pythagore-1.pngPythagore est le point de départ, au VIe siècle avant notre ère, de ce qu’on appelle la « philosophie » de la Grèce antique ; la tradition veut d’ailleurs qu’il soit à l’origine du terme.

Un philosophe est un ami de la sagesse (sophia en grec), la restriction par rapport au fait d’être sage (soi-même en tant que tel) vient du fait que, selon Pythagore, seul Dieu est réellement sage. Le philosophe c’est, en quelque sorte, l’ami de Dieu.

On voit donc ici qu’on est déjà dans le monothéisme et, ainsi, il est faux de considérer que le culte d’un seul Dieu ne se serait produit qu’en Egypte avec Akhenaton, ainsi qu’avec les Hébreux. La conception du caractère unique de Dieu est un passage théorique obligé lors de la prise en considération de la réalité et de la réflexion sur l’univers. On est ici à un stade peu élevé de cosmologie, et Dieu est le moyen de fournir la base de l’explication du cosmos, de l’univers.

La forme que prend cette cosmologie est alors, en raison de l’arriération des forces productives, étrange à nos yeux, voire franchement obscure. Pythagore, s’il est uniquement connu des masses aujourd’hui comme une figure de l’histoire des mathématiques, est en effet et en fait un mystique, un puissant illuminé à l’origine d’une école de pensée.

La « tradition » qui a suivi sa mort lui attribue des miracles, dans une ambiance d’autant plus « magique » que Pythagore n’a laissé aucun écrit et que ses enseignements étaient « secrets ».

Il est ainsi raconté que Pythagore pouvait guérir ses amis (par la musique), parler aux animaux, prévoir les tremblements de terre, visiter le monde des morts, etc. Il sera raconté également qu’il a rencontré Zarathoustra, le Bouddha, qu’il a reçu l’enseignement secret des prêtres égyptiens, etc.

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Sur ce plan, il ressemble à la figure mythique d’Orphée, censé être le fils d’une muse et qui aurait vécu avant même la guerre de Troie. Est encore aujourd’hui très connue son histoire où il va chercher Eurydice aux enfers : se retournant au dernier moment, elle reste prisonnière et il reste inconsolable.

La religion orphique, de type magique et sans structures réelles, exista ainsi parallèlement à ce qui devint le pythagorisme, notamment dans des colonies grecques (comme en Italie actuelle) et on retrouve, qui plus est, de nombreux ponts théoriques entre les deux, conséquences de mêmes influences indienne et égyptienne.

On a notamment le principe de la transmigration des âmes. Les pythagoriciens furent très connus pour leur végétarisme, leur refus de porter de la laine, le mépris pour leur apparence au nom du caractère plus important de l’univers par rapport aux individus.

Sur de nombreux points existent par ailleurs des informations contradictoires, en raison du caractère secret des enseignements de l’école de Pythagore. Celle-ci, cependant et en définitive, se donnait en fait comme tâche la formation d’une sorte d’élite, d’avant-garde.

Ainsi, si les historiens parlent de la culture orphiste-pythagoricienne en raison de la difficulté qu’il y a à séparer les deux traditions, l’orphisme est une simple mystique, alors que le pythagorisme est une mystique passée au stade d’idéologie organisée et répondant aux besoins de l’apparition de l’État après l’effondrement du mode de vie traditionnel des tribus grecques.

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C’est ici le point central qu’il faut saisir. Contrairement à l’idéologie raciste qui s’est développée par la suite autour de la Grèce antique comme « européenne », les penseurs de l’époque assumaient parfaitement de fréquenter les pays voisins, et même d’y trouver l’origine de leur pensée. Les références furent en effet l’Égypte, mais également Babylone, la Perse, la Chaldée, et même l’Inde.

Le refus de consommer de la viande est une attitude commune chez nombre de philosophes, dans la tradition ouverte par Pythagore et conformément aux influences indiennes.

Celles-ci sont résumées de la manière suivante par Porphyre, philosophe phénicien du IIIe siècle après JC :

« Toucher à de la nourriture animale passe chez eux pour égal à la dernière des impuretés et des impiétés. Et c’est le culte rendu au divin et la piété envers lui qui leur donnent la révélation de ce dogme. »

Le pythagorisme est par conséquent un système de pensée particulièrement élaboré, qui puise dans les idéologies de toute la zone géographique, afin de formuler un tout cohérent.

