Alberto Franceschini, l’un des membres du noyau historique des Brigades rouges est décédé le 11 avril dernier. Son décès n’a cependant été rendu public que deux semaines plus tard.

Figure centrale de l’histoire de la lutte armée pour le communisme des années 1970, Franceschini est mort à l’âge de 77 ans. La confirmation de son décès, survenu à Milan, aurait été donnée par l’avocat Davide Steccanella.

Franceschini qui fût l’un des fondateurs des Brigades rouges, avec Renato Curcio et Mara Cagol, a contribué à la naissance de l’une des structures armés les plus connues de ceux pour qui la lutte armée pour le communisme était une actualité durant les décennies ’70, ’80, ’90.

Originaire de Reggio Emilia, où il est né le 25 octobre 1947, Franceschini est issu d’une famille de tradition communiste : son grand-père était l’un des fondateurs du Parti communiste italien en 1921. Il fut également un combattant des Brigades d’assaut « Garibaldi », factions armées de partisans durant la Seconde Guerre mondiale.

Dans sa jeunesse, il est membre de la Fédération des Jeunesses Communistes Italiennes (FGCI), avant de fonder les Brigades Rouges en 1970.

Avec Mara Cagol, il participe à la première action armée de l’organisation : l’incendie, à Milan, de la voiture de Giuseppe Leoni, directeur de Sit-Siemens, le 17 septembre de la même année.

En 1970, Alberto Franceschini, Renato Curcio et Mara Cagol transforment le Collectif politique ouvriers-étudiants en un structure armée clandestine. Elle a conduit en 1974 à l’enlèvement du juge génois Mario Sossi et à la liquidation à Padoue de deux militants du Mouvement social italien, Graziano Giralucci et Giuseppe Mazzola.

Il fut parmi les protagonistes du procès de la révolte de la prison spéciale d’Asinara en 1979. En décembre 1980, il collabora également à la rédaction de L’abeille et le communiste, un texte qui marque la première scission interne avec la ligne de Mario Moretti.

Le niveau théorico-idéologique exprimé est élevé. Il constitue une bonne synthèse de compréhension du cycle des luttes internes et du contexte international, du positionnement par rapport au révisionnisme moderne et aux avant-gardes réelles.

Mais, contrairement à Prospero Gallinari, une autre grande figure politique brigadiste, symbole du refus de l’abandon de l’expérience, Franceschini devient rapidement un renégat. Arrêté en 1974, il se dissocie en 1982, exprimant un repentir jugé « sincère » par les autorités.

Durant ses années de détention, il se mue en propagandiste du soi-disant échec du projet révolutionnaire, cela alors même qu’un nombre important de ses camarades emprisonnés demeurent quant à eux fidèles aux idéaux révolutionnaires des Brigades Rouges.

Il se met par la suite à jeter le doute sur les infiltrations et les manipulations dont aurait fait l’objet son organisation.

Après sa libération en 1992, il a véhiculé un récit imprégné de spéculations complotistes et d’une obsession pour des pseudo « pièces manquantes à la vérité historique. »

Dans la continuité de cette nouvelle vision du monde, en septembre 2005, est publié le livre « Brigades rouges : L’histoire secrète des BR racontée par leur fondateur », qui consiste en un long entretien de Franceschini avec Giovanni Fasanella, journaliste à l’hebdomadaire italien Panorama.

La thèse centrale de cet ouvrage est qu’il n’a jamais pu être mis un point final à la période de la violence révolutionnaire en Italie, car il n’existe que des fragments de vérité et que personne n’a eu le courage d’essayer de les réunir. Si à l’époque de la parution du livre, les Brigades Rouges continuaient d’exister, c’est parce qu’on n’a jamais vraiment procédé à leur enterrement. Et cet enterrement ne sera possible que lorsqu’on saura de manière claire quel est le cadavre à enterrer…

Son récit est décrit par son éditeur comme étant à la fois celui d’un acteur de premier plan et d’un homme qui cherche a révéler des vérités cachées, notamment sur « l’album de famille » des BR, de leurs soi-disant manipulations/infiltrations par rien de moins que les Services secrets italiens, le PCI, le KGB, l’église catholique, etc. ; le tout en laissant planer l’ambiguïté sur la supposée présence à Paris d’un mystérieux Centre d’où partaient les ordres d’action à destination des différentes colonnes brigadistes…

Du pur délire de renégat qui fera les délices des nombreux adeptes bourgeois et petit-bourgeois de la théorie du complot qui pullulent littéralement dans les sociétés occidentales.

Dernier acte : relevons qu’en février de l’année dernière, Franceschini est identifié à Milan avec d’autres personnes lors d’une manifestation pour commémorer Alexei Navalny. Rideau !

Il est toujours très étonnant de voir comment les révolutionnaires italiens qui ont les premiers compris la modernité capitaliste ont été totalement balayés par elle, dispersés aux quatre vents. Nous ne savons pas trop comment le comprendre, et la disparition de l’Italie de la carte de la révolution reste un mystère.

Non pas qu’en Belgique on soit dans une situation bien meilleure, mais tout de même, l’Italie semble un désastre en regard des grandes avancées historiques que les communistes d’Italie avaient justement été les premiers à théoriser et à mettre en avant dans leurs pratiques politico-militaires. Franceschini était devenu le miroir inversé de ces grandes avancées.


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