Les stratégies impérialistes de contournement de l’équilibre de la terreur à l’époque de la seconde crise générale du capitalisme : l’asphyxie comme approche de la superpuissance américaine, le délitement comme approche sino-russe

Il est bien nécessaire de comprendre qu’il n’existe pas d’impérialisme pur, qu’il existe de très nombreuses modalités d’expressions impérialistes, et qu’en ce sens il n’est pas possible de dresser le panorama d’une forme catégorique impérialiste en disant que tout ce qui sort de cela n’est pas impérialiste.

On sait que c’est malheureusement le raisonnement de ceux qui pensent qu’il n’existe qu’un seul impérialisme, l’impérialisme américain, que tous les autres pays capitalistes sont des sortes de formes intermédiaires en direction de cet impérialisme, alors que la majorité des pays du monde seraient, d’une manière ou d’une autre, des États nationaux qui auraient une dimension anti-impérialiste en soi.

Une différenciation des formes d’impérialisme serait toutefois une abstraction si ce n’était pas fondé sur la pratique, une activité révolutionnaire authentique permettant de lire, de constater les démarches impérialistes. En ce sens, la clef pratique de l’observation scientifique, c’est de reconnaître que les impérialistes veulent contourner le principe du MAD, connu en français sous l’expression d’équilibre de la terreur.

Le principe du MAD

L’acronyme MAD en anglais représente les mots destruction mutuelle assurée (Mutual[ly] Assured Destruction). Il s’agit d’un principe qui est devenu la norme militaire dans les rapports entre les deux superpuissances des années 1960-1980, les États-Unis et le social-impérialisme soviétique.

Initialement, c’est la superpuissance américaine qui développe la première la bombe atomique, l’URSS socialiste la suivit puis devint révisionniste en 1953 à la mort de Staline, un social-impérialisme se développant visant à l’hégémonie mondiale. Dans ce contexte, il y eut une intense concurrence soviéto-américaine pour essayer d’avoir suffisamment le dessus et lancer une offensive militaire, avec une dimension atomique.

Le point culminant de cette concurrence fut la crise des missiles à Cuba en octobre 1962, l’URSS comptant y placer des missiles atomiques, la superpuissance américaine étant prête à l’embrasement pour l’empêcher. Cela se termina par un accord soviéto-américain et la mise en place d’une ligne directe, le fameux « téléphone rouge », pour pouvoir discuter in extremis en cas de risque majeur de conflit sans l’avoir voulu de par le caractère volatile de la situation.

Néanmoins, tout cela prit fin avec la mise en place des ICBM, les missiles balistiques intercontinentaux. En effet, avant ceux-ci, il fallait des bombardiers pour que larguer les bombes atomiques, ce qui impliquait la possibilité de passer en force à condition d’une prise par surprise de l’adversaire. Les ICBM empêche cela, puisqu’on parle ici de missiles parcourant des milliers de km à 7 kilomètres par seconde.

Il est en effet pratiquement impossible d’arrêter un ICBM, sans parler du fait qu’il est prévu que de très nombreux ICBM soient lancés, et que lorsqu’il retombe, il libère plusieurs ogives, agrandissant les difficultés d’interception. Concrètement, un ICBM est lancé à 1200 km de hauteur, puis quand il redescend il largue immédiatement plusieurs ogives.

Les ICBM apparaissent en 1957 mais se généralisent dans les années 1960 et sont la base de « l’équilibre de la terreur » jusque l’effondrement du social-impérialisme soviétique et de son bloc en 1989-1991.

Pourquoi équilibre de la terreur ? Parce que la règle fut la suivante : étant donné qu’on ne peut pas savoir dans quelle mesure une attaque à l’arme nucléaire est de grande ampleur ou non, qu’il y a par définition le risque que les bases abritant les ICBM soient détruites, il est automatiquement considéré sur le plan militaire qu’il faut partir du pire et immédiatement envoyer tous les ICBM sur l’ennemi.

C’est la destruction mutuellement assistée, car pour parfaire la riposte, toute a été informatisé. Ce thème de la « machine infernale », lançant automatiquement une riposte, est thématisé dans deux films qu’il serait fort dommageable d’avoir raté, Docteur Folamour de Stanley Kubrick (1963), Wargames de John Badham(1983).

L’impact d’une telle destruction mutuellement assistée est thématisé dans les incontournables Le Dernier Rivage de Stanley Kramer (1959), Threads de Mick Jackson (1984), Le Jour d’après de Nicholas Meyer (1983). Il a été souligné à juste titre que ces deux derniers films ne laissent pas indemnes.

ICBM : l’évolution des capacités technologiques destructrices. On notera que si parfois la charge est plus réduite (kilotonne et non mégatonne), c’est pour répondre à des exigences d’expansion des possibilités : lancement depuis un véhicule mobile, depuis un sous-marin, plusieurs ogives, vitesse, précision, etc.

