Les besoins existent de par la dimension naturelle des humains. Mais, à la différence des animaux, les humains sont organisés de manière technique et ne trouvent pas leurs besoins directement dans la nature ; ils transforment celle-ci pour produire leurs besoins.
C’est là que Marx est génial et qu’il s’aperçoit du rôle du capital dans la production et la reproduction des biens nécessaires.
Le capital se re-produit lui-aussi dans la re-production
Nécessairement, la production est refaite, il y a reproduction, et la manière de produire est re-produite.
Karl Marx voit alors que cela veut donc dire que dans les conditions du capitalisme, puisque le capital paie des gens (qui sont donc salariés) pour produire, alors par la suite ils sont re-payés pour re-produire.
Qu’est-ce que cela signifie ? Cela veut dire que de la même manière qu’il a fallu un capital pour permettre la production, il faudra un capital pour re-produire. A chaque cycle, il y a un capital.
Ainsi, le capital qui a servi à la production va lui-même se re-produire ; une étape capitaliste en succède nécessairement à une autre.
Pour qu’il y ait production (dans le capitalisme), il faut qu’il y ait travail, et pour qu’il y ait travail, il faut du capital. Par conséquent, pour qu’il y ait re-production, il faut de nouveau du travail, et donc de nouveau le capital.
Ce qui n’est pas visible du premier coup quand on regarde la production
En apparence, donc, le capitalisme est composé de capitalistes payant des salariés pour produire, dans des unités apparemment séparées les unes des autres, puisqu’il y a différents capitalistes, c’est-à-dire différentes entreprises.
Cela se présente ainsi comme une série de productions individuelles, comme si tout était séparé, les gens se rejoignant et échangeant par hasard, de manière atomisée.
Il y aurait production et reproduction ici et là, de manière isolée. C’est d’ailleurs la conception libérale traditionnelle que de voir les choses ainsi.
Or, le génie de Marx est de ne pas s’être contenté de cette apparence. Il a vu quelque chose qui avait une nature nouvelle, une nature particulière, révélant les rapports sociaux au grand jour : la marchandise.
Il a, au-delà de la production et de la re-production, que tout le monde constate, noté la particularité de la chose produite.
Karl Marx nous demande de voir les choses sous un angle différent de celui purement individuel :
« L’illusion produite par la circulation des marchandises disparaît dès que l’on substitue au capitaliste individuel et à ses ouvriers, la classe capitaliste et la classe ouvrière.
La classe capitaliste donne régulièrement sous forme de monnaie à la classe ouvrière des mandats sur une partie des produits que celle-ci a confectionnés et que celle-là s’est appropriées. La classe ouvrière rend aussi constamment ces mandats à la classe capitaliste pour en retirer la quote-part qui lui revient de son propre produit.
Ce qui déguise cette transaction, c’est la forme marchandise du produit et la forme argent de la marchandise. »
Que veut dire Marx ?
Il veut dire qu’il y a production et re-production ; en apparence de l’argent est donné au travailleur qui travaille et par conséquent produit. Ce produit est une marchandise vendue contre de l’argent, argent re-donné par la suite au travailleur qui se re-met à produire, etc. etc.
Mais Marx dit qu’il y a quelque chose d’autre. Il y a un rapport caché entre le travail et le capital, un rapport masqué par la production et la re-production des moyens de vivre. C’est ce rapport que Marx va expliquer.
L’argent des travailleurs utilisé
Récapitulons : les travailleurs ont des besoins, et ces besoins sont produits par le capitalisme, et ce capitalisme a au cœur de son activité les travailleurs eux-mêmes. Les travailleurs produisent des marchandises qu’ils doivent par la suite acheter, en raison du caractère privé, éparpillé des productions.
Qui dit acheter, dit argent. Mais cet argent pour acheter des biens nécessaires pour vivre est-il le même que celui utilisé pour produire ?
Non, évidemment : Karl Marx accorde une grande attention à bien déterminer la double nature de l’argent. L’argent apparaît comme directement utile, pour le travailleur qui est payé, pour satisfaire ses besoins : acheter de la nourriture, payer son logement, se procurer des habits, se soigner, etc.
Néanmoins, l’argent en tant que capital est quelque chose de différent. Dans un sens, le travailleur produit des marchandises contre de l’argent, l’argent lui permettant d’acheter des marchandises. Dans l’autre sens, le capitaliste investit son argent pour que des marchandises soient produites, et il récupère de l’argent au bout.
Karl Marx nous dit :
« L’argent en tant qu’argent et l’argent en tant que capital ne se distinguent de prime abord que par leurs différentes formes de circulation.
La forme immédiate de la circulation des marchandises est M—A—M (marchandise – argent – marchandise), transformation de la marchandise en argent et retransformation de l’argent en marchandise, vendre pour acheter.
Mais, à côté de cette forme, nous en trouvons une autre, tout à fait distincte, la forme A—M—A (argent – marchandise – argent), transformation de l’argent en marchandise et retransformation de la marchandise en argent, acheter pour vendre.
Tout argent qui dans son mouvement décrit ce dernier cercle se transforme en capital, devient capital et est déjà par destination capital. »
C’est la base du salariat.