PHILOSOPHIE DU MOYEN AGE. Philosophie de la société féodale. A cette époque, la religion était l’idéologie dominante. Les insurrections des paysans et des citadins contre le régime d’exploitation féodale portaient en même temps le caractère d’« hérésies », c’est-à-dire de lutte contre l’Eglise officielle (catholique), bastion de la féodalité.
La première tentative de légitimer les dogmes chrétiens appartient à la patriotique (V.), doctrine des « Pères de l’Eglise ». Etroitesse religieuse, haine farouche de la science, justification du joug féodal, appels hypocrites à l’ascétisme, tels en sont les traits essentiels. Tertullien (vers 160-230) déclarait : « Je crois parce que c’est absurde ».
Saint-Augustin (V. Augustin), dont le système était basé sur le néo-platonisme (V.), doctrine mystique et idéaliste, proclamait la suprématie du pouvoir de l’Eglise sur le pouvoir laïque et prêchait la domination universelle de l’Eglise catholique.
Du VIIIe au Xe siècle, en Europe occidentale apparut le courant principal de la philosophie médiévale, la scolastique (V.), qui prit sa forme définitive au XIe siècle, grâce à la consolidation du catholicisme.
Cette école religieuse de la classe dominante a régné sans partage dans l’enseignement. Les scolastiques ont adapté aux besoins du christianisme une mixture éclectique et falsifiée des systèmes idéalistes de l’antiquité.
Au début, le platonisme (V. Platon) exerça la plus grande influence, et, à partir du XIIIe siècle ce fut un aristotélisme déformé qui prit sa place. « L’obscurantisme clérical, écrivait Lénine, a tué en Aristote l’élément vivant et éternisé l’élément mort » (« Cahiers philosophiques », éd. russe, p. 303).
Le clergé transforma la logique d’Aristote en une « scolastique figée ». « La philosophie est la servante de la théologie », c’est ainsi que l’Eglise définissait le rôle de la philosophie scolastique. Sa tâche principale, conditionnée par sa nature de classe, était de persuader les masses populaires que le régime d’exploitation féodale avait été créé et sanctifié par Dieu lui-même, et que lutter contre lui, c’était s’insurger contre la volonté divine.
S’efforçant d’appuyer et de défendre l’idéologie officielle de l’Eglise, les scolastiques avaient recours à des subterfuges, à des arguments subtils, purement formels et artificiels. Ils ne tenaient aucun compte des données de l’expérience, s’adonnaient à de creuses logomachies et à des confrontations de textes de fausses autorités.
La doctrine la plus influente fut celle de Thomas d’Aquin (V.) qui s’appliqua à appuyer le dogmatisme catholique sur un aristotélisme falsifié, et à « légitimer philosophiquement » le régime féodal régnant. Vers la fin du XIXe siècle, le Pape proclama que la doctrine de « saint » Thomas était « la seule philosophie véritable » de l’Eglise catholique.
Les obscurantistes actuels, eux aussi, le portent sur le pavois.
La lutte de classe au sein du féodalisme se manifestait par l’apparition de tendances philosophiques opposées. La lutte du nominalisme (V.) et du « réalisme » (V. « Réalisme » médiéval) aux Xe et XIe siècles a été la plus significative.
Les « réalistes » affirmaient que les idées générales, les « universaux », ont une existence réelle en tant que substances spirituelles ou prototypes antérieurs aux choses particulières. Les nominalistes croyaient que seules les choses particulières, individuelles existent tandis que les universaux ne sont que de simples appellations, des noms que les hommes attribuent aux phénomènes.
Dans la lutte du nominalisme contre le « réalisme », à travers le brouillard théologique de l’époque, s’ébauchaient les deux principaux partis en philosophie : le matérialisme et l’idéalisme.
Le nominalisme est une des premières expressions du matérialisme.
Lénine soulignait que « la lutte des réalistes et des nominalistes du moyen âge a des traits communs avec celle des matérialistes et des idéalistes » (Œuvres, t. 20, éd. russe, p. 173).