La polémique sino-soviétique en rapport avec le principe du MAD

L’URSS devenue révisionniste s’appuya de manière très prononcée sur l’existence des bombes atomiques pour pratiquer à la fois un chantage envers les forces révolutionnaires en les taxant d’aventurisme si elle n’obéissait pas aux choix soviétiques, et une ligne bourgeoise de reconnaissance de la « rationalité » bourgeoise justifiant la « coexistence pacifique ». Les communistes de Chine ruèrent dans les brancards en affirmant que les bourgeoisies n’avaient aucunement changé de nature malgré l’existence des bombes atomiques.

Voici comment Charles de Gaulle valorisait la position de Nikita Khrouchtchev, le dirigeant soviétique ayant succédé à Staline et rétabli le capitalisme, dans son allocution du 31 mai 1960 :

« Récemment, il a semblé que des perspectives nouvelles étaient sur le point de s’ouvrir.

On reconnaissait à l’Est comme à l’Ouest, que la guerre nucléaire serait pour tout le monde et de toute manière, un désastre.

Puisqu’après le conflit, on risquait qu’il n’y eût plus d’aucun côté, ni pouvoirs, ni lois, ni villes, ni cultures, ni berceaux, ni tombeaux.

C’est alors qu’en Russie soviétique, on entendit une chanson nouvelle. Un homme d’État, parvenu au premier rang, proclamait la nécessité de la coexistence pacifique, déclarait, que la concurrence entre le système communiste et le système capitaliste devait avoir pour objet le niveau de vie des hommes. »

Ce n’est pas tout : les communistes chinois affirmèrent qu’il est toujours juste de considérer l’impérialisme comme stratégiquement un tigre de papier. L’arme nucléaire ne modifiait pas le fait que le vent d’Est l’emporte sur le vent d’Ouest. Il n’y avait pas à reculer, à rejeter les modalités révolutionnaires, sous prétexte d’un prétendu changement de la situation historique.

Cette opposition prit des proportions encore plus grandes lorsque l’URSS révisionniste passa à l’offensive pour obtenir l’hégémonie dans le monde aux dépens de la superpuissance américaine. Son agressivité en fit l’ennemi numéro un du prolétariat et des peuples du monde.

La Chine socialiste était elle-même ouvertement menacée du feu nucléaire soviétique, alors que l’équilibre de la terreur devenait une norme sur le front occidental de l’URSS. Du début des années 1970 au début des années 1980, le social-impérialisme soviétique est à son apogée sur le plan de l’expansionnisme militaire.

La Chine, malgré son absence en pratique de bombes nucléaires jouant un rôle significatif, accentua alors encore plus le trait en modifiant sa géographie industrielle, en renforçant la décentralisation, pour faire face à toute situation d’après-guerre nucléaire, considérant que tout emploi de l’arme nucléaire scellait historiquement le sort de l’impérialisme.

On reconnaît ici la capacité de lecture sur le long terme propre au matérialisme dialectique, qui cerne les multiples aspects et, au moyen de saisie de l’aspect principal, peut saisir le mouvement général du phénomène en s’orientant correctement, en ne perdant jamais de vue l’objectif visé à long terme.

Au début des années 1970, Mao Zedong souligne ainsi :

« Les peuples du monde doivent s’unir pour s’opposer à toute guerre d’agression provoquée par l’impérialisme ou le social-impérialisme, et s’opposer en particulier à une guerre d’agression avec utilisation d’armes atomiques ! Si une telle guerre se déclenche, les peuples du monde doivent contrer cette guerre d’agression par la guerre révolutionnaire, et doivent se préparer à cela dès aujourd’hui ! »

L’échec initial des tentatives de contourner le MAD jusqu’en 1989

Il n’est guère possible de contourner le MAD à moins de disposer d’une supériorité technique tellement avancée qu’elle submerge l’adversaire. Les superpuissances ont bien entendu tout essayé en ce sens, mais leurs tentatives ont toutes échoué.

L’idée de base, la plus élémentaire, est de pilonner de manière si massive que l’ennemi n’a pas le temps de réagir. Le plan « Half Moon » de la superpuissance américaine visait en 1948 à lancer des bombes atomiques massivement sur 70 cibles soviétiques, vitrifiant 28 millions d’habitants.

L’URSS n’avait alors pas l’arme atomique, qu’elle posséda en 1949. Mais au-delà de la question de l’arme ce qui est en jeu c’est bien entendu aussi voire surtout la capacité à faire accepter à l’opinion publique une telle offensive.

Avec le MAD, le principe de pilonner massivement se maintint, mais en raison de la réaction totale qu’implique le MAD et de l’équilibre technologique régnant, ce n’était pas possible, à moins de trouver des missiles qui aillent si vite et qui contournent tellement les défenses que l’adversaire n’ait aucunement le temps de réagir.

Cette approche disparaissait d’autant plus vite qu’il y eut la mise en place des sous-marins disposant de missiles nucléaires et que les missiles nucléaires furent produits en masse et répartis sur de larges territoires, rendant en pratique impossible une destruction immédiate et d’un coup des capacités de l’adversaire.

