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» Le chagrin, Monsieur, est une forme d’oisiveté. » Cette formule, tellement XVIIIe, semble avoir été écrite pour les cohortes d’amis bien intentionnés qui ne cessent de faire leur deuil de la lutte politique.
Ils y vont toujours d’un mot d’encouragement pour nos initiatives, ils glissent parfois une pièce en échange d’une publication qui s’ajoutera à leurs nombreuses lectures (car ils sont surinformés : la consommation critique de l’information politique est chez eux un substitut de l’action politique).
Ils ont toutes les raisons du monde de ne plus militer.
Ils portent tous les deuils : celui-ci de l’Union Soviétique, celui-là du Parti Communiste » du temps où c’était un vrai parti » , celui-là du maoïsme. Ils ne cessent d’en parler.
Ils mâchent et remâchent pendant vingt ans une expérience politique de cinq ans.
Ce n’est pas qu’ils regrettent l’Union Soviétique ou le PCB ou le PCMLB (ils sont critiques – ô combien !), mais on sent chez eux la tristesse d’avoir entrevu l’espoir de ce qu’aurait pu être l’Union Soviétique ou le PCMLB » si il n’y avait pas eu ceci » ou » si il y avait eu cela » .
Ils reviennent cent fois sur tel échec d’expérience » d’union à gauche « , sur telle dérive ayant scellé le sort de leur ancienne organisation. A y regarder de plus près, leur rengaine se résume à ceci : » si nous avons échoué, qui pourrait réussir ? » . Dès lors, toute initiative révolutionnaire semble condamnée à l’avance. Elle leur fait chaud au coeur, mais parce qu’elle perturbe le ronron de l’injustice, rien de plus.
Ils la saluent comme un baroud d’honneur.
Ils baptisent leur défaitisme lucidité et s’en vont vivoter.
Ces vaincus d’hier ont, semble-t-il, la défaite pour seconde nature.
Ils apparaissent de loin en loin à une manifestation au succès de laquelle ils ne croient pas.
Seules les activités immédiatement gratifiantes secouent l’invincible torpeur que commande leur défaitisme. Mais les activités aux résultats immédiats sont précisément celles qui sont incapables de répondre aux grands problèmes qu’ils étudient dans le Monde Diplomatique . Surinformés et riches d’expériences essentielles, ils organisent des fêtes de quartier ou du commerce équitable.
La sympathie que nous inspirent souvent leurs qualités humaines doit lutter chez nous contre l’agacement. La manière dont ces personnes très conscientes, très informées et très intelligentes s’arrangent pour fuir leur responsabilité de personnes conscientes, informées et intelligentes est pénible.
Ils ne peuvent opposer qu’un pauvre » j’ai déjà donné » au constat de Brecht : » Soit on est partie du problème, soit on est partie de la solution « .
Quoiqu’ils en aient, ils sont devenus parties du problème.
Ils ne mettent pas leur culture politique au service de la lutte : elle ne leur sert qu’aux discussions de salon ou de bistrot, à divers petits commerces, aux carrières culturelles et académiques.
Qui le conteste ? L’histoire de la lutte pour le communisme est pétrie d’erreurs, de défaites, de dérives… Nous en payons cher la note en terme de démobilisation, de perte de crédit dans les masses. Aucune force issue du mouvement ouvrier ne peut se prévaloir d’une victoire durable. Mais au lieu de rabâcher ce constat, il faut s’en servir pour déblayer la table et poser les vraies questions. Quelles ont été les causes de ces échecs ? Quels furent les choix et les pratiques qui ont permis d’avancer ? A partir de quel moment ces choix sont-ils devenus contre-productifs ? A quel dépassement les blocages appelaient-ils ? Nul n’est sorti victorieux mais rares sont les expériences dont il n’y a rien à apprendre.
Le Bloc ML se veut cet espace de confrontation des thèses et des expériences. Un espace de recomposition politique où les choix porteurs d’avenir se dégageront d’un mouvement de va-et-vient entre la théorie et la pratique. Car ce n’est pas en restant au balcon que l’on comprend la réalité. C’est en faisant descendre la théorie dans le domaine de la pratique que l’on pourra la qualifier et lui permettre de qualifier à son tour la pratique.
Ce n’est pas facile.
Ce n’est pas gratifiant.
On est loin des » sentiers lumineux » qui flattaient les illusions de ceux qui décrètent aujourd’hui tout engagement illusoire.
épaves suivant en maugréant le courant que nous tentons de remonter.
Inconsolables déserteurs d’une lutte qu’ils désertent à nouveau chaque jour.
Amis, voisins, collègues dont toute l’attitude est une invite au coup de pied au cul.
Dont on aime tant croire qu’ils se ressaisiront un jour pour abandonner le médiocre rôle de celui qui ronchonne et reconquérir la dignité de celui qui combat.
Tout le monde y gagnerait.
Sauf nos ennemis.
Ce qui distingue depuis plus de 150 ans les communistes de tous les soi-disant révolutionnaires, c’est la nécessité de la dictature du prolétariat. Partant d’une analyse profonde de l’économie capitaliste, Marx et Engels en sont venus à la conclusion que ce régime social renferme les germes de sa perte : d’une part des contradictions de plus en plus graves dans le processus de production, d’autre part l’accroissement en nombre d’une classe d’hommes qui sont ses ennemis irréductibles, les prolétaires.
A ces hommes il faut une théorie et une tactique, pour unir et conjuguer leurs forces en vue d’abattre le capitalisme et d’édifier le socialisme. En voici les principaux aspects :
a) La mission historique mondiale de la classe ouvrière La classe ouvrière a la mission historique de libérer l’humanité du capitalisme, dernière forme des modes de production connaissant l’oppression d’une classe par une autre. La classe ouvrière est révolutionnaire ou elle n’est rien. Sa position sociale de principale classe exploitée fait d’elle l’ennemie irréconciliable du capitalisme. Elle constitue l’immense majorité de la société, qui a un intérêt objectif primordial à supprimer la propriété privée des moyens de production, base de son exploitation, pour la remplacer par la propriété sociale des moyens de production.
b) La solidarité internationale des travailleurs Les ouvriers de chaque pays, luttant contre » leur » propre bourgeoisie nationale, doivent s’entendre et se soutenir les uns les autres par la création d’organisations internationales. L’internationalisme prolétarien, fondé sur la communauté d’intérêts de tous les ouvriers, ne nie toutefois pas les caractères propres, donc l’aspiration à l’indépendance des différents détachements nationaux de la classe ouvrière.
c) La lutte des travailleurs pour leurs intérêts économiques immédiats La lutte politique pour le renversement du capitalisme dans tous les pays du monde doit se doubler d’une lutte économique et sociale pour l’amélioration des conditions de vie et de travail du prolétariat dans le cadre même du capitalisme. Cette lutte n’est qu’accessoire à côté des tâches révolutionnaires, tant il est vrai que les intérêts des travailleurs commandent la suppression du système capitaliste qui ne peut que générer exploitation et paupérisation. Mais la lutte pour les intérêts immédiat est l’école de la lutte pour la classe, c’est dans cette lutte qu’elle prend conscience de la spécificité de ses intérêts historiques.
d) Le rôle du parti marxiste-léniniste Pour la transformation révolutionnaire de la société capitaliste en une société socialiste, le prolétariat a besoin d’un parti politique indépendant : le parti communiste , dont le but est la prise du pouvoir et la construction de la société nouvelle. Son intransigeance à l’égard du capitalisme le conduit à condamner le réformisme et les partis révisionnistes (même s’ils se proclament » communistes « ) et sociaux-démocrates qui représentent cette tendance.
e) La ligne politique du parti marxiste-léniniste La politique marxiste-léniniste est à la fois une science et un art, fondés sur la connaissance objective des lois de l’évolution sociale et, notamment, sur celle des lois de la lutte des classes. La ligne politique qui en résulte comporte une tactique (ligne politique à court terme, déterminée par telle ou telle condition concrète) et une stratégie (ligne à suivre pendant toute une étape historique). C’est pourquoi, pour triompher de ses ennemis, le parti communiste doit :
1) être organisé de manière à se manifester par une volonté unique, groupant une multitude d’actions isolées en une seule lutte commune. Pour cela, il faut asseoir les statuts du parti sur le principe de centralisme démocratique (direction centralisée dont les organismes sont élus par la base, comptes rendus périodiques de ces organismes devant les organisations du parti, discipline et soumission de la minorité à la majorité).
2) Suivre une politique permettant de travailler partout où il y a des masses , s’instruire auprès d’elles et les diriger, c’est-à-dire : lutter pour la défense des acquis sociaux et des intérêts économiques immédiats des travailleurs, sans cacher que, dans le cadre du capitalisme en crise, les intérêts seront constamment foulés ; soutenir le mouvement de libération nationale des peuples opprimés ; empêcher les pays capitalistes indépendants de perdre tout ou partie de leur souveraineté nationale au profit d’un autre pays plus puissant, ou dans le cadre d’organisations supranationales dominées par le grand capital et à son service, sans que cette lutte ne serve le chauvinisme ou le nationalisme bourgeois ; lutter pour la défense des acquis démocratiques mais uniquement dans la mesure où cette lutte ne devient pas une défense du régime, dans la mesure où cette lutte se place dans la perspective du renversement révolutionnaire du régime démocratique bourgeois.
f) La révolution socialiste Pour en finir avec le capitalisme, il faut faire la révolution socialiste . Cette révolution, qui s’étend aux domaines les plus divers de la vie économique et extra-économique commence par la révolution prolétarienne que le développement des antagonismes de classes rend inévitable. Mais ses voies d’approche sont diverses; ses conditions exigent une situation révolutionnaire (caractérisée par l’impossibilité pour les classes dominantes de maintenir telle quelle leur domination, par l’aggravation de la misère des classes opprimées, et par l’accentuation de la lutte des masses) et la rupture d’un point faible du système de l’impérialisme Ses conséquences sont le passage du pouvoir entre les mains de la classe ouvrière, donc l’élimination des classes exploiteuses du pouvoir et l’abolition de la propriété privée.
