LAFARGUE Paul (1842-1911). Socialiste français, disciple et compagnon de lutte de Marx, théoricien et propagandiste remarquable du marxisme, auteur d’ouvrages sur le matérialisme dialectique et le matérialisme historique, sur l’économie politique, l’histoire, la linguistique, etc.

C’est à la plume de Lafargue qu’on doit également une série de pamphlets athéistes pleins de vigueur combative. Un des principaux mérites de Lafargue est d’avoir lutté contre le révisionnisme philosophique, en particulier contre le mot d’ordre « retour à Kant ».

Dans « Matérialisme et empiriocriticisme » (V.), Lénine a hautement apprécié le rôle de Lafargue qui « … critiquait Kant de gauche, non en raison des traits par lesquels le kantisme se distingue de la doctrine de Hume, mais en raison des traits communs à Kant et à Hume ; non en raison de l’admission de la chose en soi, mais en raison de la conception insuffisamment matérialiste, de celle-ci » (M. 1952, p. 231).

Lafargue a porté un coup sérieux aux vues idéalistes de Jaurès, en particulier à l’« idée de justice » considérée comme la force décisive du développement social.

Le livre de Lafargue « Le déterminisme économique de Karl Marx » a eu une importance particulière pour la propagande du matérialisme historique. Lafargue, qui combattait l’idéalisme, montre que les lois de l’histoire ont un caractère objectif et ne dépendent pas de la volonté et de la conscience des hommes.

Dans « Les trusts américains », il dénonce les défenseurs du capitalisme américain qui niaient l’existence aux Etats-Unis d’une lutte de classe aiguë entre ouvriers et capitalistes.

Les souvenirs de Lafargue sur Marx présentent un grand intérêt, ils donnent un portrait magistral de Marx, coryphée de la science, ardent combattant de la cause ouvrière.

Les erreurs théoriques de Lafargue se réduisent pour l’essentiel à une interprétation quelque peu simpliste et superficielle de la théorie marxiste de la base et de la superstructure (V. Base et superstructure).

Tout en reconnaissant à la superstructure un caractère dérivé par rapport à la base, Lafargue niait que la superstructure fût en mesure de réagir activement sur la base.

Dans son ouvrage « La langue française avant et après la Révolution », il affirme à tort que de 1789 à 1794 il s’est produit en France une « brusque révolution linguistique ».

La plupart des écrits de Lafargue gardent encore leur valeur scientifique et leur valeur de propagande.

LAMARCK Jean-Baptiste (1744-1829). Célèbre naturaliste et biologiste français, qui a formulé avant Darwin (V.) la théorie de l’évolution de la nature vivante. Sa vie et son activité ont eu pour cadre la Révolution française de 1789, qu’il a accueillie avec enthousiasme.

Jean-Jacques Rousseau (V.), les matérialistes français et les grands naturalistes de l’époque (Buffon, Jussieu et autres) ont exercé une grande influence sur sa formation. Lamarck était matérialiste, mais son matérialisme était limité et inconséquent.

Il admettait que la matière constitue la base du monde, de tous corps et de toutes choses; mais, étant inerte, elle a besoin d’une impulsion première pour lui communiquer le mouvement. Il existe, affirme-t-il, un ordre déterminé des lois et des causes naturelles auxquelles la nature obéit et selon lesquelles elle se développe.

Toutefois, pour éviter les poursuites de l’Eglise, il déclarait que cet ordre était l’œuvre du créateur. En quoi s’exprimait son déisme.

Lamarck a joué un rôle progressif dans l’histoire de la biologie, science des lois générales du développement de la vie sur terre. C’est à lui qu’on doit le terme même de « biologie ». Il a fait œuvre de novateur dans l’étude de la nature, sa méthode évolutionniste et surtout celle de Darwin ont assigné à la biologie une base scientifique.

L’idée de l’unité et de la continuité du développement de la nature, l’idée de la variation des espèces sous l’influence de leurs conditions de vie, du milieu extérieur, sont à la base de la méthode de Lamarck.

En publiant son ouvrage essentiel, la « Philosophie zoologique » (1809), Lamarck accomplit une sorte d’action d’éclat, car il attaqua les idées métaphysiques qui régnaient alors sans partage au sujet de la nature vivante. Il se servit de toute une série de faits mis en évidence par la classification et la systématisation des végétaux et des animaux, par l’étude des espèces fossiles et des variations des animaux domestiques et des plantes de culture pour réfuter résolument la théorie métaphysique de l’immutabilité des espèces.

Il critiqua également la théorie réactionnaire et idéaliste des cataclysmes de Cuvier. La nature n’en a jamais connu, affirmait Lamarck, partout et dans tout, elle a suivi, sans faire de bonds, une évolution lente et progressive.

Lamarck essaya d’élucider les causes des changements qui se produisent dans les organismes vivants ; il affirmait que les circonstances extérieures sont la cause directe des changements subis par les organismes. Si les végétaux répondent directement à l’influence du milieu extérieur par des modifications correspondantes, sur les animaux pourvus d’un système nerveux et d’une organisation plus complexe, cette influence s’exerce indirectement, par l’intermédiaire de changements dans les habitudes et les accoutumances et par l’apparition de besoins nouveaux.