Il va de soi alors que les exercices menaient jouaient un rôle prépondérant dans la menace de guerre, car dès qu’il existait un exercice dans un camp, le camp adversaire craignait que cela ne masque une opération réelle. On fut ainsi très vraisemblablement à deux doigts de la guerre atomique lors de l’exercice de l’OTAN dénommé Able Archer 1983, qui se déroula du 7 au 11 novembre 1983.

Le contexte était incendiaire : les deux superpuissances plaçaient des ICBM avec ogives nucléaires en Europe, la superpuissance américaine avait envahi Grenade, la superpuissance social-impérialiste soviétique avait abattu un vol de la Korean Air Lines entré dans l’espace aérien soviétique, la superpuissance américaine avait mené un gigantesque exercice naval dans le Pacifique (FleetEx ’83), etc.

Voici le scénario de l’exercice, qui ne concernait que le commandement avec notamment les procédures d’emploi de l’arme atomique, avec toutes les bases européennes de l’OTAN impliquées, le tout étant coordonné depuis le Grand Quartier général des puissances alliées en Europe à Casteau en Belgique (de 1953 à 1967 ce « SHAPE » se trouvait à Rocquencourt près de Versailles en France). Le caractère ainsi totalement secret de l’exercice (aucun dirigeant politique n’étant impliqué) provoqua un immense trouble du côté du social-impérialisme soviétique.

Changement de direction chez ORANGE en février 1983.

Critique des politiques de l’ancien gouvernement pour avoir laissé l’Ouest gagner une nouvelle influence dans le tiers Monde, notamment auprès des États du Golfe, et pour avoir échoué à empêcher la décision de BLEU de moderniser les forces nucléaires de théâtre occidentales en Europe.

Mars 1983 : poursuite de la guerre Iran-Irak, avec ORANGE qui fournit un soutien politique et quelques livraisons d’armes à l’Iran. Également des livraisons d’armes à la Syrie et au Sud-Yémen. Les États-Unis expriment leur profonde inquiétude.

Avril 1983 : les États du golfe Persique se sentent menacés par l’implication croissante d’ORANGE dans la région, demandent une aide militaire américaine. Les États-Unis envoient des conseillers militaires et augmentent leur présence navale.

Mai 1983 : troubles croissants en Europe de l’Est.

Juin 1983 : ORANGE incapable de tenir ses promesses d’aide économique à l’Europe de l’Est, les troubles augmentent. En même temps les partis politiques et groupes de pression pro-ORANGE en Finlande font campagne contre les politiques du gouvernement et appellent à un meilleur alignement avec ORANGE.

Juillet 1983 : ORANGE intensifie sa campagne de propagande contre l’Ouest.

Août 1983 : ORANGE condamne la présence militaire et les déploiements navals américains dans la région du Golfe Persique.

Août 1983 : la situation interne en Yougoslavie s’aggrave ; le gouvernement central fait face à de graves défis par des éléments pro-ORANGE. Des troubles majeurs ont lieu au Kosovo, avec de fortes indications d’un rôle albanais dans cette agitation. Le gouvernement yougoslave approche plusieurs pays Alliés avec des demandes d’assistance économique et militaire.

Septembre 1983 : forte pression ORANGE sur la Finlande, les pays de la région nordique de l’OTAN et la Yougoslavie.

18 septembre : des exercices de mobilisation commencent chez ORANGE.

Début octobre : déploiement avancé d’avions militaires. Les forces ORANGE autour de la Tchécoslovaquie et de la Yougoslavie sont à un haut degré de préparation.

31 octobre : des forces ORANGE et du Bloc ORANGE envahissent la Yougoslavie.

3 novembre : des forces ORANGE franchissent la frontière finlandaise.

4 novembre (E-3 = trois jours avant le début de l’exercice) : attaques aériennes et navales massives contre les installations BLEUES et ORANGE envahit la Norvège. Des forces ORANGE franchissent aussi la frontière interallemande, et des forces ORANGE pénètrent également en Grèce alors que des forces navales mènent des attaques dans les mers Adriatique, Méditerranée et Noire.

5 novembre (E-2) : les dirigeants ORANGE décident d’utiliser des armes chimiques contre BLEU le 6 novembre.

6 novembre (E-1) : en raison de la forte résistance de BLEU, ORANGE commence l’emploi sélectif d’armes chimiques.

7 novembre (début de l’exercice) : l’utilisation accrue d’armes chimiques par ORANGE est rapportée.

8 novembre (E+1) matin : le Commandant Suprême des Forces Alliées en Europe demande un emploi initial limité d’armes nucléaires contre des cibles fixes pré-sélectionnées. La demande est approuvée par les autorités politiques (simulées par des cellules de réponse) dans la soirée, et les armes sont employées le matin du 9 novembre (E+2).

L’agression ORANGE continue, en conséquence SACEUR demande une deuxième vague d’emploi à E+2 tard. L’approbation est donnée l’après-midi de E+3 et l’exécution a lieu tôt à E+4.

