Former des cadres féminins, c’est rompre avec toutes les traditions féodales, c’est transformer de fond en comble les habitudes et les coutumes. Telle est la conviction de la cellule du Parti de Tatchai. Prenons l’exemple de Song Li-ying. Dès la Libération du village, cette jeune femme qui, à 14 ans, trimait déjà chez le propriétaire foncier, s’était montrée très active. Elle voulait combattre les féodaux, et éprouvait une grande reconnaissance pour le Parti, qui dirigeait cette lutte.
Les camarades de la cellule décidèrent de lui donner une formation adéquate, afin qu’elle puisse assumer un rôle de cadre. Mais les idées féodales étaient enracinées : mépris de la femme, chauvinisme même. Et certains hochèrent la tête : « La femme, c’est fait pour le foyer. Depuis toujours, elle allaite les enfants, cuisine pour sa famille, tisse et file. A quoi ressemble, je vous le demande, une femme qui sort de chez elle pour s’occuper des affaires du village ! »
La cellule du Parti, pour briser le carcan des superstitions dut organiser une intense propagande sur l’égalité des sexes. Au cours de réunions sur le thème : « Les femmes peuvent-elles et doivent-elles s’occuper des affaires du village ? », on discuta avec passion. A peine le débat fut-il entamé qu’une idée-force jaillit : « Quand nous combattions les Japonais, qui fabriquait des souliers pour nos soldats, qui s’occupait de la production en leur absence ? Qui aidait le front…? » La réponse ne faisait pas de doute, c’était toujours les femmes !
Ce débat fit date dans les annales de Tatchai. C’était le premier coin enfoncé collectivement dans l’idéologie féodale.
Et l’organisation du Parti aida Song Li-ying à se former.
En octobre 1947, elle adhérait au Parti.
Tout ne fut pas simple. Cadre débutant, dépourvue d’expérience, Song rougissait dès qu’elle ouvrait la bouche. Aux réunions de femmes, il était difficile d’amener des participants. Song y prenait timidement la parole pour la passer un instant après au camarade Tcheng Yong-kuei. Cette attitude déchaînait les sarcasmes des oiseaux de mauvais augure : « A-t-on vu des plumes de poulet voler jusqu’au haut du ciel, ou des canards atteindre d’un coup d’aile le perchoir des poules ? »
C’est à cette époque que mourut le premier enfant de Song. Ce malheur redoubla les commentaires malfaisants. « En courant à gauche et à droite, cette femme a laissé mourir son enfant ! »
Ces bruits provenaient certes de ceux qu’influençaient le mode de penser féodal, mais ils devaient être orchestrés par des ennemis de classe qui avaient intérêt à tuer dans l’œuf le mouvement de libération de la femme. C’est ce que pensèrent les responsables de la cellule. Et ils aidèrent Song à organiser une grande réunion des femmes de Tatchai. Elles y exposeraient l’oppression dont elles avaient été victimes dans l’ancienne société, on discuterait le rôle du Parti, les idées du Président Mao. Alors les femmes prendraient conscience qu’elles étaient passées du rôle d’esclaves dans l’ancienne société au rôle de « maîtres » de la nouvelle société.
La réunion fut un succès. Les pénibles révélations des femmes suscitèrent à leur égard des sentiments prolétariens, et le niveau de conscience général s’éleva. L’égalité des sexes n’était plus un vain mot.
Les deux axes de la formation des cadres féminins :
– Apprendre le travail politique en l’accomplissant ;
– Apprendre à lutter en menant la lutte.
La cellule du Parti a constaté que plus on confiait de responsabilités aux femmes, plus vastes étaient leurs possibilités de se former.
Au début, le niveau politique de Song Li-ying était assez bas, ses méthodes de travail des plus rudimentaires. Il lui était difficile de réunir les femmes − que ce soit pour le travail productif ou pour l’étude. Cependant, la cellule n’hésita pas à lui confier des tâches importantes; elle fut nommée responsable du Comité féminin, et on lui demanda de « foncer ».
Plus elle travaillait, plus elle apprenait, plus elle acquérait de la méthode. Elle sut comment mener de pair les tâches urgentes et le travail minutieux, en profondeur.
