SOCIALISME FABIEN. Courant réactionnaire bourgeois créé en Angleterre, pour combattre le socialisme scientifique. La « Société des Fabiens », fondée en 1884, préconisait le passage pacifique et graduel du capitalisme au socialisme par la « collaboration » de la bourgeoisie et du prolétariat.
L’appellation elle-même : « Société des Fabiens » — du nom du capitaine romain Fabius Cunctator (le Temporiseur), réputé pour sa tactique de prudence et de conciliation — témoigne déjà du caractère réactionnaire, anti-prolétarien du socialisme fabien.
Les représentants du socialisme fabien étaient des ennemis acharnés de la lutte de classe, de la révolution prolétarienne et de la dictature du prolétariat (V.). Sans avoir un programme théorique bien déterminé, et tout en se déclarant indifférents aux questions philosophiques, les fabiens s’élevaient contre la conception matérialiste de l’histoire.
Dans sa lettre à Kautsky du 4 septembre 1892, Engels qualifie les fabiens de politiciens bourgeois typiques, qui cherchent à rallier les ouvriers aux libéraux. « C’est une clique de « socialistes » bourgeois de styles divers, écrivait Engels, depuis des arrivistes jusqu’à des socialistes et philanthropes sentimentaux, unis seulement par la peur de la domination éventuelle des ouvriers, prêts à tout pour conjurer le danger… » (Marx-Engels : Ausgewählte Briefe, B. 1953, S. 540).
Plus tard, dans une lettre à Sorge de janvier 1893, Engels dit des fabiens de Londres que c’est une bande d’arrivistes dont le principe est la « peur de la révolution ». A l’époque de l’impérialisme, le socialisme fabien a défendu ouvertement les intérêts du capital financier, soutenu les guerres impérialistes pour le repartage du monde, il s’est prononcé énergiquement pour le renforcement de l’oppression coloniale.
Le socialisme fabien s’est transformé en « impérialisme fabien », ce qui l’a caractérisé, c’est le « socialisme en paroles, l’impérialisme en fait, la transformation de l’opportunisme en impérialisme » (Lénine : Œuvres, t. 29, éd. russe, p. 463).
Analysant en détail l’essence déclasse réactionnaire du socialisme fabien, Lénine explique sa diffusion parmi les couches supérieures de la classe ouvrière, par le fait que la bourgeoisie peut corrompre ces couches ouvrières en exploitant les peuples coloniaux. A l’époque de l’existence de deux camps — le camp de la démocratie et du socialisme et le camp impérialiste — le socialisme fabien est activement utilisé par maints chefs travaillistes de droite, dans l’intérêt de la bourgeoisie réactionnaire.
De nos jours, les représentants du socialisme fabien propagent les vues idéalistes subjectives sur le développement de la nature et de la société.
SOCIALISME UTOPIQUE. Ensemble des doctrines socialistes qui, à la différence de la théorie du socialisme scientifique créée par Marx et Engels, bâtissaient des plans, vastes et universels, de reconstruction sociale, sans tenir compte de la vie réelle de la société, et de la lutte de classes.
Les arguments avancés par les socialistes utopistes à l’appui de leurs idéaux étaient purement idéalistes ; ils ignoraient le rôle primordial des conditions de vie matérielle de la société (V.) dans le développement historique. Apparu à l’époque de la désagrégation du féodalisme, le socialisme utopique est lié aux mouvements révolutionnaires.
Fondé par Thomas More (V.) il est ensuite illustré par l’utopiste notoire Campanella (V.).
Au XVIIIe siècle les doctrines utopiques se multiplient (Morelly — V., Meslier — V., Mably — V.). Les grands socialistes utopistes Saint-Simon (V.), Charles Fourier (V.) et Robert Owen (V.) appartiennent au début du XIXe siècle.
Le socialisme utopique surgit à l’époque où la lutte de classe du prolétariat est encore peu développée.
« Tous les socialistes, fondateurs de sectes, écrivait Marx, appartiennent à la période où la classe ouvrière n’était pas encore assez éduquée et organisée par le développement de la société capitaliste elle-même, pour intervenir dans l’arène mondiale et y jouer le rôle d’un personnage historique, et où, d’autre part, les conditions matérielles de son affranchissement n’étaient pas suffisamment mûres au sein du vieux monde. La misère de la classe ouvrière était un fait ; mais les conditions de sa propre activité politique, de son propre mouvement n’existaient pas encore » (Archive Marx-Engels, t. III (VIII), M. 1934, éd. russe, p. 348).
