a) Le Panama, le Canada, le Groenland
b) L’unité de l’oligarchie de la « tech » autour de Donald Trump
c) L’Agenda 47, l’État profond et la théorie de l’exécutif unitaire
d) Le capital financier sur le devant de la scène
e) Donald Trump, c’est l’irruption américaine dans la bataille pour le repartage du monde
Donald Trump prend la présidence de la superpuissance impérialiste américaine en janvier 2025, afin de modifier radicalement les choses. Les États-Unis ne doivent plus rester la superpuissance dominante maintenant son hégémonie : il s’agit désormais de bouleverser l’ordre mondial, afin qu’un nouveau cycle d’hégémonie s’installe, dans un cadre différent.
C’en est fini des initiatives visant à réimpulser le capitalisme américain au moyen des initiatives du type LGBT, et d’ailleurs les hauts responsables de la « tech » initialement sur cette ligne ont capitulé et rejoint Donald Trump. Désormais, il s’agit de cogner, lourdement, afin de briser la superpuissance impérialiste chinoise avant qu’elle ne parvienne pas au même niveau militaire que la superpuissance impérialiste américaine.
Donald Trump, c’est la fin de la passivité américaine ; c’est le repli sur soi pour faire du pays une base forte capable d’une intervention massive. Donald Trump, c’est la guerre impérialiste.
Donald Trump, avec ses propos sur le Panama, le Canada et le Groenland, a montré une fois de plus qu’au-delà de l’apparence grotesque qu’il donne, il y a tout un agenda impérialiste qui est distillé.
Ses propos sur le Canada sont, d’ailleurs, le pendant du « mur » mexicain. Dans la perspective visant à ré-impulser le capitalisme américain, le Mexique joue un rôle particulier, servant d’arrière-cour industrielle, en remplacement de la Chine.
Mais la fraction de la bourgeoisie la plus agressive voit cela d’un très mauvais œil, car renforcer le Mexique c’est potentiellement jouer avec le feu de par l’importance toujours plus grande de la population latino-américaine dans la population américaine.
Le Mexique étant également des États-Unis, une entité fédérale, il y a le risque d’une expansion mexicaine dans quelques décennies si les choses tournent mal.
Aussi, Donald Trump est-il contre l’immigration, n’a cessé de faire du « mur » à la frontière mexicaine le symbole de l’affirmation américaine, et fort logiquement il y a l’idée d’intégrer le Canada, dont la population est culturellement largement américanisée.
Fin novembre 2024, le premier ministre canadien Justin Trudeau s’est rendu à Mar-a-Lago, en Floride, pour rencontrer Donald Trump. Quatre jours auparavant, Donald Trump avait annoncé vouloir imposer 25 % de droits de douane à l’encontre du Mexique et du Canada.
Justin Trudeau a lors du repas affirmé que si Donald Trump fait appliquer ces droits de douane, cela aurait comme conséquence de « complètement » tuer l’économie canadienne. Le Canada est totalement dépendant de son rapport avec la superpuissance impérialiste américaine, en effet, fournissant d’un côté 75% de ses propres exportations (dont quatre millions de barils de pétrole par jour), et de l’autre achetant même plus aux États-Unis que la Chine, le Japon, la France et le Royaume-Uni réunis.
Donald Trump a alors simplement répondu qu’il fallait que « le Canada devienne le 51e État américain », et qu’être premier ministre au Canada était pour Justin Trudeau « une très bonne fonction, mais qu’il pourrait toujours être gouverneur du 51e État ».
Ces propos ont été tenus alors qu’à table il y avait du côté canadien le ministre de la Sécurité publique Dominic LeBlanc et la cheffe de cabinet du premier ministre Katie Telford, et du côté américain le gouverneur et futur secrétaire à l’Intérieur Doug Burgum, le futur secrétaire au Commerce Howard Lutnick, le futur conseiller à la Sécurité nationale Mike Waltz.
Le 25 décembre, sur les réseaux sociaux, Donald Trump a repris ce thème, disant que « De nombreux Canadiens veulent que le Canada devienne le 51e État ». Donald Trump parle également de Justin Trudeau comme d’un « gouverneur » et a dit des Canadiens : « Ils économiseraient massivement sur les impôts et la protection militaire. Je pense que c’est une excellente idée. 51e État !!! ».