Forte de cette expérience positive, la cellule du Parti nomma la camarade Guo Li-lian vice-directrice de la coopérative. Guo était à l’époque une jeune fille de 19 ans. Alors qu’elle apprenait ses nouvelles responsabilités dans la pratique, il lui échut encore d’être désignée comme responsable de la célèbre équipe des « Jeunes filles de fer » et comme monitrice des miliciennes.
A l’époque du passage à la coopérative de type inférieur, il se trouva un célibataire pour dire aux femmes :
« Vous êtes pour l’égalité des sexes. Fort bien. Venez avec nous porter les grosses pierres ». Ce défi affecta leur moral. Mais elles le relevèrent au moment de la plantation des pousses : chaque homme et chaque femme devaient planter trois rangées. Les femmes, rapides et agiles, s’acquittèrent vite et bien de la tâche, alors que ce célibataire n’en avait pas encore abattu la moitié.
Encouragées par Song Li-ying et Guo-lan, les femmes allèrent le trouver. Après quelques paroles bien senties, le garçon fut à court d’arguments. Mais il n’était pas convaincu et alla porter plainte contre elles à la cellule, se plaignant d’avoir été « maltraité » ! Le camarade Tchen Yong-kouei lui répondit : « Elles ont eu raison. La cellule les soutient. Elles ont été humiliées dans l’ancienne société. Dans la nouvelle, elles sont aussi des « maîtres ». Avec tes idées de supériorité masculine, tu les ennuies, elles doivent t‘éduquer ! » Ainsi soutenues dans les moment critiques, femmes sont fermes et osent aller de l’avant.
Une bonne répartition des tâches doublée d’une aide Les cadres féminins de Tatchai ont toutes constaté que· la cellule prenait à cœur leur formation et leur travail. Chaque fois que des responsabilités leur étaient confiées, on les aidait de manière concrète et minutieuse.
Quand une assemblée de femmes était convoquée, les responsables de la cellule invitaient toujours les cadres féminins à prendre la parole en premier lieu. Si besoin était, ils rectifiaient ou complétaient ensuite. Grâce à vingt années de ce travail patient, les femmes responsables ont sensiblement élevé leur niveau politique.
Une étude sérieuse de la théorie révolutionnaire pour guider la pratique
Etudier sérieusement permet d’élever son niveau de conscience politique et ses connaissances théoriques. Ainsi l’on peut mieux progresser. Les femmes ne font pas exception.
Ainsi la camarade Song Li-ying, qui a aujourd’hui 47 ans, non contente de travailler manuellement, d’accueillir les visiteurs étrangers, d’accomplir des tâches familiales, continue à s’instruire sur les plans culturel et théorique.
L’an dernier, avec Guo Ai-lian et Jia Cun-sao, elle a étudié De la pratique et De la contradiction, ainsi que le Manifeste du Parti communiste. Ensemble, elles dépouillaient les œuvres, paragraphe par paragraphe, puis discutaient. Quand elles n’arrivaient pas à bout d’une difficulté, elles allaient se renseigner. Ainsi leur niveau théorique et leur niveau de discernement se sont graduellement développés.
Pour accomplir leur tâche révolutionnaire, les camarades femmes rencontrent plus d’obstacles que les hommes.
La cellule du Parti s’est penchée à ce propos sur deux domaines spécifiques.
D’une part, elle se préoccupe constamment des enfants et des tâches ménagères. Elle a mis sur pied des crèches et des jardins d’enfants pour résoudre en partie les problèmes des femmes.
Quand il s’agit de répartir les activités, elle tient compte ,de la situation et des difficultés de chaque cadre féminin en particulier, afin que chacune puisse disposer de temps pour ses travaux ménagers. Elle ne néglige pas non plus les particularités physiques des responsables féminins : tout en les incitant à devenir des modèles dans le travail physique, on les conseille, et éventuellement on les empêche, de faire des travaux trop lourds ou inadéquats.
D’autre part, la cellule veille à ce que les femmes passent « les trois caps » : mariage, enfants, ménage. Pour cela, un travail politique et idéologique minutieux entoure les maris et les beaux-parents. Il convient d’élever leur niveau de conscience politique pour qu’ils aident concrètement leur épouse et belle-fille.
Un soir d’hiver, c’était en 1967, Guo Ai-lian s’était rendue avec d’autres membres de la commune à un meeting. A la maison, l’enfant ne cessait de pleurer, le mari n’en sortait pas, et il se fâcha. La belle-mère avait la mine pincée. Guo rentra très tard. Elle fut accueillie par des cris.