Le « divin », compris de manière mystique, est la base de cette élaboration. En fait, la période de la Grèce de Homère, celle qui croit vraiment en les divers dieux tels que Zeus, Athéna, etc., est déjà finie aux yeux des penseurs de l’époque. On est là dans la construction d’un monothéisme définissant une manière de vivre, une psychologie, de la même manière qu’en Inde, afin de donner une base idéologique à la nouvelle société.

Le pythagorisme tente dans ce cadre de formuler une religion monothéiste, au moyen de l’âme qui transmigre dans des corps qui sont des tombes, et cela dans le cadre d’un univers harmonieux dépendant d’un Dieu unique.

Pythagore va, pour ce qu’on en sait et ce qu’on a compris de lui à travers l’histoire, définir cette harmonie, en tentant de comprendre que Dieu, qui est « 1 », peut gérer un univers qui est multiple. Pythagore s’intéresse donc au nombre, il tente de comprendre comment ils ont été organisés de manière harmonieuse, « proportionnelle ».

Aristote, dans l’ouvrage intitulé Métaphysique, raconte de la manière suivante quelle fut la conception des pythagoriciens :

« Ceux qu’on appelle les Pythagoriciens s’appliquèrent tout d’abord aux mathématiques et leur firent faire de grands progrès ; mais, nourris dans cette étude exclusive, ils s’imaginèrent que les principes des mathématiques sont aussi les principes de tous les êtres.

Comme les nombres sont naturellement les premiers entre les principes de cet ordre, ils crurent y découvrir une foule de ressemblances avec les êtres et avec les phénomènes, bien plutôt qu’on ne peut en trouver dans le feu, la terre et l’eau.

Par exemple, suivant les Pythagoriciens, telle modification des nombres est la justice; telle autre est l’âme et la raison ; telle autre représente l’occasion favorable pour agir; et de même pour chaque objet en particulier.

En second lieu, ces philosophes remarquèrent que tous les modes de l’harmonie musicale et les rapports qui la composent, se résolvent dans des nombres proportionnels.

Ainsi, trouvant que le reste des choses modèlent essentiellement leur nature sur tous les nombres, et que les nombres sont les premiers principes de la nature entière, les Pythagoriciens en conclurent que les éléments des nombres sont aussi les éléments de tout ce qui existe, et ils firent du monde, considéré dans son ensemble, une harmonie et un nombre.

Puis, prenant les axiomes qu’ils avaient évidemment démontrés pour les nombres et pour les harmonies, ils les accommodèrent à tous les phénomènes et à toutes les parties du ciel, aussi bien qu’à l’ordonnance totale de l’univers, qu’ils essayaient de renfermer dans leur système.

Bien plus, quand ce système présentait de trop fortes lacunes, ils les comblaient arbitrairement, afin que l’échafaudage fût aussi harmonieux et aussi concordant que possible. J’en cite un exemple. A en croire les Pythagoriciens, le nombre dix est le nombre parfait, et la Décade contient toute la série naturelle des nombres.

Ils partent de là pour prétendre qu’il doit y avoir dix corps qui se meuvent dans les cieux ; mais, comme il n’y en a que neuf de visibles, ils en supposent un dixième, qui est l’opposé de la terre, l’Antichthôn. »

Ainsi, les pythagoriciens vénéraient le « tetractys » (« quaternaire »), formé par la somme des quatre premiers nombres ( 1 + 2 + 3 + 4 = 10).

La forme représentant cela est la suivante, et elle forme le « serment » pythagoricien.

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Dans une même logique, on trouve le grand quaternaire de 36, « la source et la racine de l’éternelle Nature » et fruit de l’addition de la somme des quatre premiers nombres impairs à la somme des quatre premiers nombres pairs.

On a là la vision selon laquelle le monde est ordonné par les nombres et fonctionne selon la proportion. C’est, finalement, la base de la pensée humaine précédant le matérialisme dialectique, la base de la pensée humaine n’ayant pas encore réussi à liquider le concept de Dieu et expliquant le monde par le rapport entre le « un » divin unique et le monde matériel multiple, foisonnant de variété.


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