QUESTION FONDAMENTALE DE LA PHILOSOPHIE ou question suprême de la philosophie, celle du rapport entre la pensée et l’être, la conscience et la nature. Elle est fondamentale, car elle détermine la solution de tous les autres problèmes philosophiques.
Engels note que les philosophes se sont divisés en deux grands camps, en idéalistes et en matérialistes, suivant qu’ils considéraient comme donnée première l’être, la nature ou bien la conscience, la pensée. Tous les philosophes idéalistes considèrent la conscience, l’idée, l’esprit comme la donnée première.
Pour les matérialistes, c’est la nature, la matière qui est la donnée première alors que la conscience est une donnée seconde, dérivée de la matière. La solution matérialiste de la question fondamentale de la philosophie est absolument hostile au dualisme d’après lequel la matière et l’esprit existeraient séparément comme substances indépendantes.
Le point de vue marxiste sur cette question est formulé par J. Staline dans « Le matérialisme dialectique et le matérialisme historique » (V.) :
« … Contrairement à l’idéalisme affirmant que seule notre conscience existe réellement, que le monde matériel, l’être, la nature n’existe que dans notre conscience, dans nos sensations, représentations, concepts, le matérialisme philosophique marxiste part de ce principe que la matière, la nature, l’être est une réalité objective existant en dehors et indépendamment de la conscience ; que la matière est une donnée première, car elle est la source des sensations, des représentations, de la conscience, tandis que la conscience est une donnée seconde, dérivée, car elle est le reflet de la matière, le reflet de l’être ; que la pensée est un produit de la matière, quand celle-ci a atteint dans son développement un haut degré de perfection ; plus précisément, la pensée est le produit du cerveau, et le cerveau, l’organe de la pensée ; on ne saurait, par conséquent, séparer la pensée de la matière sous peine de tomber dans une grossière erreur » (M. 1954, p. 14).
La question du rapport de la pensée à l’être a encore un autre aspect qui concerne la possibilité pour l’homme de connaître le monde extérieur. En règle générale, la philosophie idéaliste nie cette possibilité. Le matérialisme dialectique réfute l’agnosticisme largement répandu parmi les philosophes bourgeois et selon lequel le monde serait inconnaissable.
Nos sensations, représentations, concepts sont des copies, des reflets du monde objectif. La pratique est la pierre de touche de la validité de notre connaissance.
Le grand mérite du marxisme est d’avoir démontré que la question du rapport entre la pensée et l’être est la question fondamentale de la philosophie, et d’avoir ainsi fourni, pour la première fois dans l’histoire de la philosophie, un critère rigoureusement scientifique pour distinguer la philosophie matérialiste de toute variété de l’idéalisme philosophique quel que soit son masque.
La netteté et la profondeur de ce critère ont permis de ramener les nombreuses écoles, orientations et courants philosophiques à deux grands camps diamétralement opposés et de démontrer que la lutte en philosophie est nécessairement la lutte entre le matérialisme et l’idéalisme. Le rapport entre la pensée et l’être étant la question suprême de toute philosophie, les notions gnoséologiques les plus générales et les plus larges sont l’être et la pensée.
« Il s’agit de savoir… s’il existe des notions plus larges que celles de l’être et de la pensée, de la matière et de la sensation, du physique et du psychique, avec lesquelles la théorie de la connaissance puisse opérer. Non. Ce sont les concepts derniers, infiniment larges, les plus larges, que la gnoséologie n’a point dépassés jusqu’à présent… Seuls le charlatanisme (des machistes. — N.R.) ou l’extrême indigence intellectuelle peuvent exiger pour ces deux « séries » de concepts derniers, infiniment larges, des « définitions » qui soient autre chose que de « simples répétitions » : l’un ou l’autre est considéré comme donnée première » (Lénine : « Matérialisme et empiriocriticisme », M. 1952, p. 161).
La solution marxiste de la question philosophique fondamentale est à la base du principe de l’esprit de parti en philosophie (V.), principe qui fait un devoir aux philosophes marxistes de délimiter et d’opposer nettement la philosophie matérialiste et la philosophie idéaliste, de défendre fermement contre toutes les variétés de l’idéalisme le matérialisme dialectique, seule philosophie scientifique.