Quand la cellule apprit la scène, les responsables vinrent trouver le mari. Le camarade Tchen Yong-kouei lui parla franchement : « Nous, les hommes, nous travaillons à l’extérieur et nous pouvons rentrer très tard le soir sans que cela fasse des histoires. Les femmes, elles, ont encore des travaux ménagers, et quand elles vont à une réunion, n’est-ce pas à nous à nous occuper des enfants ? Si cette « moitié-là du ciel » ne sort pas par la grande porte, reste à longueur de journée à la maison, pour s’occuper des enfants, du ménage, oserons-nous dire qu’à Tatchai on fait la révolution, qu’on prend en main la production ? »
Song Li-ying alla discuter avec la belle-mère : « Dans le passé, nous étions des êtres humains, mais, étions-nous traitées comme tels ? Nous avions une bouche, avions-nous droit à la parole ? Maintenant que nous nous émancipons grâce au Parti et au président Mao, maintenant que nous sortons pour nous occuper des affaires de l’Etat, il faut nous soutenir ! »
Les cadres féminins sont touchés par la sollicitude de l’organisation du Parti qui les aide ainsi à résoudre leurs problèmes familiaux. Les soutenir sur ce plan est une nécessité, mais l’essentiel est encore de les inciter à travailler toute leur vie pour la révolution.
A cet égard, Song Li-ying est exemplaire. Elle éduque les jeunes mariées. Quand on travaille pour la révolution, dit-elle, il faut y mettre du sien, il faut avoir la volonté de surmonter les difficultés.
Les cadres féminins jouent un rôle de plus en plus important dans la révolution et dans la production. Elles représentent les intérêts et la volonté des femmes de la brigade, elles servent de lien entre elles toutes.
On peut dire que ces cadres féminins sont « l’ossature, du front de la production ». Car elles luttent durement, et à l’avant-plan. Song Li-ying est très occupée, il lui arrive de laisser sa lessive tremper un ou jour ou deux, pour bien accomplir des activités collectives. Guo Ai-lian a lancé l’équipe des « Filles de fer ». Au plus fort de l’été ou de l’hiver, elle continue le combat. Elle a trois enfants, ce qui ne l’empêche pas de travailler ses 290 jours par an. Jia Cun-sao, malgré de lourdes occupations ménagères, travaille comme les jeunes et fonce là où il y a des difficultés.
Lu Xi-yin a dépassé la quarantaine, mais elle est toujours la première levée, la première à la tâche.
Ainsi stimulée, les femmes de Tatchai travaillent avec un enthousiasmes grandissant. Semailles de printemps, travaux d’été, récoltes d’automne, travaux d’infrastructure des champs en hiver, elles sont partout, aux côtés des hommes.
Les cadres féminins sont aussi à l’avant-plan quand il s’agit de transformer les coutumes et les traditions. Elles ont dénoncé les mariages « arrangés » par les familles, lancé un nouveau style de mariage, sans banquet, sans cadeaux, sans fastes, abandonné les « fêtes d’accouchement », les superstitions entourant les enterrements. Elles sont toujours là, à montrer l’exemple, et mobilisent ainsi toutes les volontés féminines.
Elles constituent une force révolutionnaire qui insuffle une moralité nouvelle.
Les cadres féminins sont aussi à l’avant-garde dans l’éducation. Conscientes du fait que leurs enfants, héritiers de la nouvelle société, ignorent tout du passé de misère des paysans chinois, et des difficultés qui suivirent la Libération, elles savent également que dans ce bonheur actuel ils risquent bien de ne pas comprendre quelle est leur chance.
En outre, leur village est une unité d’avant-garde et leurs mères, ou leurs parents sont des cadres… Ils peuvent facilement en concevoir de la supériorité.
« Les enfants, c’est comme les pousses. Il en faut de bonnes. Les enfants, il faut bien les élever. » La révolution, ce n’est pas l’affaire d’une génération, il faut aussi éduquer les générations futures.
Fortes de cette conviction, les cadres féminins se préoccupent de la formation des enfants. Elles leur parlent souvent du passé et du présent. Elles cultivent avec soin l’idéologie naissante des enfants de paysans. A Tatchai, les jeunes aiment étudier, aiment le travail manuel ; la paresse est mal venue, l’amour de la collectivité encouragé.