La forme d’état est toute entière déterminée par le régime économique qu’il couronne (l’état des sociétés esclavagistes a une forme spécifique, celle des sociétés féodales également). L’état d’une société capitaliste est un organisme issu du régime capitaliste, servant à sa perpétuation du régime capitaliste, aux mains de la classe dominante. Marx parlait de l’état comme de “la violence sociale d’une classe concentrée et organisée” .
Contre la conception de l’état comme état de classe et de son pouvoir comme pouvoir politique, on avance deux objections principales :
a) La première dit : le trait distinctif d’un état est une administration centralisée. C’est pourquoi (disent par exemple les anarchistes) toute administration centralisée implique l’existence d’un pouvoir d’état. Par conséquent, dans la société communiste évoluée, par exemple, où l’économie marchera selon un plan, il y aura encore un état. Ce raisonnement repose tout entier sur une naïve erreur bourgeoise : la science bourgeoise voit au lieu de rapports sociaux des rapports matériels ou techniques. Mais il est clair que l’essence de l’état est non dans les choses, mais dans les rapports sociaux ; non dans l’administration centralisée en tant que telle, mais dans la coquille de classe de l’administration centralisée. Exactement de même que le capital n’est pas une chose (par exemple une machine), mais un rapport social entre l’ouvrier et son employeur, rapport exprimé dans les choses, de même la centralisation n’est nullement par essence une centralisation d’état, elle devient « d’état » lorsque elle exprime des rapports de classes.
b) La seconde objection contre la théorie « de classe » de l’état est, elle, encore plus pitoyable et ridicule. Elle part de ce que l’état remplit une série de fonctions d’utilité générale. Cette existence de fonctions d’utilité générale ne change pas d’un iota le caractère purement de classe du pouvoir politique de l’état. La classe dominante, pour pouvoir exploiter les masses, élargir le champ de cette exploitation, favoriser sa marche « normale », doit, cela va de soi, recourir à des entreprises d' »utilité générale » de différentes sortes. Par exemple, sans écoles professionnelles, on n’aura pas de force ouvrière qualifiée ; sans instituts scientifiques, on ne fera pas progresser la technique capitaliste, et ainsi de suite. Mais dans toutes les mesures semblables, le pouvoir politique des capitalistes raisonne et agit dans l’intérêt d’une classe. Dans les anciens états de propriété foncière despotique, ainsi dans l’Egypte pharaonique, d’énormes travaux de régularisation du mouvement des eaux étaient socialement nécessaires. L’état les protégea et les entreprit non pas pour nourrir les affamés ou se soucier du bien de tous, mais parce qu’ils étaient le prélude indispensable du processus de production, qui était en même temps un processus d’exploitation . Le calcul de classe – voilà quel était ici le mobile de l’état. Par conséquent, cet ordre d’institution d’état n’est en aucune manière une preuve de la fausseté du point de vue de classe. Un autre ordre de mesures d’utilité générale est provoqué par l’offensive des classes opprimées. Telle est, par exemple, la législation ouvrière des pays capitalistes. Partant de cette constatation, les réformistes considérèrent que l’état n’est pas un organisme purement de classe, puisqu’il est nécessairement fondé sur un compromis. Il suffit d’y réfléchir une minute pour voir le fond de la chose. Est-ce que par exemple, le capitaliste cesse d’être un « capitaliste pur », lorsque, sous la menace d’une grève, il considère comme plus avantageux pour lui-même de céder ? Evidemment non. De même pour l’état. Bien entendu, l’état de classe peut faire des concessions aux autres classes, de même que dans notre exemple, le patron fait des concessions aux ouvriers. Mais il ne s’ensuit nullement qu’il cesse pour cela d’être purement de classe pour devenir on ne sait quel organisme de bloc des classes, c’est-à-dire un organisme effectivement d’utilité générale.
L’état est donc la superstructure de la domination économique, le pouvoir organisé d’une classe en vue de l’oppression d’une autre classe. L’état est l’organisation spéciale d’un pouvoir de classe, l’organisation de la violence destinée à mater une certaine classe… Les deux institutions les plus caractéristiques de cette machine d’état sont donc la bureaucratie et l’armée permanente.
Engels décrit ainsi son origine : » L’état s’offre à nous comme la première puissance idéologique sur l’homme. La société se crée un organisme en vue de la défense de ses intérêts communs contre les attaques intérieures et extérieures. Cet organisme est le pouvoir d’état. A peine né, il se rend indépendant de la société, et cela d’autant plus qu’il devient davantage l’organisme d’une certaine classe, qu’il fait prévaloir directement la domination de cette classe. La lutte de la classe opprimée contre la classe dominante devient nécessairement une lutte politique, une lutte menée d’abord contre la domination politique de cette classe ; la conscience du rapport de cette lutte politique avec sa base économique s’estompe et peut même disparaître complètement. (…) L’état, une fois devenu une puissance indépendante à l’égard de la société, crée, à son tour, une nouvelle idéologie. Les professionnels de la politique, les théoriciens du droit public et les juristes du droit privé escamotent en effet la liaison avec les faits économiques… la forme juridique doit être tout et le contenu économique rien. »
Ainsi, l’état qui semble s’ériger au-dessus de la société et avoir l’aspect d’un arbitre, d’un juge, d’un pouvoir impartial et au-dessus des classes, n’exprime, ne traduit et ne sanctionne dans la réalité que la domination d’une classe.
C’est pour cette raisons que dans leur lutte, les classes opprimées et révolutionnaires voient se dresser face à elles l’état et tout son arsenal d’armée, de fonctionnaires, de juriste et de prison. Face à cet adversaire, les classes opprimées et révolutionnaires créent dans la lutte également leurs organisations de combat , qui deviennent de plus en plus des organisations de pouvoir . Lorsque vient la révolution, ces organisations brisent la résistance de l’ennemi qui tente de maintenir l’ancien ordre social, et elles apparaissent comme les cellules embryonnaires d’un nouvel appareil d’état, sous forme directe ou masquée.
Dans la révolution française. les clubs populaires ou jacobins, anciennes sociétés des Amis de la Constitution, jadis bourgeois, puis démocratiques, montagnards, sans-culottes, fanatiques partisans de l’égalité et de l’unité, avaient été fondés à des fins d’éducation populaire, pour la propagande plutôt que pour l’action. Mais les circonstances les forcèrent à agir dans le domaine politique et, lorsque la petite bourgeoisie fut au pouvoir, à s’immiscer directement dans l’administration… Par le décret du 12 frimaire, les jacobins devenaient dans toute la France les instruments du choix et de l’épuration des fonctionnaires. Finalement, ce furent les sociétés jacobines qui maintinrent l’unité et sauvèrent la France révolutionnaire. Pendant la révolution russe, les organes de combat des ouvriers, des paysans et des soldats – les soviets et le parti bolchevique – devinrent les organismes de base du nouvel état.
La révolution est le point culminant de la lutte des classes. Conscientes que leurs intérêts économiques exigent un changement de société et donc le pouvoir pour opérer ce changement, les classes révolutionnaires dépassent le stade des luttes revendicatrices pour s’engager sur le terrain politico-militaire. La question centrale devient la question du pouvoir. Le pouvoir est âprement disputé entres les forces révolutionnaires et les forces réactionnaires. Et de la même manière que, sous le pouvoir bourgeois, la lutte prolétarienne reste vivante, sous le pouvoir prolétarien, la lutte de la bourgeoisie pour la restauration de son hégémonie socio-politique ne cesse pas. Les points culminants que constituent les Révolutions sont presque toujours suivis d’une période de guerre civile, d’intervention étrangère, de lutte à mort entre le nouveau pouvoir révolutionnaire et les forces de la réaction. C’est cette période historique particulière qui commande la dictature du prolétariat.
Après le triomphe de la révolution socialiste, le prolétariat se trouve maître de l’état. Que va-t-il en faire ?
Le briser, le détruire immédiatement comme le proposent les anarchistes ? Ou bien s’en servir pour empêcher tout retour offensif de la bourgeoisie et édifier le socialisme? C’est la deuxième solution qu’adopteront les marxistes qui se distinguent des anarchistes en ceci qu’ils reconnaissent la nécessité de l’état et d’un pouvoir d’état pendant la période révolutionnaire en général, et pendant l’époque de transition du capitalisme au socialisme.
Un état prolétarien succède donc à l’ancien état bourgeois et les caractères de ce nouveau pouvoir sont les suivants :
a) L’état prolétarien est une dictature, mais celle du prolétariat et des masses paysannes sur la bourgeoisie, c’est la dictature des intérêts de l’immense majorité des classes laborieuses sur les intérêts de l’ancienne minorité exploiteuse. Le but à court terme de la dictature du prolétariat est la liquidation, plus ou moins rapide et violente, d’un système économique (le capitalisme), d’une classe (la bourgeoisie), et d’un état politique déterminé (l’état bourgeois). Le but à long terme de la dictature du prolétariat est l’édification matérielle (technique et juridique) d’une économie de justice et d’abondance et la transition vers la phase supérieure du communisme.
Au cours de cette phase de transition vers le communisme, l’état se transforme progressivement. Sa fonction politique de surveillance et de liquidation des anciennes classes dirigeantes s’estompe au fur et à mesure que ces classes disparaissent. Sa fonction de gestion rationnelle de l’économie nationale passe au tout premier plan, et, dans ce domaine, un système sélectif dont les modalités sont à déterminer dans chaque cadre national permet aux individus les mieux doués (pour ces fonctions) d’émerger, de se former. Les masses elles-mêmes sont appelées à fournir ces individus… Alors l’état dépérit comme tel, non qu’il dégénère, mais il se résorbe dans la société par disparition de la fonction politique, après avoir élevé la société tout entière – en la personne des individus les plus capables – au niveau de conscience et de connaissance qu’impliquent les fonctions d’organisation.
