? Peut-être ?
Cela ne dépend pas d’eux, mais de la bourgeoisie impérialiste internationale. Faire quelques promesses ? Mais Djochi lui-même déclare que les ouvriers des colonies n’ont plus foi dans les promesses. Et Moscou est en face, c’est-à-dire l’I.C. et l’I.S.R., qui tiennent leurs promesses. Et le réformisme colonial ne sait où donner de la tête. Il s’agrippe à Amsterdam, espérant y trouver son salut. Le mouvement ouvrier local fait pression sur lui et il veut l’entraîner dans la vieille organisation mais il ne trouve pas d’appui auprès d’Amsterdam. Il est absolument évident qu’il n’y trouvera rien.
Il fut un temps où le mouvement ouvrier ne sortait pas des limites de l’Europe, mais nous avons dépassé depuis longtemps cette période et le trait caractéristique de la situation actuelle est le caractère vraiment mondial du mouvement ouvrier. C’est seulement en 1927 que fut organisé le Secrétariat des syndicats du Pacifique, groupant le mouvement syndical du Pacifique, sauf l’Inde pour le moment. En mai de cette année, fut convoqué à Montevideo un congrès des syndicats de pays d’Amérique latine. Peut-être certains camarades ici présents ne se rendent-ils pas suffisamment compte de la portée de ces deux congrès. Je dirai seulement que le Congrès de Montevideo groupa seize pays de l’Amérique latine et créa une Confédération des syndicats du continent. Ce congrès se déroula sous le signe d’une lutte de classes acharnée. Aussi, n’est-ce pas l’effet du hasard que le réformiste japonais Bundji Souzouki tente de former une conférence ouvrière pan-asiatique et de l’opposer au secrétariat du Pacifique.
J’attire votre attention sur ces deux organisations continentales. Je déclare tout à fait ouvertement que j’ai découvert l’Amérique latine à peu près vers le Xe anniversaire de la Révolution d’Octobre. Nous y avons d’énormes réserves d’ouvriers, une énergie révolutionnaire considérable qui aspire à lutter contre l’impérialisme et la bourgeoisie nationale pour créer une véritable Internationale révolutionnaire unique. Deux faits illustrent la portée considérable du Congrès d’Amérique latine. Un correspondant d’un des plus grands trusts de journaux d’Amérique reçut à Montevideo des indications spéciales de la part de son trust lui demandant d’envoyer des comptes-rendus télégraphiques très détaillés sur le congrès sans ménager l’argent. Or, vous savez ce que cela signifie lorsqu’un trust dit de ne pas ménager l’argent ? Cela signifie que la bourgeoisie américaine s’intéresse à ce qui se passait à Montevideo.
Un second fait très curieux et encore plus significatif fut l’intervention d’un des leaders de la Fédération Américaine du Travail, Mathew Wall qui proposa à l’Internationale d’Amsterdam de constituer le front unique pour lutter contre le communisme. Pourquoi intervint-il à ce moment même ? Parce qu’il s’aperçut que tout le mouvement ouvrier d’Amérique latine se groupe contre l’impérialisme américain. Il en conclut alors qu’il fallait s’unir à l’Internationale d’Amsterdam pour frapper en commun un coup à l’I.C. et à l’I.S.R. Comme vous savez, Mathew Wall propose à l’Internationale d’Amsterdam de s’unir sur le principe du « partages de sphères d’influence » et sur la reconnaissance de la « doctrine de Monroe ouvrière ». Citrine a déjà répondu à l’appel de Mathew Wall, de même que les dirigeants de l’Internationale d’Amsterdam et le Vorwaerts. C’est avec joie qu’ils sont prêts à former un front unique contre nous, car ils rêvent tous de gagner les partisans de la Fédération Américaine du Travail pour entreprendre une croisade contre l’I.C. et l’I.S.R. Peut-être parviendront-ils à constituer le front unique, mais il est douteux qu’ils obtiennent un résultat quelconque dans les pays coloniaux.