L’exercice prend fin à midi à E+414.

Avec l’arrivée à la tête du social-impérialisme soviétique Mikhaïl Gorbatchev en 1985 et la catastrophe nucléaire de Tchernobyl en 1986, il y eut une relative détente et une perte de souffle général en raison du poids du complexe militaro-industriel dans l’économie, qui culmina dans l’effondrement du social-impérialisme soviétique lui-même.

Après 2020 : contourner le MAD pour pouvoir faire la guerre

La disparition du bloc soviétique en 1989-1991 modifia profondément la donne, de par la fin du rapport de force existant au préalable. La superpuissance américaine, déjà hégémonique, obtint une position unique dans un contexte entièrement favorable.

Ce fut alors une période d’expansion capitaliste, par l’utilisation de la Chine comme usine du monde et par l’intégration des pays de l’Est dans le dispositif capitaliste occidental, ainsi même que la Russie passablement affaiblie mais maintenant un système oligarchique avec un complexe militaro-industriel, dans le prolongement du social-impérialisme soviétique. Dans un tel contexte, le principe de MAD s’effaça et il y eut un recul du nombre d’ogives nucléaires, d’autour de 60 %.

Voici le nombre d’ogives nucléaires au début de l’année 2021 dans le monde. Neuf pays en possèdent : les États-Unis, la Russie, la France, la Chine, le Royaume-Uni, Israël, l’Inde, le Pakistan et la Corée du Nord. Il faut souligner qu’en raison de l’OTAN, ces ogives sont également présentes en Allemagne, en Belgique, en Italie, aux Pays-Bas et en Turquie.

Il s’agit des bases de Büchel en Allemagne, Aviano et Ghedi-Torre en Italie, Volkel aux Pays-Bas et Inçirlik en Turquie, ainsi que de Kleine-Brogel en Belgique ; preuve d’opacité, le gouvernement belge n’a historiquement jamais confirmé ou informé la chose.

Or, la seconde crise générale du capitalisme commencée en 2020 a entièrement modifié la donne. La bataille pour le repartage du monde redevient primordiale, comme dans les années 1980. Il faut ici bien entendu se rappeler que tout phénomène procède par vague et non pas de manière cause-conséquence ; certains événements relèvent par-là même de la seconde crise générale avant qu’elle ne se produise ou, plus exactement, avant qu’elle s’officialise historiquement. Le BREXIT a comme point de départ un référendum en juin 2016, cependant il relève entièrement de la seconde crise générale.

Or, le problème est simple à saisir : comment mener la bataille pour le repartage du monde si l’on prend en compte le principe du MAD ? La guerre nucléaire apparaît ici comme une épée de Damoclès empêchant tout mouvement.

La question ukrainienne est ici exemplaire de cela. L’impérialisme russe a comme objectif de se renforcer, tout comme la superpuissance américaine. L’impérialisme russe vise l’Ukraine pour se renforcer, la superpuissance américaine également. L’Ukraine n’est pas dans l’OTAN, donc il n’y a pas de risque de guerre nucléaire, cependant une annexion russe de l’Ukraine changerait tout, tout comme une défaite russe dans sa tentative changerait tout.

Mais comment tout peut-il changer si l’environnement, en raison de l’OTAN, relève somme toute du MAD ? Toute agression russe contre un pays de l’OTAN implique immédiatement un haut niveau de conflictualité, et inversement. Toute possibilité d’expansion est bloquée.

En fait, les impérialistes sont coincés, parce qu’ils aimeraient prolonger certaines situations, en profiter pour « déborder » militairement, mais ils ne le peuvent pas. Il a fallu trouver une parade.

C’est là qu’il faut étudier l’asphyxie comme approche de la superpuissance américaine, le délitement comme approche sino-russe.

La stratégie impérialiste russe et la stratégie impérialiste chinoise

Il existe trois aspects qui permettent de bien comprendre la stratégie russe. Si on ne les cerne pas, ce que fait l’impérialisme russe apparaît comme incompréhensible ou dépendant du bon vouloir du Prince. Afin de bien les saisir, on les opposera ici aux spécificités chinoises. Les stratégies russe et chinoise restent toutefois équivalentes dans le principe.

Ce principe est le suivant : le délitement. Les impérialismes chinois et russe se considèrent comme à la fois solides et capables de prendre des décisions, à rebours d’un capitalisme occidental au socle fragile et dispersé dans ses choix. Il va de soi que cette vision du monde repose sur le caractère étroitement monopoliste des économies chinoise et russe.

Il existe des monopoles tout aussi massifs dans les pays capitalistes occidentaux, cependant on trouve dans ces derniers un capitalisme concurrentiel bien plus prononcé qu’en Chine et en Russie. Surtout, il y a un verrouillage profond des décisions par les monopoles, en étroite relation avec les instances militaires.

