Ce qui n’allait pas avec la démarche fonctionnaliste, portée souvent par des architectures d’esprit moderniste, de type cubo-futuriste, c’était la dimension impersonnelle de leur travail.
L’architecture soviétique de l’époque socialiste a inversement toujours souligné deux choses : tout d’abord, qu’il fallait arriver à un style qui porte une dimension humaine, avec un architecture portant son oeuvre, dans une confrontation subjective, et non pas au moyen d’un « objectivisme » neutralisateur et abstrait.
Ensuite, qu’il n’y avait pas de ligne de conduite générale pour tous les architectes, seulement des exigences historiques. C’est ce qui explique le puissant élan qu’il y a dans les années 1930 qu’il y a chez les architectes soviétiques à formuler des œuvres qui posent quelque chose.
Cette démarche de « poser » une oeuvre a puissamment puisé dans le classicisme ; l’une des références incontournables est ici le Vénitien Andrea Palladio (1508–1580). Les commentateurs bourgeois considèrent d’ailleurs l’architecture « stalinienne » comme un néo-palladianisme.
C’est que l’architecture soviétique s’inscrit dans la construction du socialisme et marque donc l’établissement d’objets architecturaux à la fois nécessaires et marquants. Il s’agit à la fois de refléter la construction du socialisme et de relever de celle-ci. La construction de logements est emblématique de cela.
La question de l’envergure était d’autant plus nécessaire que la réalité soviétique était en rupture quantitative complète avec le régime passé qui pourrissait sur pied. Il y avait des choses nouvelles et d’importance.
La ville de Moscou acquiert ici la dimension principale de l’architecture soviétique, car elle était considérée comme la capitale du socialisme.
L’architecture soviétique ne se veut donc pas une fin en soi, ni un mode opératoire, elle ne prétend pas modifier la réalité. Elle l’accompagne, la reflète, l’exprime.
C’est pourquoi les habitations elles-mêmes relèvent d’une véritable exigence au niveau du style, sans quoi elles voient leur statut dégradé à un simple niveau fonctionnel faussement pragmatique, comme cela le sera justement dans le révisionnisme à partir de 1953.
C’est pourquoi aussi les critiques furent innombrables à l’époque, chaque production étant analysée, évaluée, afin d’avancer toujours plus. Il n’y avait aucune auto-satisfaction, même si bien entendu il fallait également lutter contre les routines.