STANKEVITCH Nikolaï Vladimirovitch (1813-1840). Philosophe idéaliste russe, qui a joué un rôle marquant dans le cercle philosophique de Moscou des années 30, appelé « cercle Stankévitch » (Stankévitch, Biélinski — V., Aksakov, Botkine, Bakounine — V.).

Outre un travail d’étudiant sur l’histoire, une tragédie écrite dans sa jeunesse, des vers et des traductions, il a laissé des fragments d’ouvrages philosophiques : « Ma métaphysique » et « De l’attitude de la philosophie envers l’art ». Sa « Correspondance » publiée en 1857, est l’œuvre qui caractérise le mieux ses conceptions sociales, politiques et philosophiques.

Appartenant lui-même à la noblesse, il condamnait le servage et l’idéologie réactionnaire des milieux officiels. Il estimait que l’abolition du servage pouvait se faire graduellement par la voie pacifique. Cette position modérée déterminait aussi ses conceptions philosophiques.

Mettant au premier plan les problèmes de l’instruction, de l’« éducation du genre humain », il voyait dans la philosophie un moyen de perfectionner les hommes au point de vue « moral » et « intellectuel ».

Stankévitch professait un idéalisme « objectif » de caractère religieux. Il a émis des idées sur l’enchaînement universel des phénomènes et sur le développement, mais sa dialectique était idéaliste. Il affirmait que l’harmonie règne dans le monde.

Contrairement aux idéalistes allemands, il attachait une grande importance aux connaissances expérimentales. Vers la fin de sa vie, il se prononça pour une liaison plus étroite de la philosophie et de la pratique. La science, écrivait-il, « doit devenir action, disparaître en elle ».

Son éthique s’édifie sur le principe de l’« amour » et la négation de l’égoïsme. Il tranchait les problèmes de l’esthétique conformément à ses principes philosophiques et éthiques. D’après lui, l’art, lié intimement à la religion, doit se borner à perfectionner l’homme, à former en lui les sentiments de l’amour.

Dans les conditions de la pire réaction qui a suivi le soulèvement des décembristes (V.), les idées philosophiques et sociales de Stankévitch, malgré leur idéalisme et leur éloignement de toute action révolutionnaire, avaient une portée progressive et l’opposaient au camp des réactionnaires féodaux.

STASSOV Vladimir Vassiliévitch (1824-1906). Eminent théoricien et historien de l’art, critique d’art et de musique. Avant terminé l’Ecole de droit, il travailla dès 1857 à la Bibliothèque publique de Pétersbourg.

Adepte de l’esthétique matérialiste de Biélinski (V.) et de Tchernychevski (V.), Stassov fut un champion des tendances démocratiques progressistes de l’art russe, un propagandiste conséquent de l’école réaliste nationale.

A la suite de Tchernychevski, il voit dans l’art le reflet de la réalité et exige qu’une œuvre d’art reproduise et explique la vie, qu’elle condamne tout ce qui est périmé, réactionnaire et qui empêche la marche en avant. Idéologue du réalisme critique, Stassov considérait l’art comme une force puissante dans la lutte pour la refonte démocratique de la société.

En combattant résolument le cosmopolitisme dans l’art, il luttait inlassablement pour l’essor de l’art national russe, pour son caractère populaire. Il soulignait que l’art est impuissant lorsqu’il ne prend pas racine dans la vie du peuple. Stassov croyait fermement que le développement d’une école artistique nationale inspirée des intérêts et des besoins des grandes masses populaires est l’unique voie de l’épanouissement de l’art.

Il critiquait implacablement l’art étranger au peuple, éloigné des questions d’actualité brûlante, « l’art pour l’art ».

Stassov critique a joué un rôle considérable dans la consolidation des tendances démocratiques et réalistes de l’art : il encourageait les peintres et les compositeurs d’avant-garde, combattait les courants arriérés, réactionnaires dans l’art et l’esthétique, stigmatisait l’académisme, l’esthétisme, dénonçait inlassablement le formalisme et la décadence qui se manifestèrent dans l’art russe et occidental à la fin du XIXe et au début du XXe siècle.

Sans pouvoir aller jusqu’au bout dans ses idées démocratiques et révolutionnaires et payant parfois tribut au libéralisme, il n’a pas su trouver les causes historiques réelles du déclin de l’art bourgeois et n’a pas compris que seule une révolution socialiste pourrait assurer à l’art des possibilités de développement illimitées. Mais, à l’époque, l’activité de Stassov avait une portée progressiste.

Ses ouvrages principaux sont : « Vingt-cinq ans de l’art russe » (1882-1883), « Les entraves à l’art russe nouveau » (1885), « Etudes sur l’art européen du XIXe siècle » (1901).

STOICIENS. Adeptes d’un courant philosophique dans la Grèce antique (IIIe siècle av. n. è. — VIe siècle de n. è.). Du grec […] — portique, lieu où enseignait le fondateur du stoïcisme, Zenon de Citium (vers 336-264 av. n. è.).

La doctrine des stoïciens est disparate et contradictoire. Malgré certains éléments positifs, elle reflète, dans son ensemble, la période de désagrégation de la société esclavagiste, de décadence de la philosophie grecque.

On distingue dans l’histoire du stoïcisme trois périodes : l’ancien stoïcisme (dont le penseur le plus éminent fut Chrysippe, vers 280-205 av. n. è.), le moyen et le nouveau stoïcisme.

A l’époque de l’Empire romain, Sénèque (vers 3-65), Epictète (vers 50-138) et Marc-Aurèle (121-180) illustrent le nouveau stoïcisme qui se distingue par son intérêt pour les problèmes moraux.