Toutefois, la phase socialiste transitoire comporte un état – un état socialiste – donc un appareil d’état, avec un appareil administratif, un appareil répressif, un appareil juridique, un appareil militaire, etc. Mais cet état socialiste est, de par sa nature de classe et ses fonctions, un état de type particulier. Marx, Engels et Lénine le caractérisaient ainsi : “pas tout à fait état”, “pas état dans le plein sens du terme”, “semi-état” , ou forme transitoire entre l’état et le non-état, c’est-à-dire forme de l’état en extinction.
L’extinction totale de l’état, c’est-à-dire la transition de l’état socialiste (ou semi-état) au non-état, suppose que la société soit parvenue au stade final de la phase supérieure du communisme. Cela implique, du point de vue économique, un prodigieux développement des forces productives et l’avènement de l’ère de l’abondance, le dépassement de la division du travail en travaux subordonnés (matériels) et travaux supérieurs (intellectuels), la transformation du travail aliéné en travail volontaire et sans contrainte. Cela suppose, dans le domaine extra-économique, que les hommes se seront habitués à observer librement et sans contrainte les règles de la vie en commun ; alors ne sera plus nécessaire un appareil de contrainte (police-justice). Et dans les relations internationales ne devront plus jamais exister les risques de conflits, toutes les nations du monde étant parvenues à la phase supérieure du communisme et ayant réglé au préalable leurs problèmes politiques.
Le communisme est donc la société sans état. Toutefois, cela ne signifie nullement que, lorsque l’état aura disparu, il ne subsistera aucune espèce d’organisation de la société et que ce sera l’avènement de l’anarchie. Mais simplement que les organismes créés aux fins de gérer la société auront perdu leur caractère politique et étatique : ce seront des organismes publics. La société n’abandonnera pas l’état pour « rien » mais pour le non-état , c’est-à-dire pour une forme d’organisation qui aura perdu tout caractère répressif.
Nous présentons ici un choix de citations de Marx et Engels sur la question de la dictature révolutionnaire du prolétariat. Bien sûr, un liste de citations ne suffit pas à résoudre les problèmes théoriques et politiques soulevés par la question. Cependant, il est indispensable de s’y référer. Ces citations montrent que de 1847 à 1890, Marx et Engels ont toujours considéré cette notion comme une question clé.
Le marxisme-léninisme est une pensée vivante, ce n’est pas un dogme mais un guide pour l’action. Aussi, le but de ces citations n’est pas de convaincre qui que ce soit de la nécessité de la dictature du prolétariat. Ce serait user d’un argument d’autorité qui présupposerait que l’autorité des écrits de Marx est reconnue comme absolue, définitive, invariable. C’est dans la réalité sociale et historique que la validité de la thèse de la dictature du prolétariat trouve son fondement. Mais ces citations sont importantes pour démasquer les révisionnistes qui » agitent le drapeau rouge pour combattre le drapeau rouge » , ceux qui invoquent l’autorité de Marx pour combattre le marxisme. La thèse de la dictature du prolétariat a toujours été la cible des révisionnistes qui justifient par un marxisme frelaté leur volonté de substituer à la politique révolutionnaire une intégration critique à la société capitaliste. Les révisionnistes veulent créditer l’idée que la thèse de la dictature du prolétariat n’est pas une thèse à proprement parler marxiste, qu’elle a été forgée par Lénine et Staline.
La dictature du prolétariat, c’est l’étape historique des pleins pouvoirs à la classe prolétarienne inconnue du vivant de Marx et d’Engels, exception faite de la brève expérience de la Commune de Paris. Et ce qui distingue notamment le marxisme des forces de pensées révolutionnaires utopiques, c’est qu’il ne se pose que les problèmes qu’il est à même de résoudre (les marxistes n’ont pas, à la différence des anarchistes, de plan parfait de société idéale, le projet de société se définit dans le mouvement même tendant à cette société). Il n’y a donc rien d’étonnant que ce soit avec la période historique ouverte par la révolution d’Octobre que les communistes durent approfondir la notion de dictature du prolétariat : le mouvement de l’histoire révélait les conditions historiques concrètes de la problématique du pouvoir prolétarien révolutionnaire. Les textes de Lénine et du mouvement communiste international sont nombreux, relativement connus et faciles à trouver (ainsi par exemple L’état et la Révolution et Marx, Engels, marxisme de Lénine), les extraits ci-dessous montrent que loin d’être une innovation, les thèses léninistes de la dictature du prolétariat ne sont que l’application concrète des thèses de Marx et Engels.
Engels dans la Deutschen Brüsseler Zeitung
» Dans tous les pays civilisés la démocratie a pour conséquence nécessaire la domination politique du prolétariat et la domination politique du prolétariat est la condition première de toutes les mesures communistes »
7 octobre 1847
Statuts de la Ligue des communistes
Article I: Le but de la ligue est le renversement de la bourgeoisie, la domination du prolétariat, l’abolition de la vieille société bourgeoise, fondée sur les antagonismes de classes, et l’instauration d’une société nouvelle, sans classes et sans » propriété privée « .
décembre 1847
Marx-Engels : Manifeste du Parti Communiste
» Le prolétariat se servira de sa suprématie politique pour arracher peu à peu toute espèce de capital à la bourgeoisie, pour centraliser tous les instruments de production dans les mains de l’état – du prolétariat organisé en classe dominante – et pour accroître le plus rapidement possible la masse des forces productives « .
1847
Marx: Les luttes de classes en France.
» Le socialisme est la déclaration permanente de la révolution , la dictature de classe du prolétariat comme point de transition nécessaire pour arriver à la suppression des différences de classes , à la suppression de tous les rapports de production sur lesquels elles reposent, à la suppression de toutes les relations sociales qui correspondent a ces rapports de production, au bouleversement de toutes les idées qui émanent de ces relations sociales » .
1850.
Marx-Engels et autres :
Article 1 sur I’accord du programme de la société universelle des socialistes révolutionnaires.
» Le but de cette association est le renversement des classes privilégiées pour les soumettre à la dictature des prolétaires en maintenant la permanence de la révolution jusqu’à la réalisation du communisme qui est la forme suprême d’organisation de la famille humaine « .
avril 1850.
Karl Marx au rédacteur de la Neue Deutsche Zeitung.
» Dans la chronique de votre journal en date du 22 juin courant, vous m’avez reproché de préconiser la domination et la dictature de la classe ouvrière en m’opposant l’abolition de toutes les différences de classe. Je ne comprends pas le sens de cette rectification.
Vous saviez très bien qu’on lit dans le Manifeste du Parti Communiste (publié avant la révolution de février) a là page 16:
» Si le prolétariat, dans sa lutte contre la bourgeoisie se constitue nécessairement en classe, s’il s’érige par une révolution en classe dominante et, comme classe dominante, détruit par la violence l’ancien régime de production, il détruit, en même temps que ce régime de production, les conditions de I’antagonisme des classes, il détruit les classes en général et par là même sa propre domination en tant que classe.
Vous savez que dans la Misère de la philosophie écrite contre Proudhon avant février 1848, j’ai défendu le même point de vue.
Enfin dans l’article même que vous critiquez, p. 32, n° 3, Neue Rheinische Zeitung , on lit:
» Ce socialisme (c’est-à-dire le communisme) c’est la déclaration de la permanence de la révolution, c’est la dictature de classe du prolétariat, en tant que point de passage nécessaire pour abolir l’ensemble des relations sociales correspondant à ces rapports de production, pour changer radicalement l’ensemble des idées résultant de ces relations sociales « .
juin 1850.
Karl Marx à J. Weydemeyer :
… » En ce qui me concerne, ce n’est pas à moi que revient le mérite d’avoir découvert ni l’existence des classes dans la société moderne, ni leur lutte entre elles. Longtemps avant moi des historiens bourgeois avaient exposé l’évolution historique de cette lutte des classes et des économistes bourgeois en avaient décrit l’anatomie économique. Ce que j’ai apporté de nouveau, c’est de démontrer :
1) que l’existence des classes n’est liée qu’à des phases historiques déterminées du développement de la production;
2) que la lutte des classes mène nécessairement à la dictature du prolétariat;
3) que cette dictature elle-même ne représente que la transition à l’abolition de toutes les classes et à une société sans classes.
5 mars 1852.
Karl Marx. Discours a l’occasion du 7e anniversaire de la Première Internationale.
» Avant de réaliser un tel changement, (il s’agit de supprimer les bases de la domination et de l’oppression de classes – note de la rédaction -), il faut une dictature du prolétariat, dont une condition première est l’armée prolétarienne. Les classes ouvrières devront conquérir sur le champ de bataille le droit à leur propre émancipation. La tâche de l’internationale est d’organiser et de concerter les forces ouvrières dans le combat qui les attend.
1871.
Engels : Discours sur l’action politique de la classe ouvrière.
» Nous voulons l’abolition des classes. Quel est le moyen d’y parvenir? La domination politique du prolétariat, et lorsque cela est convenu de toute part on nous demande de ne pas nous mêler de politique! Tous les abstentionnistes se disent révolutionnaires, et même les révolutionnaires par excellence. Mais la révolution c’est I’acte suprême de la politique; qui la veut, doit vouloir le moyen, l’action politique, qui la prépare, qui donne aux ouvriers l’éducation pour la révolution et sans laquelle les ouvriers, le lendemain de la lutte, seront toujours les dupes des Favre et des Pyat » (1).
septembre 1871.
Engels : La question du logement.