QUESTION NATIONALE. Le marxisme-léninisme distingue trois périodes dans l’évolution de la question nationale. La première période est celle de l’abolition du féodalisme et de la victoire ducapitalisme en Occident : les nations (V.) prennent corps, se constituent.
En Occident, l’apparition des nations a coïncidé dans le temps avec la formation d’Etats centralisés ; c’est pourquoi les nations s’y constituent en Etats : Angleterre. France, Italie, etc. Dans l’Est de l’Europe (Hongrie, Autriche, Russie), l’évolution plus lente du capitalisme a retardé la formation des nations, alors que la nécessité de se défendre contre les Turcs, les Mongols et les autres peuples de l’Orient stimulait la constitution des Etats centralisés.
Des Etats multinationaux ont surgi où la nation la plus évoluée et qui avait été la première à prendre corps, s’est révélée dominante, tandis que les autres nations, moins développées, devenaient des nations opprimées, secondaires. En Europe occidentale les nations se fermaient au cours des guerres de libération nationale pour le renversement de l’absolutisme, du féodalisme, du joug étranger.
Ces objectifs atteints, les mouvements nationaux de la bourgeoisie progressiste ont pris fin. Mais dans l’Est européen de cette époque, avec son système d’oppression nationale, les mouvements nationaux bourgeois ne faisaient que commencer.
Le joug national engendrait des conflits, des mouvements nationaux où la bourgeoisie tenait le rôle principal.
La deuxième période commence avec la naissance de l’impérialisme. Jusqu’alors la question nationale ne sortait pas du cadre de certains Etats multinationaux et n’intéressait que quelques nations, surtout les nations européennes (irlandais, Tchèques, Finnois, Polonais, Serbes et autres).
Avec l’impérialisme, elle devient un problème international. La lutte vient de commencer entre les Etats impérialistes pour le droit d’exploiter et d’asservir les peuples des colonies et des semi-colonies. Les vieux Etats nationaux d’Occident — Angleterre, Italie, France et autres — qui s’étaient emparés de nouveaux territoires, sont devenus des Etats multinationaux, dont l’existence est étroitement liée à l’oppression nationale et coloniale.
Le joug national qui s’est alourdi a donné une nouvelle impulsion aux mouvements anti-impérialistes de libération nationale des colonies et des semi-colonies. Ainsi la question nationale s’est fondue avec le problème général de l’affranchissement des peuples coloniaux, elle est devenue une question nationale-coloniale.
Le contenu de classe du problème national s’est également modifié : au fond il s’agissait désormais de la question paysanne, puisque c’est la paysannerie qui compose en majorité l’armée du mouvement national.
Le mouvement de libération nationale des peuples asservis des colonies et pays dépendants sape le système de l’impérialisme et devient par conséquent une puissante réserve de la révolution prolétarienne. Les intérêts du mouvement prolétarien dans les pays capitalistes développés et ceux du mouvement de libération nationale des colonies exigent la formation d’un front révolutionnaire unique.
Pour le prolétariat, la question nationale, c’est le problème de ses alliés dans la révolution. Avant la première guerre mondiale et la Révolution d’Octobre, le parti communiste considérait cette question comme faisant partie du problème de la révolution bourgeoise démocratique ; depuis la première guerre mondiale et la Révolution d’Octobre, il la considère comme faisant partie du problème de la révolution socialiste.
La Grande Révolution socialiste d’Octobre inaugure la troisième période, la période soviétique, dans la manière de poser et de résoudre la question nationale. C’est la période du renversement du capitalisme, de la liquidation du joug national, de la consolidation de l’amitié et de la collaboration fraternelle des peuples soviétiques, de la formation des nations nouvelles, socialistes.
Alors que le monde bourgeois n’a d’autre moyen de trancher la question nationale que de diviser les nations, d’accentuer la haine, d’assujettir une nation à une autre, la Révolution d’Octobre a ouvert une autre voie, révolutionnaire, basée sur l’alliance fraternelle des travailleurs des différents peuples.