Il est ainsi considéré de la part des impérialismes chinois et russe qu’il faut contribuer au délitement de l’adversaire, qu’il faut accompagner une désagrégation en cours. Ce concept de « en cours » est fondamental. Les impérialismes chinois et russe n’ont aucune visée subversive. En tant que challengers de l’occident capitaliste, il considère ce dernier comme « naturellement » en décadence et il s’agit seulement d’accompagner le processus. Il n’est pas besoin de forcer au sens strict, car la dimension impériale ancrerait la Chine et la Russie dans le réel.

C’est bien entendu un fantasme, une hallucination. Mais cela a des fondements « civilisationnels » qui servent de moteurs aux idéologies dominantes de ces deux pays. Et c’est cela qui joue sur les trois aspects jouant pour les russes, permettant par contre-coup de saisir l’approche chinoise.

La question sino-russe des alliés extérieurs

Le premier aspect, c’est que la Russie se conçoit nationalement comme une entité et plus précisément une entité de facture eurasienne. Cela signifie qu’il est possible de se rattacher à cette entité si l’on se conforme au style, aux valeurs, etc. Pour prendre une série d’exemples : une partie significative de la noblesse russe a des origines tatares/mongoles, datant des invasions. L’écrivain national russe Alexandre Pouchkine a un arrière-grand-père africain, Abraham Hannibal. Ce dernier, acheté comme esclave, va devenir le secrétaire particulier du tsar Pierre le Grand et général en chef dans l’Armée impériale russe.

L’impératrice Catherine II, une figure de la plus haute importance historiquement pour l’empire russe, s’appelle à l’origine Sophie Frédérique Augusta d’Anhalt-Zerbst et est allemande. Si l’on prend la période soviétique, on a bien entendu Staline qui était Géorgien, soit un Caucasien. Dans les années 1980, le principal groupe de musique rock est Kino dont le chanteur, Viktor Tsoï, a un père coréen. Si l’on prend les volontaires/mercenaires occidentaux qui ont rejoint le Donbass séparatiste en 2014, ils ont pu parfaitement s’intégrer dans le paysage à condition de mettre la « Mère Russie » au centre, voire de devenir catholique orthodoxe.

On n’a strictement rien de tout cela avec la Chine. La Chine n’intègre personne ; à moins d’être Chinois, on ne peut pas intégrer le dispositif national chinois.

Il va de soi que, de ce fait, les approches sont totalement différentes dans l’obtention d’alliés extérieurs. La Russie propose un modèle « eurasien » ancré dans le sol, avec le respect des traditions dans leur multiplicité, au sein d’une entité impériale, en opposition aux forces mondialistes, « thalassocratiques » anglo-américaines qui dissolvent les communautés.

Partant de là, il est tout à fait possible de s’ouvrir à des alliances à condition qu’il y ait convergence. C’est le sens de la mise en place de médias comme RT et Sputnik, qui dans chaque pays recherchent des contestataires, leur donnent la parole, les valorisent, les présentent comme une actualité, etc. Cela a été particulièrement visible avec la thématique de la vaccination dans le cadre de la pandémie.

L’impérialisme russe tend donc à former idéologiquement un front « conservateur révolutionnaire », en s’appuyant sur les forces réactionnaires, et évidemment en proposant une lecture « nationale-révolutionnaire » en écho aux fractions des bourgeoisies ne voulant plus de l’hégémonie de la superpuissance américaine. Cela peut aller jusqu’à se tourner aux forces syndicales nostalgiques de l’ancienne URSS, il n’y a en fait pas de limites dans ce pragmatisme russe.

On n’a rien de cela avec l’impérialisme chinois. Celui-ci s’adresse exclusivement aux communautés chinoises hors de Chine et en exigeant un alignement idéologique sans faille. On voit là que c’est totalement différent de l’approche russe.

Il faut ici noter deux choses. Tout d’abord, l’impérialisme russe a pris le relais du social-impérialisme soviétique et dispose de pratiquement quarante années de gestion de forces extérieures favorables. Le social-impérialisme soviétique avait des rapports très étroits avec les « partis communistes » occidentaux et leurs appendices syndicaux. Il a une expérience des rapports politiques, culturels, idéologiques, etc. avec ces éléments extérieurs.

La Chine n’a pas cette expérience. C’est l’Albanie qui gérait les rapports existant avec les marxistes-léninistes des pays occidentaux, la Chine alors encore socialiste se tournant vers les pays semi-féodaux semi-coloniaux sur la base d’un soutien théorique et pratique à la lutte armée (le récit du passage de Gonzalo en Chine, raconté dans l’interview de 1988, est ici très parlant).

Ensuite, la Chine dispose de toute une panoplie d’outils idéologiques tournés vers les non-Chinois, principalement les Instituts Confucius, qui existent dans plus de 150 pays. Le secteur universitaire est notamment particulièrement visée, avec réussite d’ailleurs (les instituts Confucius n’hésitent pas être directement présents dans les bâtiments même des universités). Cependant, cela vise une « narration » pro-chinoise à l’arrière-plan, de manière indirecte. Cela s’insère dans le jeu chinois, mais cela ne vise pas à l’établissement d’une unité politique/idéologique comme dans la démarche russe.

