Accueil → Analyse → Culture → Les illuminations d’Arthur Rimbaud
La clôture des poèmes, des Illuminations comme aventures fantasmagoriques, vise toujours à bloquer, fermer, circonscrire. Cela peut se faire par une évaluation, une sentence, un constat, une remarque, etc. Mais cela vise toujours à souligner la vision du monde d’Arthur Rimbaud, son regard subjectiviste, sa négation du monde matériel.
« Car depuis qu’ils se sont dissipés, — oh, les pierres précieuses s’enfouissant, et les fleurs ouvertes ! — c’est un ennui ! et la Reine, la Sorcière qui allume sa braise dans le pot de terre, ne voudra jamais nous raconter ce qu’elle sait, et que nous ignorons ! » (Après le déluge)
« — et la voix féminine arrivée au fond des volcans et des grottes arctiques… — Le pavillon… » (Barbare)
« La douceur fleurie des étoiles, et du ciel, et du reste descend en face du talus, comme un panier, contre notre face, et fait l’abîme fleurant et bleu là-dessous. » (Mystique)
« Au réveil, il était midi. » (Aube)
« Tels qu’un dieu aux énormes yeux bleus et aux formes de neige, la mer et le ciel attirent aux terrasses de marbre la foule des jeunes et fortes roses. » (Fleurs)
« Ô la face cendrée, l’écusson de crin, les bras de cristal ! le canon sur lequel je dois m’abattre à travers la mêlée des arbres et de l’air léger ! » (Being Beauteous)
« Promène-toi, la nuit, en mouvant doucement cette cuisse, cette seconde cuisse, et cette jambe de gauche. » (Antique)
« En effet ils furent rois toute une matinée, où les tentures carminées se relevèrent sur les maisons, et toute l’après-midi, où ils s’avancèrent du côté des jardins de palmes. » (Royauté)
« Aux heures d’amertume, je m’imagine des boules de saphir, de métal. Je suis maître du silence. Pourquoi une apparence de soupirail blêmirait-elle au coin de la voûte ? » (Enfance)
« Mon devoir m’est remis. Il ne faut même plus songer à cela. Je suis réellement d’outre-tombe, et pas de commissions. » (Vies)
« Même des cercueils sous leur dais de nuit dressant les panaches d’ébène, filant au trot des grandes juments bleues et noires. » (Ornières)
« Quels bons bras, quelle belle heure me rendront cette région d’où viennent mes sommeils et mes moindres mouvements ? » (Villes)
« Le faubourg se perd bizarrement dans la campagne, le « Comté » qui remplit l’occident éternel des forêts et des plantations prodigieuses où les gentilshommes sauvages chassent leurs chroniques sous la lumière qu’on a créée. » (Villes (2))
« Le matin où, avec Elle, vous vous débattîtes parmi ces éclats de neige, ces lèvres vertes, ces glaces, ces drapeaux noirs et les rayons bleus, et ces parfums pourpres du soleil des pôles. — Ta force. » (Métropolitain)
« qui permettent, aux heures du jour, à toutes les tarentelles illustres de l’art, de décorer merveilleusement les façades du Palais Promontoire. » (Promontoire)
« L’opéra-comique se divise sur une scène à l’arête d’intersection de dix cloisons dressées de la galerie aux feux. » (Scènes)
« J’ai seul la clef de cette parade sauvage. » (Parade)
« puisque tout ici ressemble à ceci, — la Mort sans pleurs, notre active fille et servante, un Amour désespéré et un joli Crime piaulant dans la boue de la rue. » (Ville)
« — Ô terrible frisson des amours novices sur le sol sanglant et par l’hydrogène clarteux ! trouvez Hortense. » (H)
« Rouler aux blessures, par l’air lassant et la mer ; aux supplices, par le silence des eaux et de l’air meurtriers ; aux tortures qui rient, dans leur silence atrocement houleux. » (Angoisse)
« Au matin, — aube de juin batailleuse, — je courus aux champs, âne, claironnant et brandissant mon grief, jusqu’à ce que les Sabines de la banlieue vinrent se jeter à mon poitrail. » (Angoisse)
« La plaque du foyer noir, de réels soleils des grèves : ah ! puits des magies ; seule vue d’aurore, cette fois. » (Veillées)
« — Un souffle disperse les limites du foyer. » (Nocturne vulgaire)
« Voici le temps des Assassins. » (Matinée d’ivresse)
« Pendant que les fonds publics s’écoulent en fêtes de fraternité, il sonne une cloche de feu rose dans les nuages.
Avivant un agréable goût d’encre de Chine, une poudre noire pleut doucement sur ma veillée. — Je baisse les feux du lustre, je me jette sur le lit, et, tourné du côté de l’ombre, je vous vois, mes filles ! mes reines ! » (Phrases)
« Mais ce Prince décéda, dans son palais, à un âge ordinaire. Le prince était le Génie. Le Génie était le Prince. — La musique savante manque à notre désir. » (Conte)
« J’avais en effet, en toute sincérité d’esprit, pris l’engagement de le rendre à son état primitif de fils du Soleil, — et nous errions, nourris du vin des Pavermes et du biscuit de la route, moi pressé de trouver le lieu et la formule. » (Vagabonds)
« Non ! nous ne passerons pas l’été dans cet avare pays où nous ne serons jamais que des orphelins fiancés. Je veux que ce bras durci ne traîne plus une chère image. » (Ouvriers)
« — Un rayon blanc, tombant du haut du ciel, anéantit cette comédie. » (Les ponts)
« — Cependant ce ne sera point un effet de légende ! » (Soir historique)
Il était inévitable qu’Arthur Rimbaud arrête la poésie : que dire après avoir tout dit, c’est-à-dire rien dit? Du moment qu’on pose son individualité comme seul repère, cela ne peut que devenir improductif.
Arthur Rimbaud a simplement fui son effondrement psychologique, après sa vie décadente à Paris, dans une démarche coloniale : il rejoint l’armée coloniale néerlandaise, finit par déserter en Asie pour devenir marin, voyage dans divers pays d’Europe dont la Scandinavie, va en Égypte, à Chypre, au Yémen, en Ethiopie, devient traffiquant d’armes en Abyssinie, commerçant de biens coloniaux, etc.
Il mourra d’ailleurs en raison des rudes conditions de son activité tout à fait inséré dans le colonialisme : une bonne expression de la vacuité humaine de son activité antérieure.