Membre de l’Académie des Sciences et de l’Académie de Médecine,
Professeur au Collège de France,
Prix Nobel
C’est une tâche bien difficile et une lourde responsabilité que j’ai prise de vouloir, en une brève conférence, résumer le prodigieux développement des sciences en U.R.S.S. et l’immense portée de l’œuvre déjà accomplie. J’essaierai toutefois de dégager les faits essentiels, de dresser un tableau de l’organisation actuelle de la recherche scientifique dans cette grande nation. Je serai soutenu dans cette tâche par le vif souvenir que j’ai gardé des divers séjours que j’ai faits en Union Soviétique, et les divers contacts que j’ai eus à plusieurs reprises avec les milieux scientifiques de ce pays.
En 1933, à Leningrad, j’ai participé avec plusieurs collègues français à une réunion de Physique nucléaire.
A Moscou, en 1936, en compagnie de Mme Joliot-Curie, j’ai eu l’honneur d’inaugurer, par un exposé scientifique, la première série des conférences internationales Mendeleev.
J’ai pu, à chacun de ces voyages, visiter plusieurs Instituts de Recherche scientifique situés dans ces grandes villes. Je me suis informé, lors des entretiens que j’ai eus avec les chercheurs soviétiques, des diverses méthodes employées dans les laboratoires pour la formation des chercheurs et techniciens. L’information qui m’a été donnée l’a toujours été en tout impartialité, et m’a montré aussi bien les succès que les échecs. Quant à moi, de mon côté, j’ai observé en homme de science, l’esprit libre de toute idée préconçue. A mon dernier voyage, j’avais déjà acquis la conviction que la science soviétique, en pleine marche ascendante, ouvrait à son pays et au monde des perspectives immenses.
Les fondateurs de l’Etat soviétique, Lénine en premier, avaient clairement compris que la science n’est pas seulement un facteur culturel, mais un facteur dominant l’économie générale du pays. C’est pourquoi, dès son accession au pouvoir, en 1917, le Gouvernement soviétique fit les plus grands efforts pour développer l’activité scientifique, et il serait injuste d’oublier de souligner que la science russe tenait une place honorable dans le monde avant la Révolution. Des savants comme Dokoutchaiev, Lobatchevski, Tchebychev, Zimine, Mendeleev, Fedorov, parmi beaucoup d’autres, furent à l’origine de grandes découvertes scientifiques et de courants d’idées nouveaux dans la science.
Karpinski, Pavlov, Kournakov, s’ils furent contemporains de la Révolution, n’en ont pas moins grandi et travaillé une bonne partie de leur vie dans l’ancienne Russie tsariste. Je ne fais que citer quelques noms parmi tant d’autres qui sont des gloires de la Science universelle.
Dans la Russie tsariste, la science se développait presque exclusivement dans les cabinets des universités et de quelques rares établissements supérieurs, techniques et médicaux. Ce régime d’oppression tsariste n’était pas favorable à l’épanouissement de la science. Les hommes de sciences luttent contre l’obscurantisme, ils ne tolèrent pas les fétiches, la routine. La plupart de ces hommes durent lutter pour exprimer leur pensée. Leurs efforts étaient souvent soutenus par la jeunesse avancée des écoles, jeunesse aux aspirations révolutionnaires.
Quelques sociétés scientifiques, les associations de géographes, les congrès de naturalistes et de médecins, autorisés en petit nombre par le pouvoir tsariste, permettaient parfois à des voix hardies de se faire entendre, mais non sans danger. Morosov ne fut-il pas enfermé pendant plus de vingt ans dans la forteresse de Schlusselbourg pour avoir énoncé des idées nouvelles sur le matérialisme ?
A cette époque, il n’existait pas d’organisation de la recherche scientifique, la science était tout au plus tolérée.
L’Académie Impériale des Sciences réunissait les pontifes de la Science, dont le président était nommé par le tsar. Cette académie ne jouait sensiblement aucun rôle dans l’activité scientifique éparse du pays.
Ce régime, qui considérait comme suspects beaucoup d’hommes de science et, d’une façon générale, les intellectuels, ne faisait aucun effort sérieux pour instruire le peuple ; sans doute parce qu’un peuple ignorant est plus passif devant l’oppression qu’un peuple instruit.