Voici comment Engels résume le socialisme scientifique :
» … les conceptions du socialisme scientifique allemand: nécessité de l’action politique du prolétariat et de sa dictature comme transition à l’abolition des classes et, avec elles, de l’état, telles qu’elles ont déjà été exprimées dans le manifeste du parti communiste et d’innombrables fois depuis « .
» …tout parti véritablement prolétarien à commencer par les chartistes anglais a toujours posé comme première condition la politique de classe, l’organisation du prolétariat en un parti politique indépendant et, comme but premier de la lutte, la dictature du prolétariat.
1872-1873.
Marx: L’indifférence en matière politique.
Marx énonce de façon ironique sur le raisonnement des anarchistes:
» Si la lutte politique de la classe ouvrière assume des formes violentes, si les ouvriers substituant leur dictature révolutionnaire à la dictature de la classe bourgeoise, ils commettent le terrible délit de lèse-principe; parce que pour satisfaire leurs misérables et profanes besoins de tous les jours, pour écraser la résistance de classe bourgeoise, au lieu de déposer les armes et d’abolir ils donnent à celui-ci une forme révolutionnaire et transitoire. Les ouvriers ne doivent pas former des organisations professionnelles parce que, ce faisant, ils perpétuent la division du travail social telle qu’on la trouve dons la société bourgeoise : cette division qui désunit les ouvriers est vraiment la base de leur actuel servage « .
janvier 1873.
F. Engels: Le programme des émigrés blanquistes.
» De l’idée blanquiste que toute révolution est I’oeuvre d’une nécessité dérive automatiquement la nécessité d’une dictature après le succès de l’insurrection, d’une dictature que n’exercera naturellement pas toute la classe révolutionnaire, le prolétariat, mais le petit nombre de ceux qui ont effectué le coup de main et qui, à leur tour sont soumis d’avance à la dictature d’une ou de plusieurs personnes « .
» Marx a dit aux blanquistes: oui nous voulons la dictature à la fois hardie, énergique, pour soutenir la révolution, mais nous sommes contre ce que vous voulez comme dictature: nous voulons la dictature de la classe, c’est-à-dire du prolétariat et non du parti révolutionnaire… la révolution ne peut être le fait de l’action violente d’une petite minorité révolutionnaire « .
1873.
Karl Marx: A propos du livre de Bakounine L’état et l’anarchie
Voici quelques extraits des remarques que fait Marx à la lecture du livre de Bakounine où celui-ci commente en les déformant les thèses de Marx et Engels sur l’état.
…Tant qu’existent encore d’autres classes, et spécialement la classe capitaliste, tant que le prolétariat combat contre elle (car avec son avènement au pouvoir, ses ennemis et la vieille organisation de la société n’auront pas encore disparu), des mesures de violence et par conséquent des mesures de gouvernement doivent être employées; s’il reste lui-même encore une classe et si les conditions économiques sur lesquelles reposent la lutte de classes et l’existence des classes, n’ont pas encore disparu, elles doivent être éliminées ou transformées par la violence, et le processus de transformation doit être accéléré par la violence.
Et à propos de la direction du prolétariat sur la paysannerie…
Ainsi, là où les paysans existent en nombre comme propriétaires privés, là même où ils forment une majorité plus ou moins grande, comme c’est le cas dans tous les pays d’Europe occidentale, là où ils n’ont pas disparu et n’ont pas été remplacés par des journaliers agricoles, comme en Angleterre, il se produira ceci : ou bien les paysans résisteront à toute révolution ouvrière et la feront échouer, comme ils l’ont fait jusqu’ici en France, ou bien le prolétariat (car le paysan propriétaire n’est pas un prolétaire: même quand il en est un de par sa condition, il n’en a pas conscience) devra en tant que gouvernement prendre des mesures qui améliorent directement la situation du paysan et le gagnent de ce fait à la cause de la révolution; des mesures qui facilitent dès le début la transition de la propriété foncière privée à la propriété collective, de telle sorte que le paysan y arrive de lui-même par la vole économique ; mais on ne doit pas l’abasourdir en proclamant, par exemple, I’abolition du droit d’héritage ou de la propriété; ce n’est possible que là où le fermier capitaliste a évincé le paysan et où le vrai cultivateur est devenu un prolétaire, un salarié comme l’ouvrier de la ville, et partage donc directement ses intérêts…
… Et pour qu’il (…le prolétariat industriel…) ait les moindres chances de vaincre, il doit être en mesure de faire mutatis mutandis pour les paysans au moins autant que la bourgeoisie française a fait, pendant sa révolution, pour le paysan français de l’époque. Elle est jolie, I’idée que la domination des ouvriers Implique l’assujettissement du travail agricole!
Et à la question de Bakounine :
» Que signifie le prolétariat (organisé en tant que la classe dominante)? »
Marx répond:
Cela signifie que le prolétariat, au lieu de lutter dans chaque cas particulier contre les classes économiquement privilégiées, est devenu suffisamment puissant et organisé pour employer contre elle les moyens de coercition généraux; mais il peut employer seulement des moyens économiques qui lui enlèvent son caractère propre, en tant que travailleurs salariés, par conséquent en tant que classe; avec sa victoire complète s’achève également sa domination, car son caractère de classe a disparu.
1875.
Engels: De l’Autorité
Ont-ils jamais vu une révolution, ces messieurs? Une révolution est certainement la chose la plus autoritaire qui soit; c’est l’acte par lequel une partie de la population impose sa volonté à l’autre au moyen de fusils, de baïonnettes et de canons, moyens autoritaires s’il on est; et le parti victorieux, s’il ne veut pas avoir combattu en vain, doit maintenir son pouvoir par la peur que ses armes inspirent aux réactionnaires. La Commune de Paris aurait-elle duré un seul jour, si elle ne s’était pas servie de cette autorité du peuple armé face aux bourgeois? Ne peut-on, au contraire, lui reprocher de ne pas s’en être servi assez largement? Donc, de deux choses l’une: ou les antiautoritaires ne savent pas ce qu’ils disent, et, dans ce cas, ils ne sèment que la confusion; ou bien, ils le savent et, dans ce cas, ils trahissent le mouvement du prolétariat. Dans un cas comme dans l’autre, ils servent la réaction.
mars 1873.
Marx: Critique du programme de Gotha.
Entre la société capitaliste et la société communiste se place la période de transformation révolutionnaire de celle-là en celle-ci. A quoi correspond une période de transition politique où l’état ne saurait être autre chose que la dictature révolutionnaire du prolétariat
1875.
Engels: Pour la mort de Karl Marx.
Dès 1845 Marx et moi-même nous nous en sommes tenus a l’opinion que l’un des résultats finals de la révolution prolétarienne en marche va être la dissolution graduelle et, en définitive, la disparition de l’organisation politique dénommée état , une organisation qui a toujours eu pour but principal d’assurer à l’aide de la force armée la mise en tutelle économique de la majorité des travailleurs par la minorité des possédants. Avec la disparition de la minorité possédante disparaît la nécessité d’une force étatique armée servant aux buts de répression . En même temps nous avons toujours estimé que pour cela, de même que pour la réalisation des autres fins, beaucoup plus importantes de la révolution sociale à venir, la prolétariat, avant toute chose, devra commencer par s’emparer du pouvoir politique organisé de l’état pour briser avec son aide la résistance de la classe des capitalistes et réorganiser la société. Tout ceci se trouve déjà dans le Manifeste communiste de 1847, à la fin du chapitre 2.
1883.
Engels: Lettre à C. Smith.
Si donc Barth pense que nous nions toute réaction des reflets politiques, etc., du mouvement économique sur ce mouvement même, il combat tout simplement des moulins a vent. Qu’il étudie le 18 Brumaire de Marx, où il ne s’agit presque uniquement que du rôle particulier que les luttes et les événements politiques jouent naturellement dans les limites que leur trace leur dépendance générale des conditions économiques, ou encore le Capital , le chapitre, par exemple, sur la journée de travail, où la législation, qui est pourtant un acte politique, a une action si profonde, ou le chapitre sur l’histoire de la bourgeoisie (chapitre XXIV). Pourquoi alors combattons-nous pour la dictature politique du prolétariat si le pouvoir politique est sans force au point de vue économique? La violence (c’est-à-dire le pouvoir public) est aussi une puissance économique!
octobre 1890.
Engels:Critique du programme d’Erfurt.
Cependant, on peut encore à la rigueur esquiver la question de la République. Mais ce qui, à mon avis, devrait et pourrait figurer au programme, c’est la revendication de la concentration de tout le pouvoir politique dans les mains de la représentation du peuple. Et cela suffirait, en attendant, si l’on ne peut pas aller plus loin.
…Une chose absolument certaine, c’est que notre Parti et la classe ouvrière ne peuvent arriver à la domination que sous la forme de la République démocratique. Cette dernière est même la forme spécifique de la dictature du prolétariat, comme l’a déjà montré la grande Révolution française.
(1891).
Engels: Préface à la 3ème édition allemande de La Guerre civile en France et le 20ème anniversaire de la Commune de Paris.
Mais en réalité, l’état n’est rien d’autre qu’une machine pour l’oppression d’une classe par une autre, et cela tout autant dans la République démocratique que dans la monarchie; le moins qu’on puisse en dire, c’est qu’il est un mal dont hérite le prolétariat vainqueur dans la lutte pour la domination de classe et dont, tout comme la Commune il ne pourra s’empêcher de rogner aussitôt au maximum les côtés les plus nuisibles, jusqu’à ce qu’une génération grandie dans des conditions sociales nouvelles et libres soit en état de se défaire de tout ce bric-à-brac de l’état.
Le philistin social-démocrate a été récemment saisi d’une terreur salutaire en entendant prononcer le mot de dictature du prolétariat. Et bien, messieurs. voulez-vous savoir de quoi cette dictature a I’air? Regardez la Commune de Paris. C’était la dictature du prolétariat.
