« ORIENTATION GEOGRAPHIQUE » EN SOCIOLOGIE. Variété de la sociologie bourgeoise selon laquelle le milieu géographique serait le facteur déterminant de l’évolution sociale et qui explique les distinctions entre les peuples et leurs régimes sociaux par la différence des conditions géographiques de leur vie.

Les tenants de cette théorie (Montesquieu — V., le géographe français Reclus, l’historien anglais Buckle, le savant russe Metchnikov et autres) font dépendre l’évolution sociale du climat ou du sol, des particularités raciales ou de la proximité des mers et des fleuves, etc.

Ainsi, d’après Metchnikov, les progrès de la civilisation s’expliquent par l’influence des fleuves et des mers sur la vie des peuples et des Etats. Aussi Metchnikov divisait-il l’histoire delà culture humaine en « cultures fluviale, maritime et océanique ».

A l’époque de l’impérialisme, l’ « orientation géographique » dégénère en géopolitique (V.), théorie fasciste, réactionnaire, utilisée pour légitimer les conquêtes territoriales et l’asservissement des peuples indépendants.

L’ « orientation géographique » n’est pas en mesure d’expliquer scientifiquement le moteur véritable du développement social.

Les conditions géographiques, qui demeurent presque inchangées pendant des millénaires, ne peuvent être la cause principale de l’évolution de la société, sujette à des changements radicaux en l’espace de quelques centaines, voire quelques dizaines d’années.

La cause déterminante du développement social relève non de la nature, du milieu géographique, mais du changement du mode de production des biens matériels (V.). Plus le niveau des forces productives (V.) et le mode social de production sont élevés, et moins la société dépend des forces spontanées de la nature, plus rapidement elle transforme la nature, le milieu géographique.

Avec le socialisme et le communisme, la domination des hommes sur les forces de la nature progresse énormément du fait que les forces productives, libérées des chaînes capitalistes, peuvent s’épanouir pleinement. (V. également Milieu géographique.)

« ORIGINE DE LA FAMILLE, DE LA PROPRIETE PRIVEE ET DE L’ETAT (L’) ». Ouvrage de F. Engels, écrit en 1884. Se fondant sur l’étude de Morgan (V.) « La société ancienne », et sur d’autres données récentes de la science sur les sociétés primitives, Engels analyse les traits historiques essentiels du régime social dans l’antiquité.

Il commence par montrer comment se sont modifiées les formes du mariage et de la famille en fonction du progrès économique de la société, dû à l’essor de la production.

Il analyse ensuite le processus de la décomposition du régime des clans (chez trois peuples : les Grecs, les Romains et les Germains) et met en lumière les causes économiques de cette décomposition.

Sous le régime des clans il n’y avait encore ni propriété privée, ni classes, ni Etat, mais la productivité accrue et la division du travail ont abouti à la naissance de l’échange, de la propriété privée, à la destruction des clans et à la formation des classes.

Les contradictions de classes ont engendré l’Etat, instrument appelé à défendre les intérêts de la classe dominante, machine destinée à maintenir dans la soumission les classes exploitées et opprimées. « L’Etat étant né du besoin de tenir en bride les antagonismes de classes, mais étant né en même temps au milieu du conflit de ces classes, il est en règle générale l’Etat de la classe la plus puissante, de celle qui a la domination économique, laquelle, par son moyen, devient aussi classe politiquement dominante et ainsi acquiert de nouveaux moyens d’assujettir et d’exploiter la classe opprimée » (Marx-Engels : Ausgewählte Schriften, Band II, M. 1950, S. 297-298).

Le livre d’Engels est remarquable par sa richesse théorique. Il a porté un coup sérieux aux diverses théories bourgeoises sur la société.

Il a montré : 1° que la propriété privée, les classes et l’Etat n’ont pas toujours existé, qu’ils ont apparu à un certain degré du développement économique ; 2° que l’Etat n’est toujours, aux mains des classes exploiteuses, qu’un instrument de violence et d’oppression des grandes masses du peuple ; 3° que les classes disparaîtront aussi inéluctablement qu’elles ont apparu dans le passé. Avec la disparition des classes disparaîtra inéluctablement l’Etat.

Telle est la conclusion générale de l’ouvrage d’Engels. Ce livre a comblé une lacune qui avait subsisté jusqu’alors dans la théorie marxiste sur la société primitive, et reste jusqu’à nos jours un manuel précieux pour l’étude du matérialisme historique. Mais dans son livre, Engels reproduit le schéma de Morgan sur la division de la société en degrés, — sauvagerie, barbarie et civilisation, — qui ne correspond pas aux concepts du matérialisme historique.

En outre, dans sa préface, Engels a commis une erreur en indiquant que le développement de la société et du régime social, déterminé par le mode de production, l’est aussi par la continuation de l’espèce. En réalité, le facteur principal qui détermine le développement de la société, c’est le mode de production des biens matériels (V.).

OSSIPOVSKI Timotéï Fédorovitch (1765-1832). Penseur matérialiste russe, professeur de mathématiques et recteur de l’Université de Kharkov. Ossipovski a exposé ses conceptions matérialistes en critiquant la philosophie idéaliste de Kant (V.) dans son discours « Sur l’espace et le temps » et sa dissertation sur « Le système dynamique de Kant », prononcés à l’Université de Kharkov en 1807 et 1813.

Il considérait la matière comme donnée première et la conscience comme donnée seconde. D’après Ossipovski, il ne faut pas inventer les lois naturelles, mais les déduire des phénomènes de la nature en considérant ces phénomènes « à des moments différents, sous des aspects différents, dans leurs rapports divers avec d’autres phénomènes… ». Ossipovski démasquait les spéculations idéalistes de Kant, les appelant pures chimères, « qui n’existent que dans notre tête, involontaires, incohérentes, qui n’ont rien à voir avec les choses ; aussi ne peuvent-elles pas être appliquées aux objets ».

Contrairement à Kant, qui niait l’existence objective de l’espace et du temps, les détachait des choses, Ossipovski ne pouvait se représenter l’espace et le temps en dehors de la matière, de même que la matière en dehors du temps et de l’espace.

Il disait que « l’espace et le temps sont les conditions de l’existence des choses, dans la nature et en elles-mêmes et non seulement dans l’image perçue par nos sens ». D’après lui, on doit considérer le temps non comme « quelque chose d’indépendant dans la nature, mais comme un produit nécessaire de la succession des choses réelles ».

Quant à l’idée de l’espace, « elle résulte des impressions qu’il suscite par l’intermédiaire de nos sens extérieurs sur nos sens intérieurs ». Ossipovski critiquait violemment les idées de Kant sur l’apriorité des vérités géométriques. La vérité de la géométrie, d’après Ossipovski, est objective.

Les vérités émises en géométrie, disait-il, « concordent avec ce qu’on découvre réellement dans les choses ».

Les réactionnaires parvinrent, en 1820, à écarter Ossipovski de ses fonctions de recteur et de professeur, mais ils ne purent tuer les idées qu’il propageait. Ses paroles avaient trouvé un écho dans les cœurs de tous les hommes d’avant-garde de l’époque, elles éduquaient les étudiants dans l’esprit du matérialisme. L’Université de Kharkov est redevable à Ossipovski du niveau élevé de ses cours de mathématiques.

Il est l’auteur du meilleur traité de mathématiques de l’époque, en 3 volumes.

Durant sa féconde carrière pédagogique, il forma nombre de disciples, dont l’académicien M. Ostrogradski, célèbre mathématicien russe.


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