Le parti nazi disposait en réponse à cette tendance à la guerre et à la réaction de pas moins de trois organisations concernant l’économie, tissant des liens avec les grands capitalistes.
Le 31 janvier 1931 avait été fondé le « département de politique économique du NSDAP » (Wirtschaftspolitische Abteilung der NSDAP), où l’on retrouvera à la fois le directeur général de la Deutsche Bank Emil Georg von Stauß et le théoricien nazi de l’usure Gottfried Feder…
De cette structure sortit, d’octobre 1930 à octobre 1931, un « service de presse de politique économique » du NSDAP, à destination de 60 grands industriels, dont Fritz Thyssen, Gustav Krupp von Bohlen und Halbach, Peter Klöckner, ou encore le responsable d’IG Farben Carl Duisberg par ailleurs chef de l’association nationale des industriels de 1925 à 1931.
Ce fut d’ailleurs Fritz Thyssen qui permit au parti nazi d’acheter son siège central à Munich, quant à l’association nationale des industriels – chapeautant 1000 unions industrielles, elle avait publié en décembre 1929 un manifeste intitulé pas moins que « Élévation ou effondrement ? » (Aufstieg oder Niedergang ?). En 1933, elle fera une grand donation financière à Adolf Hitler, instaurant le soutien officiel au régime dans ses rangs, avec y compris le salut nazi.
La seconde organisation touchant l’économie était le « Bureau du travail » (« Arbeitsstelle») gérée par Hjalmar Schacht (1877-1970). Ce dernier avait été notamment le responsable de la banque centrale allemande et avait refusé de céder aux exigences lors de la conférence parisienne sur le plan Young. Obligé de le faire par le gouvernement social-démocrate, il démissionna et soutint le bloc national conservateur / nazi, puis le mouvement nazi lui-même.
Il jouera un rôle central en redevenant responsable de la banque centrale allemande, avec les bons « Mefo », des bons de paiement garantis par l’Etat mais indirectement, servant à relancer l’industrie de l’armement sans exister officiellement dans les données monétaires et financières.
En concurrence avec Hjalmar Schacht à l’initial existait également le « cercle d’études des questions d’économie » (« Studienkreis für Wirtschaftsfragen ») autour de Wilhelm Keppler (1882-1960), qui rassemblait des industriels le plus souvent de second rang.
C’est de là que vint la lettre du 19 novembre 1932 signé par des industriels et appelant à ce qu’Adolf Hitler soit nommé chancelier. Le cercle jouera un rôle essentiel, sous le nom de « Cercle d’amis du Reichsführer-SS [Himmler] », dans la déportation de masses et l’intégration à l’économie allemande des entreprises conquises par les nazis. Heinrich Himmler était ici aussi « arrosé » par des comptes secrets.
On rejoint ici un aspect particulier, celui où une sorte d’oligarchie nazie construisait des empires économiques à côté des grands capitalistes. Le cas le plus connu est celui de Hermann Göring (1893-1946). Dépendant aux drogues, vivant de manière luxueuse et décadente, au point de posséder sept lionceaux comme « animaux de compagnie », Hermann Göring était souvent ridiculisé pour son goût pour le faste et tout ce qui était brillant.
A partir de 1942, il ne joue plus aucun rôle en Allemagne nazie, dépensant une fortune en biens luxueux, pillant massivement des tableaux, passant son temps à la chasse, etc. tout en profitant de multiples entreprises, dont le monopole des préservatifs pour toute l’Allemagne nazie, notamment l’armée.
Enfin, parmi les soutiens à Adolf Hitler, il faut noter le monopole anglais des machines-outils et de l’armement Vickers, le richissime fondateur néerlandais de Shell Henri Deterding, le richissime suédois Ivar Kreuger qui obtint le monopole des allumettes (cela fut valable en RFA jusqu’en 1983), le plus grand marchand d’armes d’Europe et ultra-richissime Basil Zaharoff, l’association industrielle française le « Comité des Forges », etc.
De manière intéressante, le dirigeant politique du centre catholique, Heinrich Brüning qui fut également chancelier, écrivit ainsi le 28 août 1937 à Winston Churchill :
« La véritable ascension de Hitler commença seulement en 1929, lorsque les grands industriels allemands et d’autres refusèrent de continuer à distribuer de l’argent à une foule d’organisations patriotiques qui avaient jusque-là mené tout le travail pour le « Risorgimento » [« résurrection », allusion à l’Italie du 19e siècle s’unifiant] allemand.
Leur point de vue était que ces organisations étaient trop progressistes dans leur point de vue social. Ils étaient contents que Hitler voulait radicalement priver de droit les travailleurs. Les donations d’argent retenues aux autres organisations s’en allèrent à l’organisation de Hitler. C’est naturellement tout à fait le traditionnel début du fascisme. »