L’impérialisme russe vise ici à agréger, l’impérialisme chinois à neutraliser. Le premier considère qu’il doit être volontaire, le second que le temps joue pour lui.

La question sino-russe de la forme de l’expansion : l’OTAN comme contre-modèle d’asphyxie

La Chine et la Russie sont les challengers de l’ordre mondial dominé par la superpuissance américaine entraînant avec elle l’ensemble des pays capitalistes occidentaux, l’OTAN servant de système d’encadrement.

Rien ne serait plus faux en effet de considérer l’OTAN comme une simple alliance militaire. Si c’était l’aspect militaire initial à la fondation en 1949 qui primait avec la ferme intention d’attaquer le camp socialiste dont l’URSS de Staline était à la tête, avec le développement de la société de consommation l’OTAN a commencé à jouer un rôle politico-militaire d’envergure dans une perspective contre-révolutionnaire interne.

Le « Plan d’action pour l’adhésion » de l’OTAN n’a pas ainsi seulement des critères militaires : il se fonde également sur une toute série d’exigences opaques concernant le système « démocratique ». Cela signifie que pour adhérer à l’OTAN, il faut avoir un système politique qui soit considéré comme adéquat par les membres, plus exactement par la superpuissance américaine. Pour adhérer à l’OTAN, la demande doit d’ailleurs être faite à celle-ci, qui transmet ensuite aux autres.

L’OTAN a donc une signification militaire, mais également idéologique et politique, puisque les institutions ont connu des modifications allant dans le sens de la superpuissance américaine. L’OTAN se présente à la fois comme incontournable militairement et comme un centre de stabilité, à condition d’accepter de s’insérer dans les rapports impérialistes dominants.

De par le caractère opaque des adhésions, cela implique à la fois la soumission de l’appareil militaire aux besoins de l’OTAN et ainsi à l’absence d’indépendance militaire de par la nature internationale du dispositif, la mise en conformité des institutions selon les exigences de l’OTAN, c’est-à-dire selon les besoins de la superpuissance économique pour satelliser les pays.

Ce n’est pas tout : chaque pays, en plus d’être intégré, se voit attribuer une fonction bien précise dans le dispositif général mis en place par la superpuissance américaine. Dans L’Abeille et le Communiste écrit par le collectif des prisonniers des Brigades Rouges en décembre 1980, il est affirmé la chose suivante sur la situation italienne :

« L’Italie, en tant que partie intégrante du front militaire impérialiste dont l’OTAN est le moteur principal, a une importance fondamentale.

Ceci aussi bien par sa place centrale dans l’échiquier méditerranéen que par son rôle de charnière sur le versant Sud-Est de l’Europe occidentale.

Tout le développement du potentiel guerrier italien, dès les premières années de l’après- guerre, s’est effectué sous l’égide de l’OTAN et de sa composante la plus puissante : les USA.

L’OTAN, avec sa puissance politico-militaire tentaculaire et pénétrante, est le trait d’union de la politique belliciste de l’impérialisme des multinationales dans l’échiquier stratégique de notre pays.

Fondée sur la base d’un traité en 1949, l’OTAN est une organisation supra-nationale de défense militaire des intérêts économiques et politiques de la structure économique et productive multinationale qui s’est développée dans la zone occidentale de l’Europe au cours de ces années précisément.

Elle se propose d’impulser et de favoriser l’intégration économico-socio-culturelle des nations qui en font partie, sous la domination des pays les plus forts bien sûr.

En particulier, cette armée multinationale de la contre- révolution impérialiste tend à construire et à renforcer un système global de défense qui, autrement, serait dispersé en divers échiquiers géographiques séparés et confiés à de simples forces nationales.

Dans la zone méditerranéenne, l’OTAN a entrepris depuis sa naissance l’édification d’une chaîne défensive englobant les points névralgiques, de l’Espagne à la Turquie.

Le rôle joué par l’Italie dans cette chaîne défensive est clair : celui de maillon central et de ligne arrière logistique principale.

Plus le processus de développement vers la troisième guerre impérialiste s’accélère, plus le prolétariat italien se trouve confronté aux implications nationales de l’OTAN. »

Les vingt thèses finales de L’Abeille et le Communiste précisent encore au sujet du rôle de l’OTAN :

« La désarticulation des appareils centraux dans cette phase doit atteindre le coeur pulsant de la contre-révolution impérialiste : l’OTAN.

L’OTAN signifie la guerre externe et la guerre interne.

C’est, dans cette dimension qu’ils réorganisent leurs armées, les mettant en adéquation aux nouvelles caractéristiques de la guerre inter-impérialiste et de la guerre de classe. La formation de la task-force à l’intérieur des forces armées italiennes répond à cette double exigence.

Une quantité toujours majeure d’unités de l’armée, de la marine de l’aviation et des financements sont transformées en Unités Spéciales de Contre-guérilla, et constituent l’ossature portant d’une véritable armée de profession en tant que tel, allant aux côtés des Unités Spéciales des Carabiniers, qui en constituent le nerf.