La nouvelle tactique que nous avons fixée au IVe Congrès de l’I.S.R. et au VIe Congrès de l’I.C. n’a pas pour tâche seulement de créer des comités de grève, etc. mais de mener la lutte jusqu’au bout dans chaque collision concrète.
Si nous nous posons une pareille tâche, il est absolument naturel et logique que les comités de grève que nous créons doivent s’opposer aux syndicats réformistes. Nous constituons des organes de direction des grèves pour lutter contre le patronat et les syndicats réformistes et dans la lutte contre ce front unique nous nous efforçons de remporter la victoire. Par conséquent, la condition essentielle au triomphe des organes que nous créons dans les luttes économiques consiste à les opposer aux organisations réformistes qui forment un front unique avec le capital. Mais, camarades, il existe encore de la confusion à ce sujet, même là où il ne devrait pas y en avoir. Voici, par exemple, le camarade Smolianski qui a écrit dans le Bolchévik un article intitulé : « Les problèmes des syndicats dans la troisième période ». Dans cet article on trouve le passage suivant : « Les comités de lutte ne peuvent être ni subordonnés aux syndicats, ni opposés à eux ». Permettez, de quel syndicat s’agit-il ? Pourquoi ne peuvent-ils être opposés aux syndicats réformistes ? Pourquoi créons-nous donc ces comités ? Est-ce pour jouer aux comités, comme nous en accusent les droitiers ? Non nous ne jouons pas, nous créons des comités pour qu’ils conduisent la lutte. Or, nous ne pourrons conduire la lutte que lorsque nous aurons les masses derrière nous, lorsque nous organiserons ces masses et les opposeront aux syndicats réformistes. Quel est le sens de ces formules incompréhensibles ? Ce n’est pas du tout judicieux de donner dans la troisième période des formules erronées. Dans la seconde période, comme dans la troisième on n’a pas le droit de donner des formules fausses. Cette formule est profondément erronée et pleine de confusion. Les comités de lutte ne doivent pas être opposés aux syndicats, seulement lorsqu’il s’agit de syndicats révolutionnaires.
[Bela Kun : « Cela concerne, naturellement, les syndicats rouges !]
On ne doit pas les opposer aux syndicats rouges ! Il faut le déclarer nettement pour que tout le monde comprenne. Mais il faut les opposer aux syndicats réformistes. C’est là le centre et le fond de notre tactique. Il ne faut pas oublier que si nous créons des comités de grève, si nous voulons vaincre, il faut en tirer en conséquence des déductions. Or, en ce qui concerne les déductions, nous sommes plutôt faibles. Je citerai encore un exemple. L’Allemagne est le pays du capitalisme et du réformisme développés de la façon la plus classique. L’Allemagne est dans le groupe des pays à mouvement syndical unique, quoiqu’il n’y ait en réalité de mouvement syndical unique qu’en U.R.S.S. Mais, admettons que lors d’un conflit quelconque, d’un sérieux conflit économique, un comité de lutte entraîne les masses à sa suite et obtient que le patronat consente à faire des concessions. Alors, le comité de lutte conclut un accord sur les tarifs avec les patrons. Nous devons nous efforcer de conclure un accord sur les tarifs sans le syndicat réformiste et malgré lui. Ensuite se pose le question de savoir qui veillera à l’exécution de ces accords ? Là où existent des comités d’usines révolutionnaires, ce sont eux qui veilleront à cela, mais là où ils n’existent pas, il faut créer des comités spéciaux, des comités de surveillance, des comités des tarifs, des commissions des tarifs, des commissions ouvrières, etc. Par conséquent, il faut avoir devant soi la perspective suivante : Ne pas créer seulement des comités pour mener la lutte à bonne fin, mais créer des organes chargés de veiller à l’exécution de l’accord qui aura été conclu. C’est seulement si le but nous apparaît nettement que nous serons vraiment à même de réaliser jusqu’au bout la tactique que nous sous sommes fixée.