Lié au mouvement d’opposition contre l’Eglise officielle, le nominalisme était une expression spécifique de l’idéologie des artisans et marchands, de la montée des couches citadines attirées par la connaissance expérimentale et professant une certaine indépendance d’esprit. Cette tendance trouva son expression dans la doctrine d’Abélard (V.).
Les mêmes forces sociales stimulaient l’intérêt pour les sciences naturelles et les mathématiques complètement dédaignées par la scolastique officielle. En Grande-Bretagne l’essor impétueux de l’économie et l’accentuation de la lutte de classes conditionnent l’apparition de la doctrine de Roger Bacon (V.), progressive pour son époque.
Bacon attachait une importance particulière aux sciences naturelles et à la technique. Ses vues hardies lui valurent les persécutions de l’Eglise catholique. Les doctrines nominalistes présentaient aussi de vagues tendances matérialistes.
Duns Scot (vers 1265-1308) expliquait la faculté de penser que possède la matière par la volonté « insondable » de Dieu ; en même temps, il s’efforçait de briser les chaînes qui attachaient la philosophie à la théologie.
Ces tendances atteignirent leur point culminant dans la doctrine du nominaliste Guillaume d’Occam (V.). Ce dernier a lutté énergiquement contre le Pape, aux côtés de l’empereur et des citadins avancés qui haïssaient les chevaliers pillards et s’efforçaient d’atténuer l’emprise cléricale.
Par la suite, la scolastique dégénéra définitivement, mais longtemps toutes sortes d’obscurantistes galvanisèrent son cadavre. La scolastique a été la variété dominante de la philosophie médiévale mais non la seule.
Diverses doctrines mystiques qui ramenaient la connaissance à l’« illumination » de l’homme ou à l’« union » de son âme au principe divin, ont exercé une certaine influence. Ennemi de l’expérience et de la logique, le mysticisme est évidemment nuisible et réactionnaire ; cependant, dans les conditions historiques particulières du moyen âge, certaines vues sociales des mystiques sur l’inutilité de l’Eglise en tant qu’ « intermédiaire » entre Dieu et l’homme, sur la pseudo-érudition des scolastiques, etc., ont pu temporairement les opposer à l’idéologie dominante.
Engels considérait la mystique médiévale comme une forme d’opposition à la féodalité. Les XVe et XVIe siècles marquent la fin de la philosophie médiévale. L’apparition et le développement des rapports bourgeois engendrent une nouvelle idéologie, celle de la Renaissance. La culture du Caucase, de l’Asie centrale, des Arabes, et des autres peuples d’Orient, devança celle de l’Europe occidentale (jusqu’au XIIIe siècle).
Les représentants progressifs de la civilisation orientale s’adonnaient aux sciences naturelles, à la médecine, aux mathématiques, à la géographie, à la technique. Ce sont les Arabes et d’autres peuples orientaux qui firent connaître aux Européens l’aiguille aimantée, la poudre, le papier, etc.
Les plus brillants penseurs de l’Orient — Ibn-Synâ (Avicenne) (V.), Ibn-Rochd (Averrhoès) (V.), etc., exercèrent une grande influence — le plus souvent positive — sur la philosophie de l’Europe occidentale.
A travers la couche épaisse de l’idéalisme, se sont fait jour de fortes tendances matérialistes (éternité de la matière, nature mortelle de l’âme individuelle, déterminisme de la nature, etc.). L’historiographie bourgeoise escamote l’importance de la culture orientale dans le but d’accréditer l’idée réactionnaire de la priorité et de la suprématie absolues de la civilisation de l’Europe occidentale « aryenne », « nordique ».
De nos jours, les idéologues bourgeois s’emploient à ressusciter le cadavre de la scolastique médiévale et à utiliser les « théories » obscurantistes dans l’intérêt de la réaction impérialiste.
PHILOSOPHIE MARXISTE-LENINISTE. V. Marxisme- léninisme ; Matérialisme dialectique ; Matérialisme historique ; Matérialisme philosophique marxiste ; Méthode dialectique marxiste.
PHILOSOPHIE SEMANTIQUE. Courant à la mode dans la philosophie bourgeoise, variété de l’idéalisme subjectif, forme caractéristique de l’idéologie décadente de l’époque impérialiste. Principaux représentants : Richards, Carnap, d’autres encore.