Nous devons initier le sabotage de cette machine de mort qui signifie pour le prolétariat métropolitain, dans cette phase, la contre-révolution préventive.

Nous devons désarticuler cela, en attaquer les hommes et les repaires, ses déterminations nationales restructurées en fonctions de contre-guérilla.

L’OTAN, c’est la guerre impérialiste et la contre-révolution préventive ! Guerre à l’OTAN ! Guerre aux corps spéciaux de la contre-guérilla ! »

Or, on comprend bien que l’OTAN relève d’une continuité – celle des pays capitalistes occidentaux ayant triomphé du social-impérialisme soviétique – dont ne relève pas les challengers chinois et russe. Ils ne sauraient mettre en place un système comme l’OTAN, car l’OTAN correspond à une position hégémonique de la part de son maître d’œuvre.

La clef de l’OTAN, c’est l’asphyxie interne et externe, en disant : rien d’autre n’est possible, il faut vous plier au capitalisme occidental triomphant. La clef de l’OTAN c’est la stabilité – alors que les challengers doivent remettre en cause l’ordre dominant.

C’est cette remise en cause qui amène certains à se tromper et à s’imaginer que c’est anti-impérialiste. En réalité, c’est un positionnement inévitable pour un challenger.

La question sino-russe de la forme de l’expansion : la quantité chinoise et la qualité russe

La Chine et la Russie étant les challengers, ils ne sont pas en mesure de proposer un contre-projet organisé systématique : ils ne peuvent se placer que dans les interstices de l’ordre impérialiste dominant.

Pour ce faire, ils doivent s’appuyer sur leurs qualités spécifiques, nées de leur affirmation inégale au sein des rapports inter-impérialistes. La Chine s’appuie sur la quantité – le caractère numérique massif de sa population -, tandis que la Russie s’appuie sur la qualité – les ressources en matières premières présentes sur son immense territoire.

Il faut bien voir qu’on a ici la matrice de ces deux pays. La Chine cherche systématiquement la quantité et la Russie la qualité, les deux pays considérant qu’il s’agit d’une force de frappe capable de provoquer un délitement ou une série de délitements et de happer des pays pour en faire des satellites.

La Russie propose ainsi la qualité sur les plans militaires, que ce soit au Mali (avec notamment des mercenaires privés du groupe Wagner), en Syrie avec des interceptions ciblées (principalement aériennes) pour soutenir le régime, dans le Caucase et en Asie centrale avec une capacité d’intervention militaire de « stabilité » extrêmement rapide.

On peut résumer cela en disant que la Russie place ses pions. Le parallèle avec le jeu d’échecs est ici évident.

La Chine, elle, propose la quantité en termes de financements et d’investissements. Des sommes colossales sont déversées ; la Chine est le premier partenaire commercial du continent africain, y investissant massivement dans les infrastructures. la Chine est le premier investisseur mondial à l’étranger. Alors qu’en 2020, les investissements directs à l’étranger ont reculé de 35 % au niveau mondial en raison de la pandémie ouvrant la seconde crise générale du capitalisme, ils n’ont reculé que de 3 % pour la Chine, qui a investi 133 milliards de dollars (235 milliards de dollars si on compte les investissements passant par Hong Kong).

D’ailleurs, les investissements capitalistes en Asie ont bien moins reculé voire progressé par rapport au capitalisme occidental. Le style capitaliste financier est tellement généralisé en Chine qu’il s’agit désormais de la principale plate-forme de l’art contemporain.

Il s’agit de fait de mettre en place la Chine comme banquier du monde, en profitant de la surproduction de capital acquis en jouant le rôle d’usine du capitalisme occidental.

Naturellement, il est difficile de procéder à la conversion d’un pays d’une situation de base industrielle passive à celle d’une base financière active.

Les deux mondes coexistent, avec une inégalité effarante de situation sociale en Chine et des villes champignons avec des millions d’habitants avec comme seul horizon le béton.

La Chine en a conscience et renforce l’aspect militaire pour se sortir de la crise à venir ayant cette source. La prise de Taiwan est censée jouer à ce niveau, en affirmant le destin national chinois impérial d’un côté et en s’étendant sur un territoire, historiquement chinois par ailleurs, qui possède une base industrielle de haute technologie avec les semi-conducteurs. Cela permettrait d’encore plus asseoir la situation chinoise, pour un temps.

On peut résumer cela en disant que la Chine place ses pierres pour bloquer – comme dans le jeu de Go où il s’agit de neutraliser des pierres en procédant à leur encerclement.

La question sino-russe de la forme de l’expansion : le délitement

Dans les faits, la Russie doit passer par la case Ukraine et la Chine par la case Taiwan, sans quoi leur expansion est limitée de par la nature de leur position de challenger, avec leur style impérial particulier. La Russie doit être en mesure de phagocyter l’Ukraine sans quoi son existence en tant qu’entité impériale est historiquement décrédibilisée, tout comme la Chine avec Taiwan. La superpuissance américaine cherche inversement à bloquer toute avancée russe et chinoise en ce domaine, afin de neutraliser leur développement et de les forcer à s’inscrire dans l’ordre impérialiste dominant.