Et encore : « «Si le Canada devenait notre 51e État, leurs impôts seraient réduits de plus de 60%, leurs entreprises doubleraient immédiatement de taille et ils seraient protégés militairement comme aucun autre pays au monde. »
C’est de la provocation, mais cela exprime une réelle perspective expansionniste. La superpuissance impérialiste américaine, pour tenir face à la Chine, a besoin de renforcer son propre poids démographique et géographique. L’absorption du Canada est une réelle perspective impérialiste, pas un fantasme.
Donald Trump a également parlé du Panama et du Groenland, et là on est dans une logique « géostratégique ».
Le Panama n’existe pas, c’est un pays fictif inventé par les États-Unis afin de prendre le contrôle du territoire du futur canal du Panama, aux dépens de la Colombie. Le canal a été construit dans la foulée et ouvert en 1914, restant sous contrôle américain direct jusqu’en 1999.
Le 25 décembre 2024, sur les réseaux sociaux, Donald Trump a dénoncé un contrôle chinois qui existerait sur ce canal désormais : «Joyeux Noël à tous, y compris aux merveilleux soldats chinois qui exploitent avec amour, mais illégalement, le canal de Panama ». Il a également parlé des Panaméens comme étant des arnaqueurs « bien au-delà de leurs rêves les plus fous ».
Il avait déjà exprimé la même chose le 21 décembre 2024. Parlant du canal, il a dit que « c’était seulement au Panama de le gérer, pas à la Chine ou à qui que ce soit d’autre ». Il a affirmé que « Notre marine et notre commerce sont traités de manière particulièrement injuste » et que « Les droits (de passage) que font payer le Panama sont ridicules ». Par conséquent, « cette “arnaque” totale de notre pays cessera immédiatement ».
Donald Trump a revendiqué l’hégémonie américaine : « Nous ne le laisserions ni le laisserons JAMAIS tomber entre de mauvaises mains ». Et si le Panama n’était pas en mesure d’obéir aux injonctions de maintenir « le fonctionnement sûr, efficace et fiable », alors « nous exigerons alors que le canal de Panama nous soit restitué, en totalité, et sans discuter ».
On a ici une perspective très agressive, correspondant à la volonté d’affronter la superpuissance impérialiste chinoise qui commence justement à s’implanter en Amérique latine. La Chine est très présente au Pérou, mais également au Panama, où d’ailleurs deux des cinq ports sont contrôlées par des entreprises chinoises.
Par ailleurs, les échanges entre la Chine et l’Amérique latine sont passés de de 12 milliards de dollars en 2000 à 415 milliards en 2020. Donald Trump, dont l’objectif est de briser la Chine, sait que la question latino-américaine est un premier pas nécessaire, d’autant plus que la « doctrine Monroe » présuppose que tout le continent américain relève de l’hégémonie complète des États-Unis.
C’est, qui plus est, une réaffirmation de l’hégémonie américaine, à laquelle tout le monde doit se soumettre, volontairement et complètement. Il est évident qu’on est là dans une perspective impérialiste et de tels propos remettant en cause la souveraineté du Panama aurait dû provoquer un scandale mondial. Ce n’est évidemment pas le cas.
Enfin, on a le Groenland. Donald Trump en a parlé sur les réseaux le 25 décembre 2024 également. « Les habitants du Groenland dont les États-Unis ont besoin pour leur sécurité nationale, veulent que les États-Unis soient présents, et nous le serons ! » a-t-il dit.
Il avait déjà, le 22 décembre 2024, formulé la chose, de la manière suivante : : « Pour des raisons de sécurité nationale et de liberté dans le monde, les États-Unis estiment que la propriété et le contrôle du Groenland sont une nécessité absolue ».
Là encore, on est dans l’impérialisme. Les États-Unis avaient déjà tenté en 1867 de s’approprier ce territoire de plus de deux millions de km² (pour 56 000 habitants aujourd’hui), proposant un achat au Danemark, au même moment où l’Alaska était achetée à la Russie. Il y eut une tentative similaire juste après la seconde guerre mondiale.
Ce qui est en jeu, ce sont deux choses. Il y a d’une part l’appropriation d’un immense territoire qui va devenir toujours plus accessible avec le réchauffement climatique. Il y a d’autre part l’axe dit GIUK pour Groenland, Iceland, United Kingdom, c’est-à-dire un axe maritime du Groenland à l’Islande et de l’Islande au Royaume-Uni.