Toutefois, au prix de grands sacrifices matériels, des jeunes issus des classes laborieuses se dirigeaient vers les universités. Leur esprit s’y éveillait et ils prenaient conscience d’une libération possible de l’homme par la science. Tout cela créait en eux un élan révolutionnaire. Avec le peuple, ils firent la grande Révolution d’Octobre 1917.
Dans la situation difficile où se trouvait le pays pendant la Révolution : ruines, occupation, blocus, contre-révolution ; en pleine transformation économique du pays, tout était cependant mis en œuvre pour respecter le plus possible les anciens cadres de savants et techniciens, souvent même lorsque ceux-ci, au début, manifestaient une certaine hostilité au nouveau régime.
Les révolutionnaires firent tout ce qui était en leur pouvoir pour respecter ceux qui pouvaient faciliter la transformation d’une science figée en une science vigoureuse et féconde.
Je ne puis, dans cette conférence, vous décrire toutes les étapes qui ont conduit à l’organisation remarquable actuelle de la recherche scientifique. Ces étapes ont pu être franchies avec succès parce que simultanément s’accomplissaient des transformations profondes dans tous les autres domaines. En particulier, un effort gigantesque était fait pour donner une solide et saine instruction à l’ensemble du peuple. Vous connaissez tous le succès qui a été obtenu dans ce sens.
Il fallait faire aimer la science, et faire comprendre tout ce qu’elle pouvait apporter de bonheur dans la société qui se créait, société où le profit personnel n’est plus la principale préoccupation. Il fallait aussi créer un système d’éducation permettant de faire apparaître et de reconnaître chez chacun les vocations, les dons pour la recherche scientifique pure ou appliquée, en vue de former les cadres nécessaires à un grand développement de la science.
Ceci m’amène à vous dire quelques mots d’un type d’établissement d’enseignement que j’ai visité à Kharkov, en 1936. Il s’agit d’une école de pionniers où — si mes souvenirs sont exacts — les enfants peuvent entrer dès l’âge d’une douzaine d’années et y suivre un enseignement spécial jusqu’à leur entrée à l’université. Le recrutement est fait parmi les meilleurs élèves des écoles du pays. La matinée, les enfants suivent le même enseignement que celui qui est donné pendant toute la journée dans les classes correspondantes des écoles dont ils ont été extraits. Les dons de ces élèves sélectionnés leur permettent d’assimiler sans effort, beaucoup plus rapidement que la moyenne des élèves d’une classe normale. L’après-midi, les élèves — suivant leur goût personnel — se rendent dans des locaux consacrés chacun à l’étude d’une grande activité humaine. Ils y poursuivent de véritables travaux pratiques, sous la conduite d’excellents maîtres. Par exemple, les élèves qui ont choisi la Physique sont initiés à la physique moderne par des exposés mis à leur portée, et simultanément font des montages et des expériences.
L’enfant travaille avec joie, sans contrainte, et donne libre cours à sa grande curiosité, pose fréquemment des questions. Par l’intermédiaire d’un très jeune interprète de la section des Langues, j’ai pu interroger les élèves physiciens et être interrogé par eux. Questions et réponses concernaient la physique nucléaire, le neutron, l’électron positif, etc. Nous fûmes étonnés, Mme Joliot-Curie et moi-même, de la sûreté de leur connaissance, de l’intelligence des réponses, surtout si l’on songe qu’il s’agissait d’enfants de 12 à 14 ans. Si nous n’avons pas ressenti la, gêne qui apparaît devant l’enfant phénomène, c’est sans doute parce que ces domaines de la science, qui étonnent, rebutent si souvent l’adulte au cerveau alourdi, sont en réalité simples et aisément assimilables par l’enfant.
Souvent, l’élève après un séjour de quelques semaines dans une section, quitte celle-ci et en fréquente une autre parfois très différente. Il passe par exemple d’une section scientifique à une section littéraire ou artistique, et après plusieurs essais se fixera dans l’une d’elles. C’est une des caractéristiques intéressantes de cet enseignement que de laisser l’élève librement choisir. On conçoit facilement les excellents résultats que peut donner un enseignement de cette nature. Les élèves sont particulièrement préparés pour devenir des esprits créateurs dans le domaine des sciences ou des arts.
Je ne crois pas qu’un tel enseignement existe dans les autres pays. En général, dans les classes des écoles, il est pratiquement impossible de s’occuper spécialement des meilleurs élèves. Ceux-ci perdent un temps précieux afin de permettre aux élèves les moins doués de suivre l’enseignement.
