L’intelligence artificielle, c’est quoi concrètement pour une entreprise ? C’est une interface de discussion qui pour répondre profite d’une énorme base de données. On lui demande d’écrire un formulaire, l’intelligence artificielle regarde dans sa base, mixe le tout et donne ce formulaire.

C’est approximatif, mais plus on précise, mieux ça marche. Cependant, l’intelligence artificielle n’a pas enregistré que des textes. Elle a enregistré des bilans. Et elle sait calculer.

C’est pourquoi n’importe quel chef d’entreprise peut fournir l’organigramme de sa société et demander à l’intelligence artificielle de proposer des améliorations en s’appuyant sur les exemples enregistrés pour comparer.

Un directeur d’usine peut également faire en sorte d’enregistrer toute les activités, tels le rendement des machines et leurs horaires de fonctionnement, les déplacements des travailleurs et des véhicules, les apports de matières premières, la production et les stocks, les horaires de travail.

Il les propose alors à l’intelligence artificielle, qui peut simuler des alternatives. Des alternatives aux dépens de qui ? Des travailleurs, bien entendu. On passe ici du 24 heures sur 24 de la consommation au 24 heures sur 24 de la production.

Voici une poignée d’exemples de restructuration possible.

a) Les chatbots peuvent gérer les demandes clients, réduisant la nécessité d’un personnel en service client. C’est le même principe qu’aux caisses automatiques de supermarchés : le client doit faire l’effort d’aller chercher ce qu’il veut, au lieu qu’un service soit effectué par l’entreprise en ce sens.

b) L’intelligence artificielle peut automatiser les tâches répétitives, réduisant ainsi le besoin de main-d’œuvre humaine. Bien sûr, il faut initialement lui ingurgiter les processus. Mais après, on peut se débarrasser du personnel l’ayant fait.

c) L’intelligence artificielle peut analyser les données plus rapidement que les employés, accélérant la prise de décisions. La stratégie est élaborée en haut lieu et tout le personnel intermédiaire dépendra des paramètres fournis à l’intelligence artificielle pour mettre en place son activité.

d) L’intelligence artificielle permet d’optimiser la gestion des stocks, limitant les erreurs humaines et les pertes. En effet, si les informations sont fournies en direct, tout est calculé c’est-à-dire surveillé.

e) Des algorithmes peuvent prévoir les tendances du marché, aidant les entreprises à s’adapter rapidement sans embaucher de nouveaux experts. La compétition capitaliste est désormais analysée dès le départ et ce de façons permanente. La pression concurrentielle est totale et devient une obsession.

f) L’intelligence artificielle étant devenue ce qu’elle est, puissante, les robots peuvent remplacer les travailleurs dans des tâches physiques, comme l’assemblage ou l’entretien. C’était déjà le cas depuis les années 1980, mais là on parle d’une dimension bien plus effective. Et on rejoint la conception de Karl Marx de la chute tendancielle de taux de profit : à court terme, le capitalisme hausse la productivité, mais comme il vit de l’exploitation des travailleurs, son profit réel chute…

g) L’intelligence artificielle peut surveiller la performance des employés et suggérer des améliorations sans intervention humaine. Non seulement le travail est encadré, scruté en permanence, mais en plus les propositions en fait obligatoires se systématiseront.

h) L’intelligence artificielle peut automatiser le processus de recrutement, triant les candidatures sans intervention humaine. C’est vrai pour Parcoursup, ce sera vrai partout désormais.

i) L’intelligence artificielle peut automatiser la comptabilité, diminuant le nombre de comptables nécessaires. C’est valable pour n’importe quelle comptabilité, à petite échelle comme à grande échelle. N’importe quel superviseur est ici touché.

j) L’intelligence artificielle peut personnaliser les offres commerciales en temps réel, réduisant ainsi la nécessité d’une équipe de vente importante. Et derrière les travailleurs devront s’adapter aux propositions faites par l’intelligence artificielle !

On aura compris ici que les possibilités sont immenses. Tout ce qui fait flux – stocks, activités, passages de clients, achats, transports, etc. – peut être surveillé, recalculé, avec des ordres transmis en temps réel.

On ne saurait sous-estimer le fait de parler du passage du 24 heures sur 24 de la consommation au 24 heures sur 24 de la production. C’est vraiment ça.

Et tout comme le 24 heures sur 24 de la consommation est passé inaperçu ou presque à la gauche de la gauche, le 24 heures sur 24 de la production n’est pas pris en considération.

On devrait avoir de grands congrès syndicalistes sur l’intelligence artificielle. Les articles devraient pulluler à ce sujet à gauche de la gauche. Or, il n’y a rien, c’est la faillite totale.

Le capitalisme est capable de mettre en place sa restructuration sans coup férir.

C’est la raison pour laquelle on se tournera avec grand profit vers les articles concernant l’emploi de l’intelligence artificielle dans le numéro 31 de la revue Crise, de février 2025. Il faut absolument s’éduquer, étudier, approfondir la question, comprendre les enjeux dans le cadre de la lutte des classes.

Une chose est certaine en tout cas, déjà : le 24 heures sur 24 de la consommation a été un paradis artificiel, le 24 heures sur 24 de la production sera un enfer bien réel.


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