Cet axe joue un rôle essentiel pour le maintien d’une ligne de contact (SLOC – Sea Lines Of Communication) entre la superpuissance impérialiste américaine et le Royaume-Uni, tout en bloquant efficacement la Mer Atlantique à tous les autres pays européens à part la France, l’Espagne et le Portugal.
Comme on le voit, tout ceci est tout à fait calculé. Donald Trump n’a pas abordé par hasard ce thème ; lorsqu’il remet en cause la souveraineté du Panama, du Canada et du Groenland, ses intentions sont claires. On est ici dans l’affirmation impérialiste agressive.
Christopher A. Wray a été nommé à la tête du FBI depuis 2017, pour un mandat de 10 ans ; il a cependant décidé de démissionner en janvier 2025, sachant que s’étant opposé à Donald Trump, il serait dans le collimateur. C’est un exemple significatif du bouleversement que la seconde élection de Donald Trump à la présidence américaine implique historiquement. Il y a un alignement général qui s’effectue, une véritable restructuration. C’est vrai pour l’administration comme du côté des dirigeants économiques.
Karoline Leavitt, une porte-parole de Donald Trump, a pu en ce sens expliquer après l’élection de Donald Trump que :
« Le président Trump a construit le mouvement politique le plus vaste de l’histoire, porté par les Américains de la classe ouvrière auxquels se joignent des dirigeants de la Silicon Valley et de Wall Street.
Il n’est même pas encore à la Maison Blanche et le président Trump est déjà en train d’unir tous les Américains par le succès. »
La Silicon Valley s’en est effet soumise, comme en témoigne la question de la cérémonie d’investiture à la présidence américaine.
Une telle cérémonie relève d’un comité, composé de six membres, appartenant à la majorité et à la minorité tant de la Chambre des représentants que du Sénat. C’est une manière de légitimer le nouveau président, avec la reconnaissance ouverte de celui-ci par la minorité. Rappelons qu’aux États-Unis d’Amérique, tout est divisé entre Républicains et Démocrates, c’est-à-dire entre bourgeois conservateurs et bourgeois modernistes.
Or, ce comité de la cérémonie d’investiture reçoit des dons. Et ce qu’on a pu constater est très révélateur. Le dirigeant d’OpenAI, Sam Altman, a fait une donation personnelle d’un million de dollars. On parle ici de celui qui a été une figure des Démocrates durant le premier mandat de Donald Trump. Sam Altman a expliqué que :
« le président Trump conduira notre pays dans l’âge de l’intelligence artificielle et je suis impatient de soutenir ses efforts pour garantir que l’Amérique reste en tête ».
Le dirigeant de Meta (soit Facebook et Instagram), Mark Zuckerberg, a donné la même somme. Le dirigeant d’Uber Technologies, Dara Khosrowshah, a fait de même. Le dirigeant d’Amazon, Jeff Bezos, a pareillement donné un million de dollars, et la cérémonie sera diffusée en stream sur Amazon Prime.
Toutes ces donations se sont produites du jour au lendemain, en l’espace d’une semaine. Ce n’est pas tout, certains dirigeants sont allés directement voir Donald Trump à Mar-a-Lago en Floride. C’est le cas du dirigeant de Google Sundar Pichai, accompagné d’un des fondateurs de Google, Sergey Brin. Il y a également le dirigeant d’Apple Tim Cook.
Très symbolique, le dirigeant de Meta Mark Zuckerberg est venu à Mar-a-Lago en novembre. Lors de sa venue a été joué l’hymne américain chanté par des accusés de l’assaut du Capitole par des partisans de Donald Trump du 6 janvier 2021. Le compte Facebook de Donald Trump avait été alors suspendu, et désormais c’est l’acceptation complète de Donald Trump.
Le New York Times, un grand organe de presse américain, relevant de la bourgeoisie moderniste des Démocrates, a qualifié cela et toute la soumission des responsables de la « tech » américaine de « grande capitulation » dans son éditorial du 20 décembre 2024.
Mais quand on parle de « tech », on doit comprendre qu’il s’agit également des médias. ABC News, qui appartient à la Walt Disney Company (farouchement capitaliste moderniste), a fait profil bas sur la question d’une accusation de viol à l’encontre de Donald Trump, acceptant de remettre quinze millions de dollars au futur musée ou à la future bibliothèque du président, ainsi qu’un million de dollars pour payer les frais de procès, à quoi s’ajoute des déclarations d’excuses d’ABC News.