Les stoïciens divisaient la philosophie en logique, physique et éthique. En logique, ils professaient le sensualisme ; ils affirment que les sensations sont la source de toutes les connaissances. Avant toute expérience, l’âme n’est qu’une table rase.

Les représentations sont des images des choses qui se reflètent dans l’âme. Les données des sens subissent ensuite l’action de la pensée ; ainsi se forment les idées générales, les jugements. D’après les stoïciens, tous les processus de la connaissance ont lieu dans l’âme qui est une substance d’un genre spécial, le « pneuma » (combinaison de l’air et du feu).

Les stoïciens fondent leur physique sur des principes matérialistes pour l’essentiel, et ils développent la doctrine d’Héraclite (V.). Pour eux, la nature est un tout matériel, vivant et raisonnable, dont les parties sont en mouvement.

« Le sage stoïcien, écrit Marx, ne se représente pas « une vie sans évolution », mais une vie absolument mobile, ce qui ressort déjà de sa conception de la nature, qui est celle d’Héraclite, dynamique, évolutive, vivante » (Marx/Engels : Gesamtausgabe, Erste Abteilung, Band 5, M.-L. 1933, S. 119).

Cependant, pour les stoïciens, la matière était un principe passif, et Dieu, un principe actif. Tout était soumis à une rigoureuse nécessité (« destin ») qu’ils interprétaient d’une manière fataliste. C’est dans ce sens qu’ils édifiaient leur éthique.

Luttant contre Epicure (V.) ils estimaient que l’essentiel est la vertu et non la jouissance, ils préconisaient la soumission au destin, l’apathie, le renoncement aux joies de la vie. Ils opposaient au monde changeant des choses la « stabilité » de la raison. Ils propageaient des idées cosmopolites. Leur éthique faisait le jeu de l’idéologie des classes exploiteuses.

Ce n’est pas par hasard qu’à l’époque impérialiste les réactionnaires mettent à contribution la morale stoïcienne. Le christianisme naissant avec son culte de soumission de l’homme à son « destin », de sa soumission passive aux oppresseurs, etc., doit beaucoup à cette doctrine.

Marx et Engels ont remarqué que les stoïciens ne rejetaient pas les « visions » qu’Epicure les traitait pour cette raison de « vieilles bonnes femmes » et que les néo-platoniciens (V. Néoplatonisme) idéalistes réactionnaires de la société esclavagiste décadente leur avaient emprunté leurs « racontars sur les esprits ».

STOLETOV Alexandre Grigoriévitch (1839-1896). Grand physicien russe, un des fondateurs de la physique et de l’électrotechnique moderne.

Il fut le premier à établir des lois importantes de l’effet photoélectrique (influence de la lumière sur les décharges électriques dans les gaz), il mit au point la méthode des recherches dans ce domaine et construisit la première cellule photoélectrique qui trouva, après avoir été perfectionnée, un vaste champ d’application dans la technique moderne.

Stolétov mit en lumière les lois des décharges dans les gaz (loi de Stolétov). Ses recherches ont préparé la découverte de l’électron, de la radioactivité, des rayons X et ont rendu nécessaire d’introduire dans la physique la notion de quantum de lumière. Signalons ses recherches sur les rapports entre l’intensité d’aimantation et celle du champ magnétique pour lesquelles Stolétov avait élaboré une méthode originale largement appliquée en électrotechnique.

Stolétov a prouvé expérimentalement que le rapport des unités électromagnétiques et électrostatiques était d’une grandeur proche de la vitesse de la lumière, par quoi il a confirmé la justesse de la théorie électromagnétique de Faraday et de Maxwell et préparé la découverte des ondes électromagnétiques par Hertz.

Stolétov a participé à un grand nombre de congrès et d’expositions scientifiques internationales. Sur sa proposition, le premier congrès international des électriciens en 1880 prit l’ohm pour unité de résistance électrique. On lui doit la création en Russie d’un grand laboratoire moderne de physique.

Il lutta pour une interprétation scientifique et matérialiste des phénomènes naturels. Stolétov est le premier physicien en Russie qui intervint contre la philosophie du machisme (V.). Dans son article « Helmholtz et la physique contemporaine » (1894) il la caractérise comme une théorie décadente.

Il critique Mach et Ostwald qui ont renoncé au matérialisme. Des positions du matérialisme il critique également la philosophie idéaliste allemande de la fin du XVIIIe et du début du XIXe siècle.

Stolétov restait un partisan fidèle de la théorie matérialiste de la connaissance. Pendant la première période de son activité, il reconnaît lui-même qu’il voulait ramener tous les phénomènes physiques aux principes fondamentaux de la mécanique.

Mais sous la pression des nouvelles découvertes, il surmonte graduellement le caractère limité du matérialisme mécaniste et s’engage dans la voie du matérialisme dialectique. Stolétov employait souvent le terme de mécanique dans le sens matérialiste ou scientifique.

Arborant le drapeau du mécanicisme il luttait, en somme, pour le matérialisme dans les sciences de la nature. Sa conception de l’univers s’était formée sous l’influence des classiques de la philosophie matérialiste russe.

Il était un brillant vulgarisateur des sciences. Ses idées avancées lui ont valu des poursuites du gouvernement tsariste. Il a été accusé plus d’une fois d’avoir incité les étudiants à des émeutes antigouvernementales.

De même que Timiriazev (V.), Sétchénov (V.) et autres personnalités progressistes de son temps, Stolétov est intervenu contre l’arbitraire des fonctionnaires tsaristes et des milieux gouvernementaux.

Le gouvernement tsariste n’a pas autorisé l’élection de Stolétov à l’Académie et n’a pas tenu compte du fait que ses mérites scientifiques étaient reconnus de tous les grands savants russes et étrangers.


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