Elle a montré que c’était là le seul moyen de résoudre la question nationale et de mettre fin à l’hostilité entre les nations, inévitable sous le capitalisme. Dès les premiers jours de la Révolution d’Octobre (le 15 (2) novembre 1917), le Gouvernement soviétique adopta la « Déclaration des droits des peuples de Russie ».
Ce document remarquable proclamait : « 1. Egalité et souveraineté des peuples de Russie. 2. Droit des peuples de Russie à disposer d’eux-mêmes jusques et y compris la séparation et la constitution en Etat indépendant. 3. Abolition des privilèges et restrictions nationaux et religieux de toute sorte. 4. Libre développement des minorités nationales et des groupes ethniques peuplant la Russie. »
Loin de disloquer la Russie, le droit qu’avaient désormais les nations à disposer d’elles-mêmes a soudé les peuples de ce pays autour du peuple russe. Le capitalisme et le joug national une fois liquidés, l’égalité en droits de tous les peuples une fois instaurée, on vit disparaître les causes qui incitaient les nations autrefois opprimées à se séparer de la Russie.
La nature même du pouvoir des Soviets, international quant à son contenu de classe, les besoins de défense dans le cas d’une attaque du dehors, les nécessités de la construction socialiste, sont autant de conditions qui ont favorisé le rapprochement des peuples soviétiques, leur union en un seul Etat multinational.
Le 30 décembre 1922 est le jour de la naissance de l’Union des Républiques Socialistes Soviétiques, Etat multinational sans précédent dans l’histoire. A la différence des Etats multinationaux bourgeois basés sur la contrainte et l’oppression des petits peuples, l’Etat soviétique est fondé sur l’union librement consentie des républiques fédérées, sur l’égalité en droits de tous les peuples de l’U.R.S.S.
L’expérience historique a révélé la fragilité des Etats multinationaux bourgeois qui se désagrègent inévitablement, rongés par les contradictions nationales, comme, par exemple, l’Autriche-Hongrie en 1918. Ce n’est qu’en régime soviétique qu’on pouvait créer un Etat multinational solide fondé sur la libre union et l’égalité des nations.
Le régime soviétique ne s’est pas borné à proclamer l’égalité en droits, il a tout fait pour mettre fin le plus vite possible à l’inégalité effective des peuples dans le domaine politique, économique et culturel, héritée de l’ancien régime.
Le parti communiste a réalisé cette tâche avec succès dans une lutte opiniâtre contre les ennemis du peuple, les fauteurs de déviations nationalistes de toute sorte. Aidés par le peuple russe, les peuples naguère arriérés ont rattrapé ceux des régions centrales.
Ayant liquidé les classes exploiteuses qui étaient les instigatrices essentielles des conflits entre les nations, le pouvoir soviétique et le parti communiste ont assuré une amitié toujours plus solide des peuples de l’U.R.S.S.
La solidité de l’Etat soviétique multinational a été éprouvée dans le feu de la Grande guerre nationale. La victoire de l’Union Soviétique a sauvé de l’asservissement les peuples d’Europe et d’Asie, a permis aux nombreux peuples de l’Europe centrale et sud-orientale, ainsi qu’aux peuples chinois, de la Corée du Nord et du Viêt-Nam de conquérir l’indépendance nationale et d’établir le régime de démocratie populaire.
Il en va tout autrement pour le monde bourgeois. L’indépendance nationale des peuples y est menacée par les plans de conquête des impérialistes étrangers. La philosophie de la bourgeoisie réactionnaire assigne une base théorique — l’idée réactionnaire du cosmopolitisme (V.) — à ces ambitions expansionnistes.
Les visées agressives des monopolistes rencontrent aujourd’hui l’entier soutien des leaders des socialistes de droite de certains pays capitalistes ; s’engageant dans la voie de l’abandon de la souveraineté nationale, ils se mettent au service des impérialistes.
Une tâche historique incombe au prolétariat et aux partis communistes de ces pays : grouper autour d’eux toutes les forces démocratiques et patriotiques du peuple pour faire échec aux plans de conquête des impérialistes et prendre la défense de l’indépendance et de la souveraineté nationales.