Dans un pays comme le nôtre, où les cadres sont en nombre très insuffisant, il y aurait grand intérêt à organiser un enseignement analogue. Les crédits spéciaux à engager seraient largement compensés par les multiples avantages que tirerait notre pays du travail d’un grand nombre d’hommes de valeur.
Voici maintenant quelques caractéristiques de la Science soviétique :
La recherche scientifique se développe dans un esprit collectif ; le rôle de la collectivité et celui de savant qui la dirige dans un domaine donné se complètent harmonieusement. La science doit être vivante et ne plus avoir uniquement un caractère descriptif et contemplatif. Les divers domaines de la Science ne peuvent se développer indépendamment les uns des autres ; il faut les relier étroitement, et allier toujours la théorie et la pratique. Tout en respectant les traditions scientifiques qui ont fait leurs preuves, il faut innover avec hardiesse et expérimenter. Enfin, les résultats de la science doivent être rendus accessibles aux larges masses des travailleurs.
La recherche scientifique est organisée par l’Etat. D’après des informations datant de 1943, on peut dresser le plan suivant de cette organisation :
En tête, nous trouvons le Soviet suprême de l’Union des Républiques Socialistes Soviétiques, et le Conseil des Commissaires du Peuple. Celui-ci correspond aux commissariats Education, Santé publique, Agriculture, Industrie légère, Industrie textile, et quinze commissariats de l’Industrie lourde et de la Défense Nationale. En relation directe avec le Conseil des Commissaires, lui-même relié à la commission du plan de l’Etat, se trouve placée l’Académie des Sciences.
Cette Compagnie, contrairement au passé, joue un rôle des plus importants dans l’organisation de la recherche scientifique. De très nombreux instituts de recherche sont sous sa dépendance. L’Académie des Sciences de l’U.R.S.S. est, d’un certain côté, analogue à notre Institut, de l’autre a les attributions de l’ensemble des Directions de recherches des pouvoirs publics. C’est dire les multiples tâches qui incombent aux Académiciens soviétiques. L’Académie est responsable de l’exécution des recherches scientifiques s’imposant pour la réalisation du plan économique. Les problèmes importants sont distribués entre les divers Instituts ou groupes d’Instituts, en tenant compte des spécialités de chacun d’eux et des compétences spéciales des directions.
Lorsque des directives générales de recherches ont été données à un Institut, une discussion est ouverte entre tous les membres du personnel scientifique, pour examiner dans tous ses détails le plan d’exécution.
L’Académie des Sciences coordonne les recherches faites dans les divers Instituts, qui ne peuvent ainsi entreprendre des recherches identiques par les mêmes voies. Le même problème pourra être attaqué en divers lieux de recherches, par des voies différentes.
Ainsi, l’Institut dirigé par Kapitza, destiné à l’étude du magnétisme et des phénomènes liés aux très basses températures, a été chargé de mettre au point des méthodes nouvelles pour produire en quantité l’oxygène liquide. L’emploi de l’oxygène liquide est très important dans l’industrie, et en particulier pour la gazéification du charbon dans le sous-sol même… Cette dernière application a été imaginée et réalisée avec succès par Kapitza.
Un autre exemple est celui des recherches entreprises pour supprimer les pertes des grains de blé des récoltes, par pourriture, pertes qui furent considérables dès le début des cultures collectives. Quatorze Instituts spécialisés en chimie, biologie, physique, s’attaquent simultanément au problème par des voies diverses. En une année, la solution était trouvée.
L’Académie des Sciences définit une politique de la recherche scientifique pure et appliquée qui, principalement pour la recherche appliquée, tient compte des questions économiques du pays. L’existence d’un plan de recherches dans un laboratoire évite la dispersion des activités de chaque chercheur, dispersion contraire à un bon rendement. L’originalité du chercheur, sa fantaisie, ne sont nullement étouffées, il travaille suivant une direction largement définie.
Examinons maintenant les diverses catégories d’Instituts de recherches.
Dans une première catégorie, nous trouvons les Instituts dépendant directement de l’Académie des Sciences (Institut Kapitza). On y traite les problèmes de recherches pures, des problèmes de recherches appliquées spéciaux nécessitant la participation du savant.
