SOPHISTIQUE. Emploi, dans les discussions et démonstrations, d’arguments faux, appelés sophismes, c’est-à-dire de subterfuges camouflés sous une apparence de vérité.
A l’opposé de la dialectique qui exige que l’on tienne compte des circonstances concrètes d’un événement, la sophistique invoque la ressemblance extérieure des phénomènes en négligeant leur enchaînement.
Ainsi, au cours de la première guerre mondiale, les menchéviks usaient de sophistique pour justifier leur social-chauvinisme : la guerre impérialiste devenait une guerre de libération nationale semblable aux guerres libératrices dont Marx avait parlé.
Se cramponnant à la ressemblance extérieure, le sophiste cherche à appliquer les lois d’une catégorie de phénomènes à une catégorie entièrement différente, à reporter des faits inséparables d’une époque déterminée à une autre époque où ils perdent toute signification.
Dans la science comme dans la politique, la sophistique joue un rôle réactionnaire.
Les théories de certains leaders des socialistes de droite contemporains fournissent un exemple de sophistique utilisée dans la politique en vue de tromper la classe ouvrière. Les traîtres du prolétariat recourent à toute sorte de subterfuges pour justifier l’adaptation réformiste au capitalisme, pour désarmer les masses laborieuses face à la bourgeoisie.
Ils font, par exemple, passer les monopoles capitalistes pour un « capitalisme organisé », pour une forme de la conversion graduelle du capitalisme en socialisme.
SPENCER Herbert (1820-1903). Philosophe et sociologue anglais réactionnaire. En philosophie, idéaliste de tendance positiviste, proche de Comte (V.). Agnostique militant, il affirmait l’impossibilité de connaître l’essence des choses.
En sociologie, Spencer est connu comme un des fondateurs de ce qu’on appelle la théorie organique de la société (V.) : la société humaine, semblable à un organisme animal, serait soumise aux lois biologiques, en vertu de quoi les rapports entre les classes sous le capitalisme revêtiraient un caractère « naturel » et « éternel ».
La propriété privée capitaliste des moyens de production aurait de même un caractère « naturel ». Cette biologisation des phénomènes sociaux le conduit à l’affirmation raciste, réactionnaire qu’il existe des peuples biologiquement supérieurs et inférieurs, que les Anglo-Saxons sont supérieurs aux autres peuples.
Spencer est un des partisans de la théorie mécaniste, antiscientifique de l’« équilibre ».
Appliquant cette théorie à l’analyse de la société capitaliste, il affirme que le capitalisme est exempt de contradictions internes et constitue le régime le plus perfectionné et le plus « harmonieux ». D’après lui, la lutte de classe menée par le prolétariat contre la bourgeoisie serait une « violation de l’équilibre » ; aussi s’élevait-il contre le mouvement gréviste en Angleterre.
Les vues réactionnaires de Spencer en philosophie et en sociologie ont fait de lui un des idéologues les plus en vogue de la bourgeoisie anglaise. Aujourd’hui encore, les sociologues et politiciens réactionnaires de cette classe invoquent l’« autorité » de Spencer.
Le sociologue américain réactionnaire, Bernard, appelle Spencer un « précurseur de la sociologie américaine » et approuve chaleureusement sa théorie de l’« équilibre ». Les classiques du marxisme-léninisme ont fait une critique exhaustive de l’agnosticisme, de la théorie organique et des autres thèses de Spencer.
Dans « L’Etat et la Révolution » (V.), Lénine dénonce Spencer comme un pseudo-savant dont les œuvres, de même que celles de Mikhaïlovski (V.), sont un réservoir de misérables idées réactionnaires pour les philistins de Russie et d’Europe occidentale.
SPENGLER Oswald (1880-1936). Philosophe idéaliste réactionnaire allemand, porte-parole des hobereaux prussiens, un des précurseurs idéologiques du fascisme.
Le principal ouvrage de Spengler dans lequel il expose sa philosophie de l’histoire, « Le déclin de l’Europe », parut peu après la défaite de l’Allemagne dans la première guerre mondiale, et eut un succès énorme parmi les « théoriciens » de la réaction.
Spengler prédit l’écroulement de la civilisation capitaliste qu’il identifie avec la culture européenne. Sa philosophie est imprégnée d’une haine farouche envers les travailleurs, le socialisme et la révolution.
Les ouvriers (le « quatrième état ») seraient « en dehors de la culture », « en dehors de l’histoire », la masse serait la fin de tout, le « néant radical ». Spengler fait l’apologie du « vieil esprit prussien », de la monarchie, de la noblesse et du militarisme.
Pour lui, la guerre est une « forme éternelle de la vie humaine supérieure ». Cette « philosophie de l’histoire » est fondée sur la négation de la connaissance scientifique. L’historien aurait d’autant plus de valeur qu’il appartiendrait moins à la science. A la connaissance logique, rationnelle, Spengler oppose l’intuition.
Luttant contre la conception matérialiste scientifique de l’histoire, il repousse le principe de la causalité et du déterminisme dans la vie sociale. Il n’admet pas la possibilité de connaître la vérité objective et défend le relativisme absolu.