(1891).
(1) Favre fut un bourreau de la Commune. Quant a Pyat il s’agit d’un politicien petit-bourgeois, II fut membre de la Commune mais laissa le souvenir d’un saboteur et d’un lâche.
1. L’organisation et le cortège
A l’initiative du Bloc ML, un cortège du premier mai a parcouru les rues de Bruxelles cette année. Le Bloc avait proposé à de nombreuses organisations et associations la formation d’un comité organisateur, nombre d’entre elles avaient approuvé l’initiative, et plusieurs ont joué un rôle central dans la préparation du cortège, comme la Fraction L’étincelle de Lutte Ouvrière (trotskyste) et l’association chilienne CECI.
La délégation du Bloc
L’objectif fixé par le comité organisateur (500 participants) a été atteint puisque plus de 600 personnes ont défilé de la place Van Meenen à la Place Fontainas. Cette réussite est d’autant plus appréciable que le cortège s’est imposé malgré un sabotage ouvert et déclaré d’au moins deux organisations pourtant invitées à une co-organisation : le MAS qui a lancé des mots d’ordre de boycottage et surcollé les affiches appelant à au cortège, et le PCB qui, à la dernière minute, à organisé un meeting pour le » non » à la constitution européenne exactement pendant la plage horaire du cortège. Ils en ont été pour leur frais : le cortège a été un succès et le meeting du PCB a réunis 19 personnes (y compris les six orateurs)…
Du point de vue organisationnel, donc, le bilan est excellent. Le seul gros couac a consisté en la présence de groupes de soutien aux sans-papiers qui étaient venus au rendez-vous en croyant qu’il s’agissait d’une manifestation exclusivement destinée au soutien aux sans-papiers. La confusion a pour origine un appel parallèle à la manifestation (sous forme de mails et d’affichettes produites en marge du comité organisateur et sans que celui-ci en ai eu connaissance) qui ne mentionnait pas la présence d’organisations communistes, et qui avait remplacé les mots d’ordre communs par des mots d’ordre spécifiques à la lutte des sans-papiers. Pour les participants bruxellois, le quiproquo n’était pas possible en raison des milliers d’affiches » officielles » collées sur les murs de la ville et des innombrables papillons diffusés à toutes les manifestations. Mais certaines personnes venues de province sont arrivées sur la seule base de l’appel tronqué et les plus anti-communistes d’entre elles (ainsi un groupe anarchiste flamand) ont eu le sentiment de » s’être fait avoir « . Ce qui a provoqué un léger incident avec le service d’ordre. Mais le cortège s’est bien passé et la délégation du Bloc y a fait bonne figure avec drapeaux et voiture-sono.
2. Le débat au sein du Bloc ML
A l’issue de ce premier mai, un débat assez vif a traversé le Bloc. On le sait, le Bloc réunit des marxistes-léninistes qui sont tous convaincus de la nécessité d’un parti révolutionnaire d’avant-garde. Mais l’unité quant à ce que doit être un parti révolutionnaire d’avant-garde dans les pays impérialistes aujourd’hui n’en est pas arrivée au point où le Bloc peut être considéré comme l’embryon du Parti. La réalité du Bloc, c’est un travail théorique et pratique visant à rassembler les éléments nécessaires au processus de construction partitiste.
Le bilan du Premier Mai a été l’occasion d’un débat où se sont confrontées des analyses divergentes.
Une analyse considérait ce premier mai comme un succès : il avait permis une présence communiste ouverte et dans les rues, il avait atteint son objectif de mobilisation, il avait permis au Bloc d’apparaître une nouvelle fois comme une force politique réelle. Dans cette optique, l’essentiel est donc de faire » mieux et plus » l’année prochaine en améliorant (et élargissant) la composition du comité organisateur, en améliorant le travail d’agit-prop pour le cortège, et en renforçant quantitativement et qualitativement la délégation du Bloc au sein du cortège (en scandant des mots d’ordre spécifiques au Bloc, par exemple).
Cette analyse positive du bilan du Premier Mai s’est heurtée à des critiques d’une intensité diverse. Pour résumer l’esprit général des différentes positions critiques (qui n’étaient pas homogènes) : le premier mai que le Bloc avait organisé était similaire aux premiers mai qu’organisait le PCB il y a quelques années. Rien ne distinguait ce premier mai des cortèges que les révisionnistes organisent en France par exemple, ou en Italie. Quelle était alors la spécificité révolutionnaire de l’initiative du Bloc ?
A cela il fut répondu que la spécificité était dans le projet même du Bloc, dans sa ligne authentiquement révolutionnaire, dans son projet politique qui différait radicalement de ceux des PCB, PTB ou, pour l’étranger, PCF ou Rifondazione Comunista (on peut évoquer à ce propos une réflexion de camarades italiens trouvant extrêmement important le fait qu’un cortège du premier mai soit guidé par des communistes marxistes-léninistes, puisque presque partout ailleurs, les groupes révolutionnaires défilent en queue des cortèges réformistes). Cette réponse n’a pas été rejetée comme fausse mais a paru insuffisante à la plupart des tenants du » bilan critique « . Si le Bloc ML veut se distinguer comme force révolutionnaire aux yeux des masses mille fois trompées par les forces révisionnistes et réformistes, il doit apparaître avec une pratique non-équivoque.
La problématique a été résumée par cette question : » Quel modèle de premier mai adoptons-nous ? » . Celui de Paris : défilé massif et pacifique associant tout et son contraire ? Celui de Zurich avec son cortège de heurts avec la police et le risque d’isolement que cela suppose ? Celui de Berlin associant ces deux caractères ?
3. Les perspectives
Le débat reste ouvert et c’est aussi pour ce genre de débats que le Bloc existe. C’est dans un débat lié à une pratique (et certainement pas à une absence de débat ou à un débat purement académique) que le juste s’imposera à l’erroné.
En toute hypothèse une chose est d’ores et déjà claire. Il y aura un cortège du premier mai l’année prochaine, mais les mots d’ordre » officiels » seront nettement plus clairs (ouvertement anti-capitalistes) et offensifs que le consensuel » Ni guerre, ni misère, ni frontières » qui a attiré cette année dans le cortège, à côté de forces authentiquement populaires et prolétariennes, des forces purement bourgeoises.
L’analyse suivante est basée sur une document publié par le Parti communiste mexicain (marxiste-léniniste) et intitulé La croisade de Marcos contre la perspective révolutionnaire. Le PCML a fait partie des forces communistes qui ont manifesté leur soutien à l’EZLN (Ejercito Zapatista de Liberacion Nacional : Armée zapatiste de libération nationale) lors de leur apparition au grand jour, en janvier 1994. Il l’a fait sans réticence ni hésitations, ne se laissant pas conditionner par le fait que ceux qui provoquaient l’ouverture de cette brèche dans le système étaient » autres « , et en espérant que l’EZLN serait en mesure de se porter à la tête d’un grand mouvement de masse capable de dépasser ses revendications initiales et de porter l’objectif de la lutte radicale contre le régime. Dix ans plus tard, ils sont revenus de cette illusion et ont fait l’analyse critique des récentes positions du commandant Marcos dans ce document publié en italien dans le n°12 (novembre 2004) de Teoria e Prassi et traduit par nos soin. Les modifications que nous y avons apporté sont telles que les camarades du PCM(ML) risquent de ne pas retrouver exactement leurs positions.
Lorsque s’est manifestée la lutte de l’EZLN, en janvier 1994, en tant que un mouvement armé aux mots d’ordre radicaux, on a pu penser qu’elle évoluerait positivement le fait que cette mobilisation avait les possibilités de se transformer en un pôle catalyseur de la lutte des classes et de contribuer à sortir les masses des villes et des campagnes de leur léthargie. Mais les zapatistes sont allé contre un processus évolutif, ils ont tourné le dos à leurs mots d’ordre, ils ont redimensionné leurs projets, et évolué vers des conceptions social-démocrates.
Chez les zapatistes prévalent la ligne de » ne pas être une avant-garde « . Cette ligne a causé un tort énorme au mouvement de masse, le déformant et lui ôtant toute puissance pour un certain temps. Il s’agit d’une ligne politique qui a provoqué de graves conséquences et les zapatistes en sont les responsables directs. La gravité de cette ligne est accentuée par le fait que les masses espéraient, en un certaine mesure, tirer de cette orientation des lignes pour se guider et des exemples concrets de lutte.
C’est dès la convention démocratique de 1994 que les zapatistes ont laissé la direction du mouvement de masse, réuni sous leur initiative, dans les mains des intellectuels bourgeois et social-démocrates refusant tout rapport avec les forces ayant une ligne révolutionnaire plus conséquente. Beaucoup d’autres faits de la même nature se sont successivement matérialisés ; il se profilait un abandon progressif du projet imposé par la mobilisation, à savoir contribuer à la lutte révolutionnaire.
La marche zapatiste sur Mexico a représenté le moment auquel la direction de l’EZLN et ses alliés ont lancé une campagne contre la perspective révolutionnaire pour plaire à la classe bourgeoise au pouvoir. Durant les journées pendant lesquelles les zapatistes effectuèrent leur marche en une partie du pays, Marcos accorda quelques interviews à Monvisais, Schrerer et Garcia Marquez dans lesquelles Marcos a attaqué la lutte révolutionnaire, nié la valeur fondamentale que celle-ci a pour l’émancipation des opprimés, refusé de prendre en considération le rôle du mouvement révolutionnaire. Ce faisant, Marcos s’est identifié avec la position calomnieuse et réactionnaire de la bourgeoisie.