Dans une deuxième catégorie, nous trouvons l’Institut fortement spécialisé dans les applications pratiques de la Science, maïs combinant encore la technique et la recherche pure. Les Instituts physico-techniques de Leningrad, de Kharkov, de Sverdloks, sont de ce type ; ils établissent des liens entre la physique et la recherche industrielle.
C’est ainsi qu’à l’Institut de Sverdloks l’on poursuit des études expérimentales et théoriques sur le magnétisme, en même temps que l’on y étudie les propriétés magnétiques des aciers pour l’Industrie. A Kharkov, au Laboratoire des applications industrielles des basses températures, on étudiait les propriétés des neutrons ralentis par de l’hydrogène liquide, problème de science pure.
Dans une troisième catégorie, nous trouvons des Instituts plus modestes, des laboratoires industriels, des laboratoires associés aux hôpitaux, aux fermes collectives, dont le rôle est d’étudier les problèmes pratiques, et de les résoudre rapidement. Ils constituent — c’est un de leurs rôles importants — des lieux d’observation, des faits qui se présentent dans l’activité des services dont ils dépendent. Ces observations suggèrent parfois des problèmes importants qui, s’ils ne peuvent être résolus sur place, sont proposés aux Instituts mieux outillés.
Enfin, une quatrième catégorie comprend les Instituts travaillant directement pour la Défense Nationale. Beaucoup d’entre eux existaient déjà avant la guerre, mais naturellement leur existence était gardée secrète.
On peut estimer la valeur de leurs travaux par les résultats obtenus dans la guerre actuelle ! On connaîtra sans doute, après la victoire, tout le travail immense qui a été fait dans ces laboratoires.
Le fait que l’Industrie, l’Agriculture, la Médecine, soient contrôlées par l’Etat facilite beaucoup les contacts entre les hommes de science pure et les techniciens. Le savant peut plus facilement suivre les applications de sa découverte. Ceci est particulièrement important en temps de guerre où le savant élabore non seulement le plan des recherches, mais doit le réaliser en vue de l’utilisation pratique des résultats.
Je voudrais maintenant dire quelques mots sur l’origine et la formation des chercheurs.
Ceux-ci proviennent, pour la plupart, des meilleurs d’entre les étudiants des Universités et Ecoles techniques. Le recrutement est plus aisé que dans des pays comme la France ou l’Angleterre, car l’enseignement supérieur est plus répandu en U.R.S.S. 5 % de la population de l’U.R.S.S. fréquente l’enseignement supérieur, alors que cette proportion n’est que de 2 % en Angleterre, et encore plus faible en France. L’instruction donnée aux adultes par des conférences et cours spéciaux est beaucoup plus répandue en U.R.S.S. que partout ailleurs. Les meilleurs aides techniques peuvent disposer d’une partie de leur temps de travail pour parfaire leur instruction et devenir des chercheurs. L’ensemble du pays reconnaît les services que lui rendent la Science et l’homme de science ; respecté, il jouit d’un grand prestige dans la Société ; en revanche, il a un sens très développé de ses responsabilités envers la Société.
Tous ces facteurs concourent à orienter la jeunesse vers l’étude des Sciences et des Techniques.
L’organisation générale de la recherche scientifique en U.R.S.S. est telle que le passage des recherches de paix aux recherches de guerre s’est effectué sans difficulté.
Pour certains domaines, en dépit de la guerre, l’Académie des Sciences a décidé de maintenir presque intégralement son programme de paix. Il s’agit de problèmes nécessitant de très longues durées d’étude, dont l’importance économique est considérable ; par exemple, les problèmes du rendement des moissons et de l’augmentation de la fécondité du bétail.
Comme nous venons de le voir, le rôle de l’Académie des Sciences est primordial dans l’organisation, la coordination des recherches scientifiques pures et appliquées. Il convient d’ajouter quelques mots sur cet organisme exemplaire.
L’Académie des Sciences comprend huit sections :
— Sciences Physico-Mathématiques ;
— Sciences Chimiques ;
— Sciences Géologico-Géographiques ;
— Sciences Biologiques ;
— Sciences Techniques ;
— Histoire et Philosophie ;
— Economie et Droit ;
— Littérature et Langues.
L’Académie des Sciences est en très grand, et ayant de plus larges attributions, ce qu’est en France le Collège de France, qui groupe les scientifiques et les littéraires.