Il faut donc pour la Chine et la Russie multiplier les initiatives pour être en mesure de faire la guerre, tout en évitant le dispositif de l’équilibre de la terreur. Pour ce faire, il faut une capacité à exercer une pression gigantesque pour provoquer un délitement de l’ordre impérialiste international et être en mesure d’intervenir militairement.

En clair, il s’agit de poser des mines dans l’ordre impérialiste international, pour provoquer un délitement du système s’appuyant notamment ou principalement sur l’OTAN. Il s’agit de provoquer des fissures, des failles, de systématiser les petits chocs, afin que soient provoquées des situations qui échappent à l’ordre impérialiste dominant dans sa substance et empêche l’équilibre de la terreur de s’imposer.

Autrement dit, la Russie doit faire en sorte de provoquer le délitement des pays visés, d’amener leur déstructuration à un point tel que leur forme même soit dissoute – et on sort alors du cadre « contraignant » de l’ordre impérialiste dominant. En janvier 2022, il y a ainsi eu des milliers d’alertes à la bombe en Ukraine, notamment dans les écoles, avec des rumeurs de coup d’État, des attaques informatiques massives, une présence militaire russe massive à la frontière provoquant une fuite des prêteurs internationaux, des investisseurs internationaux et des assureurs du commerce international (il n’en reste plus que 3 sur 60).

L’impérialisme russe vise à provoquer tellement de dissensions que, si un pays se fracture au point de se « casser », alors l’ordre impérialiste dominant est incapable de réagir, puisqu’il n’a plus de partenaire traditionnel à qui s’adresser, ce qui nuit à son prestige et sa prétention à assurer la stabilité, cela bloque ses justificatifs pour intervenir, cela fracture l’unité des pays capitalistes dominants qui se disent qu’il y a un renversement possible d’ordre impérialiste international.

Il est évident ici qu’on comprend désormais pourquoi l’Allemagne nazie a procédé comme elle l’a fait, avec la militarisation (interdite) de la Ruhr, l’invasion de l’Autriche, de la Tchécoslovaquie. Il ne s’agit pas simplement d’une expansion – il s’agit d’un bouleversement progressif de l’ordre impérialiste dominant. Sans cette fracturation, jamais l’Allemagne nazie n’aurait pu être en mesure de happer d’importants secteurs bourgeois de tous les pays occupés. Il est bien connu ici par exemple que la bourgeoisie industrielle française a considéré l’Allemagne comme le nouveau chef de file de l’ordre impérialiste international.

La Chine a le même objectif, mais par les investissements, ce qui est un délitement visant non pas à l’éclatement, mais à la satellisation insidieuse, avec une reconnaissance soutenue de certaines personnalités alors que dans le cadre général le besoin des apports financiers chinois apparaissent comme incontournables – cette approche financière est exactement la même que celle des pétro-monarchies par ailleurs.

La question sino-russe de la forme de l’expansion : l’affrontement militaire en contournant l’équilibre de la terreur

Le délitement visé par les impérialismes chinois et russe doit permettre leur expansion. Reste à savoir comment combiner les éléments du délitement afin de parvenir à un affrontement militaire suffisamment localisé pour ne pas avoir à faire face à la fois au bloc unifié des pays capitalistes occidentaux et à la question des armes atomiques.

Cette question est historique – elle est en cours. Elle n’a pas de réponse théorique, elle va s’exprimer dans la pratique, précisément en ce moment. La Russie cherche à se frayer une voie vers l’Ukraine, la Chine vers Taiwan, c’est bien cela qu’il faut comprendre et la substance de cela, c’est trouver un chemin vers la guerre, en contournant l’emploi des armes atomiques.

Pour ce faire, il faudra que le délitement se renforce coûte que coûte – c’est le sens du soutien russe à Donald Trump au moyen des désinformations massives – et cela va massivement empirer.

Inversement, les pays capitalistes occidentaux sont obligés d’exercer une pression infernale pour éviter tout délitement, et donc d’avoir une ligne d’autant plus dure avec les expressions internes de faiblesse. Les gilets jaunes, ce mouvement réactionnaire-nostalgique en France, ont formé une telle expression de faiblesse et c’est pourquoi le régime l’a ostracisé de manière nette – il est obligé de se montrer « fort », au-delà des contingences, pour ne pas donner l’impression de lâcher prise, d’être travaillé au corps par quoi que ce soit.

Tentative de délitement pour l’expansion d’un côté par la dissolution des cadres idéologiques et culturels existant, uniformisation des rangs de l’autre au nom de l’ordre impérialiste dominant (libéralisme économique et culturel dont la question LGBT est un aspect idéologique essentiel) – tel est le panorama mondial au début 2022.


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