Time Magazine a fait de Donald Trump sa « personnalité de l’année » ; cette revue est possédée par Marc Benioff, le dirigeant de Salesforce (gestion de solutions client, valorisé à 300 milliards de dollars), qui a expliqué que c’était « une époque de grande promesse pour notre nation ». On parle ici d’un fervent partisan des Démocrates, qui a distribué des centaines de millions de dollars de sa propre fortune pour des hôpitaux et la recherche médicale.
On a encore un démocrate avec Marc Andreessen, un super capitaliste du domaine de l’Internet, à l’origine du premier navigateur (Mosaic), ainsi que du navigateur Netscape, avec des investissements divers et variés (eBay, Pinterest, Twitter, Facebook…). C’est désormais un cadre de l’équipe de Donald Trump.
Selon lui :
« C’est le matin en Amérique, donc je suis très heureux (…).
C’est que « les gens sortent enfin la tête de la toundra glacée de la culture et se rendent compte qu’il est tout à fait normal de construire des choses, d’embaucher au mérite, de célébrer le succès et d’être fondamentalement fiers du pays et patriotes ».
On retrouve également Mark Pincus, le dirigeant du producteur de jeux vidéos Zynga, lui-même ayant été le premier financeur de Napster, et investi dès le départ dans Facebook, Snapchat, Twitter… Lui aussi a soutenu les démocrates, lui aussi a donné des millions à de multiples œuvres caritatives… Lui aussi a rejoint Donald Trump.
Voici l’argumentaire pour soutenir Donald Trump de David Marcus, ancien président de PayPal, notamment passé par Facebook.
« Je franchis le Rubicon et je soutiens le Parti républicain et le président Trump.
Beaucoup de gens, y compris une ancienne version de moi-même, se retrouvent prisonniers d’un cadre mental qui devient leur identité et les empêche de faire évoluer radicalement leur pensée avec de nouveaux faits et informations. Je me suis enfin libéré de ce cadre.
Mon parcours a été un virage politique progressif à 180 degrés par rapport à la position que j’avais lors de chaque élection précédente. Ce fut un processus révélateur de désenchantement, de remise à zéro des croyances de toute une vie et de reconstruction à partir de là. »
On est là dans l’idéalisme, dans un fourre-tout incohérent, mais ce qui compte, c’est de voir qu’il y a une « utopie » capitaliste, une dynamique agressive de développement. Cela correspond à l’impérialisme.
Il faut ici noter que l’ensemble des acteurs des cryptomonnaies se sont également tournés vers Donald Trump. Sont allés à Mar-el-Lago ou bien ont fait ouvertement allégeance des figures de ces milieux financiers comme Brad Garlinghouse qui dirige Ripple (avec sa cryptomonnaie XRP), Michael Saylor qui est le dirigeant de MicroStrategy (qui possède des dizaines de milliards de dollars de Bitcoin), ou bien encore Brian Armstrong, le dirigeant de Coinbase, la plus grande plate-forme américaine d’échange de cryptomonnaies.
Donald Trump a, dans ce cadre, nommé David Sacks, un ancien de PayPal, comme conseiller sur l’IA et les cryptomonnaies. C’est bien évidemment un proche d’Elon Musk, qui lui a été nommé comme dirigeant du « département de l’efficacité[ gouvernementale ».
Les travaux de ce « département » se termineront pour le 4 juillet 2026 et ainsi le 250e anniversaire de la déclaration d’indépendance américaine, ce qui sera selon Donald Trump un « cadeau parfait à l’Amérique ».
Elon Musk, à la tête de Tesla, de Twitter devenu X, ainsi que de SpaceX, joue un rôle fondamental dans le dispositif de Donald Trump. En 2020, au sujet de la Bolivie, Elon Musk avait déjà notamment exprimé une telle logique impérialiste, disant « Nous ferons un coup d’État contre qui nous voulons ! Faites avec ».
S’il mérite une longue analyse en tant que tel, il suffit ici de comprendre qu’il relève d’une nouvelle oligarchie née du développement de la « tech ».
On est ici dans le cas de personnes entreprenantes, brillantes et intelligentes, ayant accompagné ce saut technologique, se retrouvant la tête de grandes fortunes et basculant dans la démesure.
Elon Musk est par ailleurs épaulé pour son « département » par Vivek Ramaswamy, un milliardaire venant des biotechnologies dans l’industrie pharmaceutique. Ce « tandem » a publié une tribune dans le Wall Street Journal, le
20 novembre 2024. On y lit notamment :
« Le président Trump nous a tous deux chargés de diriger un département de l’efficacité gouvernementale pour réduire la taille de l’Etat, écrivent-ils en préambule.