En dehors des Instituts de recherches, l’Académie, possède des bibliothèques, des musées, etc. Voici, pour illustrer son développement en U.R.S.S., les situations comparées en 1917 et en 1941 :
En 1917, l’Académie des Sciences de Russie disposait de 5 laboratoires, 5 musées, 1 institut, 2 observatoires, 15 commissions de travail. Elle comptait 212 collaborateurs.
En 1941, elle disposait de 76 instituts, dont 47 centraux et 29 dans ses 7 succursales, 11 laboratoires, 42 stations sismologiques, biologiques et autres, 6 observatoires, 5.000 collaborateurs dépendant de l’Académie des Sciences.
En trois ans, 11 instituts de recherches dépendant des commissariats du peuple passent sous la dépendance de l’Académie. A Leningrad et à Moscou, l’Académie gère deux Maisons des Savants. Dès 1941, cinq sociétés savantes, parmi lesquelles de très importantes, telle que la Société Entomo-logique géorgienne, comptaient plus de 7.000 membres s’affiliant à l’Académie des Sciences.
En 1929, le jardin botanique de Leningrad, qui dépendait jusqu’alors du Commissariat de l’Agriculture de la République socialiste fédérative de Russie, entra dans le système de l’Académie. Ce jardin fut adjoint, en 1931, au Musée botanique de l’Académie des Sciences de l’U.R.S.S. Ces deux organisations botaniques, les plus importantes de l’U.R.S.S., constituent les fondements de l’Institut de Botanique. En 1943, l’herbier de cet Institut ne possédait pas moins de cinq millions de spécimens. L’Institut a une bibliothèque comptant plus de 135.000 volumes consacrés à la botanique.
En vue de favoriser les recherches scientifiques, et de coordonner les travaux les plus importants des instituts de recherche de l’U.R.S.S., l’Académie des Sciences convoque des sessions, organise des congrès et des conférences. Elle est en contact permanent avec les sociétés et organisations scientifiques de l’U.R.S.S. et des pays étrangers.
En 1940, l’Académie des Sciences de l’U.R.S.S., avec la participation des différents commissariats, secteurs et facultés des instituts de recherche scientifique, fit faire 70 conférences (par exemple, sur la catalyse hétérogène, la haute tension, la chimie des combinaisons complexes, sur le noyau atomique, sur la gravimétrie, etc..) suivies d’entretiens auxquels prirent part plus de 8.000 personnes.
En 1940, l’Académie des Sciences de l’U.R.S.S. organisa trois grandes expéditions pour l’étude des forces productives naturelles des plateformes européo-orientales de l’U.R.S.S., l’Oural et le Caucase. Quatre cent vingt-neuf personnes prirent part à ces expéditions ; parmi elles, sept membres de l’Académie, trois membres correspondants, vingt-cinq docteurs ès sciences, cent professeurs et licenciés ès sciences.
L’Académie des Sciences organise des expéditions de recherches scientifiques et publie dans ses éditions périodiques, et dans des recueils et livres, les travaux de ses membres et des autres savants qui lui soumettent les résultats de leurs recherches.
En 1940, l’Académie des Sciences (non comprises les filiales et les bases) a édité 523 livres, soit plus de 8.000 feuilles d’imprimerie. En 1941, près de 10.000 feuilles d’imprimerie ont été éditées en livres et revues scientifiques.
En vue de former systématiquement des cadres de collaborateurs scientifiques, il existe, auprès de l’Académie, des cours pour les agrégés, auxquels sont admises les personnes qui se sont signalées par leurs travaux scientifiques.
En 1941, 980 agrégés ont pris leur inscription à ces cours.
L’Académie jouit des droits civiques. Le budget de l’Académie est inclus dans le budget d’Etat de l’U.R.S.S.
En 1940, l’Académie des Sciences figurait dans le budget d’Etat de l’U.R.S.S. pour une somme de 135.413.000 roubles, dont 18.033.000 roubles assignés à la construction d’établissements scientifiques et aux collaborateurs. Dans ce budget, ne sont pas comprises les sommes allouées dans les budgets des Républiques et des administrations locales à l’entretien des filiales. (En 1940, ces sommes atteignirent le montant de 31.336.000 roubles.)
L’Académie est composée d’académiciens, de membres honoraires, de membres correspondants et de collaborateurs travaillant dans les Instituts de l’Académie.
