Si le « rapport secret » ne fut pas publié en URSS avant 1989 et si son existence même était un non-dit, le document parvint dans les pays capitalistes qui s’empressèrent de le publier dans son intégralité.
Cela fut fait par le New York Times le 5 juin 1956, Le Monde le 6 juin 1956 et dans la version dominical du Guardian, appelé The Observer, le 10 juin 1956.
C’est la CIA qui obtint le document par l’intermédiaire des services secrets israéliens, qui eux-mêmes l’avaient obtenu par un journaliste polonais juif tombé dessus par hasard en rendant visite à sa petite amie travaillant comme apprentie secrétaire pour le premier secrétaire du Parti en Pologne.
Il est toutefois tout à fait possible qu’il s’agisse d’une légende et que le document fut fait passer exprès à l’Ouest à l’initiative de Nikita Khrouchtchev et de ses partisans.
La publication indirecte d’un tel document déboussola en tout cas totalement le Mouvement Communiste International. Le Parti Communiste italien, par la voix de Palmiro Togliatti en fut immédiatement satisfait tout en exprimant ouvertement le regret qu’il n’aille pas plus loin quant à la lutte contre une dégénérescence de l’URSS, ce que la résolution du PCUS sur « Le dépassement du culte de la personnalité et ses conséquences » trouve d’ailleurs dommageable.
Le Parti Communiste Français, dont Maurice Thorez, Jacques Duclos et Pierre Doize étaient à Moscou pour le XXe congrès, était bien plus réticent. Il accompagne finalement le processus, mais avec prudence.
La Chine populaire soutint le mouvement initialement, mais les dissensions en son sein s’exprimèrent et la grande bataille anti-révisionniste commença.
Mais, surtout, le « rapport secret » eut un impact dévastateur dans les pays de l’Est européen, nés du principe de démocratie populaire formulée justement à l’époque de Staline.
En République Démocratique Allemande, il scella le tournant révisionniste déjà entamé. Dès le 4 mars, le dirigeant du SED Walter Ulbricht expliqua dans Neues Deutschland, l’organe du Parti, que :
« On ne peut pas compter Staline parmi les classiques du marxisme. »
Tout comme le Tchécoslovaque Klement Gottwald revint gravement malade de l’enterrement de Joseph Staline, le dirigeant du Parti polonais Bolesław Bierut tomba malade à la fin du XXe congrès et décéda. Dans les deux cas, la thèse de l’assassinat ne laissa guère de doutes. Le successeur de Bolesław Bierut, Edward Ochab, dut faire face à une révolte immédiate en liaison avec une hausse des prix décidée ; la répression qu’il décida fit 90 morts et 900 blessés.
Pour cette raison, c’est Władysław Gomułka, autrefois emprisonné pour sa ligne contre-révolutionnaire, qui fut mis à la tête du Parti le 21 octobre 1956. Il prôna une « voie polonaise au socialisme » et obtint le départ des nombreux officiers soviétiques chapeautant l’armée polonaise et même le poste de ministre de la défense, avec le maréchal Constantin Rokossowki (d’origine polonaise).
L’écho fut immédiat en Hongrie : dès le 23 octobre, des milliers d’étudiants détruisirent à Budapest un monument en l’honneur de Staline. Les chars soviétiques arrivèrent dans la ville dès le lendemain, mais la situation se calma relativement avec l’arrivée au pouvoir du réformiste Imre Nagy, qui obtint le départ des chars le 30 octobre.
Cela jeta de l’huile sur le feu et les opposants commencèrent une chasse aux communistes dans Budapest. Lorsque Imre Nagy parla de quitter le pacte de Varsovie, les chars soviétiques revinrent et écrasèrent l’insurrection du 4 au 15 novembre 1956, faisant 5 000 morts et 60 000 prisonniers.
L’initiative de Nikita Khrouchtchev bouleversait réellement la situation et apparaissait comme un coup de tonnerre dans un ciel serein – même si ses fondements étaient en réalité profondément enracinés à partir de la grande polémique lancée par Eugen Varga dans l’URSS de l’immédiate après-guerre.