La bureaucratie enkystée et en croissance constante représente une menace permanente pour notre république, et les politiques l’ont encouragée depuis trop longtemps.
C’est pour cela que nous allons faire différemment. Nous sommes des entrepreneurs, pas des politiques. »
Cette démarche n’est pas liée qu’à la « tech », et on peut conclure avec une initiative incroyablement grotesque. Donald Trump a en effet nommé comme ministère de l’Education Linda McMahon, une milliardaire de 76 ans qui a mis en place le World Wrestling Entertainment (WWE), la principale structure pour le catch ! On parle ici de mises en scène spectaculaire, avec des bons et des méchants, toute une narration divertissante.
On est vraiment dans la prise du pouvoir de la grande bourgeoisie liée au 24 heures sur 24 du capitalisme.
Les intérêts des représentants la « tech » sont ouvertement affichés dans l’Agenda 47, le programme électoral de Donald Trump. Citons le tout de suite pour voir qu’il n’existe aucune ambiguïté à ce sujet.
« Les républicains ouvriront la voie à la grandeur économique future en étant les chefs de file mondiaux dans les industries émergentes.
Crypto
Les républicains mettront fin à la répression illégale et anti-américaine des crypto-monnaies par les Démocrates et s’opposeront à la création d’une monnaie numérique de banque centrale.
Nous défendrons le droit de miner du Bitcoin et veillerons à ce que chaque Américain ait le droit de disposer de ses actifs numériques et d’effectuer des transactions sans surveillance ni contrôle du gouvernement.
Intelligence artificielle (IA)
Nous abrogerons le dangereux décret exécutif de Joe Biden qui entrave l’innovation en matière d’IA et impose des idées de gauche radicale sur le développement de cette technologie.
À sa place, les républicains soutiennent le développement de l’IA enraciné dans la liberté d’expression et l’épanouissement humain.
Développer la liberté, la prospérité et la sécurité dans l’espace
Sous la direction des Républicains, les États-Unis créeront une industrie manufacturière robuste en orbite proche de la Terre, renverront des astronautes américains sur la Lune, puis sur Mars, et renforceront leurs partenariats avec le secteur spatial commercial en pleine expansion pour révolutionner notre capacité à accéder, à vivre et à développer des actifs dans l’espace. »
Derrière l’Agenda 47, il y a une intense réflexion stratégique de la part de la bourgeoisie la plus agressive. Il avait justement déjà été parlé de la Heritage Foundation, fondée en 1973 et jouant le rôle de « think tank » de Donald Trump au moyen du document « Project 2025 » publié en 2022.
Dans ce document, la Chine est présentée comme l’ennemie stratégique. C’est le même document qui sert d’arrière-plan au programme de Donald Trump, le choix du nom Agenda 47 faisant référence à la 47e présidence américaine.
Donald Trump a admis ce lien en 2023, mais remis en cause en 2024, afin de ne pas se faire piéger politiquement lors des élections et faire preuve d’une pseudo-indépendance par rapport aux cercles conservateurs.
Cela ne change rien au caractère extrêmement agressif de l’Agenda 47, qui touche à une multitude de domaines et promet des changements très denses.
Voici les 20 points principaux officiellement résumés dans le cadre de l’Agenda 47.
« 1. Fermer la frontière et arrêter l’invasion des migrants
2. Réaliser la plus grande opération d’expulsion de l’histoire américaine
3. Mettre fin à l’inflation et rendre l’Amérique à nouveau abordable
4. Faire de l’Amérique le premier producteur d’énergie au monde, et de loin !
5. Stopper l’externalisation et transformer les Etats-Unis en une superpuissance industrielle
6. De fortes réductions d’impôts pour les travailleurs et pas d’impôt sur les pourboires !
7. Défendre notre constitution, notre déclaration des droits et nos libertés fondamentales, y compris la liberté d’expression, la liberté de religion et le droit de détenir et de porter des armes
8. Prévenir la troisième guerre mondiale, rétablir la paix en Europe et au Moyen-Orient et construire un grand bouclier antimissile de type dôme de fer sur l’ensemble de notre pays – tout cela fabriqué en Amérique
9. Mettre fin à la militarisation du gouvernement contre le peuple américain
10. Arrêter l’épidémie de criminalité des migrants, démolir les cartels de la drogue étrangers, écraser la violence des gangs et enfermer les délinquants violents