Avec la nécessité historique, Spengler rejette l’idée du progrès historique, s’ingénie à démontrer l’absurdité de l’histoire et l’absence du devenir. A la conception scientifique du déterminisme historique, il oppose le fatalisme, le « destin ».
Répudiant l’unité de l’histoire mondiale, il affirme que celle-ci se divise en une série de « cultures » absolument indépendantes, exclusives, de « super-organismes » ayant un destin individuel et traversant des périodes d’apparition, d’épanouissement et de mort.
D’après lui, la philosophie de l’histoire est appelée à pénétrer la « structure morphologique » des « cultures » qui a pour principe l’« âme de la culture ». Après avoir fleuri sous le féodalisme, affirme-t-il, la culture de l’Europe occidentale décline à partir du XIXe siècle, après la victoire du capitalisme.
L’obscurantisme ultra-belliciste de Spengler a été une des sources idéologiques du fascisme allemand, du « national- socialisme ». Ennemi de la science, il oppose au « socialisme marxiste » le « socialisme allemand », entendant par là la restauration de l’ancien régime prussien, féodal et militariste.
De nos jours, l’historien anglais Toynbee prêche une « philosophie de l’histoire » semblable à celle de Spengler.
SPINOZA Baruch (1632-1677). Illustre philosophe hollandais, matérialiste et athée, idéologue des couches démocratiques de la bourgeoisie. Sa conception du monde se forma à l’époque où les rapports capitalistes se développaient intensivement aux Pays-Bas.
En ces années, le peuple hollandais défendait son indépendance menacée par l’Espagne et par d’autres puissances et la bourgeoisie était aux prises avec le régime féodal. Interprète des aspirations de la bourgeoisie ascendante, Spinoza préconisait la liberté de la science et le développement de l’instruction qu’il considérait comme un remède contre tous les maux sociaux.
Son système devait servir de fondement théorique aux libertés bourgeoises. Spinoza niait l’existence d’un Dieu créateur et affirmait que la nature elle-même est Dieu, soulignant par là que la nature est sa propre cause, la cause et l’essence de tout ce qui existe.
Engels a beaucoup apprécié le célèbre principe de Spinoza « causa sui ». « C’est un grand honneur pour la philosophie de ce temps…, écrit Engels, qu’elle ait persisté, de Spinoza jusqu’aux grands matérialistes français, à expliquer le monde de lui-même en laissant à la science de la nature de l’avenir le soin de donner les justifications de détail » (« Dialectique de la nature », P. 1952, p. 34).
Critiquant résolument le dualisme de Descartes (V.), Spinoza créa un système monistique où la pensée et l’étendue sont les attributs d’une substance unique, la nature. Mais en professant que la pensée est l’attribut de toute la matière, il avançait une idée erronée, celle de l’animation universelle de la matière.
Il entendait par mouvement le déplacement mécanique des corps dans l’espace, ne l’admettait que pour les objets singuliers et non comme attribut de la substance. Seules les choses isolées se modifient alors que la nature dans son ensemble est immuable, existe en dehors du temps.
Spinoza résolut également d’une manière métaphysique les problèmes de la causalité, de la nécessité et de la contingence. Selon lui, le déterminisme rigoureux est incompatible avec la contingence ; tout ce qui s’accomplit dans la nature est nécessaire. C’est là une conception métaphysique.
En réalité, la nécessité n’exclut pas la contingence qui en est une manifestation. Cependant, la philosophie de Spinoza contient des éléments dialectiques : le principe « causa sui » traduit l’interdépendance des choses, leur action réciproque, leur enchaînement.
Spinoza aborde en dialecticien la question de la liberté et de la nécessité. Il estime que la liberté est une nécessité dont on a pris conscience. Dans sa psychologie, il accorde une place importante à la théorie des « passions » (plaisir, douleur, etc.). Devenues conscientes, les passions se transforment en volonté.
Spinoza appelle servitude l’impuissance de l’homme à limiter, à dompter ses passions. La liberté consiste à savoir les maîtriser. La raison doit l’emporter sur toutes les passions.
Continuateur du rationalisme cartésien, Spinoza soutient que la raison seule, sans l’intermédiaire des sens, est capable de connaître la vérité. Dans ses recherches philosophiques, il appliquait la méthode de la géométrie. La plupart des philosophes bourgeois le considèrent à tort comme panthéiste ; en réalité, il était athée, et sa critique âpre de la religion lui valut d’être excommunié par la synagogue en 1656.
Sa conception de la société est idéaliste et métaphysique. L’organisation d’une société « rationnelle » dépend, selon lui, de la « purgation » de l’intellect et de la connaissance de la « vraie » nature de l’homme.
Le matérialisme de Spinoza exerça une influence considérable sur les matérialistes français et les philosophes allemands du XVIIIe siècle.
Ouvrages principaux : « Réforme de l’entendement », « Traité théologico-politique » (1670), « Ethique » (1662-1675). L’« Ethique » ne fut publiée qu’après sa mort par ses amis. Elle constitue la partie maîtresse de ses « Œuvres posthumes », interdites en 1678 sous l’inculpation de contenir des « doctrines impies et sacrilèges ».