Accueil → Analyse → Culture → Rubriques du Petit dictionnaire philosophique de l'URSS (1955)
ROUSTAVELI Chota (XIIe siècle). Poète géorgien de génie, auteur du poème « Le preux à la peau de léopard », un des plus grands monuments de la culture mondiale.
Il voyait dans la poésie « une branche de la sagesse », et il synthétisa, sous une forme littéraire, tout le développement antérieur de la pensée sociale et philosophique en Géorgie. Il a exprimé dans un langage imagé des idées profondes opposées aux courants philosophiques dominant au moyen âge.
Profondément populaire, imprégné d’humanisme, le poème de Roustavéli a exalté l’amour, l’amitié et l’héroïsme, il sapait les bases de la scolastique du moyen âge et s’opposait à l’ascétisme de l’Eglise.
L’œuvre de Roustavéli rompait hardiment avec les traditions de la littérature médiévale. Il n’évoque jamais, dans son poème, la « trinité » chrétienne ni d’autres accessoires religieux propres à la littérature du moyen âge. Ses héros vivent dans un monde réel qui ne laisse pas de place pour l’au-delà.
Ils ont des passions et des aspirations véritablement humaines et luttent au nom des grands idéaux « terrestres » sans se soucier le moins du monde de la vie d’« outre-tombe ». Le Dieu du poème, c’est « la plénitude de tout ce qui est », la personnification de l’unité du monde, et non point le Dieu traditionnel de la religion.
La naissance et la disparition des choses c’est, selon Roustavéli, l’union et la dissociation des quatre éléments : « feu, eau, terre et air ».
L’univers est éternel et infini, il est mû par des lois internes imprescriptibles. Comme tout dans ce monde, l’activité humaine est strictement déterminée.
Cependant le déterminisme (le destin) dépend de l’activité de l’homme, de sa lutte qui aboutit à la victoire du bien sur le mal.
Pour Roustavéli, le mal n’est pas un principe naturel : il tire son origine des relations humaines. C’est pourquoi l’homme peut et doit surmonter ce mal par sa lutte.
La destination suprême de l’homme, c’est de faire triompher le bien en combattant le mal dans toutes ses manifestations. Cette lutte fait naître l’héroïsme véritable qui triomphe de tous les obstacles. Les connaissances ne deviennent sagesse que liées à l’activité pratique. Et sans sagesse, pas d’héroïsme véritable.
Les principaux stimulants de l’héroïsme sont l’amour et l’amitié, s’ils sont animés par un idéal élevé. Au nom de l’amour et de l’amitié les héros du poème accomplissent des prodiges. Dans le poème, l’amour et l’amitié dépassent le cadre des sentiments personnels : ils prennent une importance sociale et règlent les rapports entre les hommes.
Roustavéli a été le premier dans la littérature mondiale à chanter l’amitié entre les peuples basée sur un profond patriotisme, sur un dévouement sans réserve à son propre peuple.
L’esthétique de Roustavéli est étroitement liée à ses idées philosophiques, à son éthique. Le beau et le sublime ne sont pas seulement nos sentiments subjectifs ; ce sont des catégories objectives.
La beauté véritable de l’homme ne réside pas tellement dans son charme extérieur que dans les principes élevés de sa morale. La tâche de la poésie est de refléter la vie des hommes et leur lutte pour des buts nobles et élevés, pour le bonheur ici-bas.
Si les idées philosophiques de Roustavéli dépassent de loin le cadre médiéval, si ses conceptions éthiques et esthétiques rappellent dans une grande mesure les idées progressistes de nos jours, ses conceptions sociales et politiques sont beaucoup plus influencées par les conditions du féodalisme.
Il est partisan de l’absolutisme éclairé, d’un Etat unifié, puissant et indépendant, mais il demande toutefois que l’autocratie soit limitée par un Conseil d’hommes d’Etat instruits.
Roustavéli considère comme immuables les rapports sociaux basés sur l’hiérarchie féodale. Il n’en demande pas moins qu’on traite les gens humainement et équitablement, qu’on fasse disparaître la misère ; il proteste contre l’humiliation de la personnalité humaine.
Le poème de Roustavéli a porté un coup à l’idéologie chrétienne du moyen âge. Durant des siècles, les forces de réaction géorgiennes, surtout les cléricaux, ont tout fait pour mettre sous le boisseau ce grand poème, et pour faire disparaître les traces mêmes de son influence.
Mais le peuple de Géorgie pour qui l’œuvre de Roustavéli est l’incarnation de son génie national, le symbole de ses meilleures aspirations, a sauvegardé cette œuvre géniale.
Aujourd’hui, elle est l’apanage de tous les peuples de l’Union Soviétique, elle fait partie du patrimoine de la culture mondiale.
RUSSELL Bertrand (né en 1872). Eminent philosophe et logicien anglais, un des chefs de l’idéalisme contemporain. Sa philosophie représente une variété de l’idéalisme subjectif très proche du machisme (V.).
Bien qu’il souligne sans cesse le caractère « rigoureusement scientifique » de sa philosophie, soi-disant inséparable des conquêtes les plus récentes des mathématiques et de la physique, tout son système n’est qu’une interprétation idéaliste des conclusions de la science moderne.
Il reconnaît lui-même qu’il considère la philosophie comme un intermédiaire entre la science et la théologie.
A l’atomisme matérialiste, il oppose la théorie idéaliste de l’« atomisme logique », d’après laquelle les éléments constituants de la nature seraient non des choses matérielles mais des unités logiques, des jugements fondés sur les perceptions (« événements »).
Russell s’efforce de dissimuler son idéalisme sous la formule du « monisme neutre » appelé à supprimer l’opposition entre l’idéalisme et le matérialisme. L’esprit et la matière ne seraient selon lui que deux formes différentes de l’expérience : l’expérience immédiate (données subjectives) et l’expérience médiate (données objectives).
L’inconsistance de telles tentatives a été dénoncée par Lénine qui a montré qu’aucune jonglerie avec les termes ne peut permettre aux idéalistes d’escamoter le fait qu’ils conçoivent la matière comme une forme de l’ « expérience », de la conscience, de la perception et non comme une réalité indépendante de l’expérience et de la perception.
En sociologie, Russell est partisan de la plate « théorie de la violence » réfutée par Engels dans son « Anti-Dühring » (V.).
Méconnaissant le rôle décisif de la lutte de classe dans l’histoire, Russell recourt aux abstractions métaphysiques de l’« homme en général » (doué d’instincts et de penchants immuables), de la « société (ou de l’Etat) en général ». D’après lui, le facteur décisif du progrès historique, ce n’est pas le peuple, mais les « grands hommes ».
Il reprend donc les thèses de la sociologie subjective, réfutée depuis longtemps par le marxisme.
Ces temps derniers, Russell se prononce pour l’interdiction de l’arme atomique et pour la détente internationale au moyen d’un règlement pacifique des problèmes en suspens entre l’Est et l’Ouest.