11. Reconstruire nos villes, y compris Washington DC, en les rendant à nouveau sûres, propres et belles.
12. Renforcer et moderniser notre armée, en la rendant, sans aucun doute, la plus forte et la plus puissante du monde
13. Conserver le dollar américain comme monnaie de réserve mondiale
14. Lutter pour et protéger la sécurité sociale et l’assurance maladie sans coupes budgétaires, y compris sans modifier l’âge de la retraite
15. Annuler l’obligation des véhicules électriques et réduire les réglementations coûteuses et contraignantes
16. Réduire le financement fédéral de toute école qui promeut la théorie critique de la race, l’idéologie radicale du genre et tout autre contenu racial, sexuel ou politique inapproprié sur nos enfants
17. Éloigner les hommes des sports féminins
18. Expulser les radicaux pro-Hamas et rendre nos campus universitaires à nouveau sûrs et patriotiques
19. Sécuriser nos élections, y compris le vote le jour même, l’identification des électeurs, les bulletins de vote papier et la preuve de citoyenneté
20. Unir notre pays en l’amenant à des niveaux de réussite nouveaux et records
Lorsque l’Amérique est unie, confiante et attachée à ses principes, elle ne faillira jamais. Aujourd’hui et ensemble, avec l’amour de notre pays, la foi en notre peuple et la confiance en la grâce de Dieu, nous rendrons à l’Amérique sa grandeur !»
Ce qu’on note, en filigrane, c’est le caractère utopique proposé à destination des masses, avec comme outil la dénonciation de l’État profond. Ce dernier aurait comme but le mondialisme à travers un gouvernement centralisé cherchant à asservir le peuple américain.
C’est un concept paranoïaque petit-bourgeois qui relève de manière typique de la tentative de formuler une troisième voie entre le communisme et le capitalisme. Cela relève en effet de la dénonciation des monopoles, mais sans pour autant remettre en cause le capitalisme.
L’État profond serait un « hold up » des monopoles sur l’État ; il n’y aurait pas besoin de renverser le capitalisme et de détruire l’État, simplement de les remettre sur les bons rails.
Dans les documents et 46 vidéos promouvant l’Agenda 47, on trouve ainsi l’objectif de « démanteler l’État profond et récupérer notre démocratie de la corruption de Washington ». Il s’agit de « détruire l’État profond, assécher le marais et affamer les bellicistes… et chasser les mondialistes de notre gouvernement ».
Il y aura pour cette raison la déclassification et la publication de « tous les documents sur l’espionnage, la censure et la corruption de l’État profond ».
Afin d’asseoir cette « victoire », il y aura l’établissement d’un système d’audit indépendant pour surveiller les agences de renseignement et du déplacement des postes gouvernementaux hors de Washington. Il faut savoir ici que dans cette ville, qui est la capitale fédérale, 92,5 % des votants se sont tournés vers Kamala Harris, et seulement 6,6 % pour Donald Trump !
Et il y aura d’ailleurs dix nouvelles villes, des « villes de la liberté », construites dans des États moins développés. C’est littéralement une transformation majeure de l’appareil d’État que vise Donald Trump.
C’est conceptualisé sous le nom de « théorie de l’exécutif unitaire ». Ce concept date des années 1980 avec le président américain Ronald Reagan, mais dès la mise en place de la constitution américaine, cette position existait.
Le principe est simple et se rapproche de la conception française de la Ve République, avec un président qui est au sommet de la pyramide de l’Exécutif, et possède donc le droit de révoquer ce qui est en dessous de lui, de faire et défaire les politiques menées, de décider de l’esprit général de l’administration.
Donald Trump a résumé les choses ainsi en 2019 : « J’ai un article II, où j’ai le droit de faire ce que je veux en tant que président ». Cela fait référence au deuxième article de la constitution américaine, plus précisément à deux clauses qu’on y trouve.
Dans la première, à la section 1, on lit que « Le pouvoir exécutif sera conféré à un président des États-Unis d’Amérique ». Dans la cinquième de la section 3, il est dit du président qu’« il veillera à ce que les lois soient fidèlement exécutées, et commissionnera tous les fonctionnaires des États-Unis ».