Dans une interview, Monvisais (un intellectuel hostile au mouvement étudiant et universitaire et aux formes de lutte des masses qui se déroulent hors de l’ordre constitutionnel bourgeois) se félicite avec Marcos parce que l’EZLN était disposée à adopter des positions civilisées ; il proclame comme délirants les objectifs initiaux de la lutte zapatiste définis dans les accords de San Andrès et manifeste sa propre satisfaction pour le changement de ligne politique ; Marcos, sans tiquer, lui donne raison ; une sympathie réciproque se réalisa, de Monvisais avec Marcos et de Marcos qui se sentait renforcé par le soutien de Monvisais à ses thèses.
En réponse aux critiques des révolutionnaires, les zapatistes, à travers Marcos, affirment que l’objectif pour lequel ils se battent à présent est celui pour lequel ils se sont toujours battus, que tous ce qui a été autrement était soit les résidus de vieilles conceptions, ou pire encore qu’il s’agissait d’interprétations erronées qui travertissaient leurs vrais objectifs. Par ces affirmations les zapatistes, nient les positions et la pratique politique soutenues auparavant, ils tentent d’imprimer une accélération à leur légitimation dans le cercle politique dans lequel ils évoluent aujourd’hui, celui de la social-démocratie et du crétinisme petit-bourgeois. Voyons cela point par point.
1. La lutte révolutionnaire et Marcos le rebelle
Marcos présente son rapport avec la communauté indigène comme la cause de la disparition de ses conceptions révolutionnaires. Il définit ainsi son évolution comme une » perte d’inclination à la violence « . Cette affirmation qui en apparence semblerait pleine d’humanité et de romantisme réduit en fait l’action politique de ses sympathisants et de ceux qui le soutiennent à un instrument pour faire du système capitaliste un système exploiteur » à visage humain « .
Ce n’est pas le rapport avec la communauté indigène qui a amené Marcos à modifier l’objectif de la lutte ; mais bien l’incapacité de Marcos à imprimer une direction de classe au mouvement pour l’enrichir d’une perspective de plus grande envergure. Marcos est entré dans la forêt sur des positions révolutionnaires ; les lacunes de sa formation politique (qu’il reconnaît lui-même) ont été déterminantes pour son évolution, mais aussi l’incapacité de politiser les masses indigènes et de les orienter sur des positions révolutionnaires partant de leurs dramatiques conditions de vie, les rapports avec la social-démocratie et les pressions internes et externes qui ont influencé Marcos jusqu’à arriver au rejet ouvert de la lutte révolutionnaire.
Marcos, dans son interview avec Julio Schrerer Garcia, affirme : » le révolutionnaire tend à se transformer en un homme politique, le rebelle ne cesse jamais d’être un rebelle « . Avec cette affirmation il repropose une vieille théorie anarchiste selon laquelle » le pouvoir corrompt « . Il en résulte que les masses doivent renoncer à prendre le pouvoir, à avoir la possession des moyens de production (qui est l’élément central qui caractérise la lutte des classes pour le pouvoir). Selon cette position les masses seraient incapables d’assumer les rênes du pays, de prendre le pouvoir, parce que cette lutte conduirait à la corruption et à l’écroulement de tout projet de changement ; il n’y a aucune confiance dans la force des masses comme élément déterminant pour dépasser et résoudre de façon définitive n’importe quelle tendance au recul dans la lutte des classes.
Les zapatistes affirment vouloir » renoncer à être une avant-garde « , en réalité leur renoncement est beaucoup plus que cela, ils renoncent à la lutte révolutionnaire.
Naturellement Marcos ne manifeste pas de façon aussi explicite la nature de ses positions ; dans son interview à Carlos Monsivais il arrive à affirmer : » nous sommes un mouvement révolutionnaire sérieux « , même si les parties précédentes de l’interview ont montré clairement que le dirigeant de l’EZLN et sa structure ont décidé d’abandonner les discours révolutionnaires pour adopter une voie pacifique.
Pour revenir à son interview à Schrerer et encore plus à celle de Gabriel Garcia Marquez, elles ont marqué un point final dans sa position social-démocrate en donnant l’indication qu’il n’est pas nécessaire de prendre le pouvoir. Qui ignore qu’au Mexique comme ailleurs, le pouvoir est détenu par les classes les plus élevées, et notamment l’oligarchie financière ? Qui ignore que la politique faite par les partis institutionnels est au service des capitalistes et de leur système ? Les paroles prononcées par Marcos, donc d’un dirigeant d’un mouvement si important, sont honteuses.
Dans les questions sociales il n’y a rien qui ne soit hors de la politique. La position zapatiste se propose fondamentalement d’éloigner les masses de la lutte politique sous le prétexte que tout ce qui a à voir avec la politique est synonyme de corruption. Elle évite de donner une connotation de classe à la lutte et donc renonce à différencier la politique bourgeoise de la politique prolétarienne. Les révolutionnaires se posent l’objectif d’organiser les masses pour que celles-ci s’élèvent à la lutte politique, prennent le pouvoir et transforment leur situation concrète et avec celle-ci tous les aspects de leur vie sociale. Pour pouvoir affirmer ces objectifs les révolutionnaires sont en première ligne pour qu’à travers les luttes populaires les masses atteignent leurs objectifs, plus ou moins immédiats, mais surtout pour qu’elles élèvent leur niveau de conscience et augmentent leurs propres forces dans le combat avec les oppresseurs.
Au contraire, les zapatistes, de façon pas trop explicite, mais sans laisser d’incertitudes sur leurs propositions réelles, se font les promoteurs de la conception bourgeoise selon laquelle les masses doivent seulement s’occuper de questions qui n’ont rien à voir avec le pouvoir politique et avec son fondement matériel : la propriété des moyens de production.
Un autre point de la litanie zapatiste est constitué par la prétention d’identifier la radicalisation des mouvements avec leur défaite : » nous ne forçons pas sur le mouvement pour ne pas le pousser à la défaite « . Cette position laisse transparaître une critique à la fermeté avec laquelle le mouvement étudiant a affronté le régime ; le fondement de la thèse zapatiste est le renoncement à radicaliser la lutte à cause du spectre de la répression. Cette position amène à la défaite des luttes en brandissant l’épouvantail des » risques » qui découlent de niveaux de lutte élevés.
2. La violence révolutionnaire
La violence est rendue naturelle par les luttes entre les classes. Les classes sociales, et encore plus celles qui s’approprient une perspective révolutionnaire, recourent toujours à la critique des armes. Marcos qui à l’origine avait adopté des formes de lutte violentes, pour répondre à la violence des oppresseurs, prétend (maintenant qu’il s’est repenti) donner des leçons : » La violence est toujours inutile, mais on n’acquiert pas conscience de cela tant qu’on ne l’exerce pas ou qu’on ne la subit pas » (interview à Scherer).
En réalité l’histoire de l’humanité s’est développée en utilisant cet instrument » inutile « . Les révolutions des esclaves, des serfs, des paysans, des bourgeois, de la classe ouvrière se seraient peut-être réalisées sans celle-ci, dans le cours de l’histoire ? L’histoire du Mexique est particulièrement riche à cet égard : guerre d’indépendance de 1810, révolution de 1910-17, et tradition quasi ininterrompue de guerre de guérilla depuis les années 60. Marcos propose la vieille conception bourgeoise qui considère la violence comme le symbole du mal dans l’histoire, mettant en évidence ses aspects négatifs en refusant de tenir compte de la distinction entre la violence réactionnaire des classes exploiteuses et la violence révolutionnaire des classes exploitées.
Marcos poursuit en affirmant qu’ » un militaire, et je m’inclus dans ceux-ci, est un homme insensé et irrationnel parce qu’il détient la capacité de recourir à la violence comme arme de persuasion » (interview à Scherer). Un militaire, selon nous, est un homme en armes au service d’une classe sociale, ses tâches sont déterminées par la classe ou par le secteur social qui lui ont fait assurer ce rôle. Les zapatistes ont à l’origine de leur mouvement utilisé les armes non pas » comme arme de persuasion « , mais pour faire valoir leurs propres intérêts et pour arrêter l’offensive répressive et le génocide auxquels ils étaient soumis depuis tant de temps. Ils ne devraient jamais oublier que les peuples de la forêt Lacandonienne ont la nécessité immédiate de recourir à l’autodéfense contre les gros propriétaires latifundistes et l’Etat.
En référence aux autres groupes guérilleros, avec l’intention non seulement de critiquer leurs erreurs mais aussi d’étendre à leur expérience la même argumentation conceptuelle destinée à nier l’importance de la lutte armée, Marcos affirme que » le recours à la violence n’est pas moral » (interview à Garcia Marquez). En approfondissant cette position il affirme que » qui a du avoir recours aux armes pour faire valoir ses propres idées est certainement pauvre en idées » (interview à Scherer). Marcos affirme être un admirateur de Zapata… mais comment peut-on comprendre Zapata si on fait abstraction du mouvement armé qu’il a dirigé ?
Nous ne devons jamais oublier que les masses en viennent à la lutte armée, et à ses formes les plus élevées, la guerre populaire et l’insurrection armée, non seulement à cause de leurs propres conditions dramatiques de vie mais après un long processus de lutte dans lequel elles prennent conscience de la nature émancipatrice de leur lutte et de la nécessité d’atteindre de façon révolutionnaire leurs propres objectifs, qui impliquent l’affrontement avec les classes dominantes.
Selon la logique zapatiste, il peut être affirmé que l’exploitation est un fait avéré et l’oppression une réalité indestructible, qu’il suffit de faire oeuvre de sensibilisation sur cet aspect pour que tout change. Surtout, ne pensons pas imposer nos idées par les armes parce que dans ce cas elles se transformeraient en idées pauvres!
En bref, Marcos voudrait amener à considérer que la lutte révolutionnaire est dépassée, qu’ils faut se reconnaître désormais dans les seules formes de lutte pacifiques. Il est évident que la position actuelle de l’EZLN s’identifie pleinement avec le libéralisme classique des démocraties bourgeoises.