En l’espace de dix ans, nous avons dû faire à maintes reprises des tournants brusques, lancer de nouveaux mots d’ordre, de nouvelles propositions, élaborer de nouvelles formes et méthodes de lutte, etc. Peut-on affirmer que nous avons épuisé toutes les formes et méthodes de lutte ? Peut-on dire que ce que nous avons fait maintenant, ou bien que les méthodes et les formes de travail que nous proposons maintenant, ou bien ce que nous proposé au IVe Congrès de l’I.S.R. et au VIe Congrès de l’I.C., que tout cela est définitif et donné une fois pour toutes ? Je voudrais mettre en garde les camarades contre une pareille façon non dialectique d’envisager la question des méthodes et des formes de lutte. Les formes et les méthodes de lutte ne sont pas des choses figées, invariables à tout jamais. L’essentiel est de suivre les enseignements de la vie, d’apprendre à l’expérience des masses et de savoir tirer constamment du mouvement de masse les suggestions toujours nouvelles pour poursuivre l’offensive contre le patronat. Je me permettrai de citer un passage très intéressant de Lénine sur la question des méthodes de lutte. Dans l’article intitulé « La guerre des partisans », écrit en septembre 1926, Lénine écrit :
« Quelles sont les exigences essentielles que doit présenter tout marxiste en examinant la question des formes de lutte ? Premièrement, le marxisme se distingue de toutes les formes primitives du socialisme par le fait qu’il ne lie pas le mouvement à une seule forme déterminée de lutte. En outre, il n’« invente pas », mais généralise seulement, organise, donne aux classes révolutionnaires la conscience des formes de lutte qui apparaissent d’elles-mêmes au cours des mouvements. Le marxiste est l’adversaire absolu de toutes les formules abstraites, de toute direction doctrinaire. Le marxisme exige une attention minutieuse envers la tutte de masse qui se déroule et qui, en se développant, et avec la conscience croissante des masses, l’aggravation des crises économiques et politiques donne naissance à des formes toujours nouvelles et toujours plus variées de la défensive et de l’offensive. C’est pour cette raison que le marxisme n’écarte aucune forme de lutte. En aucun cas, le marxisme ne se borne aux formes de lutte possibles et existantes dans le moment donné. Il reconnaît l’inévitabilité de nouvelles formes de lutte encore inconnues de la période donnée, comme conséquence d’une autre conjoncture sociale. Sous ce rapport, on peut dire que le marxisme apprend à la pratique des masses. » (Lénine, tome VI, p. 77 du texte russe).
Voici une façon intéressante et tout à fait actuelle de poser la question et ceci a été dit pourtant il y a 23 ans ! En citant ce passage, je voulais monter que les tâches de nos partis ne consistent pas à nous figer dans les mêmes formes de lutte. La diversité des conditions et de la situation, le rapport de forces différent dans la classe ouvrière, le rapport de forces entre les classes, tout cela exige que nous modifions nos formes de lutte. Il est possible que nous devrons avoir recours à des formes que nous ne pouvions pas employer il y a une année ou quelques mois auparavant, par exemple. Voilà la véritable dialectique. Voilà le véritable bolchévisme qui se dresse toujours contre les formules métaphysiques éternelles. Le bolchévisme est toujours jeune. Il puise constamment ses forces dans les luttes, dans les mouvements de masses, il progresse constamment et dans ce mouvement en avant il puise toujours de nouvelles forces pour grouper les forces révolutionnaires du prolétariat contre le capital.
Camarades, c’est pour la première fois à cette Session plénière que nous avons ainsi posé le problème de la lutte économique. Je dois déclarer, en mon nom et je pense que le camarade Thaelmann se solidarisera avec moi, que nous sommes loin encore d’avoir épuisé toutes les questions. C’est l’affaire de la Session plénière de le faire, c’est l’affaire de la Session plénière de compléter ce qui a été dit, c’est l’affaire des camarades d’ajouter, sur la base de leur expérience, de ce que nous avons omis, pour pouvoir ensuite, en nous appuyant sur notre expérience collective, marcher plus rapidement vers le triomphe du communisme mondial.
(Applaudissements)