La philosophie sémantique exerce une influence notable sur la jurisprudence, l’éthique et la critique littéraire bourgeoises.
Elle est liée étroitement au positivisme logique (V.) dont elle est une expression extrême. Elle restaure le nominalisme (V.) scolastique du moyen âge, dont elle se distingue par sa liaison intime avec l’idéalisme subjectif.
Branche de la philologie, la sémantique étudie le sens des mots. Nombre d’idéalistes contemporains déclarent que la sémantique est la « science des sciences ». Leur point de départ, c’est la thèse d’après laquelle les notions générales ne seraient que des signes conventionnels, des combinaisons de sons qui ne signifient et ne reflètent rien de réel.
De ce faux point de vue, les théories scientifiques ne sont que des échafaudages verbaux vides de sens qui ne font qu’obscurcir l’ « expérience ». D’après les idéalistes sémantiques, la philosophie a pour tâche non l’analyse des choses réelles et de leurs rapports, mais l’analyse des mots et de leurs combinaisons, non l’étude de la réalité objective, mais celle de la structure de la langue, de la parole.
Les idéalistes sémantiques nient les lois objectives, la liaison causale nécessaire des phénomènes, estimant que les philosophes eux-mêmes « organisent » et « ordonnent » le monde à l’aide de la langue. D’après eux, la source de tous les errements philosophiques, ainsi que de tous les désaccords politiques, réside dans l’imperfection du langage ; la seule méthode correcte pour résoudre tous les problèmes philosophiques et sociaux, pour supprimer toutes les erreurs et confusions, c’est le perfectionnement du langage, la création d’une « métalangue » scientifique précise.
Les « sémantiques » en viennent jusqu’à dire que toutes les contradictions de classe et toutes les calamités sociales sont dues à l’imperfection de la langue et à l’absence d’une culture sémantique.
La philosophie sémantique met tout sens dessus dessous : d’après elle, ce ne sont pas les contradictions sociales réelles qui sont la cause des conflits idéologiques et de l’« incompréhension » mutuelle, mais au contraire, tout se réduit aux défauts du langage comme moyen de communication entre les hommes ; ce n’est pas la libération réelle des masses laborieuses, opprimées par le capitalisme, qui devra supprimer les contradictions sociales, mais l’« épuration » de la langue, l’éviction des termes inexacts.
Tout cela ne représente pas seulement l’idéalisme mais aussi une piteuse tentative des idéologues réactionnaires d’opposer à la lutte de classes, à la lutte des peuples pour la paix et la liberté, une scolastique sémantique et la réforme de la langue présentée comme un moyen magique permettant de vaincre toutes les difficultés de la science et tous les maux de la terre.
La doctrine marxiste-léniniste sur le rôle véritable et la place de la langue dans la vie sociale est pour les philosophes marxistes une arme dans la lutte contre cette doctrine réactionnaire. (V. Langue.)
PHILOSOPHIE SPECULATIVE. Philosophie idéaliste qui envisage la réalité du point de vue de principes généraux a priori, de la spéculation pure, sans tenir compte de l’expérience. La « pure force de l’intelligence » est pour elle la source essentielle de la connaissance.
Les tenants de la philosophie spéculative s’imaginent qu’il suffit d’inventer certains principes pour pouvoir les imposer à la réalité objective. La philosophie spéculative est notamment représentée par Descartes (V.), Leibniz (V.), Hegel (V.).
Critiquant cette méthode, Engels souligne que le point de départ de la philosophie marxiste est diamétralement opposé à celui de la philosophie spéculative.
« Les principes ne sont pas le point de départ de la recherche, mais son résultat final ; ils ne sont pas appliqués à la nature et à l’histoire des hommes, mais abstraits de celles-ci ; ce ne sont pas la nature et l’empire de l’homme qui se conforment aux principes, mais les principes, qui ne sont exacts que dans la mesure où ils sont conformes à la nature et à l’histoire » (Engels : « Anti-Dühring », P. 1950, p. 08).