3. La vision zapatiste du capitalisme
Avec une grande satisfaction de la part de la bourgeoisie, et au dépit des traditions de lutte qui ont toujours animé le peuple mexicain, les zapatistes ont renié une conviction vieille et consolidée : » Nous ne croyons pas que tous les entrepreneurs sont des voleurs ; certains ont certainement construit leurs fortune par des moyens honorables et honnêtes » (interview à Scherer).
La question ne se traite pas comme si on se trouvait en présence d’un sermon chrétien où on accuse le voleur et où on loue celui qui a un comportement ascétique. L’exploitation capitaliste n’est pas simplement une question morale ou de vol : elle relève des rapports sociaux de production en vigueur entre les possesseurs des moyens de production et ceux qui ne possèdent rien d’autre que leur propre force de travail.
Si Marcos essayait de trouver dans la réalité concrète un seul exemple à l’appui de sa thèse il tomberait dans le ridicule le plus complet en chutant au niveau de tous les défenseurs du système ; le patron le plus humble ou craignant dieu doit exploiter au maximum ses ouvriers, le banquier exiger le maximum utile, le spéculateur prétendre obtenir les intérêt les plus grands, le propriétaire terrien maximiser ses rentes. C’est la loi du système.
Marcos demande des incitations pour les coopératives comme celle du Tefè ainsi qu’on leur » reconnaisse un rôle d’entrepreneur en leur concédant des facilités et des accès au marché analogues à ceux attribués aux grandes chaînes hôtelières » (interview à Scherer).
La logique de Marcos tendant à favoriser le développement de ces secteurs ignore le fait que l’Etat est au service des grands monopoles. Même en oubliant aussi ce » détail insignifiant « , dans le meilleur des cas en promouvant la formation d’une chaîne hôtelière coopérative on formera un nouveau monopole qui commencera à écraser les petits entrepreneurs du secteur ou les autres coopératives de dimensions modestes. Pourquoi ? Parce que la règle du profit maximum est de règle, parce que dans un système monopolistique en dehors de ce principe on est destiné à faire faillite.
Ils prétendent aussi donner à ce type d’entreprise des dimensions petites ou moyennes avec un profil financier stable, alors qu’elles devront faire front à la menace constante d’être anéanties ou subordonnées aux plus grandes. Les entreprises indépendantes dans un secteur dominé par des monopoles sont toujours conditionnées et déstabilisées par les entreprises dominantes dans ce secteur. En oubliant cet aspect Marcos promeut des politiques favorables à la petite bourgeoisie qui font faillite à l’épreuve des faits, en raison de la domination du grand capital.
Dans un système caractérisé par le mode de production capitaliste, à cause des lois de l’extraction de la plus-value et de l’accumulation, les coopératives promues par les zapatistes finiront par être des lieux d’exploitation de la force de travail, comme c’est le cas de la Pascual, de l’Exelsior et de beaucoup d’autres, à moins qu’elles ne fassent faillite.
Marcos met en avant la » possibilité de construire un autre type de relations sociales, à l’intérieur de l’économie de marché, qui ne peut pas reconduire au capitalisme sauvage où l’on se dévore les uns les autres » (interview à Scherer).
Cette théorie ne représente certainement pas une nouveauté, c’est une reformulation de la thèse social-démocrate de la » troisième voie « . Le » contrôle du capitalisme » n’a jamais été autre chose qu’une tentative d’occulter la vraie nature du marché capitaliste : les capitalistes font la guerre économique ou militaire non parce qu’ils sont affectés par des erreurs à corriger mais parce que celles-ci sont nécessaires à leur survie.
Il est difficile de penser que Marcos ignore tout cela, tout comme ne l’ignorent certainement pas les autres sociaux-démocrates, occupés à s’attacher les sympathies de l’oligarchie dominante.
Il est nécessaire de souligner la nette différence entre les positions zapatistes et les positions marxistes-léninistes sur la question des rapports entre oligarchie nationale et impérialisme. Pour Marcos, la première sera anéantie par les impérialistes. En réalité la domination impérialiste permet toujours aux oligarchies financières de jouer un rôle dans ces secteurs qui sont fonction de la consolidation du propre rôle dominant à un niveau international. La domination impérialiste dans notre pays, au contraire de ce que prétend Marcos, se fonde sur l’alliance stratégique basée sur la hiérarchie entre l’oligarchie financière internationale et l’oligarchie nationale.
La conception zapatiste du capitalisme n’est pas si nouvelle qu’elle voudrait se présenter. Ceux qui dépensent leur énergie à présenter le marxisme comme dépassé, déterrent les théories économistes et populistes prémarxistes les plus obsolètes, et ils les mélangent avec des conceptions social-démocrates. Cette position ne présente aucun aspect innovant. La position social-démocrate, dans l’acception propagée par l’EZLN, centrée sur la nécessité de » Reconnaître les différences « , voudrait être la formule magique capable d’annuler les contradictions existantes. La généralité de cette formulation devrait la rendre acceptable à presque tous ; les zapatistes se présentent comme les partisans de la nécessité de reconnaître toutes les différences et de vivre en harmonie avec les patrons. Les zapatistes, si ils reconnaissent l’existence de différences entre possédants et non possédants, entre exploiteurs et exploités, entre oppresseurs et opprimés, n’attribuent à celles-ci aucune valeur d’importance. Ce serait incompatible avec leur perspective de lutte.
Pour finir nous estimons nécessaire de démentir une grave erreur que Marcos commet dans la reconstruction de l’histoire du XXe siècle : » Quand nous soutenons que le nouveau siècle et le nouveau millénaire sont le siècle des différences nous voulons montrer une rupture nette avec ce qu’a été le XXe siècle : le conflit constant entre deux hégémonies. Le dernier dont on se souvient, entre le camp socialiste et le camp impérialiste, a provoqué deux guerres mondiales. Si on ne le reconnaît pas, alors le monde sera un archipel caractérisé par des guerres continues à l’intérieur et l’extérieur des frontières nationales. Il ne sera certainement pas possible de vivre ainsi » (interview à Scherer).
Faisons trois réflexions :
1) La lutte pour l’hégémonie mondiale est une question d’extrême actualité ; en elle sont impliquées toutes les puissances impérialistes sous l’impulsion des grands monopoles transnationaux et en cela l’impérialisme américain a un rôle dominant.
2) Les guerres mondiales furent l’expression de la phase impérialiste du capitalisme pour acquérir la domination du monde entier ; la première guerre mondiale a commencé avant la révolution prolétarienne de 1917, la seconde trouve ses origines dans le conflit entre l’expansionnisme allemand et les impérialisme franco-britannique. Soutenir que les guerres mondiales furent dues à la contradiction entre capitalisme et socialisme révèle soit une grave ignorance de l’histoire, soit une volonté de falsifier celle-ci.
3) Le monde au jour d’aujourd’hui est un archipel de guerres qui concourent à une nouvelle répartition des aires de domination entre les pays qui composent l’OTAN. Nous voyons constamment de nouveaux scénarios de guerre se manifester, provoqués par les impérialistes d’un point à l’autre de la planète. L’OTAN prétend étendre sa propre domination en agressant les pays indépendants mais il n’est pas exempt de contradictions internes, spécialement celle entre Europe et Amérique du Nord, sur la répartition du butin.
4. Marcos et son idée de la légalité
» Nous faisons appel à un des pouvoirs constitués, au Congrès de l’Union, pour qu’il exerce ses propres fonctions » (interview à Monsivais). L’idéologue du zapatisme oublie le rôle que poursuivent les commerçants de la Chambre dans la vie du Mexique, il oublie l’action exercée par le parlement à l’égard de l’EZLN, il se lie à un instrument de la démocratie bourgeoise, à un organe qui n’est pas l’expression du peuple mais bien celle des classes possédantes. Cet appel est négatif parce qu’il trompe les masses populaires en donnant de la crédibilité à un organe de la dictature du capital. Et que disent les zapatistes maintenant que la Loi indigène s’est évanouie ? Quel rôle a eu le Congrès de l’Union ? Il ne peut y avoir de futur en contribuant à construire des illusions.
Comme si cela ne suffisait pas, dans ses fameuses interviews Marcos proclame : » Pour nous il est très important que la nation entière dise : » je reconnais et je mets par écrit cet engagement ; j’entends mettre en actes un changement historique. Je reconnais que la situation passée n’était pas la meilleure. Non seulement je le reconnais, mais je m’engage à faire chaque effort, à m’engager pour que la situation passée ne puisse plus revenir » (interview à Monsivais). Pauvre Marcos ! Oublierait-il qui détient le pouvoir au Mexique ? Les affirmations de Marcos laissent à la classes dirigeantes le soin de choisir une solution à la question indigène et paysanne. Il crée dans le peuple la conviction qu’il n’existe pas d’autre solution aux exigences que celui-ci pose.
» L’EZLN ne demande pas comme condition pour le dialogue que s’effectue le retrait de l’armée. Nous demandons à Fox de répondre à la demande suivante: Est-il disposé à apprécier notre disponibilité et à essayer d’abandonner la voie militaire? N’est-il pas le chef de l’armée ? » Fox est un représentant de l’oligarchie, ses actions sont subordonnées à la stratégie de la domination bourgeoise et, évidemment, à l’action que les masses sont en degré d’exercer en direction opposée ; la volonté du président n’est certainement pas l’élément dominant pour la solution d’un problème si important.
Dans l’interview à Scherer il affirme encore : » Nous nous proposons de convaincre ce gouvernement, pas seulement Fox, qu’il peut s’asseoir à la table des négociations avec tranquillité, en ayant la certitude d’obtenir des résultats si il se décide à négocier sérieusement « . Nous en avons vu assez ; la solution, selon Marcos, est donnée par la » bonne volonté » zapatiste résumée en une politique de marchandage digne de commerçants professionnels.