Ce qui est en jeu ici, c’est la nature fédérale des États-Unis. Il y a un grand affrontement entre les tenants du pouvoir au niveau de chaque État et les partisans d’un centre puissant. Le paradoxe est que Donald Trump prône un centre puissant… Tout en affirmant rejeter l’État central.
Cette incohérence apparente n’existe que du point de vue européen. Les États-Unis ne sont, en effet, ni une république comme la France, ni un État fédéral comme l’Allemagne. Il vaut mieux parler d’une unité sur un mode impérial.
Le centre agit comme grand coordinateur général et comme acteur central ayant le plus de poids, mais tout fonctionne cependant de manière séparée. Si on vend par exemple une marchandise d’un État américain à un autre, il faut payer des taxes, différentes selon les États.
La tradition d’un président fort, garant des « libertés » des États fédérés et de la population remonte à l’élaboration de la Constitution en tant que telle en 1787, qui n’a été mise en place que dans un second temps après l’indépendance.
Les Républicains étant d’ailleurs historiquement partisans d’un constant renforcement du fédéralisme et d’un président fort, depuis leur constitution lors de la guerre civile avec la présidence du républicain Abraham Lincoln (1861-1865), où a été écrasée formellement la tendance confédérale avec une centralisation faible, comme le concevait le « Sud ».
La décision d’abolir l’esclavage dans toute la fédération prise par le président Lincoln avait servi d’élément déclencheur à la guerre civile. Au moment de prendre cette décision, les six ministres du gouvernement du président Lincoln se seraient tous prononcé contre ; Lincoln aurait alors dit : « 6 contre et un pour, la décision est donc actée », affirmant ainsi la centralité du pouvoir du président.
Mais la première grande remise en cause du fonctionnement fédéral décentralisé date de la présidence de Richard Nixon, avec toute une culture se développant contre lui et son style. Dans ce cadre, le démocrate Arthur M. Schlesinger Jr publia en 1973 The Imperial Presidency, dénonçant ce qu’il considérait devenir une « présidence impériale »
Si la critique relève du libéralisme propre à la bourgeoisie moderniste, le choix des termes est bien trouvé et n’est d’ailleurs pas de l’auteur de l’ouvrage, datant de plusieurs années auparavant comme concept diffus.
C’est qu’avec Franklin D. Roosevelt et son « New Deal », l’administration présidentielle a pris une place nouvelle, qui n’a cessé de s’agrandir après 1945. Parler du président, c’est parler de la présidence avec une équipe toujours plus nombreuse, et toujours plus influente.
Les attentats du 11 septembre 2001 ont notamment été le point de départ d’un élargissement des prérogatives de l’équipe présidentielle. On peut, si on préfère, considérer que tout est une question de degrés d’intervention de l’équipe présidentielle dans l’administration.
La « théorie de l’exécutif unitaire » exige une intervention forte, comme on le trouve en France avec la Ve République. D’ailleurs, de par la nature du régime américain, le Congrès a fourni 136 pouvoirs remis en urgence au président, dont 13 sans l’aval du congrès, en cas d’état d’urgence.
L’article 16 de la constitution de la Ve République va dans le même sens en France, attribuant des « pouvoirs exceptionnels » au président pendant 30 jours, avant une étude de la situation par le Conseil constitutionnel.
Mais en France, il n’y a pas de dimension fédérale, on reste dans une démarche bonapartiste. Pour les États-Unis, il vaut mieux donc parler de consulat, ou d’empire. La présidence de Donald Trump aura un sens « impérial », pas un sens centralisateur – républicain.
C’est là le point fort mais aussi le point faible des États-Unis ; inévitablement, leur défaite en tant que superpuissance impérialiste hégémonique produira l’implosion rapide de « l’Union ».
On pourrait, on devrait pratiquement dire que l’existence des États-Unis aura été une anomalie ; la révolution mondiale de 1917 aurait dû triomphé, et elle l’aurait fait si les États-Unis n’existaient pas à l’écart, avec un pays colonisé établissant un capitalisme clair et net, sans arrière-plan féodal.
Et si l’existence en tant que fédération « impériale » était très efficace quand il s’agissait de rester sur le mode défensif, pour préserver l’hégémonie, lorsqu’il s’agit de passer à l’offensive, là ce sont les faiblesses qui ressortent, comme le prouve le fait qu’il faut quelqu’un comme Donald Trump pour procéder à la mise en place d’une « présidence impériale ».
Jamie Dimon, le dirigeant de JPMorgan Chase (la plus grande banque américaine) a conseillé et soutenu Donald Trump avant son élection, ce que la banque a démenti initialement, par prudence en ce qui concerne son image.