Ces nouveaux besoins obligent les animaux à exercer davantage certains organes et, au contraire, à cesser d’utiliser les autres. L’exercice et le non-usage entraînent des modifications dans l’organisme tout entier et dans ses fonctions.

La théorie de Lamarck lui attira une critique haineuse des réactionnaires. On lui reprocha longtemps d’être un esprit chimérique et fantaisiste. Les weismanistes morganistes attaquèrent ses thèses matérialistes relatives à l’action exercée sur les organismes par le milieu extérieur et sa théorie de l’hérédité des caractères acquis. Tous les savants progressifs sont intervenus en faveur de Lamarck : Darwin, Timiriazev (V.), Metchnikov (V.), et autres.

Les biologistes réactionnaires se sont employés à falsifier le fond matérialiste de la théorie lamarckienne, par exemple le groupe des psycho-lamarckiens (Cope, Pauli, Francé et autres) qui développaient des vues idéalistes sur le rôle prédominant du psychisme dans l’évolution, sur la « tendance » des organismes vers le « perfectionnement », etc.

La doctrine mitchourinienne (V.) défend les principes matérialistes progressifs intuitivement exprimés par Lamarck dans son hypothèse géniale. Elle a profondément étudié et mis au point la théorie de l’influence transformatrice exercée par les conditions de vie sur la nature des organismes ; elle a découvert la loi fondamentale de la biologie, affirmant la possibilité et l’inéluctabilité de l’hérédité des caractères acquis, loi que Lamarck avait seulement présumée sous sa forme la plus générale.

En ce qui concerne la théorie lamarckienne du développement, elle est purement évolutionniste : Lamarck ne considérait le développement que sous la forme d’un mouvement progressif et continu, sans bonds et sans révolutions. La théorie lamarckienne du développement est entachée également d’éléments mécanistes.

Lamarck ne s’est pas élevé à la compréhension dialectique de l’évolution. Seule la doctrine mitchourinienne a su, consciemment et avec esprit de suite, appliquer le matérialisme dialectique à l’étude des lois objectives du développement de la nature vivante.

LA METTRIE Julien Offroy de (1709-1751). Philosophe matérialiste français. De même que les encyclopédistes (Diderot — V., Holbach — V., etc.), il joua un rôle important dans la préparation idéologique de la Révolution bourgeoise française.

Médecin de profession, il appuie ses vues matérialistes sur les sciences naturelles. En 1745, il publie son premier ouvrage philosophique « Histoire naturelle de l’âme », qui lui vaut les poursuites du clergé. Emigré en Hollande, il fait paraître sous l’anonymat son livre « L’homme-machine » (1748), un des plus célèbres ouvrages matérialistes et athéistes du XVIIIe siècle.

Persécuté pour ses opinions matérialistes et athéistes, il est obligé de quitter la Hollande et de se fixer à Berlin.

Comme les autres matérialistes français, il continue la physique de Descartes (V.) et le sensualisme de Locke (V.). D’après lui, la substance matérielle est une ; elle revêt trois formes qui sont les trois règnes de la nature : organique, végétal et animal (homme compris).

Ses propriétés essentielles sont l’étendue, le mouvement envisagé comme activité interne de la matière et la sensibilité. Ces propriétés sont inhérentes aux plantes et aux animaux aussi bien qu’à l’homme Entre ces trois règnes, la différence est seulement quantitative et non qualitative : l’homme possède un degré de sensibilité plus élevé et une intelligence plus grande, par rapport aux animaux.

La Mettrie lutte résolument contre la conception idéaliste de l’âme qui est celle de Locke ; par âme, il entend la capacité qu’a l’homme de sentir et de penser. Grâce aux sens, l’homme est capable de penser ; les sens sont un guide sûr dans la vie courante. La Mettrie repousse le dualisme de l’âme et du corps et donne une interprétation matérialiste de l’âme : pour lui, les phénomènes psychiques dépendent entièrement des états du corps.

Dans « L’homme-machine », La Mettrie assimile l’organisme humain à un mécanisme extrêmement complexe et s’efforce d’expliquer les phénomènes physiologiques par les lois de la mécanique. Comme tous les matérialistes français, il comprend les faits de la nature en mécaniste et en métaphysicien. Dans « L’homme-plante » (1747) et l’« Art de jouir » (1750) La Mettrie parle du perfectionnement graduel des êtres organiques, et arrive très près de l’idée d’évolution.

En ce qui concerne les faits sociaux, sa démarche est idéaliste : la vie sociale est fonction des intérêts des hommes, qui dépendraient à leur tour des idées dominantes. Les opinions politiques de La Mettrie reflètent son étroitesse bourgeoise. Il identifie la liberté de la propriété privée et la liberté de l’homme.

Les indigents n’ont pas besoin de liberté ; ce qu’il leur faut, c’est la religion. Un souverain « raisonnable » assurerait la prospérité générale. La Mettrie attribue une portée décisive à l’instruction.


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