QUALITE ET QUANTITE. Catégories de la dialectique matérialiste qui reflètent des aspects importants des objets et des processus. La qualité est une détermination essentielle de l’objet, détermination de ses traits et caractères inhérents, en vertu de laquelle il est ce qu’il est et non autre chose, et qui le distingue des autres objets.

Dans la nature et dans la société, tout est en mouvement et en développement continus ; constamment quelque chose dépérit et naît. Mais il ne s’ensuit pas que les objets et les phénomènes n’aient point de contenu déterminé, de forme déterminée d’existence, qu’ils soient instables.

Leur détermination qualitative est justement ce qui les rend stables, ce qui délimite les objets et crée la diversité concrète de la nature. La dialectique marxiste s’élève résolument contre les théories mécanistes qui nient la qualité en tant que détermination objective des objets, et qui réduisent la diversité du monde à des différences purement quantitatives.

Une telle conception annihile la particularité qualitative des objets et conduit à des vues antiscientifiques d’après lesquelles le développement ne serait qu’une modification purement quantitative ne comportant pas de bonds, de formes de lutte révolutionnaires contre l’ancien, etc.

Telle est, notamment, la position des réformistes qui prétendent que seul le changement quantitatif du capitalisme au moyen de menues réformes, de modifications dans la législation, sans changement qualitatif radical, sans révolution ni instauration de la dictature du prolétariat pourra aboutir « un beau jour » à l’avènement du socialisme.

En réalité, le capitalisme et le socialisme, en tant que modes de production sociaux, sont diamétralement opposés l’un à l’autre par leur détermination qualitative. Ils sont régis par des lois de développement différentes et, étant diamétralement opposés par leur qualité, la transition de l’un à l’autre, du capitalisme au socialisme, n’est possible que par la destruction radicale du régime capitaliste périmé, son abolition révolutionnaire et par l’instauration d’un régime nouveau, socialiste.

Le concept de la qualité revêt, par conséquent, une immense portée théorique. La connaissance scientifique doit commencer par déterminer qualitativement les phénomènes étudiés, c’est-à-dire mettre à jour les particularités qui leur sont inhérentes, qui les distinguent des autres phénomènes.

Tant qu’on n’a pas déterminé la qualité des objets, on ne peut établir les lois de leur développement. Si l’on méconnaît la détermination qualitative des choses et des phénomènes, on aboutit à l’affirmation idéaliste subjectiviste selon laquelle toute la diversité du monde n’est que le fruit des sensations.

Telle est, par exemple, la théorie des qualités primaires et secondes, en vertu de laquelle seuls l’étendue, le volume, la configuration des objets sont objectifs, alors que la couleur, l’odeur, le son, le goût, etc., seraient des sensations subjectives. Ce point de vue est absolument contraire à la réalité.

La qualité des choses et des phénomènes n’est pas éternelle, elle est sujette au changement. Le métaphysicien se représente le développement comme un mouvement qui s’accomplit toujours dans les limites des mêmes qualités, et qui exclut toute apparition du nouveau et toute disparition de l’ancien.

Telles sont, par exemple, les conceptions antiscientifiques des weismanistes-morganistes sur l’évolution de la nature vivante, les idées des virchowiens sur la cellule, etc. Au contraire, la méthode dialectique estime que le processus du développement doit être envisagé non comme un mouvement circulaire, mais comme une progression, une transition d’un état qualitatif ancien à un état qualitatif nouveau, le développement allant du simple au complexe, de l’inférieur au supérieur.

Le nouvel état qualitatif naît à la suite d’un bond, d’une transition brusque d’un état à un autre ; il ne naît pas accidentellement, mais conformément à des lois, à la suite de l’accumulation de changements quantitatifs imperceptibles et graduels.

Le matérialisme dialectique considère donc le problème de la transition d’un état qualitatif à un autre en connexion étroite avec celui des modifications quantitatives des objets et des processus. La qualité de l’objet n’existe pas en dehors de sa détermination quantitative. Les aspects qualitatif et quantitatif de l’objet constituent une unité.

La catégorie de la quantité traduit cet aspect de l’objet, qui caractérise le degré, le niveau de son développement, sa composition quantitative. La qualité de l’objet est étroitement liée à son aspect quantitatif dont elle dépend. C’est ainsi que les éléments chimiques qualitativement différents se distinguent par leur composition quantitative : par exemple, le noyau de l’atome d’hydrogène se compose d’un proton et autour de ce noyau tourne un électron ; le noyau de l’atome d’uranium se compose de 92 protons et de 146 neutrons, autour du noyau tournent 92 électrons.