La Science soviétique est fière de ses académiciens : V. L. Komarov, président de l’Académie des Sciences, éminent botaniste ; P. L. Kapitza, à qui on doit de grands travaux dans le domaine des basses températures ; L. I. Mandelchtam (récemment décédé), qui a découvert le phénomène de la dispersion combinée de la lumière ; N. C. Kournakov, qui s’est livré à des expériences dans le domaine de la théorie de l’analyse physico-chimique, et a fait des recherches sur l’équilibre des diagrammes chimiques ; A. E. Favorski, auteur d’une nouvelle théorie sur la synthèse chimique qu’il a appliquée à toute une série de processus industriels ; N. D. Zelinski, inventeur du premier masque anti-gaz, expérimenté dans le domaine du combustible nythétique ; A. Lebedev, inventeur du caoutchouc synthétique soviétique ; A. N. Bach, père de la biochimie soviétique ; L. A. Orbely, continuateur des travaux du grand Pavlov.
L’Académie peut élire des membres honoraires parmi les savants qui ont enrichi la science de travaux ayant une importance mondiale. Joseph Staline, N. F. Gamaleia et N. A. Morozov sont membres honoraires de l’Académie.
Les membres de l’Académie et les membres correspondants se livrent à des travaux scientifiques conformément aux plans de l’Académie, et doivent en rendre compte chaque année. Ils prennent une part active aux travaux de l’assemblée générale de l’Académie des Sciences de l’U.R.S.S. et aux réunions des groupes, remplissant les tâches que leur confie l’Académie. Ils prennent également part aux travaux de l’Académie ayant pour but de former des cadres de collaborateurs.
Le nombre des membres de l’Académie et des membres correspondants est établi par le Conseil des commissaires du peuple de l’U.R.S.S., d’après les listes présentées par l’Académie.
En 1939, 59 académiciens et 103 membres correspondants ont été élus. Parmi les académiciens fut élue Lina Stern, très connue pour ses travaux sur la physicologie. C’est la première femme que compte l’Académie des Sciences depuis sa fondation.
Au 1er Janvier 1941, l’Académie des Sciences de l’U.R.S.S. comptait 118 membres, 5 membres honoraires et 182 membres correspondants. Parmi ces savants, 96 sont décorés de différents ordres de l’U.R.S.S. pour les résultats remarquables qu’ils ont obtenus dans la science, la technique et le développement de la culture.
Lorsqu’il y a un fauteuil vacant, l’Académie insère un communiqué spécial dans le journal Izvestia.
Les organisations scientifiques et sociales, ainsi que leurs collaborateurs, en leur nom et au nom de leur groupe, ont le droit, au cours de deux mois à partir du jour de la publication, de faire part à l’Académie des Sciences, par écrit, du nom des candidats qu’ils proposent comme membres de l’Académie, et des motifs qui les leur ont fait distinguer parmi les autres savants éminents, et cela suivant la spécialité requise. Le nom des candidats est inséré dans la presse.
Pour l’élection des membres de l’Académie et des membres honoraires, et pour la ratification de l’élection des membres correspondants de l’Académie des Sciences de l’U.R.S.S., il est indispensable qu’au moins deux tiers des membres de l’Académie soient présents.
L’organe suprême de l’Académie des Sciences est l’assemblée générale composée de tous les membres actifs et les membres honoraires de l’Académie.
L’Assemblée générale trace dans leurs grandes lignes les travaux de l’Académie des Sciences et de ses parties intégrantes, elle résout les principaux problèmes d’organisation, elle enregistre les comptes rendus aussi bien des filiales et des sections de l’Académie que des personnes privées, elle examine les problèmes scientifiques, scientifico-techniques et scientifico-sociaux.
Les travaux de chaque section sont communiqués au bureau des sections à la tête duquel se trouve un membre titulaire de l’Académie, secrétaire de section.
Le Présidium applique les décisions de l’Assemblée générale, et il constitue, dans l’intervalle qui sépare deux assemblées générales, l’organisme dirigeant de l’Académie.
Le Présidium se compose du président, de trois vice-présidents, de huit membres titulaires — secrétaires des sections — et de cinq membres titulaires — membres du Présidium.
Les membres titulaires qui font partie du Présidium dirigent certains travaux qui leur sont confiés par le Présidium de l’Académie des Sciences, et sont élus pour trois ans. Le président et les vice-présidents sont élus pour cinq ans.
