PHILOSOPHIE DE LA NATURE. Répandue surtout aux XVIIe et XVIIIe siècles, à l’époque où les sciences empiriques ne pouvaient encore expliquer de nombreux phénomènes et leurs connexions objectives, la philosophie de la nature a représenté une tentative pour comprendre le monde à l’aide de principes abstraits, spéculatifs Engels en a donné une caractéristique profonde dans « Ludwig Feuerbach et la fin de la philosophie classique allemande » (V.).

Il montre que les sciences empiriques modernes permettent de brosser un tableau de la nature où tout se tient, tâche qui incombait autrefois à la philosophie de la nature qui remplaçait « les rapports réels encore inconnus par des rapports idéaux, fantastiques, en complétant les faits manquants par des choses imaginées, et en comblant les lacunes existant dans la réalité par simple imagination.

En procédant ainsi, elle a eu maintes idées géniales, pressenti maintes découvertes ultérieures, mais elle a également donné le jour à maintes absurdités. Il n’en pouvait d’ailleurs être autrement.

Aujourd’hui qu’il suffit d’interpréter les résultats de l’étude de la nature de façon dialectique, c’est-à-dire dans le sens de l’enchaînement qui lui est propre, pour arriver à un « système de la nature » satisfaisant pour notre époque, et que le caractère dialectique de cet enchaînement s’impose, même contre leur gré, aux cerveaux des naturalistes formés à l’école métaphysique, — aujourd’hui la philosophie de la nature est définitivement mise de côté.

Toute tentative de la ressusciter ne serait pas seulement superflue ; elle constituerait un pas en arrière » (Engels : « Ludwig Feuerbach et la fin de la philosophie classique allemande », M 1946. p. 51). C’est dans l’idéalisme allemand — Schelling (V.) et Hegel (V.) — que la philosophie de la nature a trouvé son expression la plus typique.

D’après Schelling, sa tâche est de « construire la matière ». L’ « âme du monde » est la force qui relie et organise les phénomènes. Dans la nature et son évolution Schelling voyait une action orientée vers un but, une aspiration à la perfection, à l’unité artistique. La lumière est la « contemplation intérieure de la nature » et la pesanteur, sa « contemplation extérieure ».

Pour Hegel la nature est une « incarnation » de l’Esprit, de l’Idée absolue. Par elle-même, la nature ne présente pas un caractère d’unité, d’intégrité ; par eux-mêmes, les phénomènes sont disparates ce qui les relie, c’est le développement de l’« Idée absolue ». Hegel nie ainsi l’évolution dans la nature organique et inorganique.

Le mépris des données expérimentales fournies par les sciences empiriques engendre des idées fantastiques et absurdes. Hegel croyait, par exemple, que la vendange dépendait de l’apparition des comètes, etc.

Engels critiqua sévèrement la philosophie de la nature, mais en même temps il en nota certains éléments positifs, l’effort pour s’élever au-dessus d’une simple description empirique des faits, certaines intuitions profondes, par exemple l’idée du développement, formulée par Oken (1779-1851).

Les sciences avancées n’ont que faire d’une philosophie de la nature placée au-dessus d’elles, car le matérialisme dialectique les arme de sa puissante méthode d’investigation. Cependant, la science et la philosophie réactionnaires s’évertuent aujourd’hui encore à ressusciter les spéculations fantastiques de cette doctrine.

PHILOSOPHIE DE L’ « INTEGRITE » (Intégrisme). Variété de la philosophie idéaliste fondée par le feld-maréchal anglais Smuts (1870-1950). C’est un système réactionnaire, basé sur la falsification mystique du principe d’unité et de liaison réciproque.

Soulignant la primauté du « tout » par rapport à la « partie » et l’impossibilité de réduire le tout à ses parties constituantes, cette philosophie confère à la notion d’« intégrité » un sens idéaliste et mystique ; l’univers est envisagé comme une hiérarchie d’« intégrités » mystiques.

Smuts tire de sa philosophie des conclusions politiques manifestement réactionnaires : il vante le colonialisme britannique, exige la docilité des nations et des classes asservies au nom d’une prétendue « intégrité » supérieure.

PHILOSOPHIE DE L’ORIENT ANTIQUE. L’histoire de l’Orient antique est celle d’un régime esclavagiste, de la naissance et du développement d’un Etat despotique, de la désagrégation de la commune primitive, d’une différenciation de classes croissante, d’une âpre lutte sociale.

Cette lutte donne naissance à des germes de pensée libre, à de premières protestations contre les dogmes religieux, on voit apparaître certains rudiments d’une conception matérialiste du monde, et les premières théories politiques font leur apparition.

Les premiers coups portés dans l’Egypte antique aux conceptions religieuses traditionnelles visaient le dogme de l’au-delà. Le célèbre « Chant du harpiste », œuvre classique de l’ancienne littérature égyptienne, met ce dogme en doute : « Personne ne revient pour parler du règne de l’au-delà. »

L’architecture, l’agriculture, l’irrigation, etc., exigeaient l’accumulation et la systématisation de connaissances : une géométrie, une mécanique, une astronomie, des éléments de chimie et de technologie des matériaux.