La vie sociale nous offre également des exemples de la dépendance de la qualité vis-à-vis de la quantité. Le niveau de la productivité du travail et du développement des forces productives détermine, en dernière instance, l’avènement et l’existence de telle ou telle formation économique et sociale.

Le régime de la commune primitive avait pour base un bas niveau de productivité du travail et des forces productives.

La croissance de la production et de la productivité du travail fit éclater ce régime, engendra la division sociale du travail, la propriété privée et les classes ; une formation sociale et économique nouvelle, le régime de l’esclavage, vit le jour. La victoire du communisme est fonction d’un niveau de la productivité du travail supérieur à celui du capitalisme.

S’il ne faut pas détacher l’aspect qualitatif de l’aspect quantitatif, il, ne faut pas non plus considérer les changements quantitatifs séparément des changements qualitatifs, comme le font les métaphysiciens, pour qui le développement est une simple évolution quantitative.

La méthode métaphysique, appliquée à l’étude de l’histoire fut caractéristique notamment des populistes (V. Populisme) selon lesquels c’étaient les paysans et non les ouvriers qui devaient accomplir la révolution socialiste en Russie, car dans les années 80 du siècle dernier on comptait dans le pays des dizaines de millions de paysans, tandis que les ouvriers étaient peu nombreux.

Les populistes comparaient le nombre des paysans à celui des ouvriers, en négligeant complètement la nature sociale, qualitative de ces deux classes, sans tenir compte des lois du processus historique.

Or, la paysannerie en tant que classe se désagrégeait, alors que le prolétariat se développait pour devenir une immense force historique et politique.

Ainsi donc, la méthode marxiste exige que l’on considère les aspects et les changements quantitatifs et qualitatifs des objets et des phénomènes sous l’angle de leur liaison étroite et de leur action réciproque.

La dialectique de leur interaction est d’une grande importance pour la conception scientifique du développement (V. également Bond ; Conversion des changements quantitatifs en changements qualitatif ; Evolution et révolution ; Mesure.)

QUALITES PREMIERES ET SECONDES DES CHOSES. Avant Marx, certains matérialistes (par exemple Locke — V.) rangeaient parmi les qualités premières ou propriétés des choses l’étendue, le mouvement, la forme, le volume, etc., et parmi les qualités secondes, la couleur, le son, l’odeur, le goût, etc.

Selon eux, les qualités premières sont objectives, indépendantes de la perception humaine et résistent aux changements de l’objet, tandis que les qualités secondes seraient subjectives, attribuées à l’objet par les organes des sens du sujet.

Prenant prétexte de cette thèse erronée de Locke, l’idéaliste Berkeley (V.) prétend que les qualités premières ne sont pas moins subjectives que les qualités secondes et il en vient ainsi à la négation totale de l’existence objective des choses matérielles.

Le matérialisme dialectique rejette la division idéaliste des qualités en premières et secondes et montre que toutes les qualités des choses leur sont inhérentes, qu’elles sont objectives. Le matérialisme dialectique soutient que la question de savoir si la conscience humaine reflète fidèlement les qualités objectives des choses, se résout dans la pratique, dans l’expérience.

QUANTITE. V. Qualité et quantité.

« QUE FAIRE ? ». Ouvrage de Lénine écrit en 1901-1902 et publié pour la première fois à l’étranger, à Stuttgart, en mars 1902. Il était dirigé contre l’opportunisme dans le mouvement social-démocrate international et sa variété russe, l’« économisme ».

Le livre de Lénine constitue toute une époque dans l’histoire du Parti communiste de l’Union Soviétique et dans l’histoire du communisme international.

Il a joué un très grand rôle dans la lutte pour la création d’un parti marxiste de type nouveau et posé les fondements idéologiques de ce parti. Dans le premier des cinq chapitres, Lénine dirige sa critique contre l’opportunisme international.

Après avoir montré que la social-démocratie de l’Europe occidentale, autrefois un parti de révolution sociale, se transformait en un parti de réformes sociales, Lénine souligne le rapport entre l’« économisme » en Russie et l’opportunisme dans le mouvement ouvrier mondial. Il justifie l’importance d’une théorie révolutionnaire pour le mouvement révolutionnaire ouvrier.

Lénine montre le rôle révolutionnaire que joue une théorie d’avant-garde, le rôle de l’élément conscient dans le mouvement ouvrier révolutionnaire. « Sans théorie révolutionnaire, pas de mouvement révolutionnaire… seul un parti guidé par une théorie d’avant-garde peut remplir le rôle de combattant d’avant-garde » (Lénine : « Que faire ? », M. 1954, pp. 28-29).