Cependant, après l’élection, c’était ouvertement la joie du côté des banques, qui ont vu en une journée leur valeur augmentée d’entre 8 % et 13 % à la bourse, que ce soit Citi, Bank of America, JPMorgan, Wells Fargo ou Goldman Sachs.
Les sociétés de crédit ont pareillement pris entre 7 % et 20 % ; on parle de Capital One, de Discover Financial, d’American Express.
David Solomon, président de Goldman Sachs, a envoyé un message dans la foulée à ses employés : « il est clair que la nouvelle administration va apporter des changements politiques potentiellement importants pour notre activité et nos clients ».
C’est que Donald Trump prône la déréglementation, dans un contexte où les banques américaines disposent d’un capital toujours plus grand. Leurs actions ont d’ailleurs plus que triplé depuis 2010 – alors que dans le même temps celles des banques ont reculé de 10 % en Europe.
Les rendements des capitaux propres des banques sont également de 10 % aux États-Unis, contre 5 % en Europe. La différence de qualité et de quantité est énorme entre le capital financier américain et celui européen.
Ce n’est pas tout : la dérégulation touchera également les fusions et acquisitions d’entreprises, qui vont se renforcer aux États-Unis. Et Donald Trump compte faire passer l’impôt des entreprises de 21 % à 15 %.
Cela signifie que le capital financier a les mains libres. Il va pouvoir agir comme bon lui semble et les entreprises vont développer leurs activités, se tournant par conséquent vers le capital financier pour trouver des investissements.
Cela montre que Donald Trump est l’agent du capital financier avant tout, même s’il prétend vouloir réindustrialiser les États-Unis. C’est d’autant plus inévitable que la superpuissance impérialiste américaine est terriblement endettée, à hauteur de 34 600 milliards de dollars (soit 31 800 milliards d’euros).
Le seul moyen d’empêcher l’effondrement en raison de cette dette est que le dollar reste la monnaie capitaliste mondiale par excellence, que tout le système bancaire continue d’être soumis aux États-Unis.
L’aspect principal reste donc le capital financier, cela ne peut pas être le capital industriel, et ici les cryptomonnaies sont littéralement une superstructure du capitalisme américain dans sa tentative de maintenir son hégémonie.
On peut dire le même chose de l’intelligence artificielle, bien qu’ici elle puisse apporter de nombreuses choses utiles. Mais dans son existence même, c’est un outil de domination américaine avant tout, et le style qui va avec l’emploi de l’intelligence artificielle est idéologique avant tout – ce qui se laisse aisément constater quand on a encore un esprit critique et qu’on voit le caractère lisse, uniforme, plat de ce que fournit l’intelligence artificielle.
Donald Trump prétend représenter un rempart face à la guerre mondiale – c’est vrai mais du point de vue américain, et cela implique justement la guerre mondiale, car la paix visée, c’est la paix pour la superpuissance impérialiste américaine seulement.
La « présidence impériale » de Donald Trump représente la tentative offensive de forcer le cours des choses afin d’établir une situation nouvelle où l’hégémonie américaine se perpétue pour plusieurs dizaines d’années encore.
Donald Trump président américain en janvier 2025, c’est un saut qualitatif dans la bataille pour le repartage du monde, puisque la superpuissance dominante assume de s’y lancer.
Il faut se souvenir ici de la définition scientifique du fascisme ; elle a été formulée par Georgi Dimitrov dans le cadre de l’Internationale Communiste, dans les années 1930.
« Le fascisme est la dictature terroriste ouverte des éléments les plus réactionnaires, les plus chauvins, les plus impérialistes du capital financier. »
On n’est pas dans la dictature terroriste ouverte pour la raison qu’il n’y en a pas le besoin historique en terme de répression de la lutte de classe, mais il est évident que les éléments les plus réactionnaires, les plus chauvins, les plus impérialistes du capital financier prennent les commandes de la superpuissance impérialiste américaine.
Il ne s’agit plus pour elle de maintenir ses positions – elle prend l’initiative, elle entend chambouler l’ordre mondial pour ouvrir tout un nouveau cycle d’hégémonie.
C’est le monde entier qui va voir sa situation ébranlée par cette irruption de la superpuissance impérialiste américaine dans la bataille pour le repartage du monde, issue de l’ouverture en 2020 de la seconde crise générale du capitalisme.