L’invention de l’écriture hiéroglyphique en Egypte marque un approfondissement et une extension du savoir humain, ce qui, à son tour, donne naissance à des embryons d’une conception matérialiste du monde, Plutarque affirme que le philosophe grec Thalès (V.) « emprunta aux Egyptiens l’idée que l’eau est la cause première et le principe de toute chose ».

Parmi les textes égyptiens antiques, qui sont généralement remplis de fictions et de chimères religieuses, on trouve aussi des écrits tout à fait différents. Par exemple : « L’eau fraîche de ce pays enfanta les êtres vivants, toutes choses en émanent. » Cependant les germes d’idées progressives étaient étouffés dans l’ancienne Egypte par des doctrines religieuses, idéalistes.

Comme l’Egypte, la Babylonie exerça une grande influence sur le progrès de la science et de la philosophie dans le monde antique. Le système numérique babylonien précéda les chiffres arabes.

Les mathématiciens de Babylone, qui ont posé les fondements de l’algèbre, savaient extraire les racines carrées et cubiques et connaissaient les principes de la géométrie y compris le célèbre théorème de Pythagore. L’astronomie babylonienne disposait d’une carte du ciel étoilé visible à l’œil nu.

La controverse du maître et de son esclave sur le sens de la vie est un monument de dialectique babylonienne. L’esclave plein de sagesse et instruit par la vie est opposée son maître ballotté dans tous les sens, incapable de prendre conscience des contradictions entre ses désirs et la réalité.

Cependant en Babylonie également, les rudiments de pensée matérialiste furent de plus en plus supplantés par des doctrines religieuses, idéalistes, expression de la classe dominante des exploiteurs esclavagistes.

Les premiers courants et écoles philosophiques matérialistes, surgis dans l’Inde et en Chine, dépassèrent de loin les conceptions philosophiques de Babylone et de l’Egypte. La vie sociale dans l’Inde et en Chine avait atteint un niveau sensiblement supérieur à celui des autres pays de l’Extrême-Orient.

Dans l’Inde, ce développeront coïncida avec la période où l’esclavage avait commencé à déborder le cadre étroit du régime des castes. La division de la société en castes, qui lésait non seulement les paysans, mais aussi les marchands et les artisans des villes, entravait le progrès des forces productives.

Une vague de protestations contre l’emprise du brahmanisme et de ses prêtres qui sanctifiaient le régime des castes, mit en branle la paysannerie et les masses citadines (marchands et artisans). Dans la vie sociale, on vit se renforcer des éléments nouveaux qui s’opposaient à l’ancien ordre des choses, avec son arbitraire, l’omnipotence des prêtres et l’humiliation des masses.

Ces fortes contradictions trouvèrent une expression dans le domaine idéologique. A cette époque un courant matérialiste, appelé « charvakas », apparut dans la philosophie indienne. (On suppose que Charvakas fut un penseur antique qui donna son nom à cette orientation philosophique. D’après une autre hypothèse, « charvakas » proviendrait de la fusion de deux mots : « charu » — accessible, « vakas » — parole).

Un autre terme employé pour désigner cette tendance matérialiste, « lokayata », peut signifier « opinions des petites gens ». Cette dénomination souligne la simplicité des principes fondamentaux du matérialisme à quoi on opposait les raffinements des écoles idéalistes et mystiques.

Beaucoup d’érudits estiment que l’école matérialiste de l’Inde antique fut fondée par le sage Brihaspati, auquel on attribue des poèmes où s’exprime une indépendance d’esprit. Ces philosophes proclamaient la matérialité du monde.

Toutes les choses sont composées de quatre éléments : l’air, le feu, l’eau et la terre qui constituent également le corps humain. Après leur mort, l’homme, les plantes et les animaux se transforment de nouveau en ces éléments.

La conscience est une propriété du corps. Le « moi » de l’homme n’existe pas sans le corps. Ce n’est pas par hasard que les gens disent : « Je boite », « je suis aveugle », « je suis gros », car la notion du « moi » est inséparable des propriétés du corps.

La mort du corps signifie la fin de la conscience. L’âme n’est pas immortelle, il n’y a ni esprits ni dieux. Le paradis et l’enfer ont été inventés par les prêtres. En ce qui concerne la morale, l’école matérialiste critique la doctrine religieuse de l’ascétisme et de l’annihilation de la souffrance par le renoncement à tout désir et à toute passion.

La vie humaine est nécessairement liée à des jouissances et à des souffrances. Celui qui prêche le renoncement aux jouissances sous prétexte qu’elles entraînent des souffrances, celui-là prêche le renoncement à la vie, donc il prêche la mort.

L’homme doit s’efforcer de réduire ses souffrances et d’augmenter ses jouissances. Cette éthique s’apparente à l’épicurisme. Le développement de la philosophie matérialiste atteint un niveau encore plus élevé dans la Chine antique. (V. Philosophie chinoise.)


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