L’existence même du cercle pose en apparence un problème. En effet, la dialectique implique les contraires. Or, le cercle ne semble pas en posséder. Qui plus est, il semble parfaitement continu, au point d’être autosuffisant : si on suit la ligne qui forme le cercle, on ne s’arrête jamais, on revient de manière cyclique au même point.
Le cercle semble donc réfuter la dialectique. Il présente la continuité parfaite, ainsi que l’infini associé à une chose en particulier.
Un nombre associé au cercle est également celui représenté par la lettre grecque π (pi).
π est égal à la circonférence (soit le tour du cercle, si on veut) divisé par son diamètre. Le rapport donne 3,141592653589793… Le nombre semblant être infini derrière la virgule.
Cela considéré, il y a deux options. On peut se tourner vers le diamètre pour l’opposer au cercle. Le souci, c’est qu’il faut alors prendre en compte le centre.
On peut également se tourner vers le centre. Le souci est alors qu’il faut prendre en compte le diamètre.
Ces deux options ne semblent donc pas être ce qu’il faut pour appréhender la dialectique du cercle.
Il ne reste alors plus que le cercle lui-même. Quelle est d’ailleurs sa définition exacte ? C’est une figure géométrique, consistant en une ligne qui est courbe, avec tous les points à la même distance d’un point central.
Mais on a vu que si on s’intéresse au point central, alors on a le diamètre, ce qui nous éloigne du cercle, et nous ramène au disque. Or, on veut en rester au cercle, on veut rester dans la géométrie pure, avec un objet abstrait, on ne veut pas aller vers la surface, vers le disque, vers quelque chose déjà plus proche du réel.
Il faut bien pourtant que le cercle soit réel, puisqu’il existe, au moins comme concept.
La solution est la suivante : il ne faut pas prendre en considération le point central. Il faut considérer le cercle non pas de manière géométrique, mais algébrique.
Qu’est-ce que cela veut dire ? Si on prend le cercle de manière géométrique, tous les points sont équivalents. Selon le matérialisme dialectique, cela n’est pas possible. Ils sont donc différents.
Ils relèvent également d’une courbe, ce qui implique qu’il y a un mouvement.
On dépasse ainsi les points équivalents, relevant de la quantité, pour avoir des points en transformation relevant de la qualité.
Que fait cette courbe ? Elle avance dans un sens… et elle recule. Mais elle ne peut pas reculer par là où elle est passée. Si elle le faisait, il y aurait identité de l’avancée et du recul.
Il faut ainsi considérer le cercle comme étant, en quelque sorte, la projection d’un mouvement, un peu comme si on lançait une pierre et qu’elle retombait.
On dira alors que la pierre ne retombe pas au même endroit. C’est là où cela devient intéressant, justement. Le mouvement de la courbe dans un sens… est le reflet en miroir du mouvement de la courbe dans l’autre sens.
C’est là où on doit se tourner vers le concept de torsion qui a été avancée ; il est notamment dit :
« Il n’y a pas un phénomène paralysé par deux pôles contradictoires, mais connaissant à un endroit en particulier une situation de tension.
[On aurait précisément cela avec un cercle « statique », avec une situation de tension en son point central.]
Raisonner ainsi serait faire un fétiche du développement inégal et l’établir comme loi universelle en lieu et place de la contradiction. Or, le développement inégal est une caractéristique de la loi de la contradiction, c’est une expression qualitative de l’existence quantitative des choses.
Par torsion, on peut considérer le principe suivant lequel une chose est travaillée par deux pôles, que la contradiction « force » à un mouvement dans une certaine direction.
Si l’on prend comme base le mouvement en spirale, on peut considérer que le mouvement spiralaire est induit par la contradiction interne, obligeant le mouvement à s’orienter dans une certaine « direction ».
Il faut dire s’orienter, et non pas se diriger, car se diriger serait unilatéral ; aucun phénomène ne peut se produire, s’établir, exister sous la forme d’une ligne droite. »
(Le matérialisme dialectique et la torsion comme évaluation dialectique)
Ce qui revient à dire que le cercle est en réalité à concevoir comme une spirale. Naturellement, cela ne se voit pas quand on regarde le cercle. Mais, en réalité, on le devrait, même s’il n’y a pas trois dimensions.
C’est un regard erroné que de voir en le cercle un mouvement unilinéaire revenant sur lui-même.
Un cercle relève d’un phénomène de torsion : il va dans une certaine direction, forcément de manière inégale, car rien ne va en ligne droite.
Cette torsion obéit à la loi de la contradiction et le reste du cercle qu’on voit est le reflet en miroir de la torsion elle-même.
Aller dans un sens implique en même temps l’autre sens, aller en haut implique un bas, il y a du bas dans le haut et inversement, il y a l’inverse d’un sens dans chaque sens, etc.
Et la torsion en contradiction avec elle-même est, concrètement, le phénomène lui-même dans son existence réelle, contradictoire, car tout est contradiction dans son existence même.
On pourrait dire qu’il s’agit là de philosophie ou d’une vue de l’esprit, car quand on dessine un cercle, on revient bien au point de départ.
C’est un argument qui ne marche pas, pourtant. En effet, quand on trace un cercle au compas, on fait en sorte que le cercle soit complet, mais en théorie on ne repasse pas sur le point de départ. Il y a donc bien un point de départ et d’arrivée et le cercle n’est plus « parfait ».
En pratique, personne n’est assez maniaque ou précis pour éviter de repasser sur le point initial dessiné au compas, seul un ordinateur est en mesure d’éviter cela. Cela signifie qu’on redessine sur le point et… ce n’est donc plus le même point.
Reste alors l’argument du cercle comme vue de l’esprit, ou bien d’un regard contemplatif porté sur un cercle existant. Quand on le regarde, on ne voit ni point de départ, ni point d’arrivée, et ce qui s’impose, c’est la continuité.
Mais sous quelle forme se présente cette continuité ? Elle va dans un sens, puis dans un autre, et à chaque fois on a le mouvement contraire.
Cela signifie qu’on retrouve le mouvement, et que même s’il y a continuité du mouvement du cercle, le mouvement est perpétuellement en contradiction avec lui-même.
Ce mouvement perpétuel, c’est l’infini, et les mouvements dans un sens puis dans l’autre qui se confrontent de manière ininterrompue correspondent à la quantité. L’infini et la quantité vont produire la qualité. Cette qualité ramène au mouvement en spirale.
Comme on le voit, le cercle est clairement dialectique, il est trompeur de s’imaginer qu’il représente une forme statique, revenant à elle-même de manière linéaire.
Pour résumer, soit on le voit en deux parties s’opposant, représentant une torsion au sein d’une spirale, même si « aplatie » en deux dimensions, soit on le voit comme une accumulation quantitative de mouvements dans un sens et dans l’autre, de manière infinie, ce qui correspond à la déchirure du quantitatif dans l’infini, ouvrant la voie au qualitatif.