La direction de la rédaction et de l’édition des publications est assumée par le conseil de rédaction et des éditions, élu à l’assemblée générale.
Les Instituts de l’Académie des Sciences, qui sont du ressort du Présidium, s’occupent de recherches scientifiques.
A la tête de l’Institut se trouve un directeur élu pour trois ans parmi les membres de l’Académie, savants spécialistes, par l’assemblée générale ou par les sections de l’Académie.
La direction de l’organisation de l’étude des richesses naturelles et des forces productives du pays incombe au Conseil de l’Académie élu à cet effet. Il organise et dirige des expéditions pour l’étude des ressources naturelles et des forces productives de certaines Républiques, contrées et régions.
Il faut mentionner les résultats surprenants obtenus par la science soviétique dans le domaine des recherches des forces productives de notre pays. Ces recherches furent entreprises en 1915, sur l’initiative de V. I. Vernadski, membre de l’Académie. En vingt-cinq ans, l’Académie organisa, d’un bout à l’autre de l’Union Soviétique, plus de cinq cents expéditions différentes pour l’exploration du sous-sol et des gisements, la recherche de ressources énergétiques, l’examen du sol, de la flore, de terrains pouvant être utilisés pour l’agriculture. D’immenses réserves de matières premières de toutes sortes ont été découvertes. De nombreuses investigations géologiques augmentèrent considérablement les réserves en gisements. Sous forme de minerais ou autres, elles firent découvrir des matériaux qui n’étaient pas utilisés jusqu’alors. Presque tous les éléments chimiques furent trouvés sur le territoire de l’Union Soviétique.
Par exemple, aux recherches effectuées dans l’Oural, prirent part plus de huit cents collaborateurs scientifiques et techniciens, et environ soixante Institutions scientifiques. On a découvert dans l’Oural plus de 800 minéraux et plus de 12.000 gisements divers. En 1942, on a prospecté et découvert de nouvelles réserves de charbon atteignant des centaines de millions de tonnes.
Les filiales de l’Académie des Sciences sont composées d’instituts de recherches scientifiques ; les bases de l’Académie, là où elles existent, sont composées d’instituts complexes de recherches scientifiques. Elles étudient les richesses naturelles, l’économie et la civilisation de certaines républiques, contrées et régions. Par exemple, la filiale de l’Académie en Azerbaïdjan comprend neuf instituts indépendants, sept sections et musées, une bibliothèque centrale de l’Académie avec une section orientale. Plus de cinquante » autres instituts scientifiques de la République sont étroitement liés à la filiale et collaborent aux recherches scientifiques. Parmi les quelques centaines de collaborateurs de la filiale de l’Académie dans la république de l’Azerbaïdjan, dont la moitié sont des Azerbaïdjanais, on compte, d’après les données de 1943, 138 docteurs ès sciences et professeurs, 366 licenciés ès sciences et chargés de cours, 160 candidats au professorat.
Les filiales sont dirigées par des présidium élus à l’Assemblée générale de l’Académie, pour trois ans.
Chaque section de l’Académie est composée : du bureau, ayant son propre personnel (académiciens et membres correspondants) et des établissements de recherches scientifiques ; la section des sciences physico-mathématiques comprend :
1) Institut de Physique P. N. Lebedev ;
2) Institut Physico-Technique ;
3) Institut des problèmes physiques ;
4) Institut des mathématiques V. A. Steklov ;
5) Institut sismologique ;
6) Institut d’astronomie ;
7) Observatoire principal ;
8) Laboratoire de Cristallographie ;
9) Laboratoire de Spectroscopie ;
10) Comité météorite ;
11) Conseil d’Astronomie ;
12) Conseil de Radio-Physique et de Radio-Technique ;
13) Commission de l’étude chargée du noyau atomique ;
14) Commission chargée de l’étude de l’acoustique ;
15) Commission chargée de l’étude de la spectroscopie ;
16) Société d’astronomie géophysique.
Il m’a semblé utile d’examiner en détail l’Académie des Sciences, étant donné l’importance de cet organisme.
Je vous communiquerai maintenant quelques chiffres que j’ai sous les yeux, concernant les crédits attribués à l’enseignement et aux recherches scientifiques.
Pour l’exercice 1944, l’Etat de l’U.R.S.S. a prévu un vaste programme de réalisations sociales et culturelles, il y consacré 51,4 milliards de roubles, en augmentation de 14,2 milliards sur l’exercice 1943. Sur ce crédit, 21 milliards sont alloués à l’Instruction Publique, et 10,4 milliards à la Santé Publique et Culture Physique. 1,3 milliards de roubles furent prévus pour l’Institut de Recherches scientifiques.
Ces chiffres sont éloquents et montrent l’effort qui est fait en U.R.S.S. pour le développement des Sciences, facteur principal du prodigieux essor de ce pays. Ils montrent l’effort considérable qui est accompli pour la Santé Publique et l’instruction sanitaire de la population dans les villes et villages. Il existe des dizaines d’Instituts distribués dans le pays, dont les travaux de médecine expérimentale sont conduits en tenant compte des conditions locales très différentes dans cette immense nation.
Actuellement, on procède à la création d’une Académie de Médecine qui, à l’image de l’Académie des Sciences, sera appelée à diriger les centres de recherches médicales les plus importants.
Pour illustrer la vitalité des Instituts et Universités, il faut citer l’exemple de l’Université de Leningrad. La ville étant assiégée et soumise à de terribles bombardements, l’Université a quand même fonctionné jusqu’en 1942, époque où elle fut évacuée à Saratov. Les laboratoires ont traité avec succès, en dépit des difficultés les plus grandes, plus de 70 problèmes scientifiques, dont certains très importants, comme ceux concernant la précision du tir et la gangrène des plaies.
Il est clair que les savants et techniciens soviétiques ont une part importante dans les succès de la glorieuse Armée Rouge. Il est encore impossible de connaître toute la contribution à la guerre de la Science soviétique, mais on sait déjà que la grande majorité des scientifiques et techniciens, dans leurs instituts, ont mis leur intelligence et leur énergie au service de leur Patrie.
Toutefois, comme je vous l’ai dit précédemment, cette grande nation, en plein effort de guerre, poursuit encore des recherches dont les résultats trouveront des applications utiles à l’homme dans la paix prochaine. Elle vient de fêter avec éclat le 250e anniversaire du grand Voltaire, précurseur de la Révolution française, défenseur de l’esprit scientifique contre l’obscurantisme.
Tout cela nous rappelle une grande époque que les Français ont vécue. La France de la Révolution et ses chefs, les Conventionnels, alors en lutte contre l’Europe entière, organisèrent cependant une expédition géodésique. Les Français de ce temps ne reculaient devant aucune entreprise, c’étaient des hommes de foi.
Cette vitalité, dont l’Union Soviétique est un exemple vivant, les scientifiques français la sentent vivement renaître. Ils participent déjà et participeront de plus en plus à la guerre contre les puissances du mal et à la renaissance de leur pays dans un monde meilleur.
Pour terminer, je voudrais lire ici une adresse qui a été rédigée par la jeune Association des Travailleurs Scientifiques Français, association créée au lendemain de la libération, pour être envoyée aux travailleurs scientifiques soviétiques :
« Les scientifiques français de l’Association s’adressent à leurs collègues russes pour leur exprimer d’abord l’admiration qu’ils ressentent devant la vaillance et l’organisation de la puissante Armée Rouge.
Ils se rappellent avec reconnaissance que cette armée, en supportant d’abord dans sa résistance héroïque presque tout le poids de la puissance allemande, puis en la ce brisant par ses succès offensifs, a rendu moins ardue et plus rapide la tâche de ses alliés à l’Ouest, et qu’ainsi, ce en libérant le territoire de sa patrie, elle a aidé la libération de la France.
Ils envoient leur salut fraternel aux savants et aux techniciens de l’U.R.S.S. qui ont mis leur savoir et leur travail au service de l’effort de guerre de leur pays.
Ils savent aussi que la conduite de la guerre n’est pas le seul souci de l’U.R.S.S. ; tandis que les puissances fascistes jettent dans la lutte toutes leurs forces et toutes leurs ressources, sans pouvoir échapper à la défaite, l’U.R.S.S. a su réserver une part de son activité scientifique aux études les plus désintéressées, reprenant ainsi ce l’exemple donné jadis en France par la Convention Nationale, et montrant autant d’ampleur de vues dans le ce travail pacifique que de vitalité dans la lutte pour la ce liberté. »
(Vifs applaudissements)