Aussi la propagande du socialisme avait-elle nécessairement un caractère utopique, inefficace. Malgré cette particularité, le socialisme primitif a joué un rôle considérable dans le développement de la pensée sociale progressive. Le socialisme utopique représenté par Saint-Simon, Fourier et Owen, a été l’une des sources théoriques du socialisme scientifique.
Engels a noté que le socialisme scientifique repose sur les épaules de ces socialistes utopistes, qu’il appelle, en dépit de l’utopisme de leurs théories, les plus grands esprits de tous les temps. Le socialisme utopique a fait une critique cinglante des contradictions du capitalisme, il a démontré qu’il fallait le remplacer par le socialisme, a prévu la suppression de l’opposition entre la ville et la campagne aussi bien que celle de la propriété privée, etc.
Cependant, les socialistes utopistes étaient incapables d’expliquer la nature du mode de production capitaliste et les conditions objectives conduisant à la victoire du socialisme. Ils n’apercevaient pas la classe appelée à créer la société nouvelle. A leurs yeux, le prolétariat n’était pas la grande force historique, la seule capable de faire entrer dans la vie, par la lutte, les idées socialistes, mais une masse opprimée, ayant besoin d’aide et digne de compassion.
Les utopistes « voulaient créer le bonheur sur la terre à coups de lois, de proclamations, sans l’aide du peuple lui-même (des ouvriers) » (Staline : Œuvres, t. I, P. 1953, p. 25). C’est pourquoi le prolétariat restait sourd à leurs théories, et dans les masses mûrissait la grande idée que la libération de la classe ouvrière ne peut être l’œuvre que de cette classe elle-même.
En Russie les idées du socialisme utopique ont été illustrées par les porte-parole de la paysannerie révolutionnaire, par de profonds penseurs, tels que Tchernychevski (V.), Dobrolioubov (V.), et autres. Les idées socialistes des célèbres démocrates révolutionnaires russes du XIXe siècle étaient plus avancées que celles du socialisme prémarxiste d’Europe occidentale.
Elles étaient remarquables par leur caractère révolutionnaire conséquent, par leur esprit combatif. Les démocrates révolutionnaires russes comprenaient que la propagande pacifique ne suffisait pas à réaliser les idéaux socialistes, que seul le peuple laborieux était réellement intéressé à substituer une société nouvelle à l’ancienne. Mais leur socialisme lui aussi était utopique.
Les conditions historiques de la Russie féodale n’étaient pas encore suffisamment mûres pour l’apparition du socialisme scientifique, le prolétariat n’était qu’à l’état embryonnaire. Ne pouvant comprendre que seul le prolétariat est la force capable de construire le socialisme, les démocrates révolutionnaires n’étaient pas à même d’élaborer la théorie du socialisme scientifique. Les démocrates révolutionnaires rêvaient de passer au socialisme par la commune paysanne ancestrale.
Seuls Marx et Engels firent du socialisme une science. Ils prouvèrent que ce n’est pas un rêve chimérique mais le résultat nécessaire du développement de la société capitaliste et de la lutte de classe du prolétariat, dont la tâche est de supprimer le capitalisme et de construire le socialisme. (V. Communisme scientifique.)
« SOCIALISME UTOPIQUE ET SOCIALISME SCIENTIFIQUE ». Ouvrage d’Engels, paru en 1880 à Paris, composé de trois chapitres de l’« Anti-Dühring » (V.) (le premier chapitre de l’introduction et les deux premiers chapitres de la partie « Socialisme ») et complété par quelques explications.
Engels montre que grâce au marxisme les plus beaux acquis de la pensée humaine, y compris des théories des socialistes utopistes, se présentent sous un jour nouveau, qu’il est une conception du monde nouvelle, révolutionnaire, la seule scientifique. L’apparition du matérialisme dialectique marque une révolution dans l’histoire de la pensée.
Engels signale les mérites et décèle les défauts des théories sociales du passé et avant tout du socialisme utopique (V.) ; il explique qu’en créant la doctrine du matérialisme historique et la théorie de la plus-value, Marx a fait que le socialisme, jusque-là rêve utopique, est devenu science, socialisme scientifique.
Engels ajoute que dans la société capitaliste les forces productives ont dépassé les rapports bourgeois de production, sont en conflit avec ces derniers, que le capitalisme engendre son propre fossoyeur, le prolétariat, force qui, sous peine de mort, doit nécessairement accomplir la révolution socialiste.