Ayant montré que la social-démocratie révolutionnaire poursuit la lutte de classe sur le plan économique, politique et théorique, Lénine souligne l’importance d’une théorie révolutionnaire pour le mouvement révolutionnaire russe, pour le parti prolétarien de Russie.

Le chapitre II est consacré à l’analyse du rapport entre la spontanéité et le facteur conscient. Le chapitre III met en lumière l’opposition de principe entre la politique trade-unioniste et social-démocrate. La social-démocratie révolutionnaire doit apporter la conscience socialiste dans le mouvement ouvrier spontané.

« La conscience politique de classe ne peut être apportée à l’ouvrier que de l’extérieur, c’est-à-dire de l’extérieur de la lutte économique, de l’extérieur de la sphère des rapports entre ouvriers et patrons » (Ibid., p. 89).

Après avoir mis en échec le suivisme des « économistes », Lénine a montré que nier le rôle dirigeant du parti communiste, exalter la spontanéité, c’est désarmer la classe ouvrière en face de l’autocratie et de la bourgeoisie.

« Tout culte de la spontanéité du mouvement ouvrier, toute diminution du rôle de « l’élément conscient », du rôle de la social-démocratie signifie par là même — qu’on le veuille ou non, cela n’y fait absolument rienun renforcement de l’influence de l’idéologie bourgeoise sur les ouvriers » (Ibid., p. 43).

Les « économistes » étaient contre une politique indépendante du parti prolétarien, ils préconisaient la lutte économique en tant que forme principale de lutte de classe.

Lénine, en dénonçant les « économistes », indiquait que la lutte économique des ouvriers contre les capitalistes n’est qu’une lutte collective des ouvriers contre le patronat pour des conditions plus avantageuses de vente de leur force de travail, pour l’amélioration de leurs conditions de travail et de vie ; que cette lutte ne peut aboutir au renversement du tsarisme et du régime capitaliste, à la libération de l’esclavage capitaliste.

Falsifiant la thèse du matérialisme historique suivant laquelle les conditions de vie matérielle sont la force motrice du développement social, les « économistes » en déduisaient la priorité de la forme économique dans la lutte de la classe ouvrière. Lénine a réfuté cette argumentation et il a montré que le prolétariat ne peut se libérer sans avoir conquis le pouvoir politique.

Les chapitres IV et V sont consacrés aux problèmes d’organisation du mouvement ouvrier révolutionnaire et du parti prolétarien. L’opportunisme des « économistes » dans les questions d’organisation était entièrement fonction de leur opportunisme idéologique.

Les positions idéologiques contradictoires, la dispersion en matière d’organisation, un travail artisanal par cercles séparés, constituaient un obstacle sérieux à l’organisation de la classe ouvrière dans la lutte contre le tsarisme et la bourgeoisie L’essor du mouvement ouvrier révolutionnaire exigeait la création d’un parti de combat unique et centralisé.

Lénine a développé un vaste plan d’organisation d’un parti ouvrier marxiste révolutionnaire prêt au combat, capable d’accomplir les tâches qui incombent à la classe ouvrière. Il a mis en relief le rôle immense que doit jouer un journal politique édité par des marxistes révolutionnaires à l’échelle de toute la Russie. L’« Iskra » de Lénine prépara idéologiquement et organiquement la création d’un parti marxiste.

L’ouvrage de Lénine « Que faire ? » a réfuté victorieusement l’idéologie opportuniste des « économistes ». « La portée historique de « Que faire ? » vient de ce que, dans cet ouvrage célèbre :

1° Lénine a, le premier dans l’histoire de la pensée marxiste, mis à nu jusqu’aux racines les origines idéologiques de l’opportunisme, en montrant qu’elles revenaient avant tout à s’incliner devant la spontanéité du mouvement ouvrier et à diminuer l’importance de la conscience socialiste dans ce mouvement.

2° Il a porté très haut l’importance de la théorie, de l’élément conscient, du parti en tant que force qui dirige le mouvement ouvrier spontané et l’imprègne de l’esprit révolutionnaire.

3° Il a brillamment justifié ce principe marxiste fondamental, d’après lequel le parti marxiste c’est la fusion du mouvement ouvrier et du socialisme.

4° Il a fait une analyse géniale des fondements idéologiques du parti marxiste. (« Précis d’Histoire du P.C. (b) de l’U.R.S.S. »).


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