On a un très bon aperçu des complications du second congrès si on porte le regard sur ceux nommés à la présidence du second congrès. Il s’agit de :
– l’Allemand Paul Levi,
– le Français Alfred Rosmer
– l’Italien Giacinto Menotti Serrati,
– les russes Lénine et Zinoviev.
Alfred Rosmer est typique de tout un esprit français pro-communiste après 1918. Il vient de l’anarchisme puis est passé dans le camp du syndicalisme révolutionnaire, voyant en la révolution russe une concrétisation inattendue de ses idéaux. Il finira par rompre au milieu des années 1920 avec le mouvement communiste, pour se tourner vers le trotskysme, dans un esprit syndicaliste révolutionnaire.
Paul Levi fut l’un des fondateurs du mouvement communiste allemand aux côtés de Rosa Luxembourg et Karl Liebknecht et il en devint même le dirigeant au moment du second congrès. Mais il capitule très rapidement et rejoint dès 1922 les socialistes, qui pourtant avaient écrasé les spartakistes.
Giacinto Menotti Serrati est une personnalité très différente des deux autres, qui capitulèrent. En effet, il a une véritable réflexion de fond qu’il assume et il y a de très grandes incompréhensions lors des débats.
On lui reproche ainsi de tutoyer dans ses messages des dirigeants socialistes d’orientation réformiste, ce à quoi il répond tout simplement qu’en Italie, les socialistes se tutoient tous, n’y voyant donc pas malice, alors que pour les communistes de Russie cela semblait un insupportable copinage.
Un autre exemple est que Giacinto Menotti Serrati considérait que Filippo Turati, aussi réformiste et opportuniste qu’il était, s’était opposé à la première guerre mondiale (en fait seulement jusqu’en 1917), et que par conséquent, il fallait avoir un regard approfondi et circonspect.
On ne sera pas étonné que Lénine lui reprocha par conséquent au congrès un certain sentimentalisme.
La différence complète de style se révèle aussi dans cette anecdote : Giacinto Menotti Serrati expliqua qu’on ne disposait pas de « sincéromètre » pour évaluer la sincérité des partis désireux de rejoindre l’Internationale Communiste. Ce fut pas moins que Lénine qui intervint alors pour lui dire qu’on le trouverait !
La question qu’il y a l’arrière-plan est dans l’évaluation de la situation couplée aux exigences de structuration rapide. Giacinto Menotti Serrati est ici à rebours de l’Internationale Communiste. Pour lui, la prise en considération des conditions concrètes de chaque pays doit être déterminante et prime sur la formation de Partis Communistes à court terme.
À ses yeux, l’USPD allemande a une base de masses dans un pays connaissant des troubles révolutionnaires : on peut en attendre quelque chose. Pour la France et ses socialistes, c’est le contraire.
Pour la même raison, Giacinto Menotti Serrati s’opposera à la formation pour lui trop précoce d’un Parti Communiste en Italie. Le IIIe congrès le considérera pour cette raison comme un renégat – mais lui et ses « maximalistes » socialistes rejoindront bien finalement le Parti Communiste formé en Italie, et il sera même leur délégué au IVe congrès de l’Internationale Communiste.