Telles sont les idées essentielles de l’ouvrage d’Engels, paru en France à l’époque où l’aile gauche du mouvement socialiste soutenait une lutte acharnée contre les anarchistes-bakouninistes et tous les éléments opportunistes, pour la constitution d’un parti marxiste. Ce livre a connu parmi les ouvriers un succès immense. Le premier groupe marxiste russe « Libération du Travail » l’a traduit et imprimé à l’étranger et l’a répandu clandestinement en Russie.
Depuis, cet ouvrage a été réédité à maintes reprises, surtout après la Grande Révolution d’Octobre.
SOCIALISTES DE DROITE. Ennemis du socialisme scientifique, continuateurs des réformistes et révisionnistes : Bernstein (V.), Kautsky (V.), Adler, Vandervelde et autres.
L’activité des chefs des socialistes de droite vise à désarmer la classe ouvrière et les masses laborieuses dans leur lutte contre la bourgeoisie de leurs pays, à provoquer la scission du mouvement ouvrier, à arrêter le développement victorieux de la lutte des peuples du monde pour la paix, la démocratie et le socialisme.
Pour démobiliser la classe ouvrière, les chefs socialistes de droite propagent inlassablement la vieille théorie réformiste de la « collaboration de classe », de la « paix sociale », etc. Renner affirmait que l’analyse des contradictions entre la bourgeoisie et le prolétariat faite par Marx dans « Le Capital » (V.) a vieilli, qu’une base aurait été désormais créée pour la « communauté de classe », pour l’unité des intérêts de la classe ouvrière et de la bourgeoisie.
« Nous sommes installés sur une seule et même branche, dit, ayant en vue les ouvriers et les patrons, un autre socialiste de droite autrichien, et si l’un de nous se met à la scier, nous nous écroulerons ensemble. »
Le chef des socialistes de droite français Léon Blum cherchait à persuader les ouvriers que la lutte de classe n’avait plus de raison d’être, que la « phase polémique » (comme il appelait prudemment la lutte de classe) avait fait son temps et devait faire place à la « phase pacifique ». Dorénavant, disait Blum, la tâche principale, c’est le « perfectionnement moral » de l’homme.
Si les anciens réformistes et révisionnistes, trahissant en fait le marxisme, cherchaient à se faire passer pour ses adeptes, les chefs actuels des socialistes de droite se soucient fort peu de cacher leur abandon de la théorie du socialisme scientifique.
A la théorie révolutionnaire du socialisme scientifique pleinement confirmée par l’expérience de l’édification victorieuse du socialisme en U.R.S.S., ainsi que par l’expérience des pays de démocratie populaire, ils opposent les théories réactionnaires de la « troisième force », du « socialisme démocratique », etc., où les phrases sur le « socialisme » ne sont qu’une duperie servant à dissimuler leur activité contre-révolutionnaire avantageuse aux classes exploiteuses.
La politique du gouvernement travailliste en Angleterre a pratiquement démontré la signification de classe du « socialisme démocratique » ; cette politique était menée à l’avantage de la bourgeoisie, au détriment de la classe ouvrière.
Pour tromper les masses, les chefs des socialistes de droite dénaturent l’essence de classe de l’Etat. Ils prétendent que si l’Etat a été autrefois un instrument de la classe dominante, l’Etat bourgeois a cessé aujourd’hui d’être un appareil pour la répression et l’oppression des masses travailleuses et doit être utilisé en tant qu’organisme « au-dessus des classes ».
C’est dire qu’ils reprennent la vieille idée réformiste de l’intégration pacifique du capitalisme au socialisme.
En philosophie, les chefs des socialistes de droite sont des défenseurs de la bourgeoisie tout comme en politique. Là également, suivant l’exemple des idéologues bourgeois, ils luttent contre la science et la raison, nient la dialectique révolutionnaire, « réfutent » le matérialisme historique (V.), substituant à cette unique doctrine scientifique des lois du développement social, l’idéalisme le plus vulgaire.
Les revues et les brochures éditées par les socialistes de droite sont remplies d’appels à concilier la connaissance et la foi, la science et la religion. Léon Blum appelait le socialisme une idée religieuse.
Maints socialistes de droite allemands proclament que la raison a subi une défaite dans sa lutte contre la foi, et ils exigent que l’« appel intérieur de l’âme humaine », les « instincts éternels de l’homme », les « valeurs absolues » soient réintégrés dans leurs droits.
Ainsi, les leaders réactionnaires des socialistes de droite agissent comme des défenseurs actifs du capitalisme, comme des ennemis intransigeants du prolétariat.
SOCIETE. V. Formation économique et sociale ; Types de rapports de production.