5. La conscience des masses et leur lutte dans le zapatisme
La position des zapatistes au regard des masses et de leur lutte ne présente pas de différences marquantes par rapport aux conceptions classiques de la social-démocratie. Pour les zapatistes la société n’est pas divisée en classes, mais elle se divise en Etat, militaires et civils. Les zapatistes ne cherchent jamais le soutien des masses travailleuses et des classes populaires mais celui de la » société civile « , un concept si large qu’il comprend des classes qui oppriment et des classes qui sont opprimées et qui tire origine du vieux langage hégélien. Celui-ci, dépassé depuis si longtemps par le marxisme, a récemment été reproposé par la bourgeoisie pour estomper la conscience de classe des masses et pour chercher à unir ce qui ne peut pas être uni dans la lutte des classes..
De façon particulière les zapatistes s’emploient à propager la centralité de ce qu’on appelle les » nouveaux acteurs sociaux « , qui ont été exaltés dans les dernières années par la social-démocratie en opposition à la classe ouvrière et à son rôle d’avant-garde. Ces » nouveaux acteurs « , avec leurs problèmes sectoriels, font partie de diverses classes et de divers secteurs de classe, ils sont conditionnés par des conditions et des modes de vie ouvertement petit-bourgeois et profondément individualistes et abordent des formes de lutte sans souffle stratégique, s’éloignant dans la majeure partie des cas de toute forme de conscience de leur condition d’exploités et d’opprimés.
Avec cette position social-civile, l’EZLN alimente le crétinisme parlementaire, le réformisme et le constitutionnalisme bourgeois et petit-bourgeois et tous les types d’actions qui ne s’opposent pas de façon révolutionnaire aux oppresseurs.
Une autre stupidité de Marcos s’est concrétisée quand il a fait appel aux étudiants pour qu’ils se concentrent dans leurs études et postposent toute lutte jusqu’au moment où ils auraient achevé ces études. Les secteurs opportunistes et réactionnaires se sont immédiatement inscrits en soutien d’une si » brillante » innovation. Naturellement ce n’est pas la première fois, pour ce qui est du mouvement des étudiants, que les zapatistes glissent dans le marécage opportuniste : durant la grève à un certain moment ils ont se sont engagés sur des positions encore inférieures à celles des groupes modérés. Au contraire des zapatistes, les révolutionnaires mexicains ont appelés les étudiants à lutter, à faire l’expérience de la lutte dans les manifestations étudiantes, à promouvoir l’action révolutionnaire dans leurs limites propres de lutte afin qu’au terme des études ils aient une conscience plus élevée et de plus amples horizons de lutte.
6. Le problème de la terre et la question ethnique
Le noeud central de la lutte des zapatistes a un point de vue matériel – la question de la terre – et un point de vue sociologique : le problème ethnique.
Les communautés indigènes ont été déplacées des forêts les plus impénétrables par les grands propriétaires latifundistes qui se posaient comme objectif de les garder comme main d’oeuvre à utiliser pour les travaux les plus lourds (avec la même logique d’autres populations indigènes du Mexique ont été poussées à s’établir dans des zones aussi lointaines et insalubres). La vraie solution au problème des communautés zapatistes part d’une réforme agraire qui leur restituerait leurs vieux territoires et les infrastructures nécessaires pour dépasser la situation historique d’arriération qui caractérise ces communautés et qui en outre les doterait d’une autonomie territoriale. Mais dans un régime capitaliste, même en mettant en pratique ce type de réformes, les choses sont destinées à s’empirer avec la consolidation des différences de classe comme conséquence des lois du marché capitaliste.
Marcos soutient que » l’objectif fondamental de notre lutte est la question des droits et de la culture indigène » (interview à Monsivais). Cette position est erronée et mène à la défaite parce qu’elle renonce au soutien matériel aux paysans indigènes.
En premier lieu arrivent les moyens de production ; en les ayant en sa possession on peut concrétiser la lutte pour l’autonomie territoriale indigène et pour l’augmentation du niveau de vie des diverses ethnies. Mais si on demande uniquement l’autonomie territoriale, que la bourgeoisie ne veut pas aujourd’hui concéder mais qu’elle pourrait néanmoins concéder dans des circonstances déterminées, on aurait une autonomie manchote parce que limitée à un territoire reconnu comme zone soumise à une administration indépendante avec un pouvoir politique pour les ethnies en tant que tel, conservant la grande propriété privée sur la terre intacte.
Cette position petite-bourgeoise de la question indigène est posée comme fondement de la théorie indigéniste qui attribue la centralité au problème des ethnies, en réalité et plus exactement le problème est l’oppression systématique des ethnies de notre pays pour les exproprier de leurs terres en éliminant tous les facteurs qui font obstacle aux rapport d’exploitation capitaliste.
Même si le racisme est un état de fait indéniable, il n’est pas le facteur central : les Japonais sont acceptés sans racisme en tant que tels en conséquence du capitalisme avancé qui caractérise leur société. Il n’est donc pas question d’un problème de racisme au sens strict ; du reste des métis, blancs et noirs font partie désormais de la communauté indigène : ils ont une vie commune et ont un mode de pensée proche des communautés indigènes même si ils n’ont pas la même origine.
D’autre part les zapatistes oublient les milliers et les milliers d’indigènes (pas seulement de la génération la plus récente mais aussi des autres) qui participent à l’activité sociale du pays et font partie à divers niveaux de la société capitaliste, exploiteurs et exploités, oppresseurs et opprimés. Blancs, métis, indiens, noirs, arabes et d’autres encore caractérisent l’hétérogénéité de notre peuple ; sans vouloir sous-estimer le facteur raciste, il convient de partir de l’analyse des diverses classes sociales, bourgeois, prolétaires, paysans, sous-prolétaires et classes moyennes.
De la même façon les composantes des ethnies se divisent à la base selon la classe à laquelle ils appartiennent : ils se divisent en exploités, paysans, peones (c’est-à-dire les prolétaires qui travaillent à la campagne) et artisans qui sont ultérieurement pénalisés à cause de l’oppression ethnique produite par le pouvoir. Partant de cette analyse nous pouvons participer positivement à leurs luttes, liant la nature de classe à la spécificité qui suit l’appartenance à une ethnie définie.
Même si le problème de la terre et la question de l’autonomie territoriale sont des problèmes inajournables, il ne peut exister de solution de fond au problème ethnique si on la sépare du lien entre la question ethnique et la lutte pour le socialisme.
Dans notre section consacrée à la culture prolétarienne, nous présentons cette fois l’oeuvre photographique de Tina Modotti qui illustre cette édition de Clarté.
Son enfance nous rappelle que la « Belle Epoque » n’a pas tenu ses promesses pour toutes les classes de la population européenne. Tina connaît d’abord les difficultés de la vie dans une famille pauvre du Frioul, en Italie : l’impossibilité de suivre une scolarité normale, le travail précoce dans l’industrie textile, l’émigration en Autriche puis à San Francisco où elle rejoint ses parents en 1913. Avec son mari, poète canadien, elle va vivre dans le milieu artiste de Los Angeles dominé par la figure du photographe Edward Weston. Elle se lance à Hollywood et joue dans trois films muets, en heure et place où le cinéma est perçu comme la modernité même. Cependant les rôles qu’on lui propose sont décevants. Elle part donc s’établir à Mexico en 1923 avec Weston dont elle deviendra la compagne, l’assistante et le modèle. C’est une époque particulièrement bouillonnante : après les années de la Révolution (1910-1917), le pouvoir central s’attache à construire un état fort, au milieu de tensions continuelles et de rébellions militaires. Elle se lie d’amitié avec les grands peintres muralistes (Riveira, Orozco, Siqueiros,), rencontre Maïakovski et Frida Kahlo, mais ne trouve pas son épanouissement dans cette aventure esthétique. Elle doute d’elle, de ses dons, de sa vocation ; elle doute surtout de la légitimité de son activité d’artiste et de la compatibilité de celle-ci avec son engagement politique. Elle est alors active dans le mouvement communiste où elle rencontre ses compagnons (dont un jeune militant cubain assassiné devant ses yeux par la réaction).
En 1930 elle abandonne définitivement la pellicule et est expulsée du Mexique pour ses activités au sein du Parti Communiste. On la retrouve en Allemagne au début des années ’30, puis en Union Soviétique où elle travaille pour le Secours Rouge, l’organisme de soutien aux militants frappés par la répression, puis en Espagne pendant la guerre civile où elle travaille pour l’Internationale Communiste.
Tina est enfin autorisée à revenir au Mexique, mais elle y succombera bientôt d’une mystérieuse crise cardiaque en 1942, à 46 ans et dans une quasi-solitude. Moins de dix ans ont suffi à construire son oeuvre photographique (de 1923 à 1930). Les photographies de personnages, isolés ou en groupes, montrent sa sensibilité aux problèmes sociaux du Mexique des années vingt : la misère, les travaux pénibles ; des compositions extrêmement sobres : un sombrero, un marteau et une faucille, un épis de maïs, une cartouchière évoquant les attributs de la mexicanité et de la Révolution. Il y a aussi les portraits des indiennes traitées comme des personnages de la haute peinture italienne.
Conférences des sections latino-américaines du Secours Rouge International, Mexico City, avril 1929.
Conférences des sections latino-américaines du Secours Rouge International, Mexico City, avril 1929. Photo de Tina Modotti
A l’occasion de l’anniversaire de la victoire sur le fascisme nazi, une délégation du Bloc ML a participé le 8 mai 2005 à un rassemblement d’hommage à l’armée rouge soviétique sur les marches de la Bourse, à Bruxelles. Ce rassemblement (auquel avait appelé Bruxelles-Eurasie) visait aussi à dénoncer le révisionnisme historique par lequel les médias minimisent le rôle principal de l’Union Soviétique dans la défaite de l’hitlérisme.