La situation devenait intenable avec des polémiques toujours plus dures, aussi une délégation tchécoslovaque fut invitée à Moscou par le Comité Central du Parti Communiste d’Union Soviétique, les 4 et 5 mai 1968. Il n’en ressortit officiellement qu’une entente cordiale.
Du 17 au 22 mai, une délégation militaire soviétique du plus haut rang, dirigée par le ministre de la défense soviétique et commandant suprême des forces armées, Andreï Gretchko répondit à l’invitation d’aller à Prague faite par le ministre de la défense tchécoslovaque Martin Dzúr.
Du 17 au 25 mai, le président du conseil des ministres d’URSS, Alexis Kossyguine, fut en Tchécoslovaquie, officiellement pour une cure, mais les pourparlers au plus haut niveau furent assumés publiquement.
Parallèlement se déroula à Moscou, le 8 mai, une réunion de la direction soviétique avec des représentants du bloc de l’Est. Le dirigeant est-allemand (Walter Ulbricht) exigea le stationnement de troupes du Pacte de Varsovie en Tchécoslovaquie, ce qu’approuva le dirigeant polonais (Władysław Gomułka), mais fut réfuté par le dirigeants hongrois (János Kádár), le dirigeant bulgare (Todor Jivkov) restant en retrait.
Le grand avertissement eut alors lieu le 27 mai dans un article de la Pravda intitulé « Conviction communiste » où était réfutée la thèse de la « non-intervention » face aux influences bourgeoises. Le 14 juin 1968, la Pravda publia également un article intitulé « Le marxisme-léninisme est un enseignement international unifié » où fut ouvertement dénoncé Čestmír Císař, secrétaire du Comité Central dans le domaine des sciences, de la culture et des médias, pour son exigence du refus du « monopole de l’interprétation du marxisme », thèse affirmée à Prague pour le 150e anniversaire de Karl Marx.
La Hongrie appuya alors ouvertement la Tchécoslovaquie, une délégation tchécoslovaque conduite par Alexander Dubček allant à Budapest du 13 au 15 juin 1968 pour signer un traité d’amitié et de coopération.
Péter Rényi, rédacteur en chef de l’organe du Parti en Hongrie, la Népszabadság, y publia alors le 16 juin un article intitulé « Indépendance, unité, internationalisme », soulignant l’indépendance des partis communistes, rappelant que tort avait été fait à la Yougoslavie, que l’URSS avait montré la nécessité de sortir du culte de la personnalité. Il formula ainsi ouvertement la thèse comme quoi :
« Il n’y a pas de modèle obligatoire dans la construction du socialisme. »
Le ministre des affaires étrangères tchécoslovaque Jiří Hájek, nommé en avril 1968, fit une visite diplomatique en RFA les 17 et 18 juin pour essayer de calmer le jeu. Cela ne réussit pas ; le SED est-allemand produisit une « Argumentation sur la politique du Parti Communiste de Tchécoslovaquie » d’abord à usage interne, puis diffusé à l’occasion du Festival mondial de la jeunesse et des étudiants en Bulgarie.
On y lit notamment :
« Il est incompréhensible que la publication de cette plate-forme des « 2000 mots » clairement ennemie ait été autorisée dans quatre organes centraux tchécoslovaques importants. »
Une manœuvre militaire du Pacte de Varsovie, dénommée Šumava (forêt de Bohême), commença également le 20 juin, sur les territoires russe, polonais, est-allemand et tchécoslovaque ; au lieu de se terminer le 30 juin, elle se termina le 2 juillet en présence des dirigeants tchécoslovaques, alors que des manœuvres étaient actives aux frontières, dans le sud de la Pologne et de l’Allemagne de l’Est. C’était un clair avertissement.
Parallèlement, l’article de la Pravda du 11 juillet 1968 sur le manifeste des « 2000 mots », intitulé « Attaque contre les fondements socialistes de la Tchécoslovaquie », affirma que la contre-révolution était à l’œuvre.
Les négociations soviéto-tchécoslovaques de mai-juin 1968 avaient ainsi échoué ; la tournure des événements semblait hors de contrôle aux yeux de l’URSS, de la RDA et de la Pologne. Les 14 et 15 juillet fut ainsi écrite une lettre au Comité Central du Parti Communiste de Tchécoslovaquie, fruit d’une rencontre à Varsovie des deux principaux dirigeants d’URSS, de Bulgarie, de RDA, de Pologne et de Hongrie.
Il fut reproché au PCT de tolérer le développement de courants de droite risquant d’amener la séparation de la Tchécoslovaquie d’avec les « pays socialistes » ; les « fondements du socialisme en Tchécoslovaquie » seraient menacés.
C’était là le tournant dans les rapports entre la Tchécoslovaquie et le bloc de l’Est dominé par le social-impérialisme soviétique.