[article publié pour la première fois dans la revue Le salut public par la démocratie populaire n°2]

L’année 1932 a été un tournant dans l’histoire allemande, dans la mesure où elle préfigure la prise du pouvoir par Adolf Hitler.

Il est intéressant de porter attention à l’erreur commise par le Parti Communiste d’Allemagne au moment des élections, erreur qui une fois apprise permettra l’affirmation des Fronts populaires espagnol et français. En quoi a consisté cette erreur ?

Tout se passe en mars et en avril 1932, lors du vote pour le Président du Reich, qui a grosso modo les mêmes prérogatives que le président de la Ve République française. Le président qui se représente alors, après une première élection en 1925, est Paul von Hindenburg, un général ultra-conservateur qui a dirigé l’Armée allemande pendant la seconde partie de la Première Guerre mondiale.

Il avait été alors élu au second tour, alors qu’il n’avait même pas été présent au premier tour, grâce à l’appui de la droite conservatrice et des nationalistes.

Cependant, la situation avait été modifiée par l’émergence du parti nazi, le NSDAP. Il avait obtenu 18,3% aux élections parlementaires de 1928. Cela en faisait le second parti ayant le plus de voix, derrière les socialistes (24,5%) et devant les communistes (13,1%). Deux options existaient alors :

– soit considérer qu’inévitablement, Adolf Hitler prendrait les commandes de la droite ;

– soit essayer de briser le bloc de la droite en isolant les nationalistes.

Le premier choix fut effectué par le KPD, qui présenta comme candidat son dirigeant, Ersnt Thälmann. Deux organisations socialistes de gauche, le Parti Socialiste des Ouvriers et l’Union Socialiste Internationale de lutte, soutinrent cette initiative.

Le second choix fut effectué par le SPD, le dirigeant socialiste Ernst Heilmann expliquant que la social-démocratie « devait tout faire pour empêcher l’élection d’un président du Reich qui soit nazi, une élection, qui signifierait la fin du monde pour l’Allemagne comme pour la classe ouvrière, et devait tout donner afin que dans la rue Wilhelm officie un président du Reich qui soit fidèle à la constitution. C’est le but, tout le reste est secondaire. »

Ces deux options ont tout à fait un sens, mais l’erreur n’est au sens strict pas à chercher ici, mais dans le second tour.

Or, au second tour l’élection n’excluait aucun candidat : gagnait simplement le premier en voix, selon le principe de la majorité relative. Et c’est là que le KPD commit l’erreur de maintenir sa candidature.

Au second tour, Paul Hindenburg obtint 53,1%, Adolf Hitler 36,8%, Ernst Thälmann 10,2%. Paul Hindenburg avait gagné 700 000 voix, Adolf Hitler 2 millions de voix, Ernst Thälmann en avait perdu 1,2 million. Cela montre l’erreur du KPD, qui a continué à se présenter au second tour au lieu de s’effacer.

La question du premier tour était un choix tactique et les socialistes ne faisaient que coller aux institutions ; partant de là, il pouvait sembler logique de chercher à présenter une alternative révolutionnaire.

Toutefois, il était évident au soir du premier tour que cela n’avait pas marché. Il fallait alors s’effacer, afin de permettre une ouverture vers l’unité générale contre Adolf Hitler. Le maintien de la candidature a fermé cette possibilité, ce qui devait coûter très cher par la suite.

Il aurait fallu, en effet, reconnaître la tendance du moment, où l’extrême droite avait réussi à prendre le dessus, ce qui imposait un repli stratégique. Croire qu’on est à l’offensive alors qu’on recule est une erreur terrible.

Par la suite, aux élections parlementaires de juillet 1932, les nazis obtinrent 37,3% des voix, puis 33,1% à celles de novembre 1932. Le recul nazi commençait et pour cette raison, la haute bourgeoisie imposa les nazis au gouvernement, craignant que le fascisme ne cesse de faire son effet dans les masses, alors que le KPD passait de 14,3% à 16,9%.

Ersnt Thälmann sera emprisonné en 1933 et assassiné juste avant la fin de la guerre, le socialiste de droite (et d’origine juive) Ernst Heilmann mourra au camp de concentration de Buchenwald.

L’Internationale Communiste saisira la substance de cette erreur et mettra en place la ligne du Front populaire, afin d’être en mesure de toujours saisir de manière adéquate la question de l’unité antifasciste.

Cela sera réalisé dans les faits notamment par les Partis Communistes d’Espagne et de France avec les Fronts populaires gouvernementaux, mais aussi de manière significative par le Parti Communiste de Grèce pendant et après la